Ludwig van Beethoven
Sonate N°30 en mi majeur, opus 109
Franz Liszt
Sonate en si mineur
Johann Sebastian Bach
Variations Goldberg, BWV 988
Jean Muller, piano
Il sort cette semaine simultanément un DVD et un disque
du pianiste Jean Muller.
Le DVD enregistré lors d'un concert le 5 octobre 2009 à
la Philharmonie de Luxembourg, dont on avait pu découvrir
deux extraits ( voir la page sur Jean Muller) permet de voir le
pianiste dans un programme de très grande intensité
du début à la fin car il comporte des oeuvres majeures
de Bach (Variations Goldberg), Beethoven (sonate n°30) et
Liszt (Sonate en si mineur) ... un programme très impressionnant
pour un seul concert , qualifié à juste titre de
"titanesque" , exigeant une grande forme physique
et surtout une très grande concentration ainsi peut-on
d'ailleurs le voir sur le visage du pianiste, le film offrant
multiples prises de vues éloignées et rapprochées
sur les mains et le visage comme on ne peut jamais les voir en
concert .
Les deux sonates sont d'une extrême complexité ,
chaque mouvement de la sonate 109 est "comme un haïku
finement ciselé dans lequel chaque mot est porteur de sens",
il est intéressant de lire la lettre que Beethoven envoya
le 6 décembre 1821 à sa dédicataire Maximiliane
Brentano et de la rapprocher de la sonate elle-même, celle
lettre montre son souci du sens à donner au-delà
des notes à chacune de ses écritures, à sa
dédicace elle-même qui en fait en dit long aussi
sur l'oeuvre... : " Une dédicace !!! Mais point
de celles dont tel ou tel autre fait mauvais usage, et en quantité
- C'est l'esprit qui unit les êtres nobles et bons sur notre
globe terrestre, l'esprit que nul ne peut détruire. C'est
lui qui vous parle maintenant et qui vous présente à
moi-même en vos années d'enfance , ainsi que vos
chers parents ; votre si excellente et intelligente mère
, votre père si vraiment animé de bonnes et nobles
qualités, constamment occupé du bien de leurs enfants.
Et c'est ainsi qu'en ce moment je suis dans la Landstrasse - et
je vous vois tous devant mes yeux. Et songeant aux excellentes
qualités de vos parents, il ne fait aucun doute pour moi
que vous dussiez avoir été et être chaque
jour transporté d'une noble émulation- Le souvenir
d'une noble famille ne pourra jamais périr en moi. Puissiez-vous
vous souvenir de moi en bien - Recevez mon cordial salut
; que le ciel bénisse pour toujours votre existence et
celles de tous les vôtres ", nul doute que le souvenir
laissé de Beethoven par cette sonate ne puisse qu'être
"en bien" notamment le mouvement final dont le
thème est "très chantant avec le plus intime
sentiment, à mi-voix" est particulièrement
émouvant, il comporte six variations de ce thème
et la variation finale "semble révéler sous
ses effets célestes l'essence même de toute l'oeuvre"
indique quant à lui l'auteur du livret, oui une oeuvre
où les sentiments nobles semblent avoir à mener
un rude combat qui transparaît notamment dans une violente
variation "fugato energica"...
La sonate en si mineur de Liszt , désormais bien connu
du public, quant à elle est dédiée à
Robert Schumann , elle est sombre et d'une grande virtuosité,
d'une complexité égale aux dernières sonates
de Beethoven ( dont l'opus 109) certains épisodes paraissent
"Méphistolistes" et d'autres semblent manisfester
une présence divine mais ce sont surtout ces emportements
presque plus impressionnants que ceux d'un orchestre qui la caractérise
le plus, une oeuvre considérée comme "héroïque".
Si les "Variations Goldberg ", composé
d'une aria et diverses variations ont été écrites
"Pour la récréation de l'âme des amateurs
", cette musique qui s'adresse à l'âme la calme
et la repose voire la distrait par la richesse de son contenu
mais il ne peut être non plus question de repos pour l'interprète,
en l'occurence le pianiste Jean Muller qui d'ailleurs en témoigne
dans une des questions auxquelles il a bien voulu répondre
et dont à le voir sur cet enregistrement l'esprit semble
entièrement possédé par la musique qu'il
joue et cela d'autant plus qu'il la possède lui-même
pleinement jouant toutes ces oeuvres gigantesques sans partition
! ... Oui vraiment très impressionnant et passionnant !
Bravo !
