1- L'Harmonie des sphères(2006) - pour ensemble instrumental
Ensemble Sillages,
direction Renaud Déjardins
2- Satori (1998)- pour clarinette
Jean Marc Fessard, clarinette
3-Ogive (1987)- transcription pour flûte et piano
Sophie Deshayes, flûte
Vincent Leterme, piano
4- Jardin Zen(1999) - pour clarinette et sons enregistrés
Jean Marc Fessard, clarinette
5- Tokyo-City(2008) - pour piano
Vincent Leterme, piano
6-
Chakra (1984)- pour quatuor à cordes
Alexandra Greffin Klein et Lyonel Schmit, violons
Gilles Deliège, alto et Séverine Ballon, violoncelle
A découvrir ce disque du compositeur actuel Allain Gaussin, qui a très récemment obtenu le Grand Prix du disque de l'Académie Charles CROS, un prix qu'il avait déjà obtenu en 1995 pour un autre disque. C'est l'occasion de découvrir aussi ce compositeur qui a débuté des études musicales à l'âge de vingt ans, avec le piano à l'Ecole Normale de Paris dans la classe d'Hélène Boschi... comme quoi il ne faut absolument pas décourager quiconque souhaite apprendre le piano après l'âge de huit ou dix ans ! Un instrument que l'on peut entendre dans trois des oeuvres de ce disque, avec "L'Harmonie des sphères", titre révélateur d'une importante source de son inspiration : le cosmos ; et "Ogive" pour flûte et piano, "Tokyo-City", pour piano seul, oeuvres témoignant de son intérêt pour le Japon.
Allain Gaussin confie dans l'entretien à lire ci-dessous : " Le cosmos m’a toujours fasciné. Les titres de mes œuvres en témoignent, mais pas uniquement, puisque même mes sous-titres s'y réfèrent : Trou noir, Etoile bleue, Galaxie spirale, Danse de l'univers, L'univers en expansion... Pour moi, l'univers reste fascinant parce qu'il recèle de grandes énigmes. Tant de questions demeurent sans réponse !"
Cette oeuvre, "Harmonie des sphères", d'une durée d'un quart d'heure environ, est aussi une des oeuvres en compétition pour le Grand prix lycéens des compositeurs ( avec cinq autres oeuvres d'autres compositeurs), puisse-t-elle donc donner naissance à de nouvelles passions pour la musique à des lycéens, telle le fît la Symphonie Héroïque de Beethoven sur Allain Gaussin !
Allain Gaussin est un passionné du cosmos, bon nombre de ses oeuvres y font référence ; c’est d'ailleurs sur l'image d'une galaxie que son webmaster a organisé son catalogue d'oeuvres. C'est dire encore la place essentielle de celui-ci dans sa musique au-delà de cette oeuvre, et nombreuses autres y font référence. C'est dans la richesse de la matière sonore et le mouvement qu'elle traduit que la musique d'Allain Gaussin révèle sa vision du cosmos , et les interrogations qu'il nourrit. Ainsi il explique notamment au sujet de "L'Harmonies des sphères", dont il a emprunté le titre à Pythagore et à Kepler. "Dans ma partition, ce n’est pas l’aspect théorique de leurs travaux qui a suscité mon intérêt, mais bien plus l’aspect poétique et métaphorique de leurs pensées orientées vers la cinétique des corps célestes, tournant sur eux-mêmes et dessinant des lignes géométriques dans l’univers. L'œuvre est écrite en 3 parties s'enchaînant de manière continue. Dans la 1re et la 3e partie, j’ai tenté de conserver l’idée des trois dimensions de l’espace, par un travail d’écriture purement instrumentale, en créant de véritables perspectives sonores[...] La 2e partie "Malaise d’adolescent" est une parenthèse musicale. Elle tente de décrire un phénomène nocturne qui a obsédé une partie de mon adolescence, en me réveillant brutalement et en me terrorisant." ... une oeuvre très prenante où règne une tension extrème à la hauteur de celle d'un thriller galactique comme par exemple le récent film Gravity . Il est vrai qu'Allain Gaussin a aussi quelques musiques de films dans son catalogue et que des extraits de ses pièces pour orchestre Eclipse et d’Irisation Rituel ont été utilisés dans un documentaire sur les éclipses solaires paru sur Arte en 1999 !
