Voyage mélodique Vittorio Forte Transcriptions pour PIANO

Voyage mélodique
Vittorio Forte, piano

Franz Liszt (1811-1886)
Earld Wild(1915-2010)
Transcriptions pour piano
Schubert/Liszt
Mendelssohn/Liszt
Chopin/Liszt
Schumann/Liszt
Rachmaninov/Wild
Gershwin/ Wild

Après un disque rapprochant des oeuvres de Couperin et Chopin, et ayant pour fil conducteur l'aspect mélancolique de ces deux compositeurs, l'émotion est encore primordiale dans ce nouveau disque du pianiste Vittorio Forte. En effet, celui-ci a choisi d'offrir un voyage mélodique à travers des transcriptions pour piano réalisées par Franz Liszt et Earl Wild, où la rencontre de la poésie et de la musique devient une expérience plus intime, ainsi confie-t-il à l'occasion d'un nouvel entretien à lire ci-dessous : "j'aime l'idée qu'un programme soit aussi une façon de livrer un peu de soi, en toute confidence, pour que ceux qui écoutent puissent avoir l'impression de vous connaître un peu mieux."
Il n'est pas surprenant que Vittorio Forte ait mis au programme de ce disque nombre de transcriptions réalisées par Franz Liszt puisque ce compositeur a lui aussi mis beaucoup de lui, et passé beaucoup de temps de sa vie, à réaliser des transcriptions : près de la moitié de ses oeuvres sont des transcriptions, et il a ainsi laissé près de 150 transcriptions de lieder. Selon le musicologue Jacques Drillon, auteur du livre "Liszt transcripteur", il s'y montre par rapport aux originaux, " d'une fidélité ...mesurée" . Scrupuleux cependant, il inscrit toujours les paroles sous les lignes de chant, cette partie vocale fût-elle égarée dans un dédale d'arpèges, ce qui l'oblige à respecter le nombre de couplets et par conséquent à rechercher la variété plus particulièrement dans l'accompagnement. Un accompagnement très dense qui ne se fait pas que de la main droite mais aussi avec la gauche, le chant passant d'une main à l'autre, ce qui contraint le pianiste à une gymnastique mentale éprouvante, outre de surmonter des difficultés techniques.
C'est d'ailleurs aussi ce qui fait tout l'intérêt de ces transcriptions tant pour le compositeur, qui en fait réalise ainsi un véritable travail de création, que pour l'auditeur, auquel parvient une musique qui va bien au-delà des compositions originales. Liszt en modifie le rythme et la mélodie même ( tessiture et découpe rythmique), la disposition des accords. Ainsi vous pourrez écouter plus bas dans cette page un lied de Schumann " Widmung "(Dédicace) où l'accompagnement, déjà très riche dans le lied de Schumann, prend une densité incroyable avec Liszt ce qui multiplie sa puissance émotionnelle, les mots du poème de Ruckert, utilisé par Robert Schumann pour traduire son amour douloureux à Clara, sembleraient presque inutiles, pourtant sans eux à l'origine de l'inspiration de la musique écrite par Schumann, puis enrichie par Liszt, elle n'aurait sans doute pas eu elle-même ce pouvoir d'émouvoir autant. Une belle rencontre entre les mots et la musique.
Avec ce disque de transcriptions pour piano, Vittorio Forte rend aussi hommage précisément à la rencontre des mots avec les notes, du génie des poètes comme Goethe, Schiller, Ruckert ou Pouchkine - d'ailleurs eux-mêmes aussi "transcripteurs" de poésie, puisqu'ils se sont parfois inspirés directement de poèmes orientaux sans en faire toujours des traductions totalement fidèles - avec le génie de compositeurs inspirés : Schubert, Schumann, Chopin, Mendelssohn... Il nous transporte ainsi dans un tourbillon d'émotions. Et il nous permet de découvrir avec bonheur des transcriptions musicales d'un autre compositeur moins connu du public : Earl Wild (1915-2010), un compositeur américain, admiratif de Liszt, qui presque un siècle plus tard a lui aussi consacré une grande partie de son inspiration de compositeur à la transcription dont des mélodies de Rachmaninov, qui était lui-même transcripteur, et "songs" de Gershwin. Vittorio Forte qui explique quelques "secrets de fabrication" du compositeur méconnu dans ce nouvel entretien, offre ici, avec sa propre sensibilité, un programme varié et un disque absolument enthousiasmant, tant par la polyphonie que le chant du piano. Le pianiste maintient captif l'auditeur tout au long de ce voyage, transmettant multiples émotions dans un parcours qui va de surprises en surprises. Bravo ! Vous ne pourrez hélas, en raison des droits d'auteur , pour ce qui concerne Earl Wild, découvrir que 30 secondes de deux transcription pour piano : "Midsummer Nights '' (Rachmaninov) et "Embreacleable you" de Gershwin en attendant la sortie du disque : le 19 février 2016.
