Think Bach Edouard Ferlet PIANO

Think Bach
Edouard Ferlet, piano solo

Analecta (prélude en ré majeur du clavier bien tempéré bwv850)
Dictame (prélude en la mineur du clavier bien tempéré bwv889)
A la suite de jean (prélude de la suite pour violoncelle bwv1007)
Verso (prélude en do mineur du clavier bien tempéré bwv847)
Lisière (prélude en do mineur bwv999)
Souffle magnétique (suite française n°4 en mi bémol majeur pour clavier bwv815)
Que ma tristesse demeure (choral de la cantate jésus que ma joie demeure bwv147)
Lapsus (prélude en ré mineur du clavier bien tempéré bwv851)
Diagonale (variation de goldberg n°25 bwv988)
Réplique (prélude en ré bémol majeur du clavier bien tempéré bwv848)
Bien que largement improvisé, c'est un disque piano solo très pensé que le pianiste Edouard Ferlet sort ce mois-ci chez son label Mélisse ainsi le titre de son projet, qui a donné lieu à nombreux concerts en début d'année, était initialement nommé "Upside Bach" (voir vidéo en fin de page) mais le pianiste qui aime les jeux de mots trouvant ce premier " jeu de mot un peu trop tiré par les cheveux" a revu ce titre avec l'aide du pianiste/compositeur anglais Arden Day, ainsi l'explique-t-il à l'occasion d'un nouvel entretien à lire ci-dessous, et c'est donc désormais ce titre mûrement repensé à deux "Think Bach" que porte son projet.
Avant lui d'autres musiciens ont déjà réalisé des enregistrements remarquables autour de la musique de Bach par exemple Jacques Loussier, pianiste transmetteur de l'oeuvre de Bach dans un forme jazz très swinguante, en trio, également le pianiste Francis Lockwood qui ouvrait la porte à ses propres compositions en les faisant précéder de sa propre interprétation de préludes originaux de Bach jouées aussi avec son propre swing. Il est en fait assez fréquent désormais que des pianistes jazz s'inspirent de Bach plus ou moins ouvertement, comme d'autres compositeurs classiques et il serait trop long de tous les citer, Edouard Ferlet quant à lui se distingue en faisant entrer Bach dans ses propres (re)compositions dans un jeu aux règles multiples selon l'oeuvre qu'il explore mais dont il reste toujours maître. Ainsi le pianiste, pousse le jeu très loin non pas en jouant "du" Bach à sa façon mais en jouant "avec" Bach... "Avec" , préposition qui nuance effectivement fortement l'implication du compositeur/improvisateur ... Et de fait Ferlet est nullement un interprète de Bach, même s'il a du apprendre avant par coeur tous les pièces inspiratrices de ce disque, mais fait entrer la musique de Bach dans ses propres compositions... ce qui demande, vous l'imaginez, de bien penser ce disque en amont (même si la part de composition n'est que de 20 pour cent pour 80 pour cent d'improvisation selon le pianiste).
Arden Day qui a aussi écrit les notes du disque qualifie quant à lui ce jeu avec Bach d'"opération poétique" précisant "Une opération par laquelle le pianiste "re-compositeur" soustrait et augmente à la fois : des lignes de chants d'un prélude se voient dérober quelques notes, alors que certaines plus chanceuses s'en font greffer d'autres, jamais réduites cependant au travail de simple ornement. Le piano se trouve ainsi augmenté de timbres". Mais la poésie n'est pas dans ces règles de suppression ou d'ajout et n'est d'ailleurs jamais dans une règle quelconque, non elle est ici dans l'univers propre d'Edouard Ferlet, comme elle y a toujours été, Ferlet qui jouant avec Bach fait sa musique sienne dans des re-compositions.
