Danse macabre d'après Saint Saëns
En rêve
Funérailles
Sonnet de Petrarque 104
Après une lecture de Dante
Impromptu
Nuages gris
Totentanz
Olivier Moulin, piano
Ce disque édité par le label Ameson est le premier
disque du pianiste Olivier Moulin
lauréat de nombreux concours et dont vous pouvez découvrir
le parcours en cliquant sur son nom écrit en bleu. Ce n'est
pas la première fois qu'il est question de ce pianiste
sur pianobleu.com puisque vous aviez pu le découvrir dans
la retransmission d'un concert au festival de Radio France et
Montpellier Languedoc Roussillon en juillet 2010 et lire dans
l'actualité un petit écho de son concert au Théâtre
de Cornouaille en décembre 2010... Olivier Moulin s'est
déjà produit dans nombreuses salles prestigieuses
et de grands festivals internationaux, où il a notamment
eu l'occasion de jouer souvent l'un de ses compositeurs de prédilection
: Liszt . En cette année de bicentenaire de naissance du
compositeur il était donc logique qu'il choisisse de rendre
hommage à ce compositeur. Son programme réunit des
oeuvres qui montrent l'obsession de la mort chez Liszt ce qui
bien que cette année 2011 célèbre sa naissance
est aussi une trame logique puisque comme l'indique Bertrand Périer,
auteur du livret de cet album : "Toute sa vie Liszt a
été hanté par la pensée de mourants
et des trépassés, par la vision des catafalques
et de l'au-delà".
Autour de ce thème unique Olivier Moulin a réuni
quatre oeuvres de grandes envergures et autant de courtes pièces
dernières, qui offrent des respirations car elles sont
le plus souvent d'un grand lyrisme et moins sombres même
si des épisodes de tension y sont aussi présents,
et elles ont en fait aussi une variété de couleur,
"Nuages gris" tirant au noir puisqu'il finit
"au confins du silence et du désespoir"....
Au début de cet enregistrement dans l'ironique "Danse
Macabre", à l'origine poème symphonique
du compositeur contemporain de Liszt Saint Saëns, Liszt qui
ne fait qu'emprunter trois thèmes principaux de ce poème
( thème rythmique initial, thème de valse et "Dies
irae" (partie d'une messe de Requiem) produit une partition
alternant lyrisme exalté et virtuosité étourdissante.
Un extrait vidéo plus bas dans cette page réalisé
lors de l'enregistrement de ce disque vous permettra vous en rendre
compte sous les doigts du pianiste Olivier Moulin qui interprète
cette pièce impressionnante avec grandes qualités
pianistiques.
Plus connue, la composition originale de Liszt "Funérailles"
est comme son nom le suggère une marche funèbre,
au caractère à la fois héroïque et épique
qui fait vivre à l'auditeur l'horreur de combats en réunissant
des sons d'un champ de bataille à celui d'un chant de douleur.
Autre oeuvre colossale "Après un lecture de Dante"
tient tout autant de la composition que l'improvisation comme
l'indique son sous-titre "Fantasia quasi sonata"
et son thème est toujours dans la lignée de cette
obsession de la mort puisque il s'agit de l'enfer de Dante qui
y est peint avec " Des cris divers, d'horribles langages,
des paroles de douleur, des accents de colère, des voix
hautes et rauques , et avec elles un bruit de mains, faisant un
fracas qui sans cesse tournoie dans cet air à jamais ténébreux"...
heureusement la fin laisse espérer un Paradis.
