[R]EVOLUTION Vanessa Benelli Mosell PIANO

[R]EVOLUTION
Vanessa Benelli Mosell, PIANO
Karlheinz Stockhausen (1928-2007)
Klavierstücke I - V, VII -IX
Karol Beffa (1973-)
Suite pour piano ou clavecin
- La volubile
- La ténébreuse
- La déjantée

Igor Fyodorovitch Stravinsky (1882-1971) Trois mouvements de Petrouchka
- Danse Russe
- Chez petrouchka
- La semaine grasse

Ce disque est, déjà, le troisième disque de la pianiste Vanessa Benelli Mosell, qui aura vingt-sept ans à la fin de l'année, par contre c'est le premier enregistrement qu'elle réalise sous le prestigieux label DECCA, qui l'a précisément remarquée pour son interprétation des oeuvres de Karlheinz Stockhausen, un compositeur avec lequel elle a travaillé, jusqu'à sa disparition en 2007.
Il faut dire que le parcours de la pianiste italienne, qui dès l'âge de onze ans donnait des concerts avec le pianiste français Pascal Rogé, est particulièrement original, et l'a conduite dans multiples pays où elle a pu travailler avec diverses personnalités célèbres.( voir ici) . Durant l'été 2012, elle a remplacé Martha Argerich pour un concert avec les solistes de Moscou .
Le programme de son disque montre qu'elle a une ouverture d'esprit hors du commun puisqu'elle a choisi de réunir sur un même support des compositeurs du vingtième et vingt-et-unième siècle qui, a priori, ne sont pas du tout fait pour s'entendre, puisqu'ils ont même des points de vue sur la musique très opposés . Ainsi faut-il rappeler ici une récente querelle, en 2013, entre les musiciens tenant de la tendance qualifiée parfois de «néo-tonale», avec ceux de la musique «atonale».
Ces approches musicales sont si différentes que d'ailleurs la pianiste a du réaliser ce disque avec deux ingénieurs du son différents, car les exigence sonores de Stockhausen étaient, explique-t-elle, très particulières, et il n'était pas question pour elle de ne pas les respecter, ainsi le confie-t-elle à l'occasion d'un entretien à lire ci-dessous.
Et il est vrai que la musique très particulière de ce compositeur justifie en partie le titre [R]evolution. il faut bien avouer qu'elle peut sembler à la première écoute très étrange, dans le sens de très différente de ce à quoi nos oreilles sont généralement habituées, et pourtant ses "études" sont en fait très proches de nous, puisque Les "Klavierstücke I-IV" ont été écrites peu de temps après l'arrivée du compositeur à Paris, en 1952, comme un hommage à son épouse Doris. La capitale française à cette époque a joué un rôle très important dans l'avant-garde musicale après la Seconde Guerre mondiale : Pierre Boulez, Olivier Messiaen et René Leibowitz en ont été les principaux acteurs de la scène. Mais aujourd'hui encore, même si cette musique, réussit à parvenir un peu plus aux auditeurs grâce à la multiplication des enregistrements, nombreux auditeurs s'en détournent, car elle reste encore trop peu partagée.
Karlheinz Stockhausen (1928-2007) est pourtant explique l'auteur du livret "sans doute l'une des figures les plus en vue, mais aussi acclamée et discutée, de la scène musicale européenne de la seconde moitié du XXe siècle pour son inlassable désir d'expérimenter, en particulier en ce qui concerne l'électronique, et cela même dans un univers poétique comportant des aspects religieux et spirituels, et pour sa riche production théorique. Représentant - avec Luigi Nono et Pierre Boulez - de la nouvelle musique sériale qui avait pour base la seconde École de Vienne, en particulier dans la production d'Anton Webern, au cours de sa riche production Stockhausen est parvenu à un langage sonore libre de toute contrainte avec la tradition, sur la base d'un sens radical de l'expérimentation. Sa musique, innovante et visionnaire, a ouvert la porte à un certain nombre de tendances qui sont devenus partie intégrante de la musique contemporaine, comme la spatialisation, la recherche du timbre, l'interaction entre les instruments acoustiques et électroniques. "
Les Klavierstücke V - VIII ont été composées entre 1954 et 1955, et comme ceux du recueil précédent, peuvent être considérés comme des Etudes, mais leur nature est différente : ils représentent les essais qui explorent les divers aspects de l'exécution, en particulier les sons et la structure rythmique. Et donc vous l'aurez compris, ces études n'ont rien à voir avec celles de précédents compositeurs, tels Chopin ou, Liszt... Ce qui explique aussi pourquoi les conseils que la pianiste a pu recevoir pour leur interprétations sont d'autant plus précieux. Et à l'écoute de cet enregistrement, on mesure combien effectivement la position des micros peut être de grande importance, permettant de ressentir avec force tous les contrastes de cette explosion sonore très prenante, et intéressante, certes non pas pour ses mélodies, mais justement pour la richesse de ces sons qui nous permettent de vivre multiples sensations. Une révolution aussi dans la façon d'écouter la musique.