Chaque pièce de ce disque a d'ailleurs un nouveau titre, car même si le pianiste s'est imposé quelques contraintes techniques la liberté qu'il prend, se jouant, fort adroitement, et fort heureusement, de la rigidité du compositeur nous renvoie avant tout à l'univers personnel d'Edouard Ferlet... Non la poésie n'est pas dans les règles mais est, et a toujours été, dans la liberté et particulièrement dans la musique de Edouard Ferlet qui ne met aucun frein à son imagination, fait fi des modes actuelles et explore les innombrables ressources de son piano comme il a exploré les partitions de Bach, en grattant les partitions avec ses doigts, et son cerveau, uniques... Ce qui lui permet non pas de revenir à la source mais en imaginer multiples variations et trésors cachés. Entre autres au coeur de ce disque multiples, deux trésors poétiques "Lisière" et "Souffle Magnétique" portent les traces plus fortes de l'un puis de l'autre compositeur comme si les deux joueurs s'observaient depuis leur univers respectif sans toutefois que l'autre ne s'éclipse totalement puis la tristesse et joie de l'un et l'autre se répondent et se fondent à nouveau dans une osmose géniale, les deux compositeurs semblant se jouer des auditeurs entre ces deux émotions contraires et comme dans tous les morceaux de ce disque confirmer qu'ils sont assurément faits pour jouer l'un avec l'autre !... Allez savoir ce qu'ils auraient composé après avoir partager un bonne bouteille de vin tel aurait aimé le faire Edouard Ferlet, probablement cet album ! Un album à déguster tel un bon cru musical, une cuvée Ferlet Bach exceptionnelle...
A l’origine votre projet s’appellait "Upside Bach" , pourquoi en avez-vous changé le titre, notamment cela correspond –t-il à une nouvelle façon de "penser" Bach après vos concerts ?
A l'origine le titre UPSIDE BACH me plaisait pour son double sens. La lecture de Bach à l'envers en référence au mot anglais UPSIDE DOWN et le jeu de mot entre BACK et DOWN, ce qui nous amène à UPSIDE BACK puis UPSIDEBACH. Je me suis aperçu que le jeu de mot UPSIDE BACK était tiré par les cheveux, ne signifiait rien en Anglais et ne correspondait pas à la l’idée de mon travail sur Bach. J’ai préféré choisir un titre qui exprime une idée forte en gardant un jeu de mot et avec l'aide de mon ami britannique Arden Day, « think bach » et apparu comme évident. think bach : repenser. Comment repenser Bach ? Comment déconstruire la musique de Jean-Sébastien Bach alors que celle-ci m'a structuré ? Comment subvertir la révérence faite à l’organiste de Leipzig et ne plus faire vœu d’allégeance à cette « vieille perruque », comme Busoni l’appelait avec tendresse ? Bref, comment de nos jours varier Bach sans faire de lui un cantor de variétés. Comment m'autoriser avec sincérité et respect, à mêler mon langage de pianiste compositeur de jazz à celui du grand maitre ?
Qu’est-ce qui vous a donné envie de « jouer avec » Bach plutôt qu’un autre compositeur classique et éventuellement renouvelleriez-vous cette expérience avec un autre compositeur ?
J’ai souhaité jouer avec Bach comme je joue un standard de jazz, avec la même liberté d’interprétation, d’improvisation de créativité et de candeur. C’est sur l’art combinatoire de Bach et ses structures absolues analogues à des escaliers infinis, tels les rubans de Möbius du peintre Escher, que j’ai trouvé mon inspiration. Les ostinatos, les mouvements perpétuels, les cadences sans fin ; c'est lorsque je retourne à l'improvisation que ce cadavre exquis polyphonique en vient à dévoiler certains de ses secrets. Les pièces pour clavier n'ont pas d'indication d'articulation ni de nuance et laisse une part de liberté d'interprétation importante. Le tempo et le rythme sont pour moi des éléments communs au jazz et à la musique de Bach, cela a été un axe de travail important dans ce projet. Il me serait possible de renouveler l’expérience avec d’autres compositeurs mais j’aborderais le travail de déconstruction sûrement d’une manière différente.
Dans ce jeu avec Bach, avez-vous fixé des règles avant d’improviser ? Si oui lesquelles ?
J’ai eu besoin de connaître les pièces originales sur le bout des doigts avant de pouvoir m’en éloigner, m’abandonner et créer une nouvelle version. Dans un premier temps, l’admiration que j’ai pour Bach aurait pu me freiner et m’inhiber mais je savais que je pouvais m’autoriser à transgresser sa musique en restant fidèle à son esprit et sa science, adapter son œuvre avec sincérité et authenticité dans l’improvisation et la re-composition. Le balancement rythmique, les séquences évolutives des mélodies, les pédales de basse, les marches harmoniques à la fois clairement tonales et subtilement dissonantes, sont des directions fortes qui m’ont inspirées dans ce projet. Dans la plupart des adaptations que j’ai re-composées, j’ai aussi gardé un lien fort avec la pièce d’origine à travers des transformations techniques.
