Miroirs
Sonatine
Jeux d'eau
Pavane pour une infante défunte
Aurèle Marthan , piano
A découvrir ce récent, et premier, disque du pianiste Aurèle Marthan, qui a créé un festival l'année dernière dont la seconde édition aura lieu le 22 août 2014 Guéthary. Ce pianiste, qui a suivi des études musicales au CNR de Bayonne avant de se perfectionner dans d'autres conservatoires et académies en France, Italie et Angleterre, a choisi d'enregistrer des oeuvres de Ravel qui le ramène à un univers qui lui est cher : celui des paysages de la côte basque. Cet enregistrement, réalisé au Fazioli concert hall à Sacile (Italie) et publié par le label Polymnie, regroupe des oeuvres que Ravel a toutes composées avant 1906 : Miroirs, un "chef d'oeuvre incontesté ", Sonatine , créée pour un concours, elle est parfois décriée mais suscita lors de sa sortie une grande admiration, Jeux d'eau , encore un chef d'oeuvre de Ravel, et la Pavane pour une infante défunte, qui a un grand succès que ce soit dans sa version pour piano ou orchestrale mais dans laquelle pourtant Ravel percevait des défauts. Quant à lui ce premier disque a valu Aurèle Marthan déjà nombreux éloges tout à fait mérités. Aurèle Marthan a bien voulu répondre à quelques questions pour présenter son parcours ainsi que ce disque dont vous aurez le plaisir de pouvoir écouter deux extraits plus bas dans cette page, n'hésitez pas à vous le procurer pour en apprécier vraiment la très belle sonorité et les nuances de son jeu !
Dans quelle circonstance le label Polymnie vous a-t-il proposé de réaliser ce disque et comment s’est passé votre enregistrement ?
Il s'agit d'une proposition faite par le label OnClassical lorsque j'étudiais en Italie. J'ai enregistré ce disque dans d'excellentes conditions au Fazioli Concert Hall à Sacile sur un magnifique Fazioli qui avait un son tres doux, rond, subtil et délicat, propice à l'interprétation des œuvres de Ravel et qui était assez différent du standard Steinway. 3 jours intenses, très riches, une expérience fabuleuse ! L'enregistrement a été très éprouvant mentalement et physiquement mais ce que j'ai beaucoup aimé, c'était d'avoir la possibilité grâce à la richesse de l'instrument d'être constamment à la recherche d'une sonorité, d'un toucher et d'une expression qui puissent me satisfaire. C'est une recherche infinie. Le label Polymnie l'a repris un an plus tard pour une meilleure distribution. Il est sorti dans les bacs en novembre 2013.
Vous indiquez que la poésie musicale de Ravel vous a toujours emporté vers l’univers des paysages du pays basques , pouvez-vous en dire plus à ce sujet ?
Ayant grandi dans le Pays Basque, à Guéthary très exactement, il était plus évident pour moi d'enregistrer des œuvres de Ravel. Cet endroit, ces paysages, l'océan, la montagne, ces couleurs, cette luminosité, l'atmosphère qui s'y dégagent ont nourri mon interprétation et mon inspiration. Cet environnement est difficilement descriptible mais se trouve en osmose avec l'univers très pictural des pièces de Ravel que j'ai enregistrées dans ce disque. Je ne suis pas un spécialiste mais il y a effectivement une inspiration de la musique folklorique basque dans la musique de Ravel. Il est né à Ciboure d'une mère basquaise donc il y a un parfum, une couleur basco espagnole dans ce qu'il écrit et je pense souvent quand je joue Alborada au Fandango que l'on danse sur la place Louis XIV à Saint Jean de Luz et au txistu qui s'apparente à la sonorité du piccolo dans le concerto en sol que Cortot appelait le "Concerto Basque". Il y a aussi beaucoup de mélodies modales dans les chants traditionnels basques dont l'une d'elles montre une analogie avec le thème du premier mouvement de la sonatine.
Quand avez-vous découvert la musique de Ravel et vous a-t-elle immédiatement plu ou l’avez-vous apprécié plus tard en y revenant ?
