Liszt Lise de la Salle PIANO

Franz Liszt( 1811-1886)
Lise de la Salle, piano

Après Une Lecture de Dante
Lacrymosa (/Mozart)
Ballade No. 2
Liebeslied (/Schumann)
Mazeppa
Nuages Gris
Standchen (/Schubert)
Funérailles
Isolde's Liebestod (/Wagner)

Depuis sa sortie (fin août) vous aviez sans doute déjà pu découvrir dans la page sur la pianiste Lise de la Salle des extraits et la vidéo( reportés dans cette page) présentant son nouveau disque qu'elle consacre cette fois à Liszt. C'est un compositeur dont elle a déjà enregistré des oeuvres sur deux de ces précédents disques, l'un avec son premier concerto face à deux autres premiers concertos d'autres compositeurs (Chostakovith et Prokofiev), et l'autre couplé avec Bach, comportant notamment des transcriptions.
Comme vous pouvez le voir par la liste des oeuvres de ce nouveau disque, Lise de la Salle a de nouveau choisi d'incorporer dans son programme, quatre transcriptions de Liszt, chacune de différents compositeurs : Mozart, Schumann, Schubert et Wagner, des oeuvres qui témoignent des qualités de transcripteur de Liszt dans des sources d'inspiration très variées, mais aussi de la générosité de Liszt mise au service d'une émotion nourrie de tendresse et fragilité, qualités que Lise de la Salle tient pour plus essentielles que la virtuosité plus réputée du compositeur/pianiste, ainsi en fait-elle part à l'occasion d'un nouvel échange à l'occasion de la sortie de ce disque.

La virtuosité est cependant aussi très présente dans ce disque dont le programme s'avère en fait comme le définit Bruno Moysan auteur du livret "un échantillon éclectique et en même temps bien représentatif des compositions de Liszt pour le piano". Ainsi une des "études d'exécution transcendante" : "Mazeppa" , et surtout avec trois oeuvres de forme longue (d'une durée de plus de 10 minutes) écrites entre 1849 et 1853 dans lequel le compositeur fait preuve d'un génie extraordinaire pour faire parler les graves et les aigus du piano, transportant l'auditeur de l'enfer au ciel inspirés par des événements tragiques terrestres ou la littérature...
Le titre ballade n°2 rappelle certes celles de Chopin que Lise de la Salle a enregistrées dans son précédent disque, elle est cependant d'un esprit différent car elle ne parle pas de douleur personnelle mais de drames qui touchent des peuples : invasions barbares, cités en flammes... De même dans Funérailles à la mémoire de victimes de la révolution de Hongrie et qui rend aussi un bref hommage à Chopin mort en octobre 1849 dans un courte évocation de la Polonaise héroique.
Encore plus complexe et la plus longue des trois, "Après Une Lecture de Dante", sous titrée "fantasia quasi sonata", ce qui laisse deviner la forme complexe de cette oeuvre composée comme un poème en six parties, fait partie du second volume des années de pélérinage, et prend sa source dans un poème de Victor Hugo et l'avertissement que Dante a lu au seuil de l'enfer. "Nuages gris"que Liszt a écrite à la fin de sa vie en 1881, fait preuve quant à elle du talent de Liszt à faire parler... le silence.
Tant par son programme fort bien pensé que par son interprétation très évocatrice, énergique et chantante, la pianiste Lise de la Salle, qui n'a que vingt-trois ans on l'oublie souvent tant sa carrière est déjà longue... par ce quatrième disque déjà récompensé défend les qualités de Franz Liszt avec un talent remarquable, un bel hommage à écouter absolument pour son bicentenaire de naissance !

En 2005 votre deuxième disque comportait en partie des œuvres de Liszt , vous avez aussi enregistré le premier concerto de Liszt, et à l’occasion du bicentenaire de naissance vous sortez un nouveau disque qui lui est entièrement consacré, qu’appréciez-vous chez ce compositeur et pourquoi avez-vous eu envie de le « défendre » à cette occasion de son bicentenaire ?

Liszt m'a toujours été très proche. Depuis de tres nombreuses années, je le joue, l'écoute et l'aime. Je réfléchissais à revenir vers lui au disque et le bicentenaire m'a donné cette merveilleuse occasion ! Pour moi Liszt est un des compositeurs qui a le plus apporté au piano, et il est trop souvent réduit a son aspect virtuose, certes important, mais loin d'être l'essentiel pour moi.

