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Serge Prokofiev Varduhi Yeritsyan PIANO
Serge
Prokofiev
Visions Fugitives,
Sonates n°2 et 3
Sarcasmes
Suggestion Diabolique
Varduhi Yeritsyan, piano
Née en Arménie et vivant en France depuis l'âge
de vingt ans, Varduhi
Yeritsyan par sa double culture héritée de grands
maîtres comme Brigitte Engerer, Vladimir Krainev, Msitslav Rostropovitch,
Denis Pascal ou Claire Désert , est l'une des spécialistes
du répertoire russe sans pour autant négliger d'autres
répertoires et ce jeudi 29 novembre 2012 et le lendemain elle
jouera au TNB de Rennes avec l'Orchestre de Bretagne dans le cadre d'Orchestre
en fête, le bassoniste virtuose et chef d'orchestre Pascal Gallois
qui a construit un programme France/Hongrie a demandé à
la pianiste de se joindre à lui et l'Orchestre pour un programme
Liszt, Sains-Saens, Bartok. Son disque sorti chez le label Maestria
Records en mai 2012 grâce au soutien de la fondation Jean-Luc
Lagardère dont elle a été lauréate en 2010
est consacré par contre à un compositeur russe : Prokofiev,
compositeur dont la musique, confie la pianiste à l'occasion
d'un entretien, est " une sorte de langue maternelle"
pour elle.
Les oeuvres qu'elle a choisies d'enregistrer ont été
composées par Prokofiev avant la grande guerre et la révolution
russe, période où le jeune compositeur connut une gloire
fulgurante. La "Suggestion diabolique" qui clôt
ce disque est en fait celle qu'il composa le plus tôt, dès
l'âge de 17ans, oeuvre qui fit beaucoup parler d'elle et qu'on
ne peut s'empêcher de rapprocher précisément d'une
oeuvre de Liszt dont elle partage la thématique du diable : "Mephisto
valse" , mais beaucoup plus moderne, par ses harmonies agressives
et son "motorisme " déjà présent qui
caractérise nombreuses oeuvres de Prokofiev. Comme Liszt également
Prokofiev réalisa une sonate en un seul mouvement ( n°3)
mais son inspiration ne se limita pas à ce compositeur , ainsi
Christophe Gristi auteur du livret explique : "Alors qu'il était
étudiant, Prokofiev avait écrit plusieurs sonates qu'il
ne publia pas mais que plus tard il reprit partiellement comme la sonate
n°2 et 3. La sonate avait été négligée
depuis Liszt et Brahms (un demi siècle) et se furent Scriabine
et Prokofiev, chacun à leur manière, qui la ressuscitèrent
: La sonate en un seul mouvement pour Scriabine, dans la lignée
de Liszt ; pour Prokofiev, la sonate en quatre mouvement comme Beethoven
et Schubert. Chacun s'autorisa cependant des exceptions, comme cette
troisième sonate (1918) en un seul mouvement incroyablement dense
et compact, d'une verve et exubérance enivrantes. La deuxième
sonate joue d'avantage sur les contrastes, entre lyrisme contrarié
et ébriété rythmique, avec en son centre la déambulation
tragique de l'Andante "...
Contraste et lyrisme aussi dans les 20 pièces de "Visions
fugitives " ainsi pourrez vous le mesurer dans les quatrième
et seizième d'entre elles dont Varduhi Yeritsyan nous fait mesurer
la variété de nuances de langage dont elle possède
tous les accents énergiques et toute la sensibilité pour
nous en faire partager le splendide lyrisme. Lyrisme qui parfois se
conjugue aussi à l'ironie ainsi dans les cinq "Sarcasmes"
dont vous pourrez aussi écouter les deux premiers dans une vidéo
plus bas dans cette page. Enfin vous pourrez également écouter
le second mouvement de la deuxième sonate, extraits qui nous
aide à comprendre pourquoi Varduhi Yeritsyan nous dit que lorsque
qu'elle joue la musique de Prokofiev ... " vu la difficultés
de la chose, je cherche avant tout à créer des contrastes,
des diversités sonores, et je n'ai pas le temps de penser à
autre chose ! "
Dans
quelle circonstance ce disque a-t-il été réalisé
avec Maestria Records ?
C'est un de mes compatriotes, le pianiste et chef d'orchestre Vahan
Mardirossian, qui a fondé ce label il y a quelques années,
label diffusé par Codaex. Intéressé par le projet,
Vahan m'a tout de suite proposé de le réaliser, et pour
ce faire, j'ai obtenu le soutien de la fondation Lagardère qui
m'a attribué un de ses prix en 2010.
Que représente pour vous Prokofiev ?