Comment est née votre idée d’un voyage mélodique réunissant des transcriptions pour piano de Franz Liszt et Earl Wild ?
J'ai toujours eu une affinité particulière avec des oeuvres originales à caractère mélodique voir "vocal", comme les nocturnes de Chopin ou les Sonetti de Liszt. Mais l'élément déclencheur de cette idée a été une phrase d'une journaliste lors d'une émission de radio à laquelle j'étais invité et lors de laquelle j'avais joué des extraits de mon dernier disque Couperin-Chopin ainsi que des transcriptions des Songs de Gershwin par Earl Wild. Cette journaliste fut surprise par le mariage heureux entre les caractéristiques mélodiques de Chopin et de Gershwin.
En rentrant chez moi, j'ai immédiatement rédigé plusieurs programmes favorisant ces liens et ma réflexion a démarré. Bien sûr l'idée a évolué avec le temps. Le principe de parcourir plusieurs univers musicaux à travers les mélodies de compositeurs différents s'est imposée assez vite pour la constitution définitive de ce programme "Voyage mélodique".
Et comment avez-vous avancé dans cette idée au fil du temps ?
Avant tout mes recherches se sont concentrés sur le répertoire existant de transcriptions de lieder, romances ou mélodies. J'avais déjà prévu d'inclure dans le programme les transcriptions des lieder de Schubert par Liszt et celles des songs de Gershwin par Wild. J'ai déchiffré un grand nombre de transcriptions de Godowsky, de Clara Schumann, de Heller ou encore de Thalberg.
Mon intérêt était centré sur la texture pianistique, l'emploi des registres et des couleurs par les transcripteurs, et l'originalité dans la richesse harmonique. Je tenais à que ces pièces portent aussi bien l'empreinte du compositeur original que celle du transcripteur, et en même temps que le contenu musical reste intact, pour que chacune soit une étape importante de ce voyage musical. Lors de cette recherche, j'ai découvert quelques perles rares comme "Suleika" de Mendelssohn à la mélodie pure, simple, le "Fruhlingsnacht" de Schumann, à la fougue et à l'élan profondément romantique, dont la mélodie est par ailleurs reprise quasi textuellement dans une chanson d'Edith Piaf.
Dans la composition du programme il me manquait toutefois une transition entre le Romantisme "galopant" de Schubert à Schumann et les Songs de Gershwin. En écoutant les transcriptions de Wild des romances de Rachmaninov, j'ai eu un vrai "coup de coeur". Au point que le choix a été réellement difficile. Il y a une mélancolie, une inspiration et un élan dans les phrasés qui m'a conquis.
"Oh cease thy singing", d'après un poème de Pouchkine, qui évoque un homme demandant à sa bien aimée de cesser de chanter cette mélodie georgienne qui fait resurgir en lui seulement tristesse et nostalgie, est à la fois d'une grande richesse harmonique et d'une subtilité de couleurs et timbres qui nous font facilement imaginer les steppes lointaines évoquées dans le poème.
Lors de mes récents concerts, j'avais souvent joué les transcriptions des Songs de Gershwin par Wild avant de terminer par la Rhapsodie in blue, et ces mélodies au charme fou, enchantent le public. La transcription de "Summertime", que je me suis permis d'extraire d'une Fantaisie sur Porgy & Bess écrite par Wild, est un nocturne sensuel et envoûtant aux harmonies inventives qui éclairent d'une autre lumière cette mélodie incontournable.
Vous écrivez dans le livret : "Les mots et les sons s’entremêlent, se fondant en un même sentiment, une même émotion" , La façon de transcrire les partitions diffèrent–elles beaucoup entre Liszt et Earl Wild qui les a réalisées des dizaines d’années plus tard ? Ainsi qu’elles soient réalisées par Liszt ou Earl Wild , respectent –elles à la lettre – ( ou plutôt au mot ) les lieder ou bien ne sont-elles les unes comme les autres , en elle-même qu’une traduction synthétique ou au contraire développée ?
Evidemment la manière de transcrire de Liszt et Wild est différente. Ils ont le point commun d'être des pianistes compositeurs menant une carrière de concertiste et donc connaissant aussi les "besoins" du public ou encore l'intérêt de constituer des programmes qui leur permettaient de mettre en avant leurs qualités pianistiques.