Quatrième grande oeuvre de ce disque, et dernière
du programme, la transcription pour piano seul de l'oeuvre "Totentanz",
écrite par Liszt lui-même pour piano et orchestre,
selon la majorité des musicologues serait inspirée
d'une fresque intitulée " le triomphe de la mort'
que Liszt avait pu admiré pendant son voyage italien de
1838, et Liszt y mobilise encore toutes les ressources de l'instrument,
le plus souvent violent et percussif jusqu'à une dernière
énonciation du "Dies Irae" à la
fin... vous pourrez également écouter précisément
la fin de cette oeuvre dans un extrait plus bas dans cette page
et apprécier la précision et puissance impressionnante
du pianiste qui maîtrise cette force ainsi dans "En
rêve" dont les notes sont d'une grande légèreté
, à voir également dans un vidéo qui termine
cette page. Olivier Moulin a bien voulu répondre à
quelques questions complémentaires à propos de son
disque :
Dans quelles circonstances ont eu lieu
votre rencontre et votre enregistrement avec le label Ameson ?
Jai rencontré Florence Hermitte, directrice artistique
et ingénieur du son du label AmeSon, à loccasion
du récital que jai donné au Festival de la
Roque dAnthéron en 2009. Auparavant, elle avait écouté
un enregistrement sur lequel je jouais des uvres de Liszt
qui lui avait beaucoup plu. On sest donc mis très
vite daccord sur le répertoire à enregistrer.
Elle ma dailleurs beaucoup aidé à bâtir
ce programme.
Lenregistrement de ce disque a eu lieu à Paris en
avril 2011, dans le très beau temple Saint-Pierre, près
des Buttes-Chaumont.
Que représente Liszt pour
vous ?
Jai commencé à jouer Liszt assez tardivement
(vers lâge de 18 ans), mais jai déchiffré
(et essayé de jouer !!) sa sonate en si mineur bien
avant, vers ladolescence, après en avoir écouté
avec mon père linterprétation grandiose de
Krystian Zimerman. A cette époque, je me rappelle que nous
écoutions ce disque en boucle à la maison
Liszt représente pour moi tout dabord un homme profondément
humaniste, généreux, mystique, visionnaire et très
en avance sur son temps. Egalement un pianiste dune virtuosité
sans équivalent.
En tant que compositeur, on peut le qualifier de musicien aux
« multiples facettes » : son uvre
est dune richesse, dune originalité et dune
diversité incroyables : entre les rhapsodies hongroises,
les années de pèlerinage, ou des pièces comme
Nuages gris ou la bagatelle sans tonalité, il y a tellement
dévolution!
Jai un intérêt tout particulier pour des uvres
telles que la sonate, les années de pèlerinage,
les harmonies poétiques et religieuses, les consolations,
les méphistos valses
Je me suis beaucoup intéressé à sa biographie
et à un livre passionnant dAlan Walker que je recommande
à tous les amoureux de la musique de Liszt. Jai également
visité sa maison à Weimar.
Etant donné le vaste répertoire
de Liszt /la mort comment avez-vous sélectionné
plus particulièrement les oeuvres de votre disque ?
Lidée de ce programme est partie de la Totentanz
que jai dabord eu loccasion de jouer dans une
version inédite en duo piano et orgue, puis dont jai
joué la transcription pour piano seul à plusieurs
reprises au cours de ces trois dernières années.
A partir de là, jai découvert sa transcription
de la Danse macabre de Camille Saint-Saëns, compositeur auquel
il vouait une grande admiration. Ainsi ces deux pièces
ont elles constitué le fil rouge du programme de ce disque
et orienté le choix des autres.
Comment ressentez-vous personnellement
le fait de jouer seulement une musique aussi inspirée par
la mort, est-ce plus éprouvant que d'autres thèmes
chez Liszt ?
Bien entendu, le thème de la mort est très présent
dans ces pièces qui reflètent une âme bouleversée
et souffrante. Elles sont donc, en ce sens, assez éprouvantes.
Elles font cependant miroiter une phase ensoleillée de
confiance et de grâce. Je pense quil y a quelque chose
de contemplatif, une sorte de ferveur religieuse, et loptimisme
dune foi sans nuage. Pour moi, cette musique est certes
éprouvante mais aussi très émouvante, mais
jamais totalement sombre ni déprimante.
Qu'est-ce qui vous a le plus tenu à
cur dans votre interprétation et qu'est-ce qui vous
semble le plus difficile à interpréter dans les
uvres que vous avez choisies ?