Selon quels critères principaux avez-vous sélectionné les œuvres de cet enregistrement et choisi leur ordre dont on sent aussi l'importance dans l'écoute de votre disque ?

Je souhaitais un programme orienté autour du côté plus sombre et moins joué de l'œuvre de Liszt. Les deux forces principales de cet album sont la mort et l'amour. Avec Dante, Funérailles ou le Lacrimosa, nous avons ce côté très dramatique, profondément sombre et torturé ; puis de l'autre il y a Liebeslied, une immense hymne à l'amour; ou encore la 2eme Ballade ou Liebestod qui combinent ces deux sentiments : l'amour impossible qui conduit à la mort. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité ouvrir ce voyage musical par un autre voyage : celui de la sonate Dante qui nous emmène dans les remous de l'enfer ! Cela posait le décor !

Vous avez notamment sélectionné à côté d’œuvres originales (dont trois œuvres de forme longue) des oeuvres de différents compositeurs transcrites par Liszt , en quoi ces dernières vous semblent-elles tout autant intéressantes que ces œuvres plus longues ?

L'idée était d'avoir un programme de concert qui puisse s'écouter dans la continuité ; c'est pourquoi j'ai choisi d'intercaler des transcriptions plus courtes entre les pièces longues, comme une respiration.
De plus, j'admire énormément Liszt en tant qu'être humain, et je trouve que l'on retrouve toute sa générosité dans ces transcriptions ; qui sont de plus merveilleusement écrites pour le piano. Cela permet également de voyager à travers la musique depuis l'époque de Mozart jusqu'à Wagner ! De la forme symphonique à l'Opéra tout en passant par le lied.

Dans votre disque l’on trouve deux « clins d’œil » à votre précédent disque Chopin par Funérailles et la Ballade n°2 qui certes n’a en fait guère de rapport avec celles de Chopin, pensez-vous que ces deux compositeurs ont cependant des personnalités trop différentes pour les réunir dans un même disque ou au contraire trouveriez-vous intéressant de prêter Liszt à ce « jeu » de miroir avec Chopin comme vous l’aviez fait avec Bach ?

Évidemment, il pourrait être intéressant de mettre face à face Liszt et Chopin : les deux figures principales du piano romantique ! Mais ils sont si immenses que j'ai préfèré leur dédier un disque complet à chacun ! La musique de Liszt est pour moi un romantisme gorgé d'énergie, sa musique dégage une force vitale exceptionnelle qui n'est pas présente chez Chopin ; par contre la mélancolie et la nostalgie de Chopin sont absolument uniques et poignantes.

Liszt est réputé pour la difficulté de l’interprétation de ses œuvres, et cela parfois au détriment du message qu’il veut faire passer par celles-ci, qu’en pensez-vous personnellement ?

En effet, on oublie souvent de dépasser le coté virtuose de l'oeuvre de Liszt; il y a pourtant tant de choses magnifiques à découvrir une fois cette "barrière" franchie ! Liszt est multiple et il y a des tas de facettes dans sa musique : bien sûr le côté virtuose, mais qui pour moi doit être au service de l'émotion ; mais également les côtés sensibles, tendres, sensuels, presque fragile... On parle tres souvent de l'art de la mélodie et de la ligne chez Chopin, mais je crois que Liszt a son art de la phrase, du chant.

Avez-vous eu l’occasion de jouer ce programme en concert et/ou le jouerez-vous bientôt ?

Avant de le graver, j'ai souhaité le jouer en concert de nombreuses fois ; le partager avec le public et lui donner le temps "d'arriver à maturité"... Il est bien entendu très difficile de décréter que ce moment est arrivé car l'interprétation est en constante évolution ; mais le fait d'avoir vécu avec ce programme, sur scène et dans la vie m'a considérablement aidé. Je vais continuer à le jouer régulièrement dans les prochains mois, notamment en Europe (Philharmonie de Berlin ou Festival de Lucerne) et aux Etats Unis. En Fance, le 9 octobre à Beauvais et le 7 décembre à l'auditorium du Louvre.

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