Cependant si ces oeuvres de Stockhausen justifient en partie le titre de son disque, celui aussi s'explique, indique Vanessa Benelli Mosell par le fait qu'elle mesure aussi dans la musique actuelle "un retour (revolution= tour et retour) vers un discours artistique plus accessible, comme celui de Karol Beffa par exemple, qui contraste avec l'avant-garde" explique-t-elle encore dans l'entretien.
Karol Beffa
(1973) est un compositeur, pianiste français d'origine polonaise, également actif en tant que conférencier au Collège de France , qui a d'ailleurs participé à une conférence qui a fait grand bruit au sujet de la musique de compositeurs tel Stockhausen. il est aussi lauréat de nombreux prix internationaux, vous le savez probablement déjà si vous naviguez régulièrement sur piano bleu. "Sa production prolifique, qui comprend des pièces en solo, orchestrales et vocales, est caractérisée par un lien fort avec le passé, soumis à une interprétation élégante et personnelle, qui ne manquait pas d'un fort sentiment de la forme et une sensibilité profonde aux couleurs instrumentales . Sa Suite pour piano ou clavecin a été composée en 2008 et est basée sur une séquence ininterrompue et élégante d'arpèges", peut-on aussi lire dans le livret. Vous pourrez à la fin de la vidéo de présentation, plus bas dans la page, Vanessa Benelli Mosell, jouer de courts extraits de ces pièces, et le compositeur dire (en anglais) qu'il a été "immédiatement intéressé par ce projet de Vanessa Benelli Mosell non seulement parce que son oeuvre n'avait jamais été enregistrée, mais aussi parce que le rapprochement de celle-ci avec l'oeuvre de Stravinsky et, pourquoi pas celle de Stockhausen , était une belle idée."
Effectivement c'est par le biais de Stravinsky, et plus précisément son oeuvre Petrouchka, que Vanessa Benelli parvient à concilier, a priori l'inconciliable. Comme l'a fait Stockhausen, c' est sur le piano que se concentre l'attention du compositeur russe, il avait l'intention à travers les possibilités inexplorées d'expression de ramener le piano à sa constitution percussive. Le piano est soumis à une rythmique implacable et vitalité inépuisable à laquelle on ajoute une palette de couleurs qui trouve peu de parallèles. Avec Petrouchka Stravinsky porte définitivement le piano au milieu du XXe siècle.
De fait la pianiste, déjà connue en tant qu'ambassadrice à la fois des pianos Steinway , puisqu'elle est une artiste Steinway, et du piano Pleyel Peugeot, sur lequel elle a enregistré différents clips promotionnels de cet instrument , s'avère, par ce nouveau disque, aussi une excellente médiatrice, de la musique actuelle, se refusant de prendre parti pour l'un ou l'autre des courants musicaux, mais souhaitant juste les faire parvenir à un plus large public, en montrant l'intérêt et la beauté de chaque style.
Ce disque est votre troisième disque, et le premier sous le label Decca , dans quelle circonstance ce prestigieux label vous a-t-il ouvert ses portes ? Et comment s’est passé cet enregistrement par rapport à vos précédents enregistrements ?
