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Trio Chausson Trios avec piano Chaminade Debussy Lenormand
Trios
avec piano
Cécile Chaminade (1857-1944)
trio n°2 op.34 en la mineur
Claude Debussy (1862-1918)
Trio en sol majeur
René Lenormand (1846-1932)
Trio op.30 en sol mineur
Trio Chausson :
Philippe Talec, violon
Antoine Landowski, violoncelle
Boris de la Rochelambert, piano
Les trois musiciens du trio Chausson ont choisi ce nom lors de sa
création en 2001 en référence au compositeur Ernest
Chausson, grande figure de la musique française de la fin du
19ème siècle et personnalité qui a beaucoup aidé
les jeunes talents, et pour ce nouveau disque ils ont en quelque sorte
choisi de revenir à leur origine en construisant le programme
de celui-ci autour de trois compositeurs français en référence
au nom de leur trio. Les trois musiciens sont cependant partis à
la découverte d'un répertoire qu'il ne connaissait pas
puisque "oublié" et après avoir déchiffré
une quinzaine de trios de différents compositeurs rarement interprétés
leur choix s'est unanimement porté sur un trio de Cécile
Cheminade et un trio de René Lenormand en complément de
celui de Claude Debussy compositeur français dont on entendra
certes beaucoup d'oeuvres cette année, année de célébration
des sa naissance en 1862, mais dont le trio, une oeuvre de jeunesse
composée en 1880 est beaucoup moins connue.
Un travail passionnant mais pas toujours simple pour le trio Chausson
qui partait donc en "terre inconnue " malgré
tout puisque l'un des compositeurs : René Lenormand est quasiment
inconnu, ainsi l'explique Boris
de Larochelambert, pianiste du trio Chausson, à l'occasion
d'un nouvel entretien. Quant à Cécile Chaminade elle a
failli échapper à une carrière de musicienne par
la crainte de ses parents mais futsauvée par
George Bizet qui l'a surnomma " son petit Mozart" mais
d'un tempérament timide et réservé elle a mis prématurément
fin à sa carrière en 1914. C'était elle-même
une pianiste remarquable et elle a interprété plusieurs
fois cette oeuvre qu'elle a composée en 1887 donc peu de temps
après celui de Debussy. Si la compositrice commence son trio
par un très beau mouvement allegro moderato plein de fougue,
Debussy débute le sien avec une musique d'une grande douceur
et poésie assez surprenante pour un très jeune musicien(18
ans) mais il est vrai qu'il l'a composa dans des circonstances très
propices à la créativité : il séjournait
chez la mécène de Tchaïkovsky et était entouré
de nombreux musiciens dont un violoniste et un violoncelliste polonais,
et il envoya à l'éditeur Durand la partition avec cette
dédicace : "Beaucoup de notes accompagnée de beaucoup
d'amitié".
C'est ici le premier enregistrement du trio de René Lenormand,
et c'est un pur chef d'oeuvre que l'on peut découvrir... certes
d'essence russe et germanique mais le pianiste Boris de Larochelambert
explique que à son avis c'est "le plus évocateur
de l'"esprit français" d'avant-guerre." Vous
pourrez écouter plus bas dans cette page le premier mouvement
très sombre et passionné. René Lenormand, mort
en 1932, écrivait que "la musique de chambre est vraiment
la manifestation la plus élevée de l'art musical",
la passion exprimée par son oeuvre est sans doute à l'image
de celle qu'il portait à celle-ci... une passion que les trois
musiciens du trio Chausson qui jouent maintenant ensemble depuis plus
de 10 ans manifeste aussi avec un grand art dans cet album où
l'amitié et le plaisir du partage éclaire chaque partition
et chaque note d'un rayonnement bienfaiteur chargé d'une énergie
positive savamment dosée. Bref... un très beau partage
d'oeuvres oubliées.
Le trio Chausson a choisi d'enregistrer un trio
de Debussy et deux trios de compositeurs français méconnus
dont les oeuvres sont quasi contemporaines. Après être
parti à la découverte d'une quinzaine de trios
français oubliés, pourquoi avez vous précisément
choisi ceux-là , et étiez vous tous les trois d'accord
sur les choix spontanément ?
Ces trios sont tout simplement nos coups de coeur ! D'un avis commun,
ils sortaient clairement du lot des trios romantiques français
qui nous ont été envoyés par la fondation Bru-Zane.
Ces moments de découverte sont particulièrement excitants
pour nous puisque nous abordons ce répertoire méconnu
avec pour seules références les plus connus des trios
français ; je dois bien avouer que nous ne nous attendions pas
à rencontrer une telle qualité chez ces auteurs.
Ecrits à la même époque (1880-1890), les trios de
Debussy, Chaminade et Lenormand sont radicalement différents
dans leur inspiration, leur langage, leur esthétique; chacun
recèle des richesses et des trouvailles qui nous ont séduits.
Le trio de Debussy, compositeur réputé,
est une oeuvre de jeunesse écrite en 1880, en quoi vous semble-t-elle
intéressante outre son charme mélodique ?