Toutes les pièces du disque mont procuré
un énorme plaisir, aussi bien au niveau du travail de recherche
et de sélection des uvres quau niveau du travail
dinterprétation. Elles font toutes passer un message
fort, les thèmes sont très beaux, les harmonies
magnifiques et il y a une densité expressive intense.
Bien entendu, beaucoup dentre elles sont très difficiles
techniquement et physiquement : la Danse macabre daprès
Saint-Saëns, Totentanz, Après une lecture du Dante
et requièrent une grande endurance.
Au-delà de cet aspect « technique »,
je dirais quune des grandes difficultés a été
dessayer de restituer les timbres et lampleur orchestrale
des deux danses macabres qui sont toutes deux des transcriptions :
la Danse macabre daprès Saint-Saëns pour laquelle
Liszt priait Camille Saint-Saëns d « excuser
son inhabileté à réduire au piano le merveilleux
coloris de la partition ». De même, la Totentanz
est à lorigine une uvre pour piano solo et
orchestre que Liszt a lui même transcrit pour piano seul,
dans laquelle il mobilise toutes les ressources de linstrument.
Les uvres de votre enregistrement
ont été écrites à des périodes
différentes trouvez-vous une évolution chronologique
dans l'inspiration de Liszt ou sa façon de composer
par rapport à ce thème de la mort ?
Parmi les dernières uvres composées par
Liszt vers la fin de sa vie, deux pièces assez courtes
figurent sur ce disque : En rêve et Nuages gris. Lorsquon
écoute « En rêve »,
si on prête davantage attention à la mélodie
très chantante, charmeuse et délicatement ornée
quaux harmonies inattendues de laccompagnement, on
pourrait penser quil sagit du jeune Liszt alors quil
sagit en fait dune de ses dernières compositions
pour piano datant de 1885.
A linverse, les Nuages gris, composés quelques
années auparavant, font partie de ses pièces qui
font de Liszt un des précurseurs de la musique moderne
et de lécole viennoise (Schönberg, Webern),
avec un langage harmonique novateur qui défie les conventions.
Liszt avait dailleurs lui même dit : « ma
seule ambition de musicien était et serait de lancer mon
javelot dans les espaces indéfinis de lavenir ».
Cette pièce se caractérise par une économie
de moyens absolue et une indétermination tonale permanente.
Les uvres du Liszt des dernières années se
démarquent de la plupart de ses premières uvres
par un rejet prononcé du moindre élément
de virtuosité : la tendance est au dépouillement,
voire même à laustérité.
Comment avez-vous vécu l'enregistrement
de votre disque ?
Cet enregistrement a eu lieu en avril dernier à Paris
au Temple Saint-Pierre, un lieu magnifique avec une très
belle acoustique. Il sest déroulé sur 3 jours.
Il sagissait de mon premier disque, et jétais
donc un peu tendu au départ, ne sachant pas trop comment
se dérouleraient les séances denregistrement
et étant face à un programme très éprouvant
physiquement.
Florence Hermitte ma tout de suite mis à laise.
Sa présence bienveillante, son écoute, sa patience,
sa concentration et ses nombreux conseils mont beaucoup
guidé tout au long de cet enregistrement.
Le piano, que nous avions choisi ensemble, est un magnifique Steinway
D très coloré et chantant, tout à fait adapté
pour ce répertoire.
Avez-vous joué ce programme entier
en concert ou le jouerez-vous bientôt ?
Javais commencé à jouer une partie de ce
programme, couplé à dautres uvres de
Liszt, il y a quelques mois : au Brésil, en Allemagne,
et un peu en France (Paris, Quimper, Festival du Touquet )
Je lai donné en intégralité il y a
quelques semaines à Belley et à Ecully ainsi que
très récemment à Toulouse à lEspace
Croix Baragnon.
Pour écouter
Liszt
Extrait (fin) de Totentanz
Liszt
Olivier Moulin, piano
avec l'aimable autorisation
du label Ameson
cliquez sur le triangle du lecteur
ci-dessous