RACHMANINOV Préludes GUILLAUME VINCENT PIANO
Serge
Rachmaninov (1873-1943)
Prélude op.3 no.2
10 préludes op.23
13 préludes op.32
Guillaume Vincent , piano
Depuis qu'il a remporté le troisième prix du concours
Long Thibaud en 2009, le pianiste Guillaume
Vincent a été nommé "Révélation
classique" par l'Adami en 2010 et a obtenu le prix "Fondation
Safran" en 2012 et est désormais régulièrement
invité par de nombreux festivals en France et dans le monde entier
pour se produire en solo et avec orchestre. Et ce disque ( un double
disque en fait ) qui parait chez le label Naïve est son premier
album. Il a choisi d'enregistrer l'intégrale des préludes
de Rachmaninov, un compositeur qui confirme -t-il à l'occasion
d'un nouvel entretien a "une place privilégiée
dans son coeur", un compositeur dont la musique dit-il aussi
lui correspond le mieux.
Au sujet de sa musique le compositeur déclara lui-même
en 1941 : " Ma musique est le produit de mon tempérament,
et par conséquent une musique russe [...] J'essaie de dire de
façon simple et directe ce qu'il y a dans mon coeur. S'il y a
de l'amour, de l'amertume, de la tristesse ou de la religion, ces états
d'âme deviennent une partie de ma musique " rapporte
Brigitte François-Sappey auteur du livret, précisant au
sujet des préludes que comme Hummel et Chopin , Rachmaninov a
composé des préludes... qui ne préludent à
rien, mais contrairement à ses devanciers il ne cherche pas d'emblée
à parcourir la totalité des tons majeurs et mineurs. Ce
n'est qu'en 1910 que le compositeur envisagea de le faire, prenant appui
sur son prélude de jeunesse de l'opus 3 (1892) et réalisant
treize nouveaux préludes ( op.32) qui viennent s'ajouter au recueil
de 10 préludes qu'il avait publiés en 1904 et formaient
déjà un tout cohérent... 24 préludes dont
les climats sont très divers, proche de ceux de nocturne, d'études,
de marche, de vision fantastique... Ces multiples contrastes les rendent
d'autant plus intéressants à écouter tous à
suivre pour en apprécier toute la variété.
Il parait que l'on réclama souvent au compositeur de jouer
en bis le prélude de l'opus 3, il n'est pas impossible qu'outre
les impressionnantes sonorités de cloches il devait être
très impressionnant de voir le compositeur jouer, d'ailleurs
peut-être connaissez un amusant sketch de Igudesman et Joo qui
explique que Rachmaninov avait de grandes mains... c'est aussi le cas,
on peut le voir sur la photographie de la pochette, du pianiste Guillaume
Vincent mais en l'occurrence se sont plus les déplacements des
mains sur le clavier qui en font la difficulté et il parait qu'en
fait Rachmaninov n'appréciait pas vraiment ce prélude
et le jouait rageusement quand on le lui réclamait !... La popularité
du prélude était telle qu'un journal anglais écrit
en 1922 : « Ce serait un énorme plaisir d'entendre ce
pianiste fin et singulièrement modeste dans une petite salle
d'où tous les "maniaques du prélude" auraient
été refoulés... »(cf Rachmaninov -Jacques
Emmanuel Fousnaquer) ce n'est certes pas très élogieux
mais il est vrai que les deux recueils suivants comportent des préludes
encore plus intéressants et agréables à l'oreille
!
Ainsi le premier prélude de l'opus 23 qui commence en douceur
le recueil, le second possèdent plus les qualités d'un
excellent bis car il fait de nouveau appel à la puissance et
virtuosité technique et la richesse harmonique de cette pièce
n'a rien de comparable avec l'opus 3 et il offre en son centre un très
beau chant . Avec sa fin qui appelle les applaudissements , il pourrait
être un... prélude aux applaudissements ! En fait nombreux
autres préludes mériteraient d'être choisis ainsi
le premier prélude de l'opus 32 est aussi une véritable
bourrasque impressionnante, et il parait que le prélude n°12
de l'opus n°32, allegro en sol dièse mineur, est celui le
plus plébiscité par les auditeurs et les pianistes, quant
au compositeur lui-même il aurait un jour déclaré
que son prélude préféré était le
dixième de cet opus au début de la vidéo en bas
de page ) , pourtant il n'a semble-t-il pas enregistré ce beau
prélude très triste qui s'inspire d'un tableau d'Arnold
Bocklin titré : "le retour". Très différent
le cinquième de l'opus 23 n°5 , alla marcia en sol mineur,
est aussi un des préludes les plus populaires, il n'a cependant
rien à voir avec le lyrisme du très beau autre cinquième
prélude de l'opus 32, moderato en sol majeur... que préféreront
les amateurs de belles mélodies à l'écoute du splendide
chant limpide et libre à chacun de préférer aussi
d'autres car nombreux comportent de belles mélodies. Le treizième
prélude de l'opus 32, qui est le plus long est un véritable
joyau final et ne semble pas demander pas de bis surtout si l'intégralité
a été jouée ou alors lui-même car il semblerait
peut-être un peu dommage de changer la fin de l'histoire...
