Merci à Philippe Giusiano d'avoir répondu aux questions
de Piano bleu pour la réalisation de cette page.
Biographie résumée
Philippe
Giusiano est né le 8 janvier 1973 à Marseille, personne
dans son entourage n'a jamais eu de lien particulier avec la musique,
sauf son père, qui a fait quelques années de piano en
amateur et selon ses propos : "C'est en fait à travers
moi que ma famille s'est initié à la musique et a découvert
peu à peu ce monde inconnu." Cependant le contact avec
l'instrument s'est réalisé très tôt chez
ses grands-parents : "Enfant, j'y passais la plus grande partie
de mon temps. Ils avaient chez eux un piano droit et je reproduisais
intuitivement des mélodies entendues à l'école
ou dans la vie quotidienne. Mes parents ont très vite décelé
en moi d'étonnantes facilités qui, plus tard, furent confirmées
par mes premiers professeurs. ".
Il commence le piano à l'âge de cinq ans et étudie
au Conservatoire National de Région de Marseille avec Odile Poisson
et Pierre Barbizet :"Mon véritable parcours d'étudiant
a commencé avec Odile Poisson qui a été mon professeur
pendant cinq ans. C'était une personne très sévère
et exigeante. Tous les exercices et morceaux devaient être appris
et exécutés avec une très grande concentration
et sans la moindre faille. Pierre Barbizet, plus philosophe, s'attachait
davantage à la forme et au style de l'uvre. Je me souviens
par exemple de son intérêt particulier pour les fugues
de Bach. Le but était d'interpréter ces chefs d'uvres
" à la voix " avant de les jouer au piano. Toute la
classe était alors réunie et chacun chantait la voix qui
lui était la plus appropriée. J'étais malheureusement
trop jeune à l'époque (je n'avais que 12 ans) pour bénéficier
pleinement des cours de ce grand maître. J'ai découvert
en fait le personnage beaucoup plus tard à travers ses nombreux
enregistrements, dont sa magnifique version de la sonate pour piano
et violon de César Franck, avec Christian Ferras. "
Philippe Giusiano obtient à douze ans la Médaille d'Or
de la Ville de Marseille et devient à treize ans le plus jeune
lauréat du concours Liszt des Pennes Mirabeau (1986). L'année
suivante, il remporte également le premier prix du concours Darius
Milhaud (1987)...." Je considère ces concours comme une
partie de mon parcours d'étudiant et non comme des points déterminants
dans le choix de ma profession. Ces concours m'ont surtout permis de
me produire en concert à un âge où j'étais
encore très jeune et ont formé de ce fait très
tôt mon expérience de la scène. ". Parallèlement
il poursuit ses études au Conservatoire National Supérieur
de Musique de Paris avec Jacques Rouvier, où il obtient à
seize ans un premier prix à l'unanimité : "Jacques
Rouvier a été la personne qui a développé
et formé ma personnalité en tant que musicien. J'ai été
son élève pendant six ans et chaque leçon ou rencontre
avec lui a contribué à mon enrichissement autant sur le
plan artistique que sur le plan humain. Son enseignement était
principalement basé sur l'exigence du style et la précision
du texte. Mes rapports avec lui étaient très chaleureux
et, bien qu'il savait être sévère quand il le fallait,
j'ai toujours ressenti un très grand respect et énormément
de considération venant de sa personne à mon égard.".
Philippe Giusiano se perfectionne ensuite avec Karl-Heinz Kämmerling
au Mozarteum de Salzbourg, puis avec le pianiste et compositeur polonais
Milosz Magin :"Karl-Heinz Kämmerling, Milosz Magin et Jan
Wijn ont été plus des guides pour moi que de véritables
pédagogues. Toutefois, chacun a su apporter sa note personnelle
et complémentaire à mon développement pianistique.
L'enseignement de Karl-Heinz Kämmerling était très
méthodique et rigoureux, et apportait toujours une solution aux
problèmes techniques rencontrés dans une partition. Cela
était très bénéfique, surtout pour l'apprentissage
d'uvres difficiles (Etudes de Chopin, Sonate de Liszt, Concertos
et Sonates de Beethoven ). Parallèlement, ma rencontre avec
Milosz Magin a élargi et enrichi mon approche du style romantique.
Spécialiste de Chopin, ses conseils précieux étaient
toujours basés sur son expérience de grand interprète.
Jan Wijn m'a également aidé et soutenu pendant deux ans,
mais il a surtout été un point d'appui nécessaire
pour ma préparation au redoutable Concours Chopin de Varsovie
1995. "
Pour Philippe Giusiano, la musique a toujours été la
grande passion de sa vie : "le choix de ma profession est venu
très naturellement au fur et à mesure de mon évolution.