Suites for Solo Cello BWV1007 Prelude : J'ai utilisé la technique du miroir que Bach utilisait déjà, en prenant comme note de départ le fa dièse aigu. L’exposition du thème est le miroir exact du thème originale, puis il est harmonisé et développé en fragmentation et expansion. Pour la partie solo, je joue librement dans la couleur du nouveau thème et dans l’idée d’un prélude improvisé.
The Well-Tempered Clavier, prélude VI BWV851 D min : De la partition originale, j’ai rajouté une note tonale tous les deux temps, ce qui transforme la mesure 6/8 en mesure impaire en 7/8. Je me suis amusé à jouer dans un style cubain que m’a inspiré la suite harmonique des premières mesures de la pièce originale.
Certaine suite harmonique ont été extraites et séquencées comme canevas d'improvisation, comme des cadences improvisées.
Avez-vous parfois, voire souvent, été vous-même surpris de ce que vous improvisiez ?
On me pose souvent la question de savoir si il y a beaucoup d'improvisation dans mon concert car le public ne sait pas où est la frontière entre l'improvisation et l'écriture. Cela me convient parfaitement car mon souhait est d’arriver à associer l'improvisation et l'écriture sans entendre les changements. Mais pour être cartésien je réponds 20% d'écriture et 80% d'improvisation. Les pièces sont reconstruites avec de nombreuses fenêtres d'improvisation et me permettent à tout moment de partir dans plusieurs directions. Cela me donne une grande liberté de jeu et d’évasion comme en trio exemple ! Il y a néanmoins des parties écrites re-composées qui me servent de point d’atterrissage ou de décollage et qui font le lien entre la partition originale et le nouveau score. Je me laisse surprendre par ce qui arrive et me laisse guider par les accidents de parcours pendant le concert : vent, bruit, défauts du piano, acoustique de la salle, réaction du public... Tous ces événements qui semblent être des obstacles, deviennent des sources d'inspiration et d’interaction.
Ce jeu avec Bach n'est-il pas à double sens : Bach joue avec Ferlet ? et n'avez-vous pas le sentiment que Bach agit sur la musique de Ferlet ?
Ma séance de travail avec David François Moreau a été révélatrice. A ma grande surprise nous avons commencé par écouter les compositions de mes derniers albums pour réaliser que la musique de Bach était déjà très présente dans mon écriture et mon improvisation, fugue, séquence, suite harmonique, mélodie, forme, conduite des voix. Ce travail d'écoute que je ne fais jamais m'a permis de me recentrer sur mon langage et de ne pas me faire envahir par la puissance de la musique de Bach.
Quel travail particulier avez-vous fait pour entrer dans l’univers de Bach ?
Le plus grand travail a été l'écoute et le choix des pièces à m’approprier. Puis c’est en grattant dans les plis de la partition, dessus dessous, que je suis allé déchiffrer les hiéroglyphes sonores; un peu à la manière d’un copiste du Moyen-Âge qui par la technique du palimpseste, et dans un continuum, recouvre et allège à la fois un ancien parchemin avec une œuvre fraîche. J’aborde les partitions comme un graphiste le ferait : découpage, collage, rotation, origami, rature, déchirure, pliages... Ces techniques de dessins m’ont donné l’idée de travestir les partitions de Bach pour en extraire ce qui correspondait à mon jeu.
Si vous rencontriez Bach aujourd’hui qu’aimeriez-vous lui dire ?
Je ne lui dirais rien, je lui demanderais juste s’il accepterait de jouer avec moi et de déguster un bon vin ensemble.
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Think Bach
Edouard Ferlet, piano
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A voir UPSIDE BACH - Edouard FERLET Filmé à l'Opéra de Lyon lors de la résidence Edouard Ferlet en janvier 2012 ( nouveau : vidéo supprimée qui vient d'être remplacée par la même vidéo avec le nouveau nom : Think Bach nouveau nom retenu pour le projet...)

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