Le troisième prélude de l'opus n°32 est sans doute
aussi l'un des plus remarquables, car très pittoresque, et c'est
celui-ci que vous pourrez écouter plus bas dans cette page mais
à vrai dire comme vous avez pu vous en rendre compte il n'en
est pas un dans l'opus 32 qui n'ait une caractéristique qui le
rende tout aussi admirable et selon l'humeur au moment de l'écoute
l'on peut en préférer un autre ou encore un autre, comme
par exemple le huitième qui est tout aussi inventif ou le neuvième
encore très chantant de cet opus ou bien pour revenir à
l'opus 23, le septième et le neuvième sont de très
belles études séparées d'un splendide prélude
d'un grand lyrisme !... et ce sont effectivement les vingt-quatre préludes
qu'il faut écouter et (re) découvrir sous les doigts de
Guillaume Vincent, rare pianiste à avoir choisi de les enregistrer
dans leur intégralité pour nous offrir la grande histoire
écrite par Rachmaninov ... Histoire musicale dans toutes les
tonalités mais surtout aux multiples caractères, qui en
font une histoire d'une grande intensité. Histoire qu'il nous
transmet admirablement avec un jeu contrasté et très vivant,
et son enregistrement est aussi particulièrement remarquable
par la très belle sonorité du piano qu'il a choisi contribue
aussi à mettre en valeur les différentes caractéristiques
de chaque prélude et nous les faire aimer dans leur ensemble
pour leur différences ! En fin de page vous pourrez aussi
voir une courte vidéo réalisée par le label où
vous pourrez vous amuser à essayer de reconnaître les trois
préludes qu'il joue.
Vous
indiquiez lors de notre entretien fin 2009 que Rachmaninov tenait la
première place dans votre répertoire, et vous indiquiez
notamment « Ce qui me plaît beaucoup, c'est l'idée
que l'expression lyrique de la phrase dépasse toute rigueur et
laisse place à une imagination libre et sans limite. Ce que l'on
pourrait appeler "se perdre dans la musique" » la
sortie de ce disque montre que c'est toujours le cas, quelle place a-t-il
eu pour vous ces trois dernières années et comment vous
êtes vous « perdu » dans sa musique durant cette période
?
Je ne souhaite pas me spécialiser dans Rachmaninov, car la
musique est bien trop vaste pour que l'on se cantonne à un seul
répertoire. Pourtant il est vrai que, depuis plusieurs années
déjà, Rachmaninov a su conserver une place privilégiée
dans mon coeur. Il est d'ailleurs difficile d'expliquer pourquoi je
suis tant attaché à ce compositeur ; D'expliquer pourquoi
telle musique nous touche davantage qu'une autre. Je crois que chaque
musique a son propre langage, sa propre grammaire et que le plus important
est de trouver ce qui nous correspond le mieux. Jusqu'à présent,
j'ai toujours travaillé dans ce sens.
Par ailleurs, dans mon travail personnel, que ce soit dans Rachmaninov
ou autre chose, je reste très simple et ai un esprit très
cartésien. Pour les Préludes je n'ai pas fait de travail
particulier ; J'essaie simplement de faire de mon mieux et éprouve
le même plaisir quelque soit la partition.
Le prélude n°3 op.2 a souvent été
réclamé en bis à Rachmaninov lui-même et
nombreux autres interprètes , est-ce aussi une oeuvre que vous
aimez jouer en bis ?
Je n'ai jamais joué cette pièce en bis. Personnellement,
j'ai toujours préféré conclure un concert sur une
tonalité en majeur, que ce soit dans le recueillement ou la joie.
Cette pièce est magnifique et fait incontestablement partie des
plus belles pages de Rachmaninov, mais pour un bis, je la trouve trop
sombre.
