Merci à Lovro Pogorelich d'avoir répondu aux questions
ainsi qu'à sa femme Nina de son aide pour la réalisation
de cette page.
Biographie commentée
Lovro Pogorelich est né le 6 septembre 1970 à Belgrade
. Il a baigné dès la plus tendre enfance dans un univers
musical, son frère aîné Ivo est également
pianiste réputé : "J'ai commencé à
jouer du piano à l´âge de 6 ans. Le piano étant
depuis toujours à la maison, il n'y avait pas de découverte
à proprement parler. Mon père était musicien et
pour les enfants des musiciens il est naturel d'apprendre doucement
à coté de leur parents. Mon père inventait
lui-même des jeux pour les enfants. Je me rappelle les notes énormes,
marquées sur de grands bouts de papiers et dispersées
dans tous les coins de notre appartement, en diverses couleurs, naturellement.
Il combinait des histoires extraordinaires et de la musique. C'était
rigolo et amusant. Pour les enfants, il n'y a probablement rien de pire
qu'un enseignement ennuyeux - ça, c'est un do dièse ;
ça, c'est un fa dièse... Une horreur! Quand j'étais
petit, il y a aussi eu quelques rares tentatives de la part de mon frère
pour m'enseigner des choses, mais elles n´ont jamais abouti. Il
n'est probablement pas naturel d'être formé par un frère
ou une sur. "
A l'âge de douze ans il devient l'élève du pianiste
russe Konstantin Bogino : "C'est Evgenij Timakin, le professeur
de mon frère, qui l'a recommandé à mes parents
comme un choix idéal pour moi. Ce qui importe chez un professeur,
n'est pas seulement qu'il soit bien, mais qu'il convienne à l'élève.
Mes prédispositions physiques et musicales étaient très
spécifiques et il fallait quelqu'un qui sache comment travailler
avec moi. Il a été pour moi un professeur idéal.
Aujourd'hui nous sommes toujours en contact et je suis en excellents
rapports avec lui, depuis plus de 25 ans. Il m'a enseigné
à Belgrade, et au début des années quatre-vingt
il est venu à Paris. Il m'a enseigné exclusivement à
titre privé. J'ai eu aussi d'autres professeurs mais ils ne se
sont pas montrés comme très importants. Au fond c'était
à moi de leur enseigner..."
Un an plus tard Lovro Pogorelich donne son premier récital
: "J'ai joué la Première sonate de Ludwig van
Beethoven, les études de Chopin et de Liszt, la Toccata de Schumann
(je vous ai dit que j'avais eu les prédispositions spécifiques)
et certaines compositions de Rachmaninov. Tout le monde était
ravi (c'est une chose naturelle quand le pianiste a 13 ans) et j'étais
content de ce commencement."
A l'âge de 15 ans, Lovro Pogorelich donne son premier concert
en tant que soliste avec l'orchestre de Dubrovnik, interprétant
le concerto de Schumann :"Ce concert, je ne pouvais l'attendre...Une
nouvelle expérience de son et de pratique de la musique, le concert
a été un grand succès, et je rêvais de jouer
de nouveau, l'année suivante, tous les autres célèbres
concertos pour piano...Depuis j'ai joué nombreuses fois
ce concerto de Schumann et il était une sorte de standard dans
mon répertoire, jusqu'il y a 10 ans".
En 1992, son diplôme de l'Académie de Zagreb en poche,
Lovro Pogorelich s'installe quelque temps à Paris : "Je
ne suis pas venu à Paris pour faire des études. J'étais
financé par la fondation du Crédit National pour jouer
aux concerts et pour enregistrer un CD en France. A l'âge de vingt-deux
ans j'étais déjà un pianiste et un artiste formé.
Cela aurait été une chose difficile, d'avoir une quelconque
influence sur moi à cet âge. Je pense qu'à cet âge
on doit être capable de voir soi-même comment se perfectionner
et dans quels champs. C'est une chose qui me surprend aussi aujourd'hui
de voir les gens âgés de 30 ans suivre des séminaires,
masterclasses..."
Si enfant Lovro Pogorelich a également beaucoup joué
au basket, il confie qu'aujourd'hui cela lui semble bizarre et qu'être
pianiste professionnel a été pour lui " toujours
une impulsion naturelle, et qu'il y a 25 ans de cela on trouvait cette
activité très intéressante et respectable".
