Jean Chrétien Bach Sonates pour Clavier Emile Naoumoff

Jean-Chrétien Bach(1735-1782)
Sonates pour clavier opus 5 et opus 17
Emile Naoumoff, piano
3 CD

Après nous avoir fait découvrir l'oeuvre de Gabriel Dupont, Emile Naoumoff offre dans ce nouvel album, des oeuvres plus anciennes mais guère plus connues de nos jours même si elles eurent un certain succès à l'époque de leur parution : les sonates pour clavier de Jean-Chrétien(ou Johann Christian) Bach.
Dernier fils de Jean-Sébastien Bach(1685-1750), Jean-Chrétien Bach(1735-1782), parfois surnommé le "Bach de Milan"(où il fut notamment organiste à la cathédrale) et le "Bach de Londres"(où il fut maître de musique de la reine et compositeur attitré du King's theater , et d'autres scènes) a été essentiellement formé par un cousin de son père J. Elias puis par ses deux frères aînés : Friedmann et surtout Carl Philipp Emmanuel.
Bien moins réputé que son illustre père il a été enterré dans l'indifférence générale, hormis peut-être l'attention de la reine qui finança ses funérailles puisque sa fin de vie fut, parait-il, misérable, le succès grandissant de Haydn ayant peu à peu terni sa notoriété explique Christine Menesson auteur du livret de cet album qui regroupe trois CD.
Mozart aussi ne fut pas indifférent à sa disparition puisqu'il déclara alors :"le Bach d'Angleterre est mort... c'est un jour sombre pour le monde de la musique". Il faut dire aussi que c'est Jean-Chrétien Bach qui fît découvrir le piano à Mozart enfant.. et que ce dernier lui doit beaucoup, ayant puisé une partie de son inspiration dans son oeuvre. 
Jean-Chrétien Bach a en effet été un des pionniers de cet instrument donnant un premier concert "Solo on the piano forte" dès 1768. L'opus 5 des sonates pour clavier a été publié vers 1765 et le second vers 1777. Bien que celles-ci soient destinées tant au clavecin qu'au piano forte Jean Chrétien Bach y explore toutes les possibilités de l'instrument qui n'avait certes à l'époque que cinq octaves mais donne déjà une large matière d'étude. Le jeune Mozart, dont la famille avait été reçue par Jean-Chrétien Bach à Londres a découvert l'opus 5 et en a arrangé trois d'entre elles en concertos pour clavier et orchestre.
Explorer toutes les possibilités du piano forte ne signifie pas pour Jean-Chrétien Bach chercher seulement à faire preuve d'une virtuosité technique mais surtout à montrer les différentes nuances , textures et caractères possibles à travers multiples thèmes chantants contrastés à l'image du Cantabile ou bel canto selon la tradition de l'Opéra italien... qui inspira également Mozart.
Ces douze sonates, majoritairement composées de deux mouvements, les autres en ayant trois, s'avèrent très lyriques et le plus souvent enjouées peu d'entre elles comportant un mouvement lent... et elles ne sont pas sans faire penser à un autre compositeur : Scarlatti, dont la consigne de jeu était "soyez heureux"... Quoi qu'il en soit sur la transmission de l'inspiration ou pas , c'est effectivement un réel plaisir d'écouter ces sonates dont la douceur et gaieté, s'accordent parfaitement avec le soleil d'été... Vous pouvez écouter (en fin de page) le troisième mouvement, de la sonate opus 17 n°2 plein de rebondissements, qui vous permettra de mesurer que Jean Chrétien Bach est un précurseur original !
Emile Naoumoff, qu'il convient de féliciter encore pour ce programme original dont il nous permet d'apprécier les nuances dans un jeu contrasté et d'une belle vivacité a bien voulu répondre à quelques questions :
Après Gabriel Dupont que vous nous avez fait découvrir récemment, c'est Jean-Chrétien Bach encore un compositeur peu connu mais plus ancien que vous avez choisi d’enregistrer, quand avez-vous vous même découvert ces sonates et qu’est-ce qui vous a donné envie de les partager par cet enregistrement ? En fait s’agit-il d’une réédition car l’enregistrement date de 1999 ?
C'est Joël Perrot qui m'a fait part de son souhait de m'enregistrer dans ce répertoire que je ne connaissais pas. Ce que nous avons réalisé en 1999. Peu après ces séances d'enregistrement il a eu un accident dont il s'est relevé après maintes opérations . Je lui suis reconnaisant pour m'avoir donné ce projet ainsi que reconnaissant auprès de Pierre Dyens (label Saphir Productions) de l'avoir édité à présent . Ce n'est donc pas une réédition mais bien une nouveauté.
Les sonates de Jean-Chrétien Bach sont réputées comme ayant influencé Mozart qui notamment les a utilisées pour des concertos mais à leur écoute on pense aussi à celles de Clémenti ou Scarlatti… Savez-vous si ces compositeurs ont également rencontré JC Bach et sait-on ce que chacun pensait de la musique de l’autre ?
La rencontre du dernier fils de Bach ( le Bach de Londres) et de l'enfant prodige Mozart est documentée. Mozart tirant ses premiers concertos pour clavier des premières sonates de l'opus 5 du fils Bach. Dans l'horloge chronologique musicologique, c'est Haydn qui semble s'intégrer entre Jean Sébastien Bach et Mozart. Voici que l'ultime descendant direct de Cantor l'est tout aussi bien. Quand on décrit un Maitre moins connu on cherche à établir ses influences subies, procès que l'on ne fait pas au "fameux grands". Naturellement il y a du Scarlatti , du style galant, mais pas seulement ... Mais enfin il se construit en se trouvant en son originalité propre à partir d'un vécu partagé par tant d'artisans de métier autour de lui tout en y mettant son "je ne sais quoi" qui le distingue pourtant des autres, par touches subtiles.
Jean Chrétien Bach n’avait que 15 ans lorsque son père est décédé, pensez-vous cependant qu’il y ait une quelconque influence de sa musique sur celle de son fils ?
Quinze 15 ans à cette époque pour la plupart d'entre eux représentait la moitié d'une durée de vie... qui plus est la sienne, baignée ainsi très tôt des pondaisons de cantates hebdomadaires et autres merveilles que Papa Bach sortait jubilatoirement de son four à pain musical...
Des douze sonates réunies ici dans les deux volumes ( opus 5 et 17 ) il n 'y a d'allusion fuguée que dans la dernière de l 'opus 5 ...
Il a été moins traumatiquement marqué que ses illustres demi-frères le furent dans leur parcours personnel. Il semble libéré du poids sans l'avoir vraiment subi peut-être.