Liszt a transcrit environ 150 lieder et mélodies de Schubert, Mendelssohn, Chopin, Beethoven, Schumann ou d'autres compositeurs moins célèbres aujourd'hui comme Robert Franz ou Joseph Dessauer. C'est dire combien il maîtrisait cette pratique de composition. Il s'est approprié le contenu mélodique et harmonique de chaque compositeur, et il a su le restituer avec sensibilité et surtout avec un sens de la théâtralité retenu, en évitant les passages pianistiques rocambolesques qui n'aurait eu d'intérêt que pour faire de l'interprète un acrobate.
Il met parfois l'accent sur le développement mélodique et l'intensité du texte écrit, comme dans "Auf dem Wasser zu Singen", où il livre le chemin vers l'apothéose en transposant la mélodie sur trois registres du plus grave au plus aigu et en indiquant "peu à peu plus animé". Un "strepitoso" à la Liszt vient terminer ce lied, sans pourtant ridiculiser le contenu purement musical.
Dans "Gretchen am Spinnrade", le chef d'oeuvre que Schubert a écrit à 17 ans et qui montre une maturité déjà acquise dans la nature même du compositeur, Liszt profite du sens répétitif, incessant et obsessionnel de l'accompagnement pour mieux retraduire le sentiment de cette jeune fille amoureuse et passionnée au point d'en perdre la raison.
Il est vrai que l'on peut parfois avoir l'impression que Liszt exacerbe les sentiments des lieder transcrits, qu'il tombe dans l'exagération et épaissit trop les traits fins et élégants des mélodies originales. Mais cela s'explique par l'avancement mécanique des capacités de l'instrument ou encore par l'affirmation des principes expressifs du Romantisme dans tous les arts, cette envie de liberté qui n'accepte plus de compromis.
Sur le plan de l'art de la transcription, Wild emploi un procédé différent. Il s'imprègne de l'œuvre original et surtout du langage du compositeur, de sorte à collecter le plus d'informations possibles pour finalement garder la ligne mélodique et transformer le contour.
Dans les mélodies de Rachmaninov, par exemple, il se concentre sur le caractère de la pièce et réalise des œuvres pianistiques semblables à certains Préludes ou Etudes tableaux.
Dans les transcriptions des songs de Gershwin, il change même le sens du déroulement de la mélodie passant, dans le "The Man I love" par exemple, d'une réécriture verticale de la mélodie à une ligne plus fine et fluide. Dans la coda de la transcription, il arrive à mélanger le texte original avec un remplissage inventif emprunté de façon évidente à Rachmaninov. Profondément admiratif de Rachmaninov tant comme compositeur que comme pianiste, il ne se cache pas de s'être inspiré des transcriptions que Rachmaninov lui-même a réalisé.
Comment avez-vous travaillé pour préparer ces transcriptions : avez-vous travaillé isolément d’abord celles d’un compositeur puis de l’autre ( voire du compositeur original) , avez-vous écoutez les lieder sous diverses interprétations( avec quels chanteurs ou chanteuses) et éventuellement des enregistrements de références de ces transcriptions ? A quoi avez-vous attaché le plus d’importance dans vos interprétations ?
Comme j'expliquais plus haut, j'ai plongé d'abord dans l'univers de la transcription en général. Entre écoute, déchiffrage, lecture des poèmes, je me suis fait une idée précise sur l'histoire que j'avais envie de raconter. Comme pour les autres disques que j'ai enregistré et pour mes récitals, j'aime l'idée qu'un programme soit aussi une façon de livrer un peu de soi, en toute confidence, pour que ceux qui écoutent puissent avoir l'impression de vous connaître un peu mieux.
En général j'essaie toujours de me détacher des interprétations que j'écoute car elles peuvent avoir tendance à influencer ou à remettre en question des choix qui paraissaient évidents. Il a été plus enrichissant d'écouter les versions originales des lieder de Schubert ou Schumann par Fischer-Dieskau, Schwarzkopf ou de Los Angeles, les mélodies de Rachmaninov par Vishnevskaya, ou Netrebko la dernière dans une version avec orchestre de "Oh cease thy singing " à faire froid dans le dos  , et bien sur Ella Fitzgerald chanter les songs des frères Gershwin.
Je voulais trouver la couleur la plus adaptée à chacune des pièces, et centrer mon interprétation sur la personnalité des compositeurs et tout ce que les textes de Goethe, Heine, Eichendorf ou Pushkin avaient pu leur inspirer.
La démarche de Schubert, Mendelssohn ou Schumann était dictée par une profonde admiration souvent non réciproque pour les mots bouleversants des poèmes.
