Sergei Lyapunov Oeuvres pour piano Florian Noack

sergei_lyapunov_florian_noackSergei Lyapunov (1859-1924)
Oeuvres pour piano
Premier Volume
Florian Noack, piano

Mazurkas, valses, Tarentelles

Le pianiste belge Florian Noack, qui a été notamment formé à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth dans le cycle préparatoire pour jeunes talents exceptionnels durant deux ans, où il a pu bénéficier de l'enseignement de grands maîtres tels que Abdel Rahman El Bacha, Brigitte Engerer, Dmitri Bashkirov, Vitaly Margulis... ne participe pas actuellement au concours Reine Elisabeth de Belgique mais s'il n'est pas exclu qu'il le fasse lors de la prochaine session, ainsi le confie-il à l'occasion d'un nouvel entretien à l'occasion de la sortie de son second disque , c'est dans un projet qui s'annonce aussi de très grande envergure qu'il s'engage puisque cet album est le premier d'une intégrale de l'oeuvre pour le piano qu'il a choisi de consacrer à un compositeur peu connu, Sergei Lyapunov ( ou Sergueï Liapounov), qui a écrit plus d'une quarantaine d'opus pour cet instrument !
Dans son précédent entretien Florian Noack confiait déjà son intérêt pour la musique de compositeurs peu connus et notamment celle de Serguey Lyupanov, et par ailleurs son intérêt pour la danse... ce premier volume ne comporte pas les premiers opus du compositeur mais précisément une sélection de danses : huit mazurkas, quatre valses et une tarentelle, des pièces qui sont moins connues que les "Etudes transcendantes", pièces plus souvent jouées de ce compositeur russe qui s'installa en France après la révolution de son pays et auquel on reprocha souvent le manque d'originalité de sa musique, ainsi sa double influence de Liszt et Balakirev ainsi que celle de Chopin.
Certes le titre de ses oeuvres nous évoquent immédiatement ces compositeurs par contre l'écoute de ce disque permet de découvrir des pièces qui ne semblent ressembler à aucune autre... par exemple la "Tarentelle" que vous pouvez le voir jouer dans une vidéo plus bas dans cette page, n'est pas comparable à celle de Liszt si ce n'est qu'elle a tout autant matière à applaudissements !... Pourquoi n'a -t-elle pas connue une pareil destin ?.. Peut-être que la virtuosité qu'elle semble, elle aussi, exiger n'y est pas étrangère et il est possible que le compositeur donna peu de concerts, d'ailleurs on semble savoir peu de choses sur sa vie.... Quant à ce qui est de rapprocher sa musique avec celle de Balakirev encore faudrait-il connaître aussi l'oeuvre de ce compositeur dont elle s'inspire parait-il, mais un autre compositeur qui de fait est lui même aussi peu réputé en France à vrai dire ! ...
Et les huit mazurkas ou quatre valses qui auraient aussi pu nous ramener à celles de Chopin en semble le plus souvent fort éloignées, même la première et la troisième d'entre elles certes au caractère intime comme celles de Chopin prennent vite des aspects très originaux, précisément sans doute du fait de ce caractère intime, et elles aussi auraient méritées tout autant d'être jouées par qui a envie de sortir des sentiers battus... Voilà donc un oubli que comble Florian Noack dans ce programme tout à fait original qui nous permet d'apprécier sa virtuosité dans ces pièces certes très difficiles techniquement et assez éblouissantes mais aussi d'un grand lyrisme. Un lyrisme souvent joyeux mais aussi poétique et rêveur ainsi la très belle "valse pensive" qu'il a choisi pour ouvrir le disque ou autre exemple que vous pourrez écouter : la quatrième mazurka aux humeurs en fait très changeantes, frivole et sentimentale à la fois !
Florian NoackQuand et comment avez-vous découvert la musique de Lyapunov et qu’avez-vous particulièrement animé dans celle-ci ?
J’ai découvert Lyapunov (ou Liapounov), ainsi  beaucoup d’autres compositeurs peu connus, par le biais du Dictionnaire de la musique pour piano de Guy Sacre – qui a très amicalement accepté de rédiger le livret de mon CD. Aujourd’hui, les quelques œuvres parfois défendues par les pianistes en concerts ou en concours sont les 12 Etudes Transcendantes de Liapounov. C’est donc par là que, vers 14 ans, j’ai commencé à découvrir cette musique.
La première chose qui m’a frappée, dans les œuvres de Liapounov, c’est sa séduction pianistique immédiate. L’écrite est ciselée, colorée, souvent extrêmement virtuose, idéalement adaptée au piano. Un autre aspect typique (notamment au niveau de l’harmonie) est son inspiration russe et souvent caucasienne, qui le rapproche très fort du Groupe des Cinq, et principalement de Balakirev.
Ce qui me plait personnellement tout particulièrement dans la musique de Liapounov, c’est son lyrisme - simple et émouvant, avec une sorte de discrétion et de pudeur qui lui sont propres.
Il a souvent été reproché à Liapounov l’absence de style personnel , qu’en pensez vous plus particulièrement par rapport à celle de son contemporain russe comme lui Balakirev dont il partage l’obsession pour la tonalité ré majeur / si mineur ainsi que ré b major / si b mineur ?
Il est indéniable que Liapounov a été énormément influencé par Balakirev, qui était son mentor et son ami. Entre parenthèse, il n’était pas le seul, car des compositeurs comme Tchaïkovsky et Rimsky-Korsakov faisaient également corriger leurs œuvres par Balakirev, à tel point que Tchaïkovsky a écrit 3 versions de son Ouverture Roméo & Juliette (d’après les corrections de Balakirev) et que Rimsky-Korsakov avouait parvenir difficilement à résister à cette sorte d’influence tyrannique.
Cela se confirme tout particulièrement dans les œuvres que j’ai choisi d’enregistrer.
Les 8 Mazurkas de Liapounov font directement écho aux 7 Mazurkas de Balakirev. Dans les dimensions : certaines pièces atteignent les 8 minutes (alors qu’une Mazurka de Chopin ou de Scriabine reste généralement dans le cadre de la miniature). Dans l’écriture pianistique : il s’agit d’œuvres de concert, ambitieuses, virtuoses (les octaves et doubles notes y sont fréquentes !). Enfin, dans l’harmonisation, qui, chez Balakirev comme chez Liapounov, confère toujours un côté légèrement plus oriental à leur musique.
La redoutable Tarentelle Op.25 en si b mineur est un écho direct de la Tarentelle de Balakirev en si majeur (et, à plusieurs endroits, fait songer logiquement à Islamey).
Dans plusieurs pièces néanmoins, on remarquera chez Liapounov une sensibilité plus poétique, plus réservée –un tempérament moins exacerbé que celui de Balakirev. Il y a là bien plus qu’un simple remake , et d’ailleurs il n’était pas rare qu’à son tour, Liapounov influence lui-même son mentor.
Il y a plus lieu de parler d’émulation musicale, à travers une amitié et une proximité entre les deux hommes que d’imitation ou de copie. D’autre part, aujourd’hui que personne ne connaît vraiment davantage (à l’exception d’Islamey) la musique de Balakirev, cette ressemblance est-elle vraiment un obstacle ?