Depuis 1998, parallèlement à son activité de
concertiste, Lovro Pogorelich enseigne à son tour à l'Académie
de Musique de Zagreb où il vit aujourd'hui, à la question
de savoir si cette activité lui semble utile pour sa propre interprétation
et sa façon d'appréhender l'enseignement il répond
: " L´enseignement peut s´avérer utile pour
l´interprétation, au sens d´une attention accrue
au détail. Pourtant, il faut trouver un équilibre entre
les deux. J´ai souvent eu l´occasion d´entendre jouer
des professeurs sérieux de vrais artistes qui s´étaient
mis à jouer comme des étudiants. J´apprécie
beaucoup les étudiants doués, quand il y en a ; d´ailleurs,
c´est la seule chose qui vaille la peine, sinon, ce serait pénible
et ennuyeux. Les étudiants étant très différents
entre eux, mon approche n´est pas toujours la même. Le savoir
pianistique est quelque chose de très concret et peut être
transmis d´une manière concrète. Des histoires sur
les messages artistiques ne servent le plus souvent qu´à
faire de la frime lors des master class. Ce sont des choses auxquelles
chacun doit parvenir tout seul, au cours de son développement
artistique. Il est absurde d´enseigner la connaissance. On ne
peut enseigner que des modes de penser."
En 1999, il a fondé dans la ville de Pag son propre festival
d'été, dont il assure la direction artistique :"Le
festival dure 2 ou 3 semaines et comprend des récitals et des
concerts de musique de chambre . Y participent des musiciens de nombreux
pays : Russie, États-Unis, France, Italie, Israël, Grande-Bretagne,
Autriche, Danemark, Finlande, Estonie, Suisse, Hongrie, les Pays-Bas,
Allemagne, Tchèquie, Slovénie, Serbie et, naturellement,
de Croatie. Nous présentons aussi des expositions et des pièces
de théâtre et pour l'été prochain nous avons
planifié des projections des films et des représentations
avec de la poésie. La chose la plus belle dans cette manifestation
sont les petites conversations sur l'art, après les concerts,
en pleine nuit".
Lovro Pogorelich donne nombreux concerts dans le monde entier, Le public
français l'a découvert en 1992, lors de la première
édition du Festival international de Cannes, que dirige Gabriel
Tacchino. Depuis il a arpenté les plus grandes salles mondiales,
du Suntory Hall (Tokyo) au Lincoln Center (New York) en passant par
la plupart des pays européens, et à la question de savoir
quels sont les pays où ils préfère jouer il répond
: "Des choses différentes me plaisent suivant les pays
: En Scandinavie il me plaît particulièrement la paix,
l'ordre, le froid, la lumière de Soleil du Nord et en Russie
le rapport vis-à-vis de l'artiste qui ne s'est pas changé
depuis le 19ème siècle. En France l'ouverture du public
aux nouveaux arts me plaît ."
Quant à son meilleur souvenir de concert, il confie : "En
Sibérie, dans la Salle des concerts de la Maison de Culture qui
porte le nom de Lenjin, j'ai donné en retard un concert d'une
heure et demie. Le public a patiemment attendu et après le concert
la moitié d'entre les spectateurs m'a apporté des fleurs.
Ils ne m'avaient jamais vu auparavant et probablement n'avaient jamais
rien entendu de moi. Je me sentais comme si j'avais été
Franz Liszt.Je souvent joue en Russie et, personnellement, je
trouve aussi mon récital de l'année dernière dans
la Grande Salle de la Philharmonie de Sankt Petersburg mon meilleur
concert jamais donné, peut-être. Comme je l'ai dejà
dit, jouer en Russie signifie retourner dans le passé au sens
le plus positif. "Lovro Pogorelich donnera un concert en France
au mois de Mai 2009 à la salle Gaveau, un concert qui lui tient
particulièrement à coeur comme celui où il jouera
le deuxième concerto de Prokofiev pour la première fois
à Karlovy Vary (République Tchèque), qu'il renouvellera
à Kuopio (Finlande) et Zagreb.
Son répertoire, son interprétation...
Ne
demandez pas à Lovro Pogorelich quels sont ces compositeurs de
prédilection, il vous répondra juste : "Je n'ai
pas le compositeur préféré, à l'exception
de celui que je joue pour le moment"... cependant le fait qu'il
ait enregistré déjà des oeuvres de Moussorgski,
Rachmaninov, Prokofiev, Liszt ...montre que les compositeurs de l'Est
figurent majoritairement parmi ses favoris. Et il vient d'ailleurs juste
de sortir fin 2008 un nouvel enregistrement des Tableaux de Moussorgski
couplé avec des Préludes de Rachmaninov(voir plus bas).
