Philippe
Schoeller est né le 13 avril 1957, en France. Sa formation
musicale traditionnelle (piano avec J.-C. Henriot, chant choral
dans le Choeur Bach de J. von Websky, harmonie et contrepoint
avec B. Berstel, initiation à la direction d'orchestre
avec G. Dervaux, analyse avec R. Piencikowski) s'est enrichie
d'études en musicologie (licence) et en philosophie (maîtrise
et D.E.A., option Philosophie de l'Art, Paris-Sorbonne). Il est
aussi lauréat des concours internationaux de composition
Antidogma (Turin 1984) et H. Dutilleux (Tours 1990), et a suivi
les cours de Pierre Boulez au Collège de France, les cours
de I. Xenakis à l'Ecole des Hautes Etudes, ou encore les
master-classes de F. Donatoni au C.N.S.M. de Paris.
Rencontré par pianobleu.com lors de la création
pour les Semaines
Musicales de Quimper de 2007 d'une oeuvre pour flûte,
clarinette, piano, violoncelle et récitant d'après
" Pas un bruit ", récit de Marine
ESVELIN (Lauréate 2006 du écrit dans le cadre sur
Concours d'écriture " Plumes et Partition "),
voici présentée ici une autre oeuvre de Philippe
Schoeller, pour piano seul cette fois , écrite en 1999.
Il nous en offre le mp3 et les premiers feuillets manuscrits et
a bien voulu répondre à quelques questions pour
présenter¨"Ö et plus largement son
travail.
Pouvez vous présenter l'uvre
de la partition dont vous proposez aux internautes de jouer le
début ?
Ö - prononcer hö - signifie lumière
dans la langue tibétaine. Ö est dédiée
à Florent Boffard. Flux vibratile. Flux scintillant.
Flux turbulent. Ainsi le piano comme espace micropercussif, traversé
de myriades dimpulsions en autant de contacts légers,
effleurants, des dix doigts sur le clavier, comme des successions
dempreintes danimaux multiples, presque innombrables,
touchant le sol sonore à des vitesses vertigineuses. Entendre
Le flux comme lire toutes les trames feuilletées et transparentes.
Comme autant de sources sonores jaillissantes dun vent de
feutre ou de plumes traversant le piano-Lyre, jusquà
la griffe âpre ou déchirante, aussi. Un piano éolien.
Mais aussi Ö comme paradoxe dun fluide
composé déléments très solides,
insécables, oui , mais flux qui peut à tout moment
se transformer immédiatement donc se rompre. Comme la lumière
transforme sa couleur ou change dénergie, jusquà
la rupture, instantanément, par saut, mais sans léclat
facile et sa bravoure effaçant le mystère. Instant;
vitesse infinie. La forme de cette oeuvre sinscrit à
la mesure de cette image paradoxale: une lumière acoustique
composée datomes, comme un souffle de grains. Sans
oublier les colères des vents de sables.
Quel conseil principal donneriez-vous
aux internautes qui veulent se risquer à la jouer ?
Plonger! Jouer, chanter, mémoriser les empreintes harmoniques,
mesure après mesure, en jouant par coeur les yeux fermés.
Alors, après quelques heures le temps fluide et tranquille
s'installe.
Cette pièce est dédié
au pianiste Florent Boffard pouvez-vous nous présenter
ce pianiste et votre travail avec lui ?
Florent Boffard, quel musicien! Une rencontre, artistique et
humaine, essentielle dans ma vie. A l'époque Florent était
encore pianiste au sein de l'Ensemble Intercontemporain, à
Paris. Et j'étais fasciné par sa vitesse, son intelligence
du son et son approche "guépard" du clavier.
Non pas en terme de virtuosité pure mais en terme de chorégraphie,
de danse digitale
face à cet instrument et comment Florent jouait avec tant
d'élégance les textes les plus échevelés.
Alors Ö est né.
Vous avez vous-même étudié
le piano, cet instrument tient-il une part importante dans vos
compositions ?
Oui, le piano et sa littérature immense. Mais... mais...
une conception de la musique qui appartient à une époque
révolue, à jamais. Même si la structure du
tempérament nous est si familière, ses 88 notes,
son chromatisme standardisé... Pour composer il faut quitter
la représentation du piano, tout en l'ayant parfaitement
intégrée, car cet échiquier noir et blanc
est très facile pour mémoriser et visualiser la
musique du point de vue des hauteurs. Premier point, second: la
résonance!
Un point d'impact, feutre sur métal, une "cathédrale
en bois" qui résonne, puis une projection dans l'espace
de tout ce flux mélés de cordes vibrantes, dont
la complexité de couleur et de devenir a encore un grand
pouvoir de fascination, comme les cloches ou tous les métaux
résonnants. Naissance, vie et mort du son: attaque, corps
et chute de la résonance : toute l'histoire du piano est
là.
Vous avez écrit cette partition
sur trois portées, pour quelle raison avez-vous fait ce
choix, est-ce très courant en musique contemporaine ?