Jean Muller
qui a déjà joué en concert et enregistré
l'intégralité des sonates de Beethoven à
paraître bientôt et consacré un disque à
Liszt montre ici combien il maîtrise les oeuvres de ces
compositeurs fondamentaux de son répertoire . A ces compositeurs
de prédilection s'ajoute Chopin qui a toujours tenu une
place de choix dans son répertoire et le disque est quant
à lui entièrement consacré à celui-ci
avec également à son programme des oeuvres essentielles
et intenses : les splendides ballades, oeuvres que Jean
Muller joue depuis ses études à Munich mais ce n'est
que maintenant au bout d'une longue réflexion artistique
qu'il s'est décidé à les graver sur CD. Ce
programme est complété par une sélection
de danses : une polonaise au caractère sombre et héroïque
souvent surnommée "la tragique" , deux
valses et deux mazurkas, plus courtes mais des pièces très
réputées pour leur beauté, poésie
ou fantaisie ainsi la "valse minute" appelée
aussi "Valse du petit chien" parce que selon
certaines sources Chopin était dans un salon où
se trouvait un chien qui tournait en rond pour attraper sa queue
lorsqu'il improvisa une mélodie qu'il modifiera plus tard
pour en faire cette valse . Vous pourrez l'écouter plus
bas dans cette page, l'interprétation de Jean Muller en
révèle aussi toute la tendresse, et enfin une pièce
moins connue s'ajoute à ce programme : le Largo en mi bémol
majeur découvert seulement en 1939 , composée la
même année que la sonate n°2 , le largo n'est
pas sans rappeler son troisième mouvement "marche
funèbre".
Le DVD et le disque sont publiés chez le label Fondamenta,
le disque est offert dans les deux formats déjà
utilisés pour le dernier enregistrement du pianiste Frédéric
D'Oria Nicolas, offrant ainsi les meilleures qualités sonores
que vous écoutiez la musique chez vous ou en déplacement
dans une voiture, ou tout autre moyen de locomotion dont le fond
sonore est souvent plus bruyant que celui de votre logement. Jean
Muller a bien voulu répondre à nombreuses questions
autour de ces deux enregistrements à ne pas manquer ! Vous
pourrez également voir deux vidéos qui vous permettront
d'en savoir plus.
Vous
avez enregistré l'intégrale des sonates de Beethoven
qui paraîtra dans quelques temps sous le label Bella musica,
et pour ce DVD vous avez choisi la 30ème, est-ce celle
que vous préférez ?
S'il m'est difficile de dire si je préfère
telle sonate de Beethoven à telle autre, parce que je les
admire tous, je peux néanmoins affirmer que depuis mon
enfance j'ai une relation particulière avec l'opus
109, car je l'ai adoré spontanément dès
la première écoute, longtemps avant de pouvoir concevoir
toute sa portée artistique. Je l'ai choisi pour ce
récital car l'écriture pianistique dans les
variations du 3e mouvement est très largement inspirée
par Bach. En revanche si certains moyens stylistiques sont similaires,
Beethoven obtient un résultat musical radicalement différent
avec la forme-variation : si Bach se livre à une méditation,
brossant le tableau d'une harmonie divine et éternelle,
Beethoven reste profondément humain dans sa recherche,
sujet à des passions contradictoires qui sont le fait d'un
homme déchiré et tourmenté mais aussi résolument
optimiste et ce malgré tout.
Vous comparez la sonate n°30 de Beethoven
à une suite de haïkus finement ciselés, et
la sonate en si mineur de Liszt à une oeuvre "héroïque"
, ont-elles cependant des points communs ?
Si entre l'opus 109 et les Variations Goldberg il y a affinités
stylistiques mais différence de contenu, il en est exactement
inversement lors de la comparaison entre la Sonate en si mineur
de Liszt avec l'opus 109. C'est la forme sonate qui
constitue le point commun évident, garantissant une approche
philosophique fondamentalement identique quelque puissent être
les écarts entre les procédés stylistiques.
En plus les deuxoeuvres revendiquent clairement une approche
cyclique de cette forme. Elle se manifeste d'une manière
plus évidente mais peut-être moins subtile dans l'uvre
de Liszt. L'idée de les combiner en un récital
vient de Claudio Arrau.
Vous aviez indiqué lors du précédent
entretien que votre répertoire est axé essentiellement
sur Chopin, Beethoven et Liszt, pendant ce récital vous
avez joué les Variations Goldberg, que représente
Bach pour vous ?
Ces trois compositeurs constituent le pilier majeur dans mon
répertoire, mais je n'ai pas pour autant négligé
le reste du répertoire, et les Variations Goldberg sont
uneoeuvre très importante pour moi personnellement
en dehors de leur valeur artistique sur laquelle on ne pourra
jamais insister. En effet c'est la premièreoeuvre
que j'ai abordée entièrement par moi-même
et sans l'aide d'un professeur. L'uvre elle-même
m'a appris énormément de choses, et dans mon
cheminement artistique elle constitue une nette césure.