Autre pièce avec piano : "Ogive", en duo avec une flûte, en fait une des transcriptions de la deuxième partie de l'oeuvre originale "Ogive" pour douze cordes et clavecin, une oeuvre qui, explique le compositeur " tente de résoudre, dans un climat général très méditatif, une dualité culturelle entre deux traditions musicales quasi-antinomiques : l'une occidentale et l'autre extrêmeorientale." Dans cette oeuvre, son inspiration provient de la musique traditionnelle japonaise ; ainsi "un extrait de flûte Shakuhachi entendu à la radio dans les années 70 qui a été le point de départ d'une réflexion très personnelle du compositeur sur le plan de la conduite linéaire et ornementale qui va imprégner son écriture", explique Michèle Tosi auteur du livret.
Outre la musique japonaise, le Japon lui-même est une source d'inspiration du compositeur qui se rend régulièrement dans ce pays , depuis qu'il a été pensionnaire de la Villa Kujoyama à Kyoto en 1994, et la troisième oeuvre, pour piano seul, oeuvre la plus récente qui date de 2008, "Tokyo-City", est un hommage à la capitale Nippone. Une oeuvre qui enthousiasmera certainement tous les amateurs de piano. Elle est le fruit d'une commande de la pianiste japonaise Eiko Shiono, qui lui a donné quelques contraintes et ..."Après, la ville de Tokyo, que je connais bien, a été comme une sorte d’appel, en partant de ses profondeurs pour cheminer peu à peu vers la lumière. ", confie-t-il lors de l'entretien. Michèle Tosi, qui a écrit un livre d’Entretiens avec Allain Gaussin, “Musique de l’imaginaire” publié aux éditions MF, écrit dans le livret au sujet de la musique d'Allain Gaussin une définition qui s'applique pleinement à cette oeuvre : "Irradiante et gorgée d'énergie, la musique d'Allain Gaussin éveille constamment le mouvement et fait naître la tension qui irrigue la matière sonore et projette les lignes comme des faisceaux de lumière embrasant l'espace de résonance"... Une matière sonore qui évolue sur un registre très vaste, qui part des profondeurs graves pour atteindre l'extrême aigu. Elle est ici interprétée par le pianiste de l'ensemble Sillages : Vincent Leterme, très impressionnant dans cette métamorphose d'un contrepoint à trois voix en une "toccata canonique " ! Allain Gaussin confie également que se sont ses oeuvres pour piano seul qui lui ont toujours donné le plus de fil à retordre, il peut "craindre" de nouvelles commandes à l'avenir car cet enregistrement peut créer de nouvelles envies !
En 1995 vous aviez obtenu le Grand Prix de l’académie Charles Cros et vous venez de récidiver avec votre disque « harmonie des sphères » paru l’année dernière , quelle importance attachez- vous à ces prix ?
C’est un grand honneur et une belle reconnaissance de la part du milieu musical.
Vous avez déclaré avoir toujours été fasciné par la lumière et vous êtes également fasciné par les étoiles, le cosmos, comment interviennent ces deux sources d’inspiration dans celle-ci ?
C’est vrai le cosmos m’a toujours fasciné. Les titres de mes œuvres en témoignent, mais pas uniquement, puisque même mes sous-titres s'y réfèrent : Trou noir, Etoile bleue, Galaxie spirale, Danse de l'univers, L'univers en expansion... Pour moi, l'univers reste fascinant parce qu'il recèle de grandes énigmes. Tant de questions demeurent sans réponse !
J’attache une importance particulière à l’inspiration. Sa forme la plus habituelle se trouve dans la nature, au cours de promenades solitaires. Là, il faut savoir regarder, écouter, sentir ces vibrations vous envahir, vous traverser le corps et l'esprit. Surgit alors, en une sorte d'évidence, la solution au problème d'une partition en cours. L'autre forme d'inspiration se manifeste par le déclenchement d'un inattendu pouvant arriver à n'importe quelle heure de la journée et comprenant sa part d'irrationnel et de révélation. À ce moment-là, il faut rapidement lâcher toute autre forme d'activité et écrire, noter le plus de choses possible, car l'instant est bref, peu fréquent et porteur d'une clarté absolue.
