Schubert Valses nobles et sentimentales Guillaume Coppola PIANO
FRANZ SCHUBERT (1797-1828)
12 Valses nobles
Sonate en la mineur D537
34 Valses sentimentales
Mélodie Hongroise
Guillaume Coppola , piano
Après un disque de Danses espagnoles de Granados, paru en 2012, c'est essentiellement vers une autre danse, la valse, telle que Schubert la traita au piano, que le pianiste Guillaume Coppola se tourne dans ce nouveau disque qu'il présentera lors d'un récital au Conservatoire du XVe à Paris, ce 24 septembre 2014. Il confie lors d'un nouvel entretien à lire ci-dessous qu'en effet ses envies en terme de répertoire vont souvent vers des oeuvres liées à la danse, précisant : " sans doute à cause de mes origines, car mon premier contact avec la musique s’est fait par le fait de chanter et danser en famille, de partager des émotions, des moments festifs. C’est donc au départ un moyen d’évasion, qui peut aboutir à une forme d’oubli de soi, voire de transe quand c’est poussé à l’extrême." Et dans la musique de Schubert,ce qu'il apprécie , explique-t-il, c'est sa " dimension de partage mais dans la confidence, en écoutant sa musique on a l’impression d’être dans le secret d’une amitié, et finalement l’esprit des Schubertiades transparaît dans sa musique. "
Il a choisi de compléter deux des recueils qui réunissent des pièces uniquement consacrées à la valse , près de cinquante pièces miniatures sur les quatre-vingt quatorze partitions, par une des premières sonates de Schubert afin d'équilibrer le disque, ce qui il est vrai évitera un éventuel tournis à l'auditeur. Car, hormis son allegretto andantino qui "trottine" plus allègrement, cette oeuvre aux climats contrastés, est globalement plus dramatique, et cette sonate offre d'ailleurs plus l'occasion de chanter intérieurement que danser !
En fait Schubert a écrit plus de quatre cents danses : menuets, écossaises, galops, danses allemandes, explique Gilles Thiebot auteur du livret, précisant : "ceci dans le but d'alimenter les réjouissances musicales des "schubertiades" réunions amicales de poètes, écrivains et peintres rassemblés autour du musicien et dont la fonction officieuse était de faire oublier le temps d'une soirée les rigueurs d'un régime policier, instauré dans l'empire des Habsbourg par le chancelier Metternich et destiné à museler toute vie sociale et intellectuelle."
Quant à Guillaume Coppola, fort heureusement point de rigueur d'un régime policier à faire oublier lors de ce récital à venir mais, c'est en les redécouvrant un été, en piochant au hasard dans les partitions du recueil des Valses sentimentales, qu'il en a par contre oublié de travailler le concert qu'il devait donner !
Ainsi le pianiste a-t-il été conquis, explique-t-il dans le livret, par la fraîcheur d'inspiration, et la géniale spontanéité de ces courtes pièces :" sans être figées dans leur immuable trois temps, [elles] m'étonnaient au contraire par un renouvellement permanent du discours. Je découvrais une musique de partage, de convivialité, une joie d'offrir des danses comme autant de cadeaux à des amis chers".
En fait ce recueil des "34 valses sentimentales" n'a pas été à l'origine conçu comme un cycle par le compositeur mais provient de sources manuscrites différentes et l'éditeur a donné ce qualificatif en lien avec le caractère de celles-ci. du moins une partie car ce "sentimentalisme" supposé n'apparaît pas vraiment dans toutes mais les musicologues citent souvent la treizième d'entre elle, pour sa tendresse. Ce n'est pas la seule de ce recueil qui mérite toute attention puisque ce caractère romantique apparaît cependant dans un certain nombre et lorsque en sont dénuées elles n'en demeurent pas moins intéressantes et réjouissantes, leur allégresse n'a rien pour déplaire.
Les "Valses nobles" ont plus de corps, plus vigoureuses et plus solennelles , ce qui leur doit sans doute leur titre, et on les imaginerait plus volontiers jouer au milieu des schubertiades lorsque le musicien s'affirme et pour taire le bruit ambiant... ainsi plus particulièrement la première, la cinquième et la neuvième mais à chacun son idée, et il est vrai que quelques unes feraient exception, c'est ce que pourrait d'ailleurs faire croire le début de la plus longue ,troisième valse, mais attention ces nuances sont très contrastées, et une douceur apparente peut vite évoluer, ainsi pourrez-vous vous en rendre compte en l'écoutant (plus bas dans cette page) !
Quant à la jolie " Mélodie hongroise " avec laquelle Guillaume Coppola clôt ce programme, c'est un splendide bis de concert, issu d'une mélodie populaire, idéal pour celui-ci. Une pièce composée par Schubert lors d'un séjour en Hongrie, il aurait entendu cette mélodie chantée par la servante de la maison avant de la transcrire pour piano et la réutiliser comme thème de refrain dans une autre oeuvre : "Divertissement à la hongroise" pour piano à quatre mains , composés peu après. Sans doute ce terme de divertissement conviendrait aussi à ce disque mais ce serait oublier les phases plus sombres de la sonate D.557, qui permettent de mieux apprécier les apparitions solaires et phases dansantes qu'elle cache aussi en elle. Quoi qu'il en soit le pianiste Guillaume Coppola nous permet de passer un excellent moment avec ce programme bien équilibré qu'il mène d'un bout à l'autre sans nous porter à lassitude mais au contraire en ravivant notre curiosité par un rythme toujours bien soutenu, quel que soit le temps appuyé de la mesure, celui-ci différend selon les valses, et allant toujours de l'avant, dans son plaisir du partage ! Un plaisir prolongé aussi dans une vidéo à voir plus bas dans cette page.