Ce DVD a été enregistré
lors d'un concert, comment avez-vous le fait d'être filmé
en concert et comment ressentez vous personnellement ce DVD en
le visionnant (notamment les gros plans sur votre visages qui
habituellement ne se voient pas parle public) ?
Pour être très franc l'expérience est
certes plus stressante encore que lors dun enregistrement
en direct audio, mais je ressens, malgré les imperfections
inhérentes du « live » que c'est
le document authentique d'un récital.
Dans un programme aussi titanesque cela implique que le public
partage les souffrances et les joies de l'interprète
qui, on a tendance à l'oublier parfois, n'est
qu'un être humain. J'assume clairement ce choix,
et mon intégrale Beethoven chez Bella Musica est enregistrée
en direct également.
Les deux sonates semblent des oeuvres éprouvantes
à jouer en concert que celui-ci soit ou non filmée et
cependant vous poursuivez votre concert avec une autre oeuvre de grande
envergure : Les variations Goldberg dont il est dit qu'elle "repose
l'âme " , si c'est le cas pour les auditeurs qu'en est-il
cependant de l'interprète ?
Le repos de l'âme est surtout pour l'auditeur,
car l'uvre exige une concentration de tous les instants.
Mais c'est une expérience magnifique que de jouer
cette musique. L'inventivité de Bach y est sans limites
et je ne me lasse jamais de l'écouter et de la jouer.
Trois grands chefs-d'oeuvres dans un seul récital,
filmé ou non, voilà un pari très ambitieux,
je n'en suis peut-être pas sorti indemne mais j'en
suis sorti grandi.
Frédéric
Chopin
Ballade No1 en sol mineur, opus 23
Ballade No2 en fa majeur, opus 38
Ballade No3 en la bémol majeur, opus 47
Ballade No4 en fa mineur, opus 52
Mazurka en la mineur, opus 17 No4
Mazurka en do majeur, opus 68 No1
Mazurka en la mineur, opus 67 No4
Valse en ré bémol majeur, opus 64 No1
Valse en la bémol majeur, opus 69 No1
Largo in mi bémol majeur
Polonaise en fa dièse mineur, opus 44
Jean Muller, piano
Parallèlement à votre DVD
vous sortez un disque d'oeuvres de Chopin enregistré en
mai 2010, année de son bicentenaire, et où il a
été beaucoup joué en concert, en 2011 avez-vous
ressenti un regain d'intérêt pour ce compositeur
par rapport à 2009 ou au contraire pensez-vous qu'il a
été un peu boudé après l'avoir trop
entendu en 2010, vous-même comment avez vous vécu
généralement ces années Chopin, puis Liszt...?
Je pense que Chopin sera toujours aussi populaire, avec ou sans
anniversaire car l'extraordinaire qualité de ses pièces
fait en sorte qu'on ne se lasse pas de les entendre et de
les ré-entendre. Chopin et Liszt ont toujours été
au centre de mes réflexions artistiques et ainsi j'ai
vécu tout naturellement ces anniversaires sans m'en
préoccuper. D'ailleurs le fait que j'ai publié
mon disque Liszt en 2010 et mon Chopin 2011 en est bien la preuve.
Par conséquent lesoeuvres de ces compositeurs continueront
d'occuper une place de choix dans mon répertoire.
On peut lire dans votre livret qu'en 1836
Chopin confia à Schumann que la ballade n°1 était
l'uvre qu'il avait écrite qu'il préférait"
mais après cette déclaration il en a écrit
trois autres dans les années qui ont suivi ...vous -même
avez-vous une préférence pour l'une des ballades
?
Très clairement pour la quatrième, que je trouve
bouleversante d'intensité et d'émotion.
Vous avez ajouté à ces ballades
diverses pièces représentatives de l'uvre
de Chopin , essentiellement des danses : Valse, Mazurkas, Polonaise,
pourquoi avez vous fait ce choix et selon quels critères
avez-vous plus particulièrement chacune d'elle pour chacun
de ces types d'oeuvres ?
De toute évidence les ballades sont construites autour
de rythmes dansants et ainsi l'idée m'est venue
naturellement. Aussi j'ai toujours été fasciné
par le contraste entre passion épique dans les ballades,
et sensibilité raffinée des Mazurkas. Pour le choix
desoeuvres précises je me suis laissé guider
par association libre et par mes affinités personnelles.
Quels sont vos prochains concerts ou autres
projets ?
En concert le 27 mars prochain à La Maison de Devialet
pour un showcase à Paris. Des concerts en Allemagne en
Scandinavie, en Asie etc. Mon prochain projet c'est les Etudes
d'exécution transcendantes de Liszt pour le concert
et le disque.
Pour écouter Jean Muller, piano
avec l'aimable autorisation
du label Fondamenta
cliquez sur le triangle du lecteur
ci-dessous
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des extraits
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