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Leopold Godowsky Chopin Studies Ivan Ilic PIANO
Leopold
Godowsky
Chopin Studies
Ivan Ilic
22 études d'après Chopin pour la main gauche seule
Le pianiste américain Ivan
Ilic que l'on avait pu découvrir à l'occasion
de la sortie d'un disque de Préludes de Debussy paru fin
2008 chez le label français Paraty revient avec un nouveau
disque édité par ce même label consacré
à des oeuvres d'un compositeur beaucoup moins connu, d'ailleurs
absent de nombreux dictionnaires musicaux de référence
: Leopold Godowsky
dont vous pouvez découvrir une biographie rédigée
par Ivan Ilic lui-même dans une autre page, biographie que
la presse américaine a publiée et est ici traduite
en français.
De son vivant, Godowsky fut plus célèbre qu'il
ne le fut après sa mort : Arthur Rubinstein déclara
qu'il lui aurait fallu 500 ans pour maîtriser la technique
de Godowsky. Sans doute cette difficulté a-t-elle nuit
par la suite à la célébrité du compositeur
au sujet duquel le compositeur Rachmaninov écrivit qu'il
est le seul musicien de leur époque à avoir autant
offert une contribution durable au développement du piano...
Si ces dernières années Marc-André Hamelin
et Boris Berezovsky ont contribués à faire ressortir
de l'ombre ce compositeur, peu de pianistes se risquent à
le jouer. Ivan Ilic est donc le dernier en date à relever
ce défi : son album se concentre sur les 22 études
pour la main gauche seule, pièces considérées
comme les plus difficiles jamais écrites pour le piano.
Comme vous pourrez le constater à la lecture (plus bas
dans cette page) des réponses que le pianiste Ivan Ilic
a bien voulu donner pour présenter son disque (une partie
est la reprise du texte de présentation inclus dans le
livret du disque qu'il a aussi rédigé ), dire que
Ivan Ilic est passionné par l'oeuvre de ce compositeur
est un faible mot, depuis son disque Debussy il a consacré
beaucoup de son temps à Leopold Godowsky et plus particulièrement
ses 22 études qui lui ont demandé certes un certes
un travail immense qui lui a permis de progresser mais aussi procurer
beaucoup de plaisir puisque selon ses mots "Cette expérience
me rapprocha comme jamais, du sentiment d'extase. [..]Il
est rare en effet de trouver le répertoire qui offre ce
type de plaisir à la fois viscéral et cérébral.
"
Leopold Godowsky a écrit 53 Études sur les 27
Études de Chopin, elles sont considérées
comme de véritables « Recompositions » plutôt
que « transcriptions », car Godowsky superpose les
études, varie les thèmes, les inverse, transcrit
pour la main gauche ce que Chopin avait écrit pour la main
droite, jusquà rendre certaines sources méconnaissables.
22 sont écrites pour la main gauche seule, l'on imagine
bien leur difficulté puisqu'il s'agit de jouer avec une
seule main ce qui était conçu à l'origine
pour deux et a même été enrichi mais elle
ne transparaît pas dans l'enregistrement.
Les numéros des études de Godowsky ne correspondent
pas aux numéros de celles de Chopin, c'est sa propre numérotation
/ 53 études. Ainsi l'étude n°2 en ré
bémol majeur par Godowsky correspond en fait à l'Etude
Op.10 No.1 de Chopin qui elle est d'ailleurs dans une tonalité
différente : Do majeur(à voir plus bas). Godowsky
par les changements de tonalité transforme aussi parfois
beaucoup plus nettement le caractère des études
ainsi l'étude n°5 que Ivan Ilic a choisi de partager
( voir extrait plus bas) dénommer "Tristesse"
et connu du plus large public sous ce nom d'origine... semble
un peu moins triste à mon avis sans être pour autant
dépourvu de poésie, bien n au contraire... mais
à chacun son ressenti. Ivan Ilic a choisi de donner un
nom à chaque étude, pour celles d'entre elles qui
en avait déjà à l'origine il les a conservés,
par contre pour les autres il considère " Je ne
pense pas que mes titres soient les seuls possibilités,
bien au contraire.