Ma vocation de pianiste s'est vue définitivement confirmée
après ma victoire au Concours Chopin de Varsovie en 1995. Je
ne pense pas qu'il y eût de métier qui me passionne autant
que celui de devenir musicien. Si je n'avais pas été pianiste,
j'aurais probablement souhaité être violoniste ou violoncelliste "
Classé une première fois huitième à l'âge
de 17 ans, il remporte le concours cinq ans plus tard en 1995, vainqueur
du 13ème Concours International Frédéric Chopin
de Varsovie, Philippe Giusiano fait figure de référence
dans les uvres du compositeur polonais... "Après
avoir gagné ce concours, j'ai ressenti une très grande
responsabilité par rapport au titre que l'on m'attribuait, et,
refusant de rester " la star d'un moment ", j'ai réalisé
l'importance de continuer à apprendre et à me perfectionner.
J'ai eu la chance alors de rencontrer Inesa Leonaviciute, pianiste diplômée
du conservatoire de St Pétersbourg et professeur à l'Académie
de Musique de Vilnius. Ses nombreuses leçons m'ont permis de
me développer pleinement en tant qu'artiste et grâce à
elle, j'ai eu accès à de nouveaux secrets de la technique
pianistique. Elle reste aujourd'hui encore mon guide principal, et une
très grande part de mon succès lui revient."
Philippe Giusiano se produit dans les grandes salles de concerts,
parmi lesquelles le Carnegie Hall de New York, le Concertgebouw d'Amsterdam,
le Théâtre de Vérone, la Scala de Milan, la Salle
Gaveau et le Théâtre des Champs-Elysées à
Paris, le Suntory Hall de Tokyo Il est invité par de nombreux
festivals en France comme à l'étranger . Il donne des
concerts en Italie, en Argentine, en Autriche, en Allemagne, au Danemark,
au Canada, au Maroc, au Moyen Orient, en Lituanie, et effectue chaque
année une tournée au Japon et en Pologne : "Il
y a peu de temps, j'étais en Argentine, je pars au Japon dans
quelques jours et en décembre, j'effectuerai une tournée
en Lituanie avec le premier concerto de Brahms En fait, tous les
concerts, quels qu'ils soient, sont des expériences uniques dans
ma vie de musicien et chacun occupe une place très particulière.
J'ai aujourd'hui la chance de me produire dans de nombreux pays où
la rencontre avec d'autres cultures m'apporte beaucoup de joies et émotions
différentes. Certains pays encore inexplorés comme par
exemple la Grèce ou l'Égypte attirent ma curiosité,
mais de façon générale, je suis toujours très
heureux de pouvoir jouer en France, où chaque rencontre avec
mon public me laisse des impressions extrêmement chaleureuses
et ineffaçables.".
Invité à rapporter une anecdocte de concert, Philippe
Giusiano relate celle d'un concert qui lui a occasionné beaucoup
de stress : "Un soir, pendant une tournée au Japon avec
l'Orchestre de la Radio Nationale Polonaise où je jouais un des
deux concertos de Chopin (je tournais avec les deux), j'avais oublié
de vérifier celui qui était inscrit au programme. Quelques
minutes avant mon entrée sur scène, j'avais tenté
de m'en informer en posant la question à Maestro Wit, qui me
dirigeait. Ce dernier, après m'avoir gentiment tapé à
l'épaule m'a répondu : "Ne vous inquiétez
pas, nous commençons de toutes façons ; vous n'aurez qu'à
nous suivre après l'introduction !" Pris de panique, ma
seule pensée à ce moment-là était de savoir
lequel des deux concertos j'allais finalement entendre : le mi mineur
ou bien le fa mineur. "....heureusement que Chopin n'a composé
que deux concertos pour piano !
Parallèlement à son activité de concertiste,
Philippe Giusiano est régulièrement invité à
donner des masterclasses dans différents pays : "En tant
qu'artiste interprète, je trouve cette activité très
utile et très enrichissante. Le cours à un élève
développe l'esprit critique et permet souvent de redécouvrir
une partition, même si on la joue. L'on s'aperçoit davantage
de toutes ses richesses et subtilités, et de tous les messages
" cachés " du compositeur. "
Philippe Giusiano a enregistré plusieurs disques en France
et au Japon. Son interprétation profonde et sincère des
uvres de Chopin et de Rachmaninoff a été chaleureusement
louée par la critique et a connu beaucoup de succès parmi
les auditeurs. Son nouvel enregistrement Chopin avec les 24 Etudes et
les 24 Préludes vient de sortir (voir plus bas).
Son répertoire
Si Chopin est bien sûr le compositeur favori de Philippe Giusiano,
il est également très attaché à l'ensemble
du répertoire romantique : "Je suis surtout fasciné
par les romantiques (Liszt, Schumann, Brahms, Rachmaninov) et aussi
par Beethoven. Peut-être que ces compositeurs s'expriment dans
un langage musical qui se rapproche le plus de ma vision et perception
du monde philosophique. ". Que ce soient les récitals
en soliste, en musique de chambre ou avec orchestre, son plaisir de
jouer est égal même si selon ses propos : " Les
trois sont très différents et procurent des plaisirs et
retours d'émotion différents. "
Au sujet de son récent enregistrement des 24 Etudes et 24 Préludes
de Frédéric Chopin, Philippe Giusiano explique :"Après
avoir enregistré l'intégrale des Etudes-Tableaux de Rachmaninov,
j'ai souhaité revenir vers Chopin et lui consacrer un nouvel
album. Les 24 études ont toujours fait partie de mon répertoire
et, comme tout pianiste, j'ai été obligé de les
travailler quotidiennement et de les jouer plusieurs fois dans des concours.
