Domenico Scarlatti Irakly Avaliani PIANO

Nouveau ce disque, très apprécié des internautes de pianobleu.com fait parti des "Disques de l'été 2014"

Domenico Scarlatti (1685-1757)
16 sonates
Irakly Avaliani, piano

C'est un pur hasard... Après un "disque du moment " de François Couturier en hommage au compositeur italien Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736), voici un nouveau disque du moment, du pianiste Irakly Avaliani, regroupant 16 sonates d'un autre compositeur italien de la même époque, Domenico Scarlatti(1685-1757), qui aurait pu croiser le premier dans les rues de Naples -la ville natale de Scarlatti , et où il a vécu dans sa jeunesse ( jusqu'en 1720) - mais il est vrai que Pergolisi n'a rejoint les bancs du conservatoire des Poveri di Gesù Cristo à Naples qu'à l'âge de 12 ans... Et, autre lien entre les deux compositeurs, le célèbre Stabat Mater de Pergolesi , lui fut, selon certains historiciens, commandé pour remplacer celui vieillissant du père de Domenico Scarlatti - Alessandro Scarlatti ( 1660-1725)...
C'est pointer là aussi que Domenico Scarlatti a baigné dans un univers musicale dès sa naissance, ainsi Vassili Karist, auteur du livret , indique qu'il " reçut une formation musicale extraordinairement complète, puisqu'il fut aussi bien chanteur -basse profonde - que compositeur et instrumentiste (il brillait au clavecin et à l'orgue). A seize ans la Chapelle royale l'engagea comme organiste et compositeur. Son père Alessandro contribua certainement à son éducation, mais il ne fut pas le seul[...]'. Ces quelques faits historiques sur le compositeur peuvent avoir leur importance pour comprendre sa musique, en tout cas c'est la lecture de la biographie "Domenico Scarlatti" de Ralph Kirkpatrick qui a donné envie au pianiste Irakly Avaliani de se plonger aussi dans sa musique. Ainsi déclare-t-il à l'occasion d'un nouvel entretien : "Ce livre a tout changé. Par son intensité et sa profondeur, je pourrais le comparer au "Johann Sebastian Bach" d'Albert Schweitzer. Les deux ouvrages m'ont fait redécouvrir la musique baroque et mieux comprendre les codes, pas toujours évidents, de cette époque musicale."
Autre contexte historique à rappeler ... "pour l'amour de l'art" selon l'auteur du livret, Domenico Scarlatti est en effet né la même année que Bach, et Georg Frederich Haendel... Voilà qui est rappelé mais il est vrai que leur musique ne se ressemble pas. Il y a aurait en fait beaucoup à rappeler puisque Scarlatti a écrit plus de 550 sonates et vécu dans différents pays (Portugal, Espagne et Italie) , l'on estime que les trente premières , les seules publiées de son vivant alors qu'il avait 53 ans ont été en fait écrites entre 1719 et 1729 lorsqu'il était au Portugal, une centaine d'autres aurait été écrites entre 1742 et 1749, et les autres enfin entre 1752 et 1757, selon Ralph Kirpatrick.
Pour déterminer le programme de ce disque Irakly Avialani a ,dit-il, d'emblée "éliminé une trentaine, enregistrées admirablement par des grands. Ce n'est plus la peine d'enregistrer la Sonate en Mi majeur K 380 après Horowitz et Dinu Lipatti !"... Certes mais il n'échappe pas qu'il a quand même gardé la sonate K33, enregistrée elle aussi par Horowitz, et vous pourrez constater en l'écoutant plus bas dans cette page qu'il en donne une très belle interprétation, dont il n'a pas du tout à rougir face à celle de l'illustre grand pianiste, au contraire : quelle légèreté dans les trilles ! Et des nuances de tempo et d'interprétations tout à fait personnelles qui apportent certaines subtilités. On comprend donc pourquoi il l'a conservé et c'est aussi sans doute celle de ce disque qui apporte le plus de joie à l'auditeur, ce qui il est vrai est la caractéristique majeure de la musique de ce compositeur, cependant ce programme montre aussi bien d'autres aspects de sa musique : sa finesse et sa grâce ainsi une splendide Sonate dite pastorale K.513 ou encore un surprenante sonate K.394 , plus longue d'ailleurs, qui se métamorphose totalement dans sa partie centrale... Difficile d'y voir un simple "exercice", comme dans la plupart en fait ! Ce disque est en quelque sorte un bel hommage aussi à ce compositeur, car en fait les partitions(conçues pour le clavecin bien sûr) ne comportant aucune indication de tempo ou d'interprétations, l'interprète peut donc la jouer comme il la ressent, personnellement, au piano.