Mais, ca fait réfléchir quand même. "...
il n'a pas tort. Vous pourrez également écouter
dans une autre vidéo : l'étude n°18a qui correspond
à l'étude op.10 n°9... Ivan Ilic a choisi de
l'appeler "Patience" ... certes on pourrait discuter
de ce titre ! ... mais c'est vrai que ce titre est une invitation
à l'écouter et (ré) écouter, la comparer
même avec celle de Chopin, Godowsky donne naissance à
une émotion que n'offrait pas l'étude Chopin plus
axée sur la technique (hélas la qualité sonore
de la vidéo ne rend pas justice au disque mais cela vous
permettra d'avoir une idée et d'avoir des images), des
temps de respirations dans cette étude au thème
haletant... "Patience", l'on imagine bien à
voir la main gauche d'Ivan Ilic sur le clavier du piano qu'il
lui en a fallu beaucoup pour cette étude précisément
conçue par Chopin à l'origine pour le travail de
l'extension de la main gauche... Une patience qui lui permet d'offrir
ici un enregistrement de ces études dont le compositeur
Godowsky a exalté toute l'essence poétique et dont
le pianiste nous offre une interprétation qui fait oublier
la difficulté technique même si elles ne sont jouées
qu'à une seule main. Un disque passionnant !
Comment
se situent les études de Godowsky par rapport à
celles de Chopin ?
Il est primordial de voir les études de Godowsky comme
des commentaires ingénieux du texte initial de Chopin.
Le but du nouveau texte n'est pas de remplacer l'ancien, mais
d'en accroître notre compréhension en s'appuyant
sur ses fondations solides.
Godowsky nous commente clairement sa démarche dans sa copieuse
correspondance mais également dans sa préface des
Studies ; Il y est d'une franchise admirable. Ces études
prouvent que la maîtrise de textes classiques ne conduit
pas forcément à la paralysie créative ; les
uvres anciennes peuvent et doivent être une source
d'inspiration pour la créativité contemporaine.
Croire que les grandes uvres d'art se matérialisent
sui generis est un non-sens au regard de l'histoire de l'art et
de la musique.
Que représente l'uvre de
Godowsky pour vous ?
Je suis émerveillé par la richesse de cette musique
méconnue.
Les grandes uvres musicales ont plusieurs paliers de sens
et de contexte. L'accès à ces différents
paliers enrichit le vécu de l'écoute musicale avec
le temps. Soit ces paliers compilés s'éveillent
et libèrent une place privilégiée à
l'uvre dans nos esprits, soit l'écoute et la perception
unidimensionnelle, fugace, se fane Et s'évanouit.
Au fil du temps, je suis devenu particulièrement sensible
à l'artisanat musical de Godowsky.
J'ai la conviction que Léopold Godowsky s'est permis d'offrir
une satisfaction intrinsèque, exclusivement destinée
à l'interprète.
Un legs éminemment intime du compositeur hors du commun
à son interprète.
Peut-être vois-je ce raffinement comme une preuve de son
intégrité, une fierté du travail auquel je
m'identifie profondément.
Ce voyage a été extrêmement enrichissant pour
moi. J'ai partagé ces études dans mes récitals
avec une joie immense, et désormais grâce à
cet enregistrement.
Comment avez-vous travaillé ? Avez-vous
eu des moments de découragements ?
Les Etudes de Godowsky sont réputées pour leur
grande difficulté mais également pour les nombreuses
controverses qu'elles suscitent. En commençant mon travail,
j'étais donc encore plus circonspect que d'habitude.
En déchiffrant l'une des études avec soin et sang-froid
je me suis très vite retrouvé face à moi-même
: bien que ma technique m'ait donné jusqu'alors accès
à des uvres très exigeantes du grand répertoire,
je mesurais avec stupeur mes lacunes techniques. Franchement,
ça faisait bien longtemps que je ne m'étais pas
senti sur la chaise du débutant !
Il s'agissait de l'étude n°5 considérée
comme la plus accessible des 22 études de Godowsky pour
la main gauche seule. Celle que vous faites 'déguster'
aux lecteurs de Pianobleu aujourd'hui, justement.
Ce premier travail révéla mes défauts musicaux
et pianistiques d'une façon troublante, voire violente.
D'autant que constatés dans un contexte de travail assidu.