La musique de Prokofiev oscille entre une vraie conscience de la tradition
(notamment la période classique, mais aussi les musiques populaires
russes) et une vision de la modernité. La comparaison avec Stravinsky
lui est souvent, dans la littérature critique moderne, défavorable,
pourtant, je vois chez lui un authentique iconoclaste, dont l'ironie
empreint un grand nombre d'oeuvres. Certes, il fut moins radical que
son illustre collègue (comme Haydn, un de ses modèles,
le fut moins que Beethoven), mais cela ne suffit pas pour faire de lui
un passéiste. Prokofiev vivait avec son temps, le subissait,
mais aussi le pervertissait par un langage harmonique ou des lignes
mélodiques inouïes. C'est cet équilibre qui me touche
particulièrement.
Vous avez choisi d'enregistrer la seconde
et la troisième sonate de Prokofiev hormis le fait que la seconde
est en quatre mouvements et la troisième en un seul , que pensez
vous des différences d'écriture entre ses deux sonates
et qu'aimez vous dans chacune d'elle ?
La différence du nombre de mouvements est précisément
une différence d'appréciation de la tradition. La structure
en 4 parties est certes plus "classique", mais Prokofiev la
tempère par un langage très audacieux. Dans la sonate
suivante, il y a cette cohérence, cette concision, particulièrement
d'actualité pour l'époque (je pense notamment à
Berg), et pourtant, je trouve que le langage y est quelque part plus
univoque.
L'auteur de votre livret indique au sujet
des "Visions fugitives" : "Reprenant le principe
des préludes de Chopin elles sont une exploration très
délicate et précise du rythme et l'harmonie"...
pouvez-vous nous en dire plus : explore-t-il comme Chopin des tonalités
différentes et dans l'affirmatif sait-on pourquoi il n'a
pas exploré les 24 tonalités comme l'ont fait nombreux
autres compositeurs ? Ne pourraient -on pas aussi rapprocher ces
oeuvres à des « Tableaux" ou "études-tableaux
" ?
J'adore composer des programmes de disques et de récitals où
des oeuvres aux proportions "traditionnelles" (sonates en
trois ou quatre mouvements) rencontrent des cycles de miniatures. J'ai
donc beaucoup joué les "Visions fugitives" qui sont
un modèle du genre pour moi les "Visions fugitives"
sont un modèle du genre pour moi. Parler de tonalité pour
Prokofiev est impropre : il s'agit plutôt de principes unitaires
juxtaposés qui peuvent renvoyer à Chopin. En effet, chaque
pièce est un objet unitaire extrêmement inventif, caractérisé,
qui renvoie presque à la notion d'étude (étude
de composition, plus que d'interprétation). Or la succession
de ces courts moments particulièrement contrastés crée
un étonnant sentiment de continuité, de cohérence.
Il ne s'agit pas d'un catalogue, mais d'un voyage linéaire. J'ai
l'impression que le micro-élément, pourtant jamais neutre,
et la macro-structure entrent en résonance, se nourrissent mutuellement.
Pourtant, aucune pièce ne ressemble à une autre, les couleurs
et les modes d'écriture se succèdent avec fluidité.
L'auteur de votre livret indique également
au sujet des "Visions fugitives" : "plus encore
elles sont une tentative géniale d'organisation ou de maîtrise
du désordre : dans ces premières années du siècle
où le monde est en effet en train de chavirer, c'est le
chaos qui offre le seul exemple de cohérence et de continuité
"...que pensez-vous personnellement de cette analyse ?
Prokofiev ne s'interdit rien, et il arrive malgré un imaginaire
débordant à créer un objet nécessaire. Je
pense que son langage harmonique est à l'origine de cette perception
: Prokofiev semble sans cesse jouer avec le sentiment tonal, masquer
les appuis, rompre les cadences, et c'est sûrement ce mouvement
continu des accords qui transcende la succession.
Que pensez-vous de la façon dont Prokofiev
fusionne le lyrisme et l'ironie ainsi dans "Sarcasme"
ou la "Suggestion diabolique" , comment ressentez-vous
personnellement ces pièces ?
J'ai un peu répondu à cette question mais quant à
ce que j'éprouve pendant que je joue ces pièces : vu la
difficultés de la chose, je cherche avant tout à créer
des contrastes, des diversités sonores, et je n'ai pas le temps
de penser à autre chose !
De façon plus générale
quel travail particulier vous a demandé ces partitions par rapport
à celles d'autres compositeurs et qu'est ce qui vous
a tenu le plus à coeur dans votre votre interprétation
de celles-ci ?
La musique de Prokofiev est une sorte de langue maternelle pour moi.
Je me sens dans son langage comme chez moi. Le plus difficile, peut-être,
est de trouver une forme de distance objective pour arriver à
approfondir mon propos.
Jouerez-vous des oeuvres de Prokofiev dans
un prochain concert ?
Pas dans l'immédiat. Je fais une infidélité au
grand Serge avec son collègue Alexandre en ce moment !
Pour écouter
Serge Prokofiev
Varduhi Yeritsyan, piano avec l'aimable autorisation
du label Maestria Records
cliquez sur le triangle du lecteur
ci-dessous
Visions fugitives - 4 -animato