- Que représente Scarlatti dans votre répertoire, et comment y est-il entré ?
En fait j'ai deux répertoires : l'un que je travaille tout au long de ma vie sans le jouer en concert et vers lequel je retourne régulièrement pour l'approfondir et l'agrandir, et l'autre, que je décide de jouer en public.
Chaque œuvre demande le temps du travail qui lui est propre. Actuellement, ma vie professionnelle est orientée plus vers les enregistrements que vers des concerts, ainsi chaque disque représente l'aboutissement d'une étape importante de réflexion et de recherches. Je ne peux pas enregistrer une œuvre si je n'ai pas une vision claire et précise de ce que j'aimerais en faire. Ce processus peut prendre des longues années.
Par exemple, je joue les Klavierstucke de Johannes Brahms depuis mes années de Conservatoire de Tchaïkovski de Moscou et je peux les donner tous en concert en une seule soirée, ce que je fais quand les organisateurs prennent ce risque, mais je n'étais pas encore prêt à les enregistrer. Le moment venu, je les ai enregistrés d'un seul trait, en 10 jours. J'ai procédé de même pour les 3 dernières sonates de Beethoven que j'ai reprises seulement une semaine avant l'enregistrement car je savais exactement ce que je devais faire.
Pour les sonates de Domenico Scarlatti c'était différent : je voulais continuer dans Brahms, enregistrer les Variations sur un thème de Paganini et Variations sur un thème hongrois et ainsi, en terminant toutes les Variations, avancer mon projet de l'Intégrale de Brahms. Mais j'ai senti la nécessité de laisser reposer les variations et, en même temps, j'ai commencé à lire "Domenico Scarlatti" de Ralph Kirkpatrick. Ce livre a tout changé. Par son intensité et sa profondeur, je pourrais le comparer au "Johann Sebastian Bach" d'Albert Schweitzer. Les deux ouvrages m'ont fait redécouvrir la musique baroque et mieux comprendre les codes, pas toujours évidents, de cette époque musicale. La personnalité de Domenico Scarlatti, jusqu'alors réduite à quelques dizaines de sonates plutôt virtuoses "aussi légères que des bulles de champagne", a commencé à s'ouvrir à moi .
Et qu'appréciez-vous particulièrement dans la musique de Scarlatti et sa personnalité ?
J'ai découvert Scarlatti, insaisissable, avec sa profondeur abyssale bien dissimulée sous le charme et la délicatesse de son style, la variété infinie de ses 555 sonates, qu'il appelait en toute modestie  "Essercizi", composées vers la fin de sa vie, où il jouissait d'une liberté créatrice absolue. 
Il est extraordinaire de constater à quel point les 3 grands piliers de la musique baroque et de la musique tout court : Johann Sebastian Bach, Domenico Scarlatti et Georg Friedrich Haendel, nés tous les trois en 1685, ne se ressemblent pas. La différence est énorme, surtout entre Scarlatti et ses 2 confrères. Scarlatti, bien que connaissant parfaitement l'œuvre de Bach et Haendel, n'était nullement influencé par eux. Là, où Bach et Haendel emploient tous les moyens possibles de l'époque - les orchestres, les chœurs mixtes, les solistes - pour exprimer leurs idées musicales, Domenico Scarlatti arrive avec seulement quelques notes du clavecin nous procurer les mêmes émotions et tout cela avec naturel et sans effort apparent. L'histoire se répétera avec un certain enfant prodige qui naîtra à Salzbourg en 1757, un an après la disparition de Scarlatti et qui portera le flambeau de ce style unique où la souffrance est tamisée par un sourire léger et élégant. Je ne pouvais pas ne pas enregistrer Scarlatti...