Il a également enregistré le cinquième concerto
de Beethoven.
Guère plus bavard sur son travail, il confie juste avec humour
quant à sa "méthode" : "J'ouvre le piano
et je joue des heures tous les jours. C'est une méthode qui ordinairement
donne des résultats. C'est une méthode très simple,
seulement elle ne fonctionne pas pour chacun. " Quant à
ce à quoi il attache le plus d'importance dans ses interprétations
: "A l´exactitude par rapport au texte musical."
Mais c'est là trop modestement taire ses grandes qualités
musicales issues de ce travail régulier qui pour ce qui le concerne
a donné d'excellents résultats : déjà après
son premier concert en France en 1992 on pouvait lire dans les colonnes
de Nice Matin : « Voilà un artiste singulier qui divisera
sans doute les opinions. Discutable pour les uns. Fascinant, diront
les autres. Intéressant, en tout cas » . Son
jeu a depuis encore gagné en ampleur, le son en plénitude,
même si Lovro Pogorelich reste de ces artistes portés à
la confidence et à lintrospection. Son brio nest
jamais tapageur, et ses formidables moyens digitaux ne lempêchent
pas de privilégier la couleur, la phrase, la logique musicale
plutôt quune perfection technique un peu vaine.
Lovro Pogorelich joue parfois de la musique de chambre avec des amis
mais il confie : "J'aime jouer les récitals parce que
tout ne dépend que de moi-même. Avec Orchestre et le chef
qui dirige vous ne savez jamais ce qui peut arriver et j'aime donc beaucoup
jouer avec orchestre seulement si l'on s'accorde bien les uns les autres.
La musique de chambre est pour moi seulement une plaisir de passage.
"
Littérature et philosophie nourrissent également son
interprétation : "Jouer est la réalisation de
votre point de vue", quant à la musique qu'il écoute
, Lovro Pogorelich apprécie toutes sortes de musique mais bien
sûr en étant sélectif : "La musique est
ou n'est pas une chose de grande qualité ".
Ecouter...
Modeste Moussorgski (1839-1881)
Tableaux dune exposition | Pictures at an Exhibition
Sergueï Rachmaninov (1873-1943)
Préludes extraits de l'opus 23 et de l'opus 32
Lovro Pogorelich
Après un disque d'oeuvres de Liszt, le pianiste Lovro
Pogorelich revient avec un nouvel enregistrement paraissant également
chez le label Intrada, dans un programme à la mesure de
ses larges et puissantes mains. Celui-ci regroupe des oeuvres
de deux compositeurs russes qu'il a l'habitude de jouer en concert.
Si les "Tableaux d'une exposition" de Moussorgski tout
comme les Préludes de Rachmaninov sont réputés
pour la difficulté de leur exécution, Lovro Pogorelich
montre par ses réponses aux questions qui suivent que là
ne fût pas sa principale préoccupation. Il est vrai
qu'il a déjà démontré un son orchestral
et coloré dans son précédent disque de Liszt,
qu'il renouvelle semble-t-il sans peine dans "Les Tableaux
d'une exposition" de Moussorgski. Quant aux diverses difficultés
techniques contenues dans les Préludes de Rachmaninov,
la sélection qu'il a faite permet encore d'apprécier
la sonorité nuancée mais aussi la fluidité
admirable de son jeu ainsi peut-on le mesurer dans le Prélude
op. 23 n° 7 en écoute durant le mois de janvier 2009....cliquez
ici pour lire la suite et écouter un extrait
Lovro Pogorelich
Liszt
Wouah(orthographe non certifiée..)...c'est l'exclamation
qu'on ne peut retenir à l'écoute du Liszt de Lovro
Pogorelich... comme le dit le texte de présentation inscrit
sur le boitier du disque : " Le croate Lovro Pogorelich
laisse rarement indifférent"...certes non, à
moins d'être complétement sourd nul ne peut rester
indifférent à une telle passion, son jeu vif et
puissant à de quoi remuer les tripes. La main gauche particulièrement
ferme maintient toujours une grande tension....cliquez
ici pour lire la suite
A voir : Lovro Pogorelich plays Bach-Busoni: Chaconne
Recorded at Lisinski Hall Zagreb 30.3. 2010, DOP-director:Zoran Vuletic,
sound engineering: Sasha Miocic, made by NETFILM STUDIO.