On rencontre cette écriture chez Scriabine, Debussy (préludes),
et puis jusqu'à des extrêmes de 10 portées
chez Xenakis. Mais la question est celle de rendre lisible la
polyphonie, comme les 4 systèmes de lignes superposées
au sein de 2 portées, mais rendues lisibles par la séparation
des voix par les hampes des notes, dans les fugues à 4
voix du Clavier Bien Tempéré de J.S. Bach. On pourrait,
pour plus de clarté, les écrire sur 4 portées,
de façon à bien chanter chaque voix. Glenn Gould
fait chanter sur 4 portées cette musique.
Quelle est la part de vos compositions
faites « sur commande » ? Quelle est votre prochaine
commande ?
Je travaille pour les dollars ou pour Dieu ! ( Stravinsky
dixit). Je reprends cette maxime et la fait mienne. Actuellement:
Je travaille à cela :
19 juin 2009, création mondiale.
Centre Georges Pompidou.
Operspective Hölderlin
commande Ircam, Centre Georges Pompidou, Witten Festival.
pour Quatuor à cordes, Soprano et spatialisation de matériaux
électroniques élaborés à lIrcam.
Quatuor Arditti
Barbara Hannigan, soprano.
Production Ircam, collaboration artistique: Gilbert Nouno.
Première oeuvre utilisant en situation de concert le nouveau
sytême de 120 haut-parleurs WFS°, conçu et inventé
par léquipe acoustique des salles / spatialisation
( Direction : Olivier Warusfel ), de LIrcam ( Institut Recherche
Coordination Acoustique Musique - Paris)
Et j'ai j'ai des oeuvres en cours de compositition pour lOrchestre
National de Montpellier où j'ai été élu
compositeur en résidence pour 2008-2010 et nombreuses autres
oeuvres dont un opéra, une oeuvre pour l'Orchestre de Radio
France
Lorsquil ne sagit pas dune
commande, quest-ce qui vous inspire le plus souvent ?
Mais une commande est la conséquence mise en place, socialement,
pour réaliser une inspiration qui l'a précédée.
On imagine, on rencontre les musiciens, professionnels, orchestre,
solistes, institutions, on présente son projet et si l'on
est convaincu on convainc d'un événement inscrit
dans la vie artistique internationale, son économie et
sa valeur symbolique, culturelle, qui fait l'objet d'une économie
propre, commande ou autre chose, en tous les cas une nécessité
de présenter ce travail de l'imaginaire partagé
: le concert.
Quelles sont pour vous les meilleurs
conditions pour composer ? Comment travaillez vous idéalement
?
N'importe où. Si auprès de la grande nature: parfait!
océan, montagne, grands paysages, voûte céleste
. Oui, du silence,
aussi, mais pas nécessairement. J'adore la ville noiseuse
aussi. Travailler dans la cité. Travailler dans la haute
montagne: pareil. La question est de parfaire l'intensité
et la qualité de ses représentations, de sa pensée
et de son ouïe intérieure. Cela vient d'un travail
quotidien de soi à soi, sur soi, pas des autres. Attendre
tout de soi même et aimer les autres. Réaliser le
concert imaginé, le voir naître, et l'offrir aux
musiciens, puis le bonheur infini du concert, du partage, de la
scène vivante. Solitude et solidarité.
Quels sont vos compositeurs de référence
?
De Roland de Lassus à John Cage ou Karlheinz Stockausen:
tous, sur 40 générations durant 1000 ans. Tous ces
hommes sont intéressants, leur musique, venant de la plus
haute solitude, de la concentration et de la lumière de
l'esprit qui imagine, est toujours intéressante d'une part.
De l'autre: toutes les musiques de traditions auxquelles nous
avons aujourd'hui un accès inouï, comme jamais. Trouver
à n'importe quelle époque, sous toute latitude ,
les germes fertiles, les bourgeons et les faire pousser ici, dans
sa terre, à son époque, avec toute la folie et l'
ordre global de son temps. Ici et maintenant. Entre le chaos et
la standardisation. Notre planète.
Avez-vous une (ou plusieurs) de vos compositions
que vous chérissez particulièrement ?
La prochaine.
Vous donnez également des conférences
et master classes, quels en sont thèmes ?
La dynamique de la création artistique, ses enjeux, ses
processus, la place -menacée- de la création musicale
dans nos sociétés industrielles. La mémoire
et sa transformation dans l'intuition créatrice. Le jeu
et l'ordre dans l'écriture. Être compositeur ? Non
, apprendre et risquer. Toute sa vie. Surtout, avant tout: partager.
Partition de "Ö "- premiers feuillets
de Philippe Schoeller - Piano Solo
Le fichier est à télécharger sous le
format zip cliquez sur l'image
Pour écouter "Ö"
cliquez sur le triangle
Pour en savoir plus sur Philippe Schoeller...
Pour
en savoir plus sur Philippe Schoeller
visitez une page qui lui est consacrée sur le site
de l'Ircam
cliquez sur l'image