Mais mises à part leurs redoutables difficultés techniques,
j'ai toujours considéré ces uvres comme des monuments
de la littérature pianistique et mon rêve a toujours été
de pouvoir les jouer un jour en concert, puis de les enregistrer dans
leur intégralité. Il y a quelques temps, lorsque René
Martin m'a proposé de réaliser un enregistrement "
Mirare " et de les coupler avec les 24 préludes (l'autre
cycle des 24), j'ai trouvé cette idée formidable et me
suis dit que c'était le moment ou jamais de réaliser ce
rêve merveilleux. Les préludes avaient, en effet, déjà
été enregistrés, mais le besoin de retraverser
ces chefs d'uvres a sans doute été influencé
par ma maturité et ma perception plus approfondie du cycle tout
entier."
A la question de savoir quels sont ses interprètes de références
Philippe Giusiano cite :"Cela dépend du répertoire,
mais les plus grands restent pour moi Michelangeli, Gillels, Gould,
Rubinstein, Lipatti, Pollini, Sokolov. ". Quant à savoir
quelle est la musique qu'il écoute, il répond :"La
musique classique est ma " seule " musique et il est nécessaire
que j'en écoute régulièrement pour évoluer.
Quoi de plus utile que d'aller entendre un opéra de Mozart avant
de jouer ses sonates ou ses concertos ? Sinon, le jazz classique me
détend, et je suis toujours en admiration devant ses interprètes.
"
Qui sait si le prochain disque de Philippe Giusiano, qu'il préfère
garder secret pour l'instant, ne sera pas de nouveau celui d'un compositeur
russe( Philippe Giusiano a enregistré en 2004 les Etudes-Tableaux,
opus 31 et opus 39 de Rachmaninov), car il confie : 'Entre mes concerts
et tournées, j'ai souvent besoin de me ressourcer . Aller à
un musée, à une exposition ou visiter un monument sont
des activités importantes pour moi et qui m'aident à grandir
intérieurement. L'architecture, la peinture, les églises
baroques et gothiques me passionnent beaucoup. Récemment, j'ai
été fasciné par la ville de St Pétersbourg
qui m'a inspiré énormément et m'a incité
à explorer plus en fondeur le répertoire russe."
Écouter...
Frédéric Chopin, Philippe Giusiano
24 Préludes opus 38 - 24 Etudes opus 10 et 25
A l'origine le "prélude" était un morceau
d'improvisation introduisant une suite de danses ou pièce
de caractère libre indissociable de la fugue, Chopin en
a fait une pièce à part entière et a conçu
chacun d'entre eux comme un commentaire saisissant de ses états
d'âmes et de ses aspirations. Nombre de ces préludes
ont été influencés par l'atmosphère
fièvreuse et l'angoisse qui s'empara de lui alors qu'il
séjournait à Majorque avec George Sand, lors d'un
voyage aux nombreuses péripéties, pendant l'hiver
1838-1839 . Celle-ci en a d'ailleurs commenté ces préludes
ainsi : "Certains sont mélancoliques et suaves,
d'autres sont d'une tristesse morne et, en vous charmant l'oreille,
vous navrent le coeur"
Il parait que Chopin faisait alors du "Clavier tempéré"
de Jean-Sébastien Bach , son "pain quotidien"
aussi il n'est pas surprenant qu'à l'image de ce recueil
il ait organisé ses préludes selon les 24 tons de
la gamme : chaque ton majeur est suivi de son relatif mineur.
Leur durée sont très variables d'une trentaine de
seconde seulement à environ cinq minutes, elles sont inspirées
tout aussi bien de mazurkas que d'études, nocturnes ou
autres formes. Mais ce qui importe plus c'est la pensée
intime de Chopin qui s'y révèle : fièvre
et agitation intérieure pour le premier, méditation
douloureuse por le second, Alfred Cortot a pu déceler un
"chant de ruisseau" dans le troisième prélude
d'une grande fluidité il est vrai, retour à la mélancolie
dans le prélude n°4, chacun imaginera ce qu'il veut
dans le joyeux prélude n°5 et dans les suivants car
le mieux est de se laisser surprendre et prendre par ses différents
états d'âmes, ces "plus belles courtes pages
, des chefs d'oeuvres" selon George Sand, une "oeuvre
de génie" selon Liszt...cliquez
ici pour lire la suite
A voir : Philippe Giusiano - Chopin Ballade n° 2 op 38
Philippe Giusiano Chopin Nocturne op 32 n°2 Récital Japon
Novembre 2009