J'ai découvert la musique de Ravel assez jeune, vers mes 13-14 ans avec Alborada del Gracioso. Cette pièce aux rythmes envoûtants très marqués et d'un fort caractère espagnol me fascine encore. Je programme souvent en concert les Miroirs. Il y a dans son œuvre une poésie harmonique sur laquelle s'ajoute une ligne mélodique extrêmement expressive et lyrique ce qui rend l'ensemble magique.
La sonatine de Ravel est parfois décriée par les interprètes , que diriez-vous pour la "défendre" ?
Je crois que la sonatine de Ravel n'a pas besoin d'être défendue bien que le terme Sonatine soit un peu réducteur car on peut penser que c'est une œuvre facile contrairement aux grandes Sonates du romantisme. C'est une œuvre difficile, délicate que Ravel estimait beaucoup et qui a été très bien accueillie lors de sa création à Lyon en 1906 qu'il programmait souvent lors de ces récitals. J'éprouve beaucoup de plaisir en la jouant, elle est à la fois très charmeuse dans son premier mouvement, nostalgique et rêveuse dans son deuxième mouvement, envoûtante dans son premier et troisième mouvement, avec simplicité et émotion.
Que pensez-vous des titres données à chacune des pièces de « Miroirs » ainsi qu’ à la pièce « jeux d’eau », comment vous même ressentez-vous ces pièces et leurs titres et pour ce qui concerne Jeux d'eau,quel lien faites-vous avec cette phrase « Dieu fluvial riant de l’eau qui le chatouille » qui y est mis en exergue . Notamment ces éléments vous aident-ils dans votre choix d'interprétation , et peut-on ou non dire que ces œuvres sont impressionnistes ?
Ravel a dédié chacune de ces cinq pièces pour piano à un membre du cercle parisien des "Apaches". Ce sont des pièces très picturales, aux couleurs impressionnistes et aux atmosphères très représentatives et descriptives des titres donnés à ces 5 pièces.
Ravel évoque, à travers les Jeux d'eau inspirés du bruits de l'eau et des sons musicaux que font entendre les jets d'eau, un poème autour de l'eau, représentant le graphisme des jeux d'eau, et dévoilant les couleurs et les sons aquatiques aux harmonies fluides d'un impressionnisme musical envoûtant. " Dieu Fluvial riant de l'eau qui le chatouille...", ce vers d'Henri de Régnier servant d'épigraphe aux Jeux d'eau est très imagé et à mon sens très utile pour l'interprétation et la caractérisation de cette pièce. Ça renvoie à un imaginaire très aquatique. Il y a effectivement une analogie avec le courant de peinture impressionniste.
Il parait que Debussy refusait ce qualificatif d'impressionnisme en ce qui concerne ces oeuvres, qu’en est-il de celles de Ravel et en quoi se distinguent-elles des œuvres de Debussy sur cet aspect impressionniste ?
En effet Ravel n'aimait pas ce terme considérant qu'il s'apparentait plutôt à la peinture. Cependant les Jeux d'eau sont vraiment un bel exemple d'impressionnisme musical avec ce titre qui est lié à un monde visuel comme d'ailleurs les différentes pièces très picturales des Miroirs. Il y a comme dans les peintures, des effets de couleur et d'atmosphère floues et imprécises comme on peut le voir dans la nature et dans les tableaux de Renoir, Monet, Manet ... Il y a dans les Miroirs une comparaison que l'on peut faire avec Debussy car Ravel traite aussi de sujets descriptifs comme l'eau, l'écho des cloches lointaines, la plainte des oiseaux ou le vol lourd des papillons de nuit qui sont des intentions Debussystes. Dans ce recueil seul Alborada del gracioso les séparent et Ravel confirme sa singularité et son unicité avec cette pièce.
Ravel a dit au sujet de la Pavane pour l’infante défunte qu’il n’a songé ici en assemblant les mots qu’au plaisir de l’itération et au sujet de son tempo qu’il ne s’agit en rien d’une pavane défunte pour une infante. Et il semblait en fait pas tellement l’aimer, vous même qu’appréciez vous dans cette pièce, pourquoi avez-vous choisi de la jouer dans cet album ?
