Ce disque édité par le label Intégrale
est le premier disque commercialisé du pianiste Ali
Hirèche qui a déjà eu l'occasion d'avoir
des disques édités mais uniquement dans le cadre
de concours dont il a emporté des prix.
Il faut dire qu'outre ces prix Ali Hirèche a pu depuis
longtemps déjà faire les preuves de son talent et
l'on peut lire sur son site une recommandation qui date de 2007
du pianiste Aldo Ciccolini et notamment ces termes très
élogieux : "Il m'est agréable de déclarer
que ce pianiste témoigne non seulement d'une sensibilité
musicale rare aujourd'hui mais aussi de moyens instrumentaux exceptionnels
ce qui me laisse présager pour lui un avenir pianistique
de premier plan".
Dans la vidéo de promotion de ce disque que vous pourrez
voir ci-dessous, Ali Hirèche interprète une oeuvre
réputée comme très difficile en terme de
difficulté technique : les variations opus 35 volume 2
de Brahms ce qui vous permettra de juger de ses qualités
indéniables ! Ces variations Clara Schumann les qualifia
"de sorcier". Alors Ali Hirèche est-il un sorcier
du piano ?... à vous d'en juger mais les deux extraits
des opus 9 et 21 que vous pourrez également écouter
montre qu'il a bien quelques pouvoirs magiques dans ses doigts
qui semblent parfois voler dans l'air ! Ali Hirèche n'a
pas de balai ni de chat mais un chien qu'il a choisi d'appeler
... Brahms ! (vous pouvez les voir en photographie plus bas) c'est
dire aussi combien ce compositeur fait partie de sa vie...
Ali Hirèche a bien voulu répondre à quelques
questions pour présenter son disque :
Votre disque est consacré à
la forme "variation" par Brahms, qu'appréciez-vous
dans celle-ci et plus particulièrement dans la façon
dont Brahms s'est approprié celle-ci ?
L'intérêt, pour la forme variation me semble incontournable
pour tout pianiste, celle-ci ayant été une approche
constante chez la plupart des grands compositeurs allant de Bach,
en passant par Haydn, mais aussi Mozart, Chopin, Schumann, Brahms
(évidemment !), Reger ou Encore Webern, la liste n'étant
pas exhaustive. Du point de vue de l'écriture musicale,
la forme variation permet en général, une unité
structurelle dont la limite consistera au fur et à mesure
de l'évolution des techniques de compositions et du génie
des compositeurs cités précédemment, d'épuiser
toutes les ressources du matériel thématique jusqu'à
s'en éloigner au maximum.
Dans une lettre à son ami Joachim,
Brahms fait mention d'un style plus pur pour l'opus
21 que celui de l'opus 9, en quoi le trouvez-vous effectivement
plus pur et moins romantique aussi ?
Il est vrai que les variations opus 21 diffèrent de
l'opus 9. La première raison est sans doute dû au
fait, que dans l'opus 9, l'ombre de Schumann y est omniprésente,
non seulement dans le thème mais aussi dans l'atmosphère
générale, dans les citations d'extraits d'oeuvres
de Schumann , variations 9 du célèbre thème
de Clara que Schumann utilisa (dans son opus 5, variation 10),
si l'on s'en réfère aux morceaux de Robert (et Clara)
Schumann. Nous avons aussi
des variations typiquement schumanienne, non pas dans l'énoncé
mais dans l'esprit , comme les variations numéro 2 et 12
l'illustrent.
Quant à l'opus 21, la pureté dont parle Brahms se
réfère à différents facteurs, dont
le premier serait peut-être la tonalité en ré
majeur, lumineuse et à la fois, nostalgique. On peut aussi
penser à la progression, aussi bien dans l'écriture
que dans le climat émotionnel, beaucoup plus linéaire
que dans l'opus 9, laquelle débouchera dans la catharcis
du final aux réminescences
beethovenienne, je pense en particulier aux longs trilles du final,
qui nous rappelle ouvertement les dernières sonates de
Beethoven (opus 109, opus 111)
Clara
Schumann a dit des variations opus 35 que ce sont des «
variations de sorcier » les trouvez-vous effectivement
plus difficiles à interpréter et en quoi les trouvez
vous elles aussi intéressantes ? Et plus généralement
à quoi avez attacher le plus d'importance dans votre
interprétation des différents opus ?
Je ne pense pas que les variations opus 35 soient plus difficiles
de manière générale. En revanche, elles sont
certainement les plus virtuoses. Nous savons que Brahms a composé
ces variations en s'inspirant du célèbre pianiste
Carl Tausig. De même, que tous les compositeurs romantiques,
il avait été très marqué par la figure
de Paganini . Comme Liszt et Chopin avant lui,
Brahms nous livre ici, un véritable testament de son "pianisme"
si particulier. Je trouve l'expresssion de Clara Schumann assez
juste car tout au long de ses variations, aussi bien du point
de vue sonore que sous l'angle physique, la sorcellerie, le diable,
Marguerite ou Faust y sont convoqués.
Concernant l'interprétation générale de ses
opus brahmsiens, j'ai beaucoup insisté dans
mon travail à éviter une certaine" lourdeur
"que l'on peut parfois entendre dans certaines interprétations
et essayer de mettre en valeur la merveilleuse poésie de
toutes ces oeuvres en m'éloignant de toute tentation académique
voire pédante. Seulement à cette condition, nous
réussissons à savourer pleinement, le sens de l'architecture,
le génie contrapuntique et harmonique de Brahms.
Cet opus écrit en 1862 et 1863
est le dernier de type variations qu'écrivit Brahms,
avez-vous une explication au fait qu'ensuite il est délaissé
cette forme ?
Il est vrai qu'il s'agit des dernières variations pour
piano seul, mais Brahms nous réservait encore un chef-d'oeuvre
de la forme variation, dix ans plus tard : les variations
sur un thème de Haydn, (qu'il conçut initialement
pour deux pianos). D'autre part, je pense que non seulement pour
les variations mais également pour les sonates Brahms a
construit son oeuvre par blocs. Les trois sonates, les variations,
etc... Rappelons nous que malgré son impressionnante maitrise,
il a attendu très longtemps avant d'écrire sa première
symphonie. Il a en quelque sorte récapitulé toutes
les grandes formes qui avaient animés la musique à
partir du 18 ème siècle, et précédemment,
avant de participer lui-même à leur dissolution à
travers le langage qui leur était sous-jacent. Comme Webern,
comprendra si justement, quelques décennies plus tard.
Pourquoi avez-vous exclu les variations
sur un thème de Haendel de votre programme et l'opus 21
n°2 ?
Concernant "l'exclusion" des variations sur un thème
de Haendel et l'opus 21 N.2, il s'agit simplement d'une question
de temps. Le cd aurait duré une bonne heure quarante, ce
qui était trop long. Ce sera peut-être l'occasion
d'enregistrer plus tard, un autre disque dans lequel je tâcherai
également, de ne pas oublier les variations en ré
mineur sur le thème de son sextuor.
A voir : Ali Hirèche BRAHMS variation opus 35 volume
2
Pour écouter
Johannes Brahms
extrait des Variations opus 9
Ali Hirèche, piano
avec l'aimable autorisation
du label Intégral
classics
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et
Pour écouter
Johannes Brahms
l' extrait des Variations opus 21
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