C'est la première oeuvre d'envergure de Debussy. Il est passionnant
de constater que le tempérament que l'on connaît s'y exprime
déjà pleinement mais par des moyens tout autres: l'harmonie
évoque Massenet, Saint-Saëns parfois. A cet égard,
les second et quatrième mouvements sont les plus annonciateurs
du futur Debussy: la modalité y est déjà très
présente, l'obsession de la couleur et de la texture également
: le final fait contraster le brumeux, le frissonnant, le chatoyant...
Cette sensualité est à mettre en perspective avec le caractère
contemplatif du premier mouvement, qui possède une structure
très libre et novatrice, bien que dérivée de la
forme sonate.
Et qu'est-ce qui vous a plu dans les deux autres
trios de compositeurs moins, voire pas , connus ?
Le second trio de Cécile Chaminade nous a séduits par
son énergie farouche, aux antipodes de Debussy mais aussi de
sa propre musique pour piano seul, souvent plus modeste et au souffle
moins grand. On y trouve ça et là des références
à la musique folklorique, tantôt très rudes et privilégiant
les dissonnances (à la limite de l'acciacature), tantôt
pures et dans les tons pastel.
La densité contrapuntique du premier mouvement lui confère
un caractère très orchestral ; son lyrisme est touchant
de sincérité. Le second mouvement constitue une sorte
de parenthèse intimiste puis grandiose; le final, par sa modalité
affirmée et son caractère dansant, évoque par moments
la musique populaire scandinave.
Le trio de René Lenormand, dont c'est le premier enregistrement,
est à mon sens le plus évocateur de l'"esprit français"
d'avant-guerre. Il s'agit moins ici d'énergie (bien qu'elle soit
très présente, en particulier dans les chevauchées
des deux derniers mouvements) que d'un goût de la fluidité,
de l'équilibre et de la grandeur; cette hauteur d'inspiration
lui permet de jouer sur les couleurs et les caractères plus que
les motifs eux-mêmes quand il développe, d'où une
profusion de moments magiques, mystiques, un peu fantastiques. On y
entend résonner des cloches comme chez Rachmaninov, gronder de
longues pédales qui mènent à l'explosion comme
chez Tchaïkovsky ; souvent, le tissu sonore se fait dépouillé
et mystérieux. Tout l'intérêt de cette oeuvre réside
à mes yeux dans le fait de goûter et de faire goûter
ces moments d'une grande originalité, où surgissent des
audaces harmoniques propres au compositeur, comme ces accords de septième
sur un premier degré qui figurent l'abandon au coeur du triomphe.
Enfin, au contraire de Chaminade, qui délimite et circonscrit
ses débordements d'énergie en interrompant le discours,
Lenormand entretient la tension sur de longues périodes, l'excitation
qui en résulte est d'une tout autre nature !
Cécile Chaminade était également
pianiste, comme Debussy; qu'en est-il de René Lenormand et que
pensez-vous de la place accordée par chacun de ses compositeurs
au piano dans ces trois trios ?
Je dispose de très peu d'informations sur René Lenormand,
défenseur du lied à travers la société qu'il
a créée pour sa diffusion, "le lied en tous pays",
et de la musique de chambre, "manifestation la plus élevée
de l'art musical" selon ses termes. Je ne peux que supposer
qu'il était pianiste, comme semble le suggérer l'écriture
de son trio, qui évoque Schumann dans sa fluidité mais
avec une plus grande économie de moyens. Les difficultés
de la partie de piano ne sont pas le résultat d'une surcharge
virtuose mais de sa dimension expressive: sauts abrupts, octaves très
rapides bien que souvent réparties entre les deux mains comme
dans le premier thème du scherzo... Sa pédalisation, comme
celle de Chopin, est précise mais me semble inviter à
la demi-teinte: nombreux accords piqués dans la pédale,
harmonies à entretenir sans toutefois noyer les lignes. C'est
un piano avant tout orchestral et non concret dans son écriture.
Debussy traite le piano comme l'égal des cordes dans le premier
mouvement ; les thèmes s'échangent en permanence entre
les instruments sans qu'aucun ne bénéficie d'un traitement
particulier, d'où une écriture très pure et non
monayée, évoquant le jeune Brahms. Le suivi polyphonique
y demande un certain effort, les substitutions y sont plus nombreuses
que chez Chopin. Les mouvements suivants dévoilent peu à
peu les ressources propres au piano (le pianisme semble évoluer
sous nos yeux!) mais la mélodie y est davantage confiées
aux cordes; le piano intervient le plus souvent lors des climax dans
le mouvement lent et le final. Certaines figures d'accompagnement du
mouvement lent (ondoyantes, polyrythmiques) déroulent une fluidité
jusqu'ici absente tandis que le final préfigure à mon
sens l'écriture des mélodies. La difficulté principale
de ce final est la gestion de la pédale dans les nombreux accords
rapides répétés: la sécheresse menace d'un
côté, une masse sonore envahissante de l'autre; c'est un
équilibre délicat à trouver et qui repose énormément
sur la gestion de l'instrument par rapport à l'acoustique.