- Sur quels critères avez vous choisi les 16/555  sonates de votre CD ?
D'emblée, j'en ai éliminé une trentaine, enregistrées admirablement par des grands. Ce n'est plus la peine d'enregistrer la Sonate en Mi majeur K 380 après Horowitz et Dinu Lipatti ! Après, il fallait les trier par le caractère, l'ambiance sonore, l'audace créative pour laisser, ensuite, une centaine afin de construire la dramaturgie du futur disque. L'étape suivante était la plus complexe car il ne suffit pas de choisir les sonates qu'on joue mieux. Une heure de Scarlatti c'est beaucoup pour l'oreille, au bout de la 5ème ou 6ème sonate la qualité d'écoute baisse, d'où la nécessité d'un plan dramaturgique précis pour garder la tension jusqu'à la fin, pour qu'on aille de découverte en découverte sans se rendre compte de la durée du CD.
Une fois les Sonates choisies, commencent les vrais problèmes et en premier lieu, les problèmes du texte. Les originaux des Sonates de Scarlatti n'existent plus, nous avons donc dans le meilleur cas le choix entre les différentes copies manuscrites et dans le pire - entre les différentes éditions où les textes ont été corrigés et "améliorés" par les éditeurs. 
Vous avez choisi de les interpréter sur un piano moderne, quel travail particulier cela vous a-t-il demandé ?
Comment interpréter la musique baroque sur un piano moderne ? Il y a autant de réponses que des pianistes qui interprètent cette musique. Je me rappelle une directrice artistique d'un festival venue me voir après le concert où je jouais les Sonates de Scarlatti. "Je déteste la musique baroque au piano. Bien sûr, cela n'a rien à voir avec votre interprétation", disait elle. Pas de clavecin, pas de concert donc. 
Mon interprétation de Scarlatti est bien réfléchie et je savais bien que je prenais des risques, mais il n'y a pas que des bulles de champagne dans cette musique. 
Scarlatti était un homme du Sud, un Italien vivant en Espagne, passant par le Portugal. Son tempérament explosif et son incroyable imagination se manifestent dans chaque page de ces magnifiques Sonates. Il n'a pas peur de transgresser toutes les règles les plus strictes de la composition : les quintes et les octaves parallèles, les dissonances les plus inattendues,  les structures asymétriques, rien ne lui fait peur. L'aisance et l'économie de son écriture sont surprenantes. Et, comme si cela ne suffisait pas, les passages les plus virtuoses de sa musique sont capables de procurer aux pianistes le plaisir purement physique, comparable, peut-être, aux œuvres virtuoses de Liszt. Pourquoi donc se priver de ce plaisir auditif et physique inouï, en transformant la musique de Scarlatti en pièce de musée, en arrondissant bien les phrases pour faire joli et en supprimant toutes les dissonances qui la rendent si vivante et proche de nous ? 
J'ai pris l'habitude de consacrer à Scarlatti une partie entière du récital. Au lieu de jouer 2 ou 3 Sonates pour "chauffer" le public, j'en enchaîne douze et cela permet d'apprécier pleinement le génie créatif de Scarlatti. L'écoute attentive et le silence du public entre les Sonates prouvent que cette musique est intemporelle et  qu'elle a su traverser trois siècles sans aucune ride.


Pour écouter
Domenico Scarlatti
Sonate K33
L.424
Irakly Avaliani, piano
avec l'aimable autorisation
du label
Sonogramme
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