Sonate n°3 en fa dièse mineur, op. 23 (1897)
Etudes op. 42
n° 4 en fa dièse majeur (1903)
n° 5 en ut dièse mineur (1903)
Sonate n°5 en fa dièse majeur op.53(1907)
Etudes op. 8
n° 11 en si bémol mineur (1894)
n° 12 en ré dièse mineur (1895)
Sonate n°10 op. 70 (1913)
Etudes, op. 65
n° 2 (1912)
n° 3 (1912)
Vers la flamme, op. 72 (1914)
Jonathan Benichou
Le pianiste Jonathan Benichou qui a suivi des études
de piano auprès de grands pédagogues russes et dont
la mère à des origines ukrainiennes a choisi un
programme du compositeur russe Scriabine pour son premier disque,
mais ces réponses aux questions qui lui ont été
posées par pianobleu.com à l'occasion de la
sortie de ce disque montrent que son choix repose sur nombreux
autres critères que celui de la simple nationalité.
Ce compositeur se distingue d'ailleurs de ses contemporains de
même nationalité : Rachmaninov, Medtner et Prokofiev,
par son univers sonore original fruit à la fois de sa pensée
musicale et de sa pensée ésotérique indissociables.
Le musicologue Boris de Schloezer a distingué trois périodes
dans l'évolution de cet univers : la première jusqu'en
1902 regroupe les oeuvres dites "de jeunesse" (op.1
à op.29), dans l'héritage de Chopin et Liszt, la
deuxième(de 1903 à 1910) regroupe les op.30 à
59, d'inspiration plus wagnérienne où se marque
désormais l'intérêt de Scriabine pour une
oeuvre inspirée par des idées littéraires
voire philosophiques,enfin lors de la troisième période
Scriabine découvrit la théosophie et chercha à
donner une dimension spirituelle et métaphysique à
son uvre, se passionnant pour la théorie des correspondances
universelles "Tout est dans tout" et plus particulièrement
des rapports entre couleurs et sons. Les préoccupations
mystico-philosophiques de Scriabine étaient donc bien éloignées
de celles de ses confrères. Jonathan Benichou qui a choisit
de faire découvrir cet univers original dans un ordre quasi
chronologique en offre une interprétation sensible conduisant
en fait à faire perdre à son auditeur toute notion
de temps.
Que représente Scriabine dans votre
répertoire ?
Jai une passion intérieure pour sa musique ancrée
en moi, sa musique me relie à celle de mes origines, lattraction
culturelle pour le goût français de la Russie de
lépoque est peut-être lune des causes
de lengouement français du compositeur, ses annotations
sont fréquemment écrites en français comme
par exemple "avec un ravissement ailé"
ou bien "avec une langueur naissante" , ces sonorités
évoquent limpressionnisme et cet un aspect que jaime
aussi à souligner même si au fond, on ne peut la
classer dans aucune catégorie. En revanche, dans mon répertoire,
Scriabine est pour moi un compositeur que je ne cesserai dapprofondir
dans mon exploration des uvres de grands compositeurs, sa
dimension orchestrale est la manifestation dune vision universelle.
Que pensez-vous des trois différentes
périodes d'écriture de Scriabine, avez-vous une
préférence pour l'une d'elle ?
J'ai une prédilection pour la dernière période
de son écriture qui recèle tant de mystère
et de chemin nouveau. Scriabine est dépositaire de nombreuses
influences certes mais rompt définitivement avec toute
appartenance dans cette phase ultime et la dixième sonate
est comme exemple sans tonalité, c'est l'invention d'un
nouveau mode.
Les périodes de jeunesse et intermédiaire ne sont
pas moins intéressantes, il y a bien sûr comme chacun
le sait les marques de Chopin, Liszt, Schumann mais toujours avec
cette fièvre embryonnaire qui est en lui et qui se révélera
complètement, totalement, dès la période
intermédiaire et à la 3ème phase de son cheminement.
D'ailleurs, il ébaucha une vision d'une uvre totale
qui reste inachevée reliant, sonorité, parfum, couleurs
dans l'acte préalable.
Vous annoncez dans "le mot de l'interprète
" qui figure dans le livret avoir "voulu poursuivre
une logique particulière dans l'ordre chronologique, chacune
des trois sonates étant accompagnées de ses deux
études, l'une lente et méditative, la seconde passionnée
et fougueuse", pourtant vous avez fait suivre la sonate
n°5 d'études antérieures plutôt que de
faire suivre chaque sonate des études de la même
période, pourquoi ?
C'est une bonne question, pour des raisons personnelles, j'ai
préféré inverser l'ordre de ses études
car l'impact que procure l'étude op.8 n12 me semble plus
percutant et plus accessible que l'op.42 qui n'en n'est pas moins
une uvre de génie. Dans ce sens, j'ai préféré
terminer par l'op.8 avant d'entrer dans la dixième sonate,
dernière phase plus ésotérique.
Que pensez-vous des indications psychologiques
que Scriabine a indiquées sur ses uvres ?
Elles sont profondément emprises d'une grande spiritualité.