Il y a dans la Pavane, une mélancolie rêveuse et une douceur en toute simplicité et émotion. C'est le "tube" du disque !
Vous avez enregistré ici surtout des œuvres composées avant 1906, aimeriez-vous et est-il prévu que vous enregistrez les autres œuvres pour piano de Ravel ou avez-vous une préférence pour les oeuvres de cette période ?
Effectivement ce sont des œuvres qui datent d'avant 1906, mais c'est une coïncidence ! Mon futur projet Ravel est l'enregistrement des concerti, celui pour la main gauche et celui en sol !
Vous donnez un concert le 22 août 2014 dans le cadre du festival à Guéthary que vous avez créé, pouvez-vous en dire plus sur ce festival et ce concert ?
Je l'ai fondé en 2013 et il a eu lieu grâce à l'aide d'un mécène qui n'a malheureusement pas pu m'aider pour cette deuxième édition d'août 2014, créant lui même son propre Festival ! Mais ça ne m'a pas empêché de continuer sur ma lancée pour cet été 2014 et les éditions à venir !
La première édition d'août 2013, était consacrée à la musique française et espagnole de 1850 à nos jours dans laquelle j'ai voulu mélanger la jeune génération d'interprètes et les artistes "confirmés" avec Eric Le Sage, Henri Demarquette, Olivier Charlier et Edgar Moreau, Adrien Boisseau, Sélim Mazari, Mathilde Caldérini et moi même. Cette année il s'agit d'une carte blanche à la jeune génération d'interprètes , avec Mathilde Calderini à la flûte , Michael Bialobroda au violoncelle ! Je m'y joindrai pour le trio de Beethoven et de Martinu. Voici le programme :
Claude Debussy
Syrinx pour flûte seule,
Mathilde Caldérini
Wolfgang Amadeus Mozart
Sonate pour piano KV.282 n4 en Mi bémol Majeur
Aurèle Marthan
1. Adagio
2. Menuetto I-II
3. Allegro
Zoltán Kodály
1er mouvement de la sonate pour violoncelle seul
Michaël Bialobroda
1. Allegro maestoso ma appassionato
Bohuslav Martinu
Trio pour flûte, violoncelle et piano en fa majeur H.300
Mathilde Caldérini, Michaël Bialobroda, Aurèle Marthan
1. Poco allegretto
2. Adagio
3. Allegretto scherzando
*** Entracte 15 mn ***
György Ligeti
Sonate pour violoncelle seul
Michaël Bialobroda
1. Dialogo
2. Capriccio
Carl Philipp Emanuel Bach
1er et 3ème mouvements de la sonate pour flûte seule en la
mineur H.562
Mathilde Caldérini
1. Poco adagio
3. Allegro
Robert Schumann
Extraits des Fantasiestücke op 12 pour piano
Aurèle Marthan
1. Des abends
2. Aufschwung
3. Warum ?
Ludwig van Beethoven
Trio pour clarinette, violoncelle et piano en si bémol majeur
op.11, version pour flûte, violoncelle et piano
Mathilde Caldérini, Michaël Bialobroda, Aurèle Marthan
1. Allegro con brio
2. Adagio
3. Thème et variations
(sur le thème de Pria ch’io l’impegno)
Quel autre prochain concert vous tient à coeur ?
Je jouerai au salon Rouge de l'institut Français de Vienne (Autriche) le 23 octobre 2014, au programme
la sonate KV 282 en mi bémol Majeur de Mozart ,
les fantasiestucke op 12 de Schumann et un extrait de ce disque :
Ravel, Miroirs
Pour écouter
Ravel,
Miroirs
Barques sur l'océan
Aurèle Marthan
avec l'aimable authorisation du label Polymnie
cliquez sur le triangle du lecteur
ci-dessous
ou cet autre lecteur
et à voir ci-dessous dans cette video youtube Ravel -Jeux d'eau -Aurèle Marthan