Ces sonates ont été écrites à la fois pour clavecin et piano forte, en quoi le piano moderne vous semble un tout aussi bon instrument pour les jouer ?
En rien. Je n'ai pas enregistré cela en un quelconque postulat, tout simplement en réponse aux belles courbes des phrases noblement et expressivement dessinées par l'auteur que j'ai humées bien au delà du temps, des modes interprétatives ou des choix d'instruments.
Jean Chrétien arrive au moment où les claviers à marteaux commencent à gagner de la notoriété.
Il se dégage, pour moi du moins, une lumière intérieure de bien-être qui traverse ces univers choisis par l'auteur, que l'auditeur à son tour ressentira je l'espère.
Ici, la combinaison : lieu ( Temple St Marcel )- instrument ( Fazioli )- captation sonore (Joël Perrot) me semble tendre vers cette clarté du propos , reflet d'un humble artisanat au service de la muse.
Jean Chrétien Bach a en fait plus écrit d’opéras que d’œuvres pour claviers, connaissez-vous également ses opéras ? L ’intérêt de ce compositeur pour l'opéra se mesure dans ces oeuvres pour clavier, est-ce cet intérêt qui explique qu'il a peu composé pour le clavier seul par la suite ?
N'étant pas musicologue moi-même, je ne puis vous faire part des oeuvres envisagées durant sa vie créatrice. On peut songer à la production intimiste et profondément humanistes pour clavier de vieux Brahms, et dont nous aurions du être orphelins si sa vie avait été interrompue plus tôt ... Après les grandes sonates vigoureuses pour piano ...qui nous seraient parvenues comme seul reflet de son oeuvre pour cet instrument...
Naturellement, souvent l'idiome des mouvements lents est celui d'un air lyrique depuis le baroque déjà. L'opéra était pour tant de compositeurs d'alors, un style étudié, une gloire recherchée du type quasi cinématographique de nos jours pour un réalisateur.
Les deux opus sont séparés de douze ans , trouvez-vous personnellement une réelle différence entre ceux-ci tant dans la construction que dans la difficulté d’interprétation ?
L'opus plus tardif contient des mouvements à la virtuosité débridée et une profondeur dans le discours plus profonde car moins séductrice peut-être .
La différence entre les deux volumes me semble plus une évolution qu'une cassure. Il va de même avec les deux volumes du clavier bien tempéré de son père.
Vous êtes professeur, conseillez-vous ces œuvres à vos élèves ?
Naturellement pour le style à dompter, pour l'articulation aéré des lignes mélodiques, pour les respirations aussi, car la musique est aussi l'art d'habiter les silences. Par ailleurs je les encourage de travailler le jeu du clavecin toujours à l'écoute de son oreille intérieure afin d'éviter au piano dit moderne d'habiller de trop de pédale le récit narratif originel. Et puis surtout apprendre à gérer le contenu dans le contenant : la forme qui non seulement nous donne le titre de l'oeuvre, comme ici , mais à travers d'une sorte de GPS intégré pour s'y mouvoir avec aise et sans raideur , nous donner à imaginer les univers on ne peut plus dissemblables à l'intérieur de chaque cadre qui peut sembler avoir déjà été vu ailleurs et pourtant sans cesse renouvelé.
Naturellement , il y a des créateurs qui ont le besoin impérieux de faire évoluer le cadre formel reçu ( tel un Beethoven ) voire l'idiome même ( telle la deuxième école de Vienne ), et puis d'autres comme c'est le cas ici avec le plus jeune fils Bach , peu ou pas de manière si criante dirons-nous...
Il s'inscrit par sa création dans une lignée qu'il éclaire par sa beauté intérieure , cela est une merveille qui nous est transmise sans en contenir une révolution pour autant.
Quels sont projets en cours ?
Une livre ( chez Dinsic , Barcelone ) "Mes Dix ans aupres de Nadia Boulanger" et une petit guide à l'usage des jeunes musiciens : "Passeport pour un jeune pianiste averti" ( chez Dinsic de même)
Des éditions de partitions ( chez Schott, Mainz ) de quelques unes de mes mélodies pour voix et piano, d'une sonate pour alto et piano , de quelques unes de mes transciptions de Jean Sébastien Bach au clavier.
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Pour écouter le
Prestissimo de l'opus17 n°2
de Jean-Chrétien Bach
avec l'aimable autorisation
du label
Saphir productions
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