Après un disque de danses espagnoles de Granados vous enregistrez un disque d’oeuvres de Schubert comportant deux recueils de courtes valses, peut-on faire un rapprochement quelconque entre ces œuvres et quelle places tiennent aujourd’hui dans votre répertoire de façon générales les œuvres pour piano liées à la danse ?
Ces deux répertoires ont une dimension intuitive, empirique. Les Danses espagnoles de Granados sont plus développées, travaillées, que les Valses de Schubert qui sont des instantanés, des moments fugaces d’inspiration lumineuse, mais les deux recueils se rejoignent dans le côté très direct de l’expression, avec des mélodies assez simples et pures, qui vous touchent immédiatement. La dimension vocale est très présente, chez Schubert évidemment dont la production de Lieder est colossale, et également chez Granados qui était très proche de l’univers de Chopin, et donc du piano « qui chante » , qui s’inspire du Bel Canto. Le rythme est une caractéristique essentielle de ces deux répertoires, qui nous emportent souvent par leurs élans et donnent envie de danser...
Bien sûr les Danses de Granados ont un côté plus flamboyant, mais les Valses de Schubert ne manquent pas de couleur, de brillance et parfois même de panache ! Et une certaine nostalgie peut apparaître aussi, voire une douleur, comme dans toutes les musiques d’inspiration populaire.
Qui dit musique populaire dit souvent musique de danse, et il est vrai que mes envies en terme de répertoire vont souvent vers des oeuvres liées à la danse, sans doute à cause de mes origines, car mon premier contact avec la musique s’est fait par le fait de chanter et danser en famille, de partager des émotions, des moments festifs. C’est donc au départ un moyen d’évasion, qui peut aboutir à une forme d’oubli de soi, voire de transe quand c’est poussé à l’extrême.
Dans l’entretien sur votre parcours, en 2006, vous déclariez avoir beaucoup exploré la musique de Schubert, que représente-t-il dans votre répertoire aujourd’hui, le jouez-vous souvent en concert notamment, et que pensez-vous des « schubertiades », aimeriez-vous aussi donner cette forme de concert ?
J’ai abordé Schubert assez jeune, puis j’y suis revenu en travaillant avec des chanteurs, et le répertoire pour piano à quatre mains. A ma sortie du Conservatoire de Paris, j’ai été invité à jouer au Théâtre de Besançon dans une série consacrée à Schubert, et ça tombait très bien car j’avais justement envie de revenir à des fondamentaux, de la musique pure, sans trop de démonstration de virtuosité. Je l’ai ensuite un peu laissé de côté, sans que ce soit volontaire - c’était sans doute lié aux demandes qu’on me faisait, ou à la perspective de mon premier disque Liszt. J’y suis revenu à l’occasion de ce projet discographique, à nouveau probablement pour retrouver une forme d’intimité, de « recentrage » après des enregistrements Liszt, Granados et Poulenc qui étaient plus « extérieurs ».
Chez Schubert il y a cette dimension de partage mais dans la confidence, en écoutant sa musique on a l’impression d’être dans le secret d’une amitié, et finalement l’esprit des Schubertiades transparaît dans sa musique. C’est d’ailleurs l’ambiance que j’aimerais créer lors de mon concert parisien du 9 décembre 2014 au Conservatoire National Supérieur d’Art dramatique, à l’occasion de ce nouveau disque : même si la salle peut accueillir 500 personnes, je voudrais inviter le public à un moment intime et festif, avec sans doute des musiciens que j’aime qui me rejoindront pour partager un moment de musique.
Vous avez choisi d’enregistrer en complément une œuvre plus « longue » ou « large » de Schubert : la sonate D.537 qui est « une occasion de chanter » , que pensez-vous de la différence entre ces deux facettes de Schubert et de sa « fusion » dans la mélodie hongroise avec laquelle vous clôturez ce disque ?
Cette Sonate est surtout pour moi, par opposition aux Valses, un moment de dramaturgie. Je ne voulais pas limiter ce disque à des miniatures, aussi géniales soient-elles, je souhaitais proposer également une grande oeuvre construite et développée, où l’auditeur est emmené dans un cheminement, et son écoute englobée dans une architecture.
La Mélodie hongroise n’était pas prévue au départ pour cet enregistrement, mais je l’ai jouée une fois en bis, peu de temps avant l’enregistrement, et j’ai eu envie de l’ajouter à ce programme. Elle arrive comme un complément, ou un prolongement. On y retrouve l’aspect populaire, avec ce rythme « hongrois » ou plutôt tzigane, et une mélodie pure et magnifique, des modulations à vous faire chavirer. C’est tout Schubert !
Quels sont vos prochains concerts ?
Un récital au Conservatoire du XVe à Paris, le 24 septembre, juste au moment de la sortie du disque. Puis un concert en quintette et sextuor avec vents avec le quintette Cassiopée, au festival Septembre musical de l’Orne. Je rejoins le Choeur Opus 39 à Arbois (avec également une partie en récital), avant de partir en Polynésie française (ça fait rêver!) pour des concerts à quatre mains avec Hervé Billaut à Papeete et Moorea. Puis Bordeaux, Paris le 9 décembre, Besançon…
L’année prochaine je donnerai plusieurs récitals dont le programme est un prolongement du disque, avec les Valses nobles et sentimentales de Ravel, en écho à Schubert, et la 3e "Soirée de Vienne" de Liszt, dont le sous-titre "Valse-Caprice d’après Schubert » nous rappelle qu’il a justement utilisé certaines danses du Viennois, assemblées, développées pour en faire une grande oeuvre brillante.
Pour écouter
Franz Schubert
Valses nobles D.969
Valse n°3
Guillaume Coppola , piano
avec l'aimable autorisation
du label Eloquentia
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ci-dessous