Ce n'est qu'en 1910 donc lorsqu'il composa l'opus
32 que Rachmaninov décida de parcourir les 24 tonalités,
la première série de préludes op.23 est en fait
construite très différemment de l'opus 32, et s'y ajoute
donc le prélude écrit dans sa jeunesse , comment ne pas
se perdre entre ces deux opus de 10 et 13 pièces, qu'est-ce qui
selon vous les relie hormis le fait qu'il s'agisse de pièces
miniatures suivant certaines tonalités ? Et pourquoi avez-vous
choisi de les regrouper hormis le fait qu'ils sont publiés sous
le nom de préludes ,notamment vous semble-t-il aussi intéressant
de les jouer ensemble lors d'un concert ou préférez-vous
comme certains autres interprètes et Rachmaninov lui-même
en sélectionner quelques-uns ?
Les deux opus sont complètement différents. Tout les
oppose, à commencer par leur écriture. Et puis leur style.
Dans les 10 Préludes opus 23, on sent fortement l'influence de
Chopin, sous une écriture très pianistique, par exemple
dans le prélude numéro 4 en ré majeur. Alors que
dans les 13 préludes opus 32, l'écriture est beaucoup
plus polyphonique, voire symphonique et Rachmaninov se tourne vers un
style plus moderne, qu'on lui connaît peu, faisant parfois penser
à Prokofiev ou Ravel.
Les Préludes ne sont pas forcément écrits pour
qu'on les joue tous à la suite, cependant j'aime le faire. Et
ce qui m'a plu dans cet enregistrement, c'est justement cette idée
de faire une intégrale.
J'aime également les jouer tous en un seul concert. Je trouve
ça plus intéressant et plus intense, pour moi comme pour
le public, d'avoir une vraie vision d'ensemble sur un cycle. Quand je
suis dans ma loge avant un concert et que je m'apprête à
monter sur scène, j'aime me dire que j'ai une grande histoire
à raconter.
Que pensez-vous des différents climats
que Rachmaninov crée dans ses préludes ? Dans lesquels
trouvez-vous que le compositeur excelle le mieux ?
Pour moi, les Préludes en général sont des états
d'âme. Bien sûr, chaque interprète peut les ressentir
à sa manière. En terme de tonalité et de climat,
je trouve ce cycle particulièrement riche ; On y explore tous
les facettes du compositeur d'un prélude à l'autre. Je
dois avouer que j'ai une préférence pour l'opus 32, car
je le trouve plus contrasté et plus profond que l'opus 23.
Son opus 32 a été composé
au même moment que ceux de Debussy , avez -vous également
eu l'occasion de travailler ces préludes et que pensez-vous de
ceux-ci en comparaison à ceux de Rachmaninov ?
J'ai déjà eu l'occasion d'interpréter les Préludes
de Debussy. Je comprends que l'on puisse trouver quelques ressemblances
sur certains préludes de Rachmaninov, mais malgré tout,
ce sont deux univers complètement différents et pas comparables,
à mon sens.
Dans quelles circonstances ce disque a-t-il
pu être réalisé ?
Ma collaboration avec Naïve s'est faite très simplement
et très naturellement. Après être entré dans
l'agence, j'ai rapidement parlé de mes envies de répertoire
et il n'y a pas eu à discuter longtemps sur le choix du programme
du disque ; Les Préludes de Rachmaninov ont été
une évidence, et ma première idée.
Concernant l'enregistrement, les conditions ont été idéales.
J'ai pu choisir mon piano à Régie Pianos, à Saint
Maur ; Je l'ai beaucoup aimé car il représentait exactement
le genre de piano que je voulais : un piano puissant, mais avec un son
rond et chaleureux. De plus, j'ai pu enregistrer à l'auditorium
du MC2 de Grenoble, qui est une salle que j'aime beaucoup.
Quels sont vos prochains concerts et/ou projets
?
Mes prochains concerts publiques seront le 24 et 25 novembre prochains
au théâtre de Brunoy et à l'opéra de Massy
avec l'orchestre de l'opéra de Massy, dirigé par Constantin
Rouitz, où j'interpréterai le 25ème concerto de
Mozart. Sinon, plus tard, le jeudi 6 décembre à l'auditorium
du Louvre en duo avec Yan Levionnois.
Par ailleurs, je suis déjà en train de réfléchir
au programme de mon prochain disque, l'année prochaine, toujours
chez Naïve. Les pistes de répertoire sont nombreuses...
Bientôt
auront lieu les prochaines épreuves du concours Long Thibaud
Crespin , dont vous aviez remporté le troisième prix en
2009, auriez-vous un éventuel conseil a donner aux candidats
?
Beaucoup d'amis à moi vont passer ce concours. Je leur souhaite
leur meilleur. Et si je n'ai qu'un conseil à leur donner c'est,
malgré toute la pression que l'on peut avoir pour un tel concours,
qu'ils restent sincères et authentiques dans leur musique.
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- Agnès Jourdain
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