Liapounov a émigré en France après la révolution russe et est mort à Paris, mais que savons nous précisément de sa vie en France et en quoi cela a-t-il eu une incidence sur ses compositions ?
Honnêtement, je dois avouer ne pas vraiment connaître grand-chose de la vie de Liapounov. Je connais les grandes lignes, mais j’ai très peu trouvé d’informations sur le net, par exemple. Il est effectivement parti vivre à Paris, où il est mort en 1924. Je ne sais pas dans quelle mesure cela a réellement influencé ses compositions.
Mais ce qui est certain, c’est que vers la fin de sa vie, Liapounov a tenté de s’éloigner de l’influence musicale envahissante de Balakirev. Notamment en écrivant des œuvres plus simples pianistiquement, ou destinées à la jeunesse. Une façon peut-être d’éviter certains tics pianistiques ou harmoniques de son mentor. La seule œuvre du disque issue de cette période est la 3ème Valse Impromptu Op.70. 
Comme Balakirev est-il aussi méconnu pour la difficulté de ses pièces ?
Je pense que pour des pianistes qui jouent Gaspard de la Nuit de Ravel ou Petrouchka de Stravinsky, la difficulté n’est pas le réel obstacle. Bien que la plupart des œuvres de Liapounov soient extrêmement difficiles, la raison de l’ignorance dans laquelle il est tenu s’explique à mon avis davantage par un manque de curiosité singulier d’une majorité de pianistes. Ce manque de curiosité s’étend bien sur à bon nombre d’autres compositeurs qui mériteraient davantage de sortir de l’ombre. Certains voient leur chance un peu revenir (comme Alkan et Medtner ces derniers temps), d’autres ne sont encore connus qu’à l’intérieur de leur pays (comme par exemple Dohnanyi en Hongrie), pour d’autres encore, le nom n’est attaché qu’à une ou deux oeuvres
Florian NoackOn lui a aussi reproché de s’inspirer de la musique de Liszt et Chopin , d’ailleurs votre disque dévoile des mazurkas, valses et une tarentelle… quelles en sont les caractéristiques propre à Liapounov ?
Presque toutes les œuvres pour piano issues du romantisme et post-romantisme russe remontent à Chopin et Liszt. Scriabine, Liadov, Glazounov, (pour ne pas mentionner Tchaïkovsky et Rachmaninov) ont écrit des Valses et des Mazurkas. Il n’y a là rien de bien exceptionnel –de même qu’à l’époque, l’influence européenne était très forte en Russie dans d’autres domaines artistiques.
Il est vrai que l’œuvre la plus connue de Liapounov, ses 12 Etudes Transcendantes, sont très clairement un hommage à Liszt, qui avait écrit ses 12 Etudes dans les tons bémolisés (son projet d’en écrire 24 avait été abandonné). Liapounov avait donc repris le flambeau, et en écrit à son tour une série dans les tonalités diésées. La dernière Etude est une Élégie en mémoire de Franz Liszt. Cela appuie un hommage qui n’a jamais caché la dette qu’il avait envers son prédécesseur.
La comparaison entre les Mazurkas de Chopin et Liapounov révèle surtout les différences entres ces deux approches. Chez Liapounov, les mazurkas ne sont pas regroupées en cycle de 3 ou 4, mais chaque pièce est une œuvre consistante à part entière. Les harmonies sont plus slaves que polonaises, et l’écriture pianistique est réservée au virtuose –alors que la mazurka chopinienne (ou scriabinienne) ne découragera pas un amateur d’un certain niveau.