Je me lançais dès lors dans les défis suivants
:
- Le travail sur un legato gardé lisse partout, très
adapté au discours, mais terriblement difficile à
maintenir
- L'articulation d'une polyphonie complexe à une main
- L'agilité nécessaire pour négocier des
sauts rapides dans une texture épaisse qui rappellent les
uvres de Brahms
J'étais intimidé et intrigué en même
temps.
Aussi tout en persévérant sur l'étude n°5,
je décidais d'aborder deux nouvelles études en simultané.
Je notais immédiatement un vrai plaisir émotionnel.
Quant à l'architecture de leur écriture, elle était
tout aussi complexe.
Au fil du temps et de mon travail sur les 120 pages d'étude
pour la main gauche seule de Godowsky, je constatais que le niveau
de difficulté était constant.
Je compris qu'il n'y aurait pas de raccourcis dans cette histoire.
Je me suis alors concentré dans un premier temps sur une
poignée d'études y investissant une quantité
d'heures tout à fait excessive Et plus encore lorsqu'il
s'agissait de se produire en concert. Porté par des contraintes
de temps, je n'avais jamais passé autant de temps sur aucune
autre musique depuis le début de ma carrière
Et certainement plus encore que je ne pourrais jamais l'admettre.
Les jours et les semaines défilant, plus je travaillais
ces morceaux plus je les appréciais.
Ces fameux " paliers " de sens auxquels je faisais précédemment
allusion, m'apparurent, m'ouvrant de nouvelles dimensions. J'intensifiais
ma relation avec le langage musical de Godowsky.
Le Concerto pour la main gauche de Maurice
Ravel est, sans doute, l'uvre la plus connue parmi celles
écrites pour une seule main au piano. Godowsky s'est-il
inspiré de l'exemple de Ravel ou l'inverse ?
Il est vrai que le splendide concerto de Ravel est généralement
considéré comme le summum de l'écriture pianistique
pour la main gauche.
Mais en réalité les premières études
de Godowsky ont été écrites plus de trente
ans avant l'uvre de Ravel.
En comparant les partitions, les études de Léopold
Godowsky dépassent largement le concerto dans la sophistication
de leur polyphonie et leurs capacités à générer
un son ample et fourni avec cinq doigts.
Contrairement à ce que certains écrivirent, peu
d'indices dans la partition de Ravel laissent à penser
qu'il connaissait les partitions de Godowsky.
Le concerto de Maurice Ravel est éblouissant, certes. Mais
on peut seulement imaginer ce qu'il aurait écrit s'il avait
été pleinement conscient des possibilités
techniques explorées par son collègue polonais.
C'est très étonnant quand on sait que la musique
de Léopold Godowsky, son travail pianistique extraordinaire,
la qualité de ses compositions l'ont rendu célèbre
de son vivant et furent confirmés par ses plus brillants
confrères contemporains, dont Rachmaninov et Busoni.
Au-delà des préoccupations esthétiques, les
22 études de Godowsky constituent une contribution monumentale
à l'évolution de la technique pianistique.
La nature transcendantale de ces études valut aux artistes
qui choisirent de s'attaquer à son répertoire, d'innombrables
récompenses.
En vous confrontant à un défi
pareil, avez-vous l'impression que votre façon d'aborder
la musique a changé ?
En travaillant ces études, je me suis approché
des limites de ma dextérité. Et j'ai fini par les
dépasser.
J'ai la conviction, que seule la confrontation à des difficultés
suffisamment au-delà de ses propres capacités, nous
propulse à grands sauts sur le chemin du progrès.
Avec toujours plus de courage, j'ai finalement approché
les numéros diaboliques que Godowsky suggère comme
tempi. Le résultat fut une épiphanie musicale.
La minutie que j'ai développée a considérablement
accru mes pouvoirs de perception musicale.
Mais il y avait un autre aspect, plus physique dans ce développement,
quelque chose de plus difficile à formuler. Les gestes
ont progressivement pris racines plus profondément dans
mon corps. J'ai commencé à utiliser la force et
la mobilité de mon dos et de mes jambes. Les parties du
corps qui ne sont pas toujours aussi engagées sont devenues
indispensables ; Elles servaient de points d'appui et de pivot,
diffusant l'énergie utile aux bouts de mes doigts.
Quand j'ai approché la véritable gestuelle musicale
que Godowsky avait visée, une dissonance cognitive m'envahit.