Enfin, le piano de Chaminade évoque Saint-Saëns par sa
volubilité et la variété de son écriture:
très contrastée, elle fait alterner plénitude et
dépouillement dans le premier mouvement. Le second, d'abord choral
puis mélodique, utilise souvent trois registres distincts. Son
épisode central, très néo-antique (comme Ravel
dans le tombreau de Couperin ou Debussy dans les chansons de Bilitis),
regorge de "traits de harpe" à jouer pianissimo. Enfin,
le final, très énergique et enlevé, semble lui
aussi écrit par blocs courts et contrastants (dans la nuance
et le registre): les enchaînements abrupts y sont aussi nombreux
que chez le dernier Beethoven. Le piano a ici un rôle d'accompagnement
virtuose mais la relative sécheresse de l'écriture permet
de ne pas le rendre envahissant; Chaminade confie en effet la plus grande
partie des thèmes aux cordes.
En
tant que pianiste avez-vous une préférence pour l'un de
ces trios ?
Le plus agréable pianistiquement est sans doute le trio de
Cécile Chaminade, dont la pâte sonore est très intéressante
à sculpter. Il est aussi le plus immédiat, le plus compréhensible
dès la première écoute.
Vous aviez indiqué lors de votre précédent
interview travailler en "m'imprégnant du compositeur
: autres oeuvres, autres formations, biographies.."... avez-vous
réussi à trouver des informations sur ces
deux compositeurs peu connus et leurs oeuvres et avez-vous étudié
quelques unes de leurs pièces pour piano seul et qu'en avez-vous
pensé ?
Dans le cas de Lenormand, la chose s'avère très difficile.
Ce trio est à ma connaissance sa seule oeuvre enregistrée.
On peut trouver quelques partitions de pièces pour piano (comme
les "rythmes à danser", pièces tardives
à la modalité affirmée et au langage néo-antique)
ou de mélodies, d'une belle intensité poétique.
Aucune biographie n'existe à ma connaissance, nous partions donc
en terre inconnue de tous points de vue.
Chaminade a composé énormément de petites pièces,
plus anecdotiques, à l'intérêt variable ; on
y retrouve rarement le souffle épique du trio. Ses mélodies
me semblent en revanche plus captivantes. Nous disposons de plus d'éléments
biographiques à son propos.
Qu'est-ce qui explique à votre avis que
René Lenormand et Cécile Chaminade soient plus oubliés
que Debussy ?
Cécile Chaminade, largement reconnue en tant que pianiste et
compositrice, a mené une brillante carrière internationale
jusqu'à la première guerre mondiale. Ce conflit a tari
son inspiration et elle s'est consacré à la direction
d'un hôpital avant de se retirer dans le Var puis à Monte
Carlo, jusqu'à sa mort en 1944. Elle a joui d'une certaine popularité
auprès des musiciens jusqu'en milieu de XXe siècle; j'ai
eu l'occassion de chercher dans de nombreuses collections de partitions
vieilles d'un siècle et ai trouvé un bon nombre de ses
compositions. Le charme romantique de ses compositions, loin d'être
désuet, est certainement responsable de sa désaffection
de la part du grand public. On passe à mon sens à côté
d'oeuvres d'une grande sensibilité et originalité.
René Lenormand, très engagé dans la diffusion (pas
forcément de son oeuvre propre, à l'instar de Chausson),
a également contribué à la vie musicale par ses
écrits théoriques et analytiques. De même que pour
Théodore Dubois, il est possible qu'une certaine abnégation
ainsi que son acitivité de théoricien l'aient marginalisé
en son temps. Peut-être sa musique, relativement dépouillée
et "bizarre", a-t-elle été accueillie avec méfiance
par ses contemporains.
Vous venez de participer à la Folle journée
au Japon , qu'avez-vous joué et comment s'était passé
votre précédent séjour là bas ?
Nous participons aux Folles Journées japonaises (à Niigata,
Kanazawa et Tosu) pour la cinquième fois; c'est un bonheur toujours
renouvelé. Je ressens toujours une grande curiosité de
la part du public japonais, particulièrement sincère et
assidu, nous retrouvons fréquemment les mêmes personnes
d'une année sur l'autre après les concerts.
Il est curieux de constater que l'esprit du pays où nous sommes
nous amène en quelque sorte à remettre les choses en perspective,
à redécouvrir ce que nous jouons et ce que nous sommes.
C'est un échange secret que je trouve assez émouvant.
Le programme (russe, cette année) se composait pour nous des
trios de Tchaïkovsky, Rachmaninov (en sol mineur), Arensky (en
ré mineur) et Chostakovitch (op.66). Des oeuvres très
sombres dans l'ensemble: les deux premières sont marquées
par la disparition de Nikolaï Rubinstein, qui a beaucoup marqué
les compositeurs russes, et la dernière par de nombreuses références
à la Shoah. Leur gravité desespérée ou révoltée
se fait aussi l'écho de ce que nous ressentons pour le peuple
japonais depuis les évènements dramatiques de 2011.
Pour écouter
René Lenormand
Trio op.30 en sol mineur
Allegro
Trio Chausson :
Philippe Talec, violon
Antoine Landowski, violoncelle
Boris de Larochelambert, piano
avec l'aimable autorisation
du label Mirare
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