Comment est né l’idée d’enregistrer une intégrale et savez-vous dès à présent quand sortiront les prochains volumes sachant qu’il a composé pas moins de 35 opus pour cet instrument ?

L’idée d’enregistrer ces œuvres est venue très spontanément lorsque je les ai découvertes ! Pour la plupart, il n’y avait pas d’enregistrement disponible me permettant d’entendre ces œuvres à moins de les jouer moi-même. J’ai voulu essayer de compenser ce vide (partiel) discographique.
J’ignore encore quand sortiront les prochains Volumes, mais je commence déjà à préparer le programme du suivant. J’espère d’ici un an ou deux pouvoir présenter le Volume 2 (qui comprendra vraisemblablement les Variations sur un thème russe, les Variations sur un thème géorgien  et soit la Sonate, soit les grandes œuvres isolées comme la Novelette ou le Scherzo).
Ce premier disque ne comprend pas les premiers opus du compositeur mais une sélection du « recoin le moins exploré du piano de ce compositeur »à savoir les mazurkas, valses et la tarentelle pourquoi avez-vous fait ce choix ?
Etant donné que j’ignore encore quand sortiront les prochains Volumes de cette intégrale, je tenais à ce que ce Cd soit cohérent en tant que tel (en présentant l’intégrale des Valses, des Mazurkas et la Tarentelle, toutes des œuvres regroupées sous le thème de la danse). Cela me semblait préférable à présenter quelques préludes, quelques mazurkas, quelques valses. Je préférais boucler la boucle.
Il y avait beaucoup de façons différentes de commencer cette intégrale. La plus logique aurait été de commencer par les Etudes transcendantes, qui sont l’œuvre la plus importante de Liapounov, mais cela n’aurait rien apporté de fondamentalement neuf, elles ont déjà été enregistrées 3 fois.
Tant qu’à faire quelque chose de ‘nouveau’, autant le faire réellement. Hormis la 8ème Mazurka et dernière Mazurka, aucune de ces œuvres n’avait été enregistrée jusqu’à présent.
Depuis notre précédent entretien en janvier 2012 quels ont été les principaux événements de votre carrière ?
Au niveau des concours, j’ai eu depuis la chance d’être lauréat du Concours International de Cologne (3ème Prix), du Concours International Robert Schumann (2ème Prix), du Steinway Fördepreis (1er Prix), du Concours Lions Club (1er Prix) et du Karlrobert Kreiten Wettbewerb (1er Prix).
Le plus important étant le Concours Schumann qui a lieu tous les 4 ans à Zwickau, la ville natale du Compositeur.
Au niveau des concerts, j’ai de plus en plus l’occasion de jouer à l’étranger (ces derniers temps, les choses se développent considérablement en Allemagne). En juin 2013, juste après le Concours Schumann, j’étais invité en Chine et en Corée pour une tournée de Concerts.
En France, j’ai eu depuis l’occasion de jouer à l’Esprit du Piano à Bordeaux, au Festival Chopin à Paris, aux Pianissimes, etc.
Actuellement, je viens également de rentrer chez un nouveau professeur, à Bâle (Claudio Martinez Mehner). Je me réjouis de poursuivre mes études avec lui.
Vous avez suivi vos études à la Chapelle Reine Elisabeth avez-vous le projet de vous présenter au concours reine Elisabeth qui a lieu en ce moment ?

Rien n’est impossible ! Cela dépendra de beaucoup de facteurs, où en serai-je dans 3 ans notamment. Et de voir si à ce stade-là il est encore nécessaire/positif de faire ce concours. Il est impossible de le savoir maintenant.

Quels sont vos prochains concerts en France ou pays francophone ?
En Belgique, les 1er et 15 juin (Bruxelles et Liège). Le 20 Octobre, je joue un récital dans la salle du Conservatoire de Bruxelles. En France, prochainement, le 13 juillet au Festival Chopin à Bagatelle. On m’a contacté récemment pour un récital le 28 ou 29 juillet à Yvoire, mais la date est encore à confirmer.

Pour écouter
Sergueï Lyapunov
Mazurka op.19 n°4
Florian Noack, piano
avec l'aimable autorisation
du label
ARS Production
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