Des compositeurs ont parfois ajouté à ces sources d’inspiration une dimension mystique, qu’en est-il pour vous ?
Bien que je sois athée, j’essaie justement de développer chez moi cette dimension mystique en pratiquant le plus souvent possible la méditation.
Quelle est la place du piano dans votre catalogue de compositions, et est-ce un instrument pour lequel vous aimez composer , pourquoi ?
Aujourd’hui, avec le recul que m’impose votre question, je constate que j’ai écrit pour le piano de deux manières différentes. D’abord en l’intégrant à des ensembles orchestraux ou au grand orchestre, comme en 1980 dans Irisation-Rituel, dans ce cas j’ai utilisé le piano comme un instrument de percussion avec de nombreux modes de jeu différents pour obtenir des timbres étranges ou inouïs. Mais en ce qui concerne mes trois œuvres pour piano solo, je tenais absolument à ce que ces partitions soient jouées sur le clavier, sans effet de timbre (en jouant sur les cordes à l'intérieur du piano ou avec divers modes de jeu) comme cela s’est beaucoup pratiqué. De telle sorte que cela m’a obligé à me concentrer uniquement sur l’écriture musicale. J’ai aimé composer pour piano, c’est vrai, c’était pour moi une sorte de défi par rapport à tous les chefsd’oeuvre existants. Ma question était de savoir quelle pierre je pouvais apporter, sans pour autant m’inscrire dans une sorte d’académisme musical que je rejetais. Puis-je avouer que ce sont les œuvres pour piano solo qui m’ont donné le plus de mal.
Votre disque « Harmonie des sphères » comporte l’œuvre éponyme pour ensemble instrumental, composée en 2006, ainsi cinq autres œuvres, composées de 1987 à 2008 . Qu’est-ce qui relie ces œuvres entre elles et comment votre musique a-t-elle évolué au cours de ces 20 années de composition ?
A Brest, avec Philippe Arrii-Blachette, directeur artistique de l’Ensemble Sillages, nous avons choisi les œuvres qui correspondaient à la nomenclature de ses mucsiciens, en tenant compte du budget dont il disposait. En vingt ans, certes ma musique a évolué. Comment contracter en quelques lignes cette évolution ? Je pense que la principale évolution concerne mon travail harmonique. En effet, dès mes premières œuvres, mes préoccupations par rapport à l’harmonie étaient présentes, mais mes principaux centres d’intérêt se fixaient sur un travail plus spécifique d’autres paramètres : le timbre, la texture musicale, les modes de jeu. Et puis avec le temps, peu à peu, les choses se sont inversées. C’est le début d’une seconde période. Dans le même temps, d’autres matériaux musicaux apparaissent dans mes œuvres, comme par exemple dans Jardin Zen , composé en 1999 après un travail avec l’informatique au Studio Sonus à Lyon.
En 2004, j'effectue à l'IRCAM, un travail de collaboration étroite avec un assistant Fred Voisin qui donne naissance à un logiciel d’aide à la composition, nommé 3a-table. J’ai utilisé cet outil dans la première partie de l’Harmonie des Sphères composée en 2006 et dans toute la toccata-canonique de Tokyo-city en 2008. Cette collaboration m'a permis de définir par exemple ce que j’appelle mes "figures-rubans” ou le développement de nouvelles structures harmoniques par un certain nombre de processus musicaux.
Par ailleurs, très tôt je me suis attaché à ce que la phrase musicale subsiste dans ma musique, mais sous une forme nouvelle. Fortement impressionnée par l’écoute des musiques traditionnelles japonaises (lorsque j’étais dans la classe d’Olivier Messiaen), mon écriture personnelle amorce une évolution perceptible depuis les lignes de la flûte d’Ogive en 1974 jusqu’à celles de la clarinette de Satori en 1998.