Decca a été tout de suite fasciné par ma collaboration personnelle avec Stockhausen et donc j'étais très heureuse aussi de réaliser ce project avec eux.
J'ai enregistré ce master en Italie, en deux fois, avec deux techniciens différents car je voulais enregistrer Stockhausen avec le technicien et ingénieur du son avec lequel le compositeur avait travaillé personnellement, un ingénieur qui connaissait ce répertoire. Stockhausen avait donné des instructions précises sur la façon d'enregistrer les Klavierstuecke, comme la distance et la position des micros, différentes des enregistrements du répertoire traditionnel et j'ai voulu respecter sa volonté. Les oeuvres de Stravinsky et Beffa, d'ailleurs, ne pouvaient pas être enregistrées de la même façon que celles de Stockhausen. 
Vous avez titré votre disque "[R]EVOLUTION", quel en est le fil rouge et pourquoi ce titre ?
Le titre n'indique pas seulement les changements radicaux qui ont marqué l'évolution du langage musical, apportés par certains compositeurs contemporains " révolutionnaires" et avant-gardistes comme compositeurs comme Stockhausen, Boulez, Nono,Xenakis...mais aussi le retour (revolution= tour et retour) vers un discours artistique plus accessible, celui de Karol Beffa par exemple, qui contraste avec l'avant-garde et représente le présent contemporain. J'ai trouvé des intéressantes analogies entre Stravinsky et Stockhausen, qui s'influencent l'un avec l'autre pendant leurs vies : Stockhausen est très étonné quand il écoute Le Sacre du Printemps", adolescent à la radio, et par contre, Stravinsky reste très impressionné quelques années plus tard quand il découvre Gruppen pour trois orchestres de Stockhausen: ça influencera beaucoup sa production de musique sériale.
J'ai trouvé aussi beaucoup de liens entre le language de Stravisnky et celui de Beffa : non seulement par un retour au néoclassique, mais aussi les formules rythmiques répétitives, les ostinatos, les harmonies et les mélodies construites à partir de la dissolution des accords. "[R]EVOLUTION"] est aussi une allusion à la "rotation", une technique de composition sériale inventé par Stravinsky.
Vous avez travaillé avec le compositeur Karlheinz Stockhausen , mort en 2007, dans quelle circonstance ce travail a-t-il pu avoir lieu, combien de temps, et quels souvenirs en gardez-vous  ? 
J'ai été invitée par lui pour perfectionner mon interprétation des Klavierstuecke avec lui, en Allemagne à Kuerten, en 2006, près de Cologne. J'ai travaillé avec lui jusqu'à sa mort fin 2007, et je garde un souvenir très précieux. Je suis très honorée d'avoir ses propres écritures dans ses partitions, et avoir pu être héritière de ses enseignements. Il connaissait très bien sa musique, dans les moindres détails, ce qui n'est pas le cas toujours des compositeurs.
En quoi ses conseils vous ont-ils permis de corriger plus particulièrement votre interprétation sur certains points , lesquels ? En quoi cela vous a-t-il aidé et qu’avez-vous aimé dans le fait de pouvoir travailler directement avec le compositeur ?...
Il était très précis et très exigeant, ses conseils concernaient surtout la précision rythmique et les dynamiques. Dans les morceaux de Stockhausen, il faut tout le temps bien penser au rythme, et compter à l'intérieur de ceux-ci. Il comprenait comment je comptais et comment je pensais. Tout devait être exagéré dans sa musique, et la valeur des ses innombrables signes est beaucoup plus lourde et significative que dans la musique traditionnelle. Beaucoup de choses n'étaient, en plus, pas indiquées dans la partition, ou ont été changées après leurs publications.
Que pensez-vous personnellement de ces deux recueils d’études , notamment par rapport à d'autres recueils d'études d'autres compositeurs ?