Il est difficile de s'imprégner à la fois du style de chaque compositeur original, de celui des transcripteurs et de se laisser inspirer par les textes. Mais c'était en tout cas ce à quoi j'aspirais.
Les œuvres transcrites par Earl Wild, sont logiquement, des mélodies plus récentes , dont notamment celles de Gershwin qui apporte une touche de swing , que pensez-vous que sa façon de transcrire par rapport à celle de Liszt, est-elle aussi plus « moderne » du fait de ses propres choix ou uniquement des œuvres originales qui sont  également plus récentes ?
Il y a déjà une grande modernité dans les lieder des Schubert ou Schumann. Je ne crois pas que l'œuvre originale ait influencé la "modernité" de la transcription, exception faite bien évidemment pour les songs de Gershwin. Liszt a été indiscutablement le premier grand transcripteur pour piano. Les suivants s'en sont inspiré. Alors quand le langage a évolué, on a atteint un autre stade dans la liberté de transcrire. Le fait que Wild ait consacré une grande partie de son répertoire de concert à Rachmaninov ou encore Godowsky, lui aussi exceptionnel transcripteur, lui a permis de tenter le pari de rendre ces pièces plus orchestrales, développant ainsi une palette encore plus large que celle de Liszt. Disons que parfois il est à la limite de paraphraser plutôt que de transcrire. C'est une question de dosage dans l'utilisation des registres et des nuances. Mais Wild n'excède jamais, et quand bien même la nostalgie prend des élans passionnés le tout reste très cohérent.
Pensez-vous que les transcriptions de Liszt et Earl Wild ont contribué de la même façon à faire connaître les lieder originaux ?
La générosité dont Liszt a fait preuve à l'égard d'un grand nombre de compositeurs de l'époque n'a pas d'égal. Certains parlent de "haute trahison" ou d'imposture, sous prétexte que Liszt aurait profité de ses talents de transcripteur seulement pour faire impression en public.
Des milliers de pages écrites d'après Beethoven, Schubert, Mendelssohn, Schumann, Rubinstein, Alabiev... qui ont délivré des chaînes de l'oubli des chefs-d'œuvre absolu.
Pour la petite anecdote, c'est grâce à Liszt et à sa transcription d'"Erlkonig" (Le roi des Aulnes), que le ténor français Adolphe Nourrit, très en vogue dans les années 1830, a entendu pour la première fois les lieder de Schubert en 1834. A partir de là, Nourrit, conquis par ces mélodies, sillonne la France avec dans ses bagages "Die Junge Nonne", "Gretchen am Spinnrade" ou l'"Ave Maria" et souvent accompagné au piano par Liszt lui même.
Quant à Wild, sa démarche a été certainement plus personnelle. Si pour Liszt transcrire pouvait évoquer une mission, pour Wild il s'agissait de rendre hommage. Hommage à Rachmaninov, que le petit Earl entend pour la première fois à l'âge de six ans, et qu'il entendra plus tard accompagner Maria Kurenko dans ses propres mélodies.
Hommage à Gershwin, dont la célébrissime Rhapsodie in blue avait si fortement marqué la carrière. Un concert mémorable avec Toscanini en 1942, ainsi que le concert d'inauguration du mandat de J.F. Kennedy en 1961. 
Les transcriptions de Wild ne sont pas encore aujourd'hui assez souvent au programme des pianistes pour permettre une large diffusion des romances peu connues de Rachmaninov.
Le disque, ou le téléchargement aujourd'hui, est un support utile pour mieux divulguer des œuvres peu connues, encore faut il qu'il y ait du choix, et ce n'est pas forcément le cas pour les transcriptions de Wild.
En tout cas, personnellement, c'est grâce à lui que j'ai découvert certaines romances bouleversantes de Rachmaninov qui m'ont transporté vers des émotions très fortes. Et c'est aussi grâce à Wild si aujourd'hui il y a, avec les songs Gershwin, une part de swing dans mes programmes
Quels sont vos prochains concerts ?
La sortie du disque le 19 février, sera suivie d'un concert de lancement au Goethe Institut le 23 février. Ensuite, plusieurs concerts (Valence le 11/03, Sciez le 03/04, Evrecy le 08/04, Lausanne le 15/04) avec un programme incluant certaines pièces du disque ainsi que la Sonate D.664 de Schubert, la Fantaisie op.28 de Mendelssohn, ou encore la Métamorphose symphonique d'après la Chauve Souris par Godowsky.


Pour écouter
les extraits de Voyage Mélodique
Vittorio Forte, piano
avec l'aimable autorisation du label Lyrinx
cliquez sur le triangle du lecteur
ci-dessous

Schumann/Liszt - Widmung

Rachmaninov/Wild - Midsummer nights (extrait)
Gershwin/Wild Embraceable You (extrait)

 

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