Vous avez transposé pour œuvre pour flûte et piano "Ogive" . Elle a d’abord été composée pour pour 12 cordes et clavecin, et transposée dans plusieurs versions dont une pour flûte et clavecin , quelles modifications particulières avez-vous faites pour l’adapter à cette version ?
Tout d’abord, il faut savoir que la partition originale (12 cordes et clavecin) est en deux parties séparées, et que le clavecin n’apparaît qu’à la deuxième partie. Toutes les transcriptions que j’ai réalisées par la suite, n’ont été faites que sur cette deuxième partie. Lorsque le claveciniste Pierre Bouyer m’avait demandé de réaliser la première transcription, ma seule question a été de savoir comment je pouvais réduire les 12 cordes dans une seule flûte, car dans cette transcription, je ne souhaitais pas trop modifier la partie de clavecin. Finalement pour la flûte, j’ai suivi la partie des 4 premiers violons en effectuant un certain nombre de modifications de façon à retrouver l’aspect méditatif qui figurait dans les lignes mélodiques des violons. Sous l'effet de la demande des interprètes, deux autres transcriptions ont vu le jour : celle pour flûte et piano, puis celle pour violon et piano. Pour la transcription pour flûte et piano, bien évidemment certains passages du piano ont dû être adaptés. Quant à la transcription pour violon et piano, là c’est la partie de violon que j’ai particulièrement modifiée, car, sauf à la fin, le violoniste joue continuellement sur deux cordes, pour retrouver l’esprit de ce contrepoint à deux voix qui avait été composé dans la partition originale.
L’autre pièce pour piano seul, est une commande de la pianiste Japonaise Eiko Shiono, pouvez vous dire si vous avez composé cette œuvre particulièrement pour elle, c’est-à-dire selon son propre répertoire et sa façon de jouer, et éventuellement si elle avait exprimé quelques souhaits particuliers ou bien si vous vous êtes uniquement inspiré de Tokyo ?
En me commandant cette œuvre, Eiko Shiono m’avait demandé d’écrire une partition dont la durée se situerait autour de huit minutes et dont la difficulté technique serait moins importante que celle de mon autre œuvre pour piano solo Arcane qu’elle avait beaucoup aimée. Elle a ajouté que je ne devais pas jouer directement sur les cordes, à l’intérieur du piano. Tokyo-city a été composée en tenant compte de ces conditions. Après, la ville de Tokyo, que je connais bien, a été comme une sorte d’appel, en partant de ses profondeurs pour cheminer peu à peu vers la lumière.
C’est le pianiste de l’ensemble Sillage, Vincent Leterme,qui joue le piano pour ces deux œuvres, comment avez-vous travaillé avec lui pour cet enregistrement, et aviez-vous déjà eu l’occasion de travaillez souvent avec lui ?.
J’ai rencontré Vincent Leterme il y a trois ans à l’occasion d’un concert avec l’Ensemble Sillages à Brest où il a joué “Ogive” dans la version flûte et piano et la partie de piano de “L’Harmonie de Sphères”. A ce moment-là, nos rencontres se sont faites uniquement pendant les répétitions de l’Ensemble. Mais pour le CD nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises chez lui. Les discussions ont porté sur divers problèmes techniques, comme la question de la 3e pédale (dite harmonique) ou de la pédale de droite. Et puis la question de ma notation qui tolère de nombreuses interprétations dans la mesure où cette notation suggère une sorte de "rubato continu”. Vincent Leterme est un merveilleux pianiste, et les contacts que j’ai pu avoir avec lui ont été d’une très grande richesse. Il fait partie de cette grande lignée de musiciens qui défend et joue la musique contemporaine avec une âme. C’est rare et tellement précieux !
Avez–vous actuellement de nouvelles compositions en projet ?
J’ai trois partitions en chantier : une pour violon solo de l’Ensemble Sillages pour le Festival de Parme, une autre pour le trio Elégiaque pour le Festival Messiaen et la troisième pour l’Orchestre de Cottbus en Allemagne.
Pour écouter
des extraits de
Allain Gaussin
Harmonie de sphères
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