Ses Klavierstuecke peuvent être certainement considérées comme des études, mais pas dans le sens des Etudes de Chopin ou Liszt, le but n'est pas d'améliorer la technique ou les capacités d'écoute de l'interprète. C'est plutôt l'étude de l'instrument, la recherche des capacités sonores du piano, qui à travers la maîtrise de l'interprète peuvent être découvertes, connues, montrées. C'est l'étude des possibilités du son, poussées à l'extrême, avec la variété, la clarté, et la puissance de l'électronique, l'acoustique qui aspire à l'électronique. Comme le piano est un instrument acoustique, il ne pouvait pas selon Stockhausen égaler les possibilités de l'électronique, dont la variété de sons différent, la clarté, etc. Il y a toujours l'inspiration du son électronique dans ses morceaux pour piano. C'est aussi une comparaison entre l'humanité et les limites du piano, et la perfection d'une machine.
Vous avez ensuite choisi une suite pour piano de Karol Beffa, avez-vous aussi eu l’occasion de travailler avec ce compositeur ? Et qu’aimez-vous particulièrement dans cette suite ? En quoi cette œuvre peut-elle , ou non, se rapprocher des études de Stockhausen ?
Je n'ai pas eu besoin de travailler avec Karol Beffa car lorsqu' il a écouté mon interprétation de sa "Suite" il a tout de suite beaucoup aimé celle-ci. J'ai en effet eu l'occasion de connaître Karol Beffa et sa production artistique auparavant , et j'étais beaucoup impressionnée par la force de ses idées musicales. Dans sa "Suite pour piano ou clavecin" j'ai été tout de suite séduite par les différences de caractères entre les trois mouvements, la clarté et la cohérence des idées : le langueur dans le premier, le mystère dans le deuxième, l'agressivité rythmique et un certain ironie dans le troisième, dont j'ai apprécié l'écriture pianistique magistrale.
Cette oeuvre contraste du tout au tout avec les Klavierstücke de Stockhausen, car Beffa recueille l'héritage d'un langage plus proche de celui de Dutilleux, figure opposée à celle de Boulez, et donc c'était pour moi intéressant d'en marquer les différences et de les comparer dans le même album.
Vous terminez avec trois mouvements de Petrouchka de Stravinsky qui suivent juste "la déjantée " de Karol Beffa , cette déjantée pourrait bien être Petrouchka …
Dans "La Déjantée" le caractère est effectivement très Stravinskyen, avec des figures rythmiques obsessives qui se répètent en conséquence, et qui sont à chaque fois différentes, présentent tout le temps des variations, ainsi que des ostinatos, des harmonies dissolues et des influences d'esprit du jazz. Il y a aussi un certain retour à la forme, celle de la Suite, en trois danses, et c'est ça qui m'a beaucoup fasciné dans la Suite de Beffa, ainsi que le dessin d'écriture très clair. Pour cette raison je la vois aussi comme une pièce néoclassique en reprenant le titre dans le style des Pièces pour clavecin de François Couperin.
Ca m'a conduite à revenir en arrière jusqu'à la phase néoclassique de Stravinsky, même si dans Petrouchka, pour moi une de ses oeuvres pianistiques la plus considérable, aussi en trois mouvements, Stravinsky utilise des mélodies et des thèmes populaires de la tradition russe : il s'agit du premier Stravinsky, avec un insoupçonnable regard vers ces origines.
Vous dites que c'était pour vous intéressant de marquer les différences de ces oeuvres et de les comparer dans le même album, mais avez vous une préférence personnelle pour l'un ou l'autre style actuel ?
Non, je pense qu'un interprète, un artiste , ne devrait pas se lever plus pour un style ou pour un autre. Moi, je tiens à faire connaître ce que je pense trouver génial et le mieux de différents auteurs. Puis c'est le public qui a la liberté, l'intérêt et la curiosité de choisir.
Avez-vous souvent eu l’occasion de jouer ces œuvres et quels sont vos prochains concerts où aurez-vous l’occasion de jouer une de ces œuvres ?
Oui ces oeuvres font partie désormais de mon répertoire, et j'ai eu l'occasion de les jouer plusieurs fois. Prochainement je jouerai une partie du programme du disque lors d'une tournée aux États Unis dans un mois. Je donnerai des concerts dans le sud de la France cet été,

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A voir Video de présentation du disque Vanessa Benelli Mosell - [R]evolution , avec la participation de Karol Beffa .

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