Pour lui, la musique était vibration, cela commence là,
dans un frémissement et ses annotations ne sont rien d'autres
que la traduction verbale du contenu de sa musique afin peut-être
de permettre à l'interprète de pénétrer
ce sens caché qu'il faut tenter d'extirper au fond de l'abîme
qu'est la partition.
Vous indiquez également dans le livret
que vous voyez un message révolutionnaire dans chacune
des uvres. Pouvez-vous préciser votre point de vue
quant à ce message ?
La révolution est un des thèmes phare propre au
langage de Scriabine puisque la recherche de l'extase se retrouve
dans chacune de ses pages de manière voilée parfois
et par cela la rend encore plus présente. Mais pourquoi
l'extase et la révolution ont-elles quelque chose en commun ?
L'acte créateur est une révolution dans le sens
où sa musique est emplie d'audace qui ne cherche aucunement
la séduction et la beauté toute faite. La brutalité
des éléments et l'innovation de ses sonorités
démontrent combien l'art peut passer par une forme de non
esthétisme, par exemple le tout début de la cinquième
sonate, chaotique, furieux, qui vu de près paraît
excessivement dur mais en fait n'en est pas moins beau par son
authenticité .
Quand vous jouez Scriabine percevez-vous
clairement les couleurs que celui-ci voulait associer au son ?
sincèrement , je n'y pense pas, car la couleur doit se
révéler d'elle-même. Néanmoins, il
peut m'arriver de visualiser des teintes allant de l'obscure au
pastel clair dans certaines recherches de type de sonorité
propre à des uvres comme la dixième sonate.
En quoi Scriabine est-il bien pour vous
un " impressionniste russe " ?
La clarté de ses couleurs m'évoque l'impressionnisme
sous certains aspects.
L'utilisation instrumentale de ses uvres pour orchestre
dénote une science de la maîtrise de timbres riches
en couleur allant de la transparence à la matérialisation
de formes plus finies. Mais c'est par le coté éthéré
parfois que l'impressionnisme semble transparaître de manière
plus évidente.
Que pensez-vous des préoccupations
mystico-philosophiques de Scriabine ? A ce propos avez-vous eu
l'occasion de lire le journal de Scriabine ou de visiter son musée
à Moscou, cela vous a-t-il aidé ?
Je pense qu'il offrait par la palette de ses moyens d'expression
une ouverture vers de nouvelles voies via la théosophie
influencée par la philosophe russe, Blavatsky entre autre.
Il est connu que Scriabine s'intéressait à des questions
métaphysiques et spirituelles, sa musique est une grande
épopée vers la recherche constante d'une perception
extra sensorielle.
Oui, ce journal m'a accompagné durant toutes ses années
et je n'ai cessé de m'y intéresser et de m'en inspirer.
J'ai par ailleurs eu l'occasion de me rendre chez lui à
Moscou et lorsque j'écoutais "Vers la flamme"
dans son salon par le pianiste Sofronitsky, il se passait quelque
chose d'étrange dans ma tête comme si elle bourdonnait
d'une énergie vibratoire.
Vous intéressez-vous aussi au mysticisme
?
La musique est une forme que personne n'a pu définir
de manière tangible. Elle est plus qu'une forme d'expression
humaine à mon sens et je tends à croire que si l'univers
s'est formé et a eu un commencement alors c'était
aussi de la musique ?
Pour moi, la mystique n'est pas une chose à réprimer
puisque c'est aussi un chemin par lequel je peux avoir des réponses
tout comme par le biais de la science et de la philosophie. Pour
moi il n'y a pas de frontière entre tous ces sujets .
Vous sentez-vous personnellement plus
proche des uvres méditatives ou des uvres fougueuses
de Scriabine ?
Les deux sont étroitement liés et ne peuvent coexister
l'une sans l'autre, c'est deux expressions d'un même visage,
le reflet de tout sentiment humain qui tend à se calmer
ou s'exaspérer parfois furieusement et désespérément
à la fois, je me sens proche des deux.
A quoi attachez vous le plus d'importance
dans votre interprétation des uvres de Scriabine
et quel travail particulier vous demande ce compositeur ?
Le style propre à ce compositeur est de nature complexe
et il me semble nécessaire de s'attacher aussi bien physiquement
que dans la compréhension du texte à y décrypter
le sens contenu dans la partition. C'est le travail d'une vie
entière que demande l'étude de ces uvres et
ses explorations. Je tends dans mon travail à rentrer dans
ce langage avec toutes les possibilités qui s'offrent à
moi et s'il y a une vision à y trouver, cela touche une
dimension métaphysique. En revanche , le travail nécessaire
est de percer les intentions du compositeur en devenant une passerelle
entre ce qu'il exprime et le monde de l'ici bas .
Comment vous sentez-vous tant physiquement
que psychologiquement après avoir joué " Vers
la flamme " ?
Ce poème demande une concentration et une tension soutenue
constante, c'est une fresque sonore qui recherche ce point ultime.
Il y a effectivement une grande tension psychophysique qui ne
se relâche jamais.
Pour écouter avec
l'aimable autorisation du label Sisyphe
Scriabine - Etude n°5 opus 42 par Jonathan Benichou
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