Mon esprit était conscient de son incapacité à
traiter tant d'informations complexes en peu de temps. Pourtant,
simultanément, je ressentais une exaltation dans tout mon
corps, directement liée à cette même saturation
de l'information. Jouer ces uvres à leur vitesse
indiquée, enclenche un cocktail d'hormones.
Cette expérience me rapprocha comme jamais, du sentiment
d'extase.
Un sentiment de conscience aigu émerge. Je ressens mes
propres mouvements comme tirés par différentes forces
extérieures. Je ressens un centre de gravité exceptionnellement
bas et une mobilité interne très subtile, somme
des centaines de petits ajustements dans le corps, au service
d'un plus grand geste.
Il est rare en effet de trouver le répertoire qui offre
ce type de plaisir à la fois viscéral et cérébral.
Cette richesse provient du raffinement du détail, apparent
dans chaque mesure de l'écriture de Godowsky : il s'agit
de sa signature.
A quoi avez-vous attaché le plus
d'importance dans votre travail de cette oeuvre ?
Comme souvent dans l'art, une contrainte est devenue une grande
source de inspiration. Au départ j'étais obligé
de prendre beaucoup plus de temps que d'habitude pour assimiler
cette musique.
La phase initiale d'apprentissage de l'intégrale des Préludes
de Debussy, par exemple, est passée beaucoup plus vite
(CD Paraty 108.105).
Cette frustration s'est transformée en plaisir, lorsque
j'ai appris à prendre le temps nécessaire pour laisser
mûrir les choses, à y aller en profondeur.
En France les musiciens ont tendance à vouloir passer d'un
répertoire à un autre très rapidement. Ca
fait partie de l'enseignement dans tous les conservatoires, et
il est vrai que cette éducation nous permet d'apprendre
plus vite. Mais dans le contexte de ce projet j'ai réalisé
que, personnellement, pour donner le meilleur de moi même,
j'ai besoin de temps pour vivre avec les partitions. Pour m'interroger,
pour jouer les mêmes morceaux des dizaines de fois dans
les acoustiques les plus distinctes, dans différents pays.
Et, quelques années plus tard je COMMENCE à connaître
la musique d'une façon intime. C'est une approche plus
allemande, ou 'Europe centrale'... peut être que mes racines
serbes me trahissent ?
A chacun de se connaître, dans la vie comme dans la musique.
Pourquoi avez-vous eu envie de donner
des titres à chacune des études ?
Cette musique, d'une beauté limpide, riche, multidimensionnelle,
née d'une esthétique romantique par excellence,
mérite qu'on parle d'elle d'une façon plus évocatrice
que si on dit 'J'aime l'étude 28A'.
Cette volonté d'être abstrait à tout prix
(comme dans l'art plastique du 20eme siècle avec ses 'Tableaux
107bis') pour prouver qu'on est 'moderne', est terriblement datée.
J'irai même plus loin : les titres d'origine empêchent
le public d'aimer cette musique à sa juste mesure.
Dans les très nombreux concerts où j'ai joué
les Préludes de Debussy, j'ai pu remarqué, systématiquement,
l'importance que le public attache aux titres des morceaux.
On ne peut pas ignorer cela.
Par contre, je ne pense pas que mes titres soient les seuls possibilités,
bien au contraire.
Mais, ca fait réfléchir quand même. C'est
ca qui m'intéresse : si vous n'êtes pas d'accord
avec l'un des titres qu'est-ce que vous proposez à la place
?
Quand on commence à chercher à définir le
caractère d'un morceau musical avec des mots, que l'on
soit musicien ou inculte peu importe, par ailleurs, on utilise
son esprit critique personnel et on écoute la musique différemment,
à mon avis avec plus d'attention.
Ca fait partie de mon approche esthétique globale, si je
puis dire, qui ne va certainement pas plaire à tout le
monde.
J'aimerais que l'on écoute la musique classique avec un
engagement émotionnel et intellectuel profond. Si on met
la musique sur un piédestal sans se poser de questions,
on perd les facultés critiques qui sont justement nécessaires
pour apprécier toute sa richesse.
Pour écouter
Leopold Godowsky
22 études d'après Chopin
Etude pour la main gauche seule n°5
Ivan Ilic, piano
avec l'aimable autorisation
du label Paraty
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