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Restored Returned Tord Gustavsen Ensemble
Tord
Gustavsen Ensemble
Restored, Returned
Tord Gustavsen, piano
Tore Brunborg, saxophones tenor et soprano
Kristin Asbjornsen, voix
Mats Eilertsen, contrebasse
Jarle Vespetad, batterie
Après trois disques en trio piano, contrebasse, batterie,
le pianiste Tord Gustavsen a choisi pour ce nouvel enregistrement
d'élargir sa formation, avec un autre contrebassiste, d'un
saxophoniste et d'une chanteuse mais en fait le nom de celle-ci
"ensemble" semble effectivement plus juste que celui
de quintet quoique aussi discutable car les musiciens partagent
la musique dans diverses configurations surtout des duos, trios
et sont en fait rarement réunis tous les cinq ensemble.
Ainsi la chanteuse Kristin Asbjornsen n'est présente que
sur quelques morceaux dont quatre où elle interprète
d'une belle voix rauque des textes du poète Wystan Hugh
Auden, du recueil "Another time" paru en 1940,
le titre éponyme de l'album "Restored, Returned"
étant l'un d'eux. L'album comporte plusieurs simples piano/voix
dont l'un clôture l'album, et le disque débute par
un autre très beau duo cette fois entre Tord Gustavsen
et le saxophoniste Tore Brunborg, ce choix qui permet de mettre
en avant chaque musicien s'avère au final fort judicieux
car la musique de Tord Gustavsen trouve depuis toujours sa beauté
dans la simplicité et l'utilisation du silence... et la
poésie et le lyrismeà la fois apaisants et mystérieux
propres à ce compositeur qui utilise ici nombreux thèmes
en forme de berceuses enchantera toujours autant les amateurs
d'une musique calme propice à l'évasion.... Mais
pour en savoir plus sur ce disque lisez cette interview de Steve
Lake avec Tord Gustavsen(publié avec l'aimable autorisation
du label ECM) et regardez la vidéo qui suit.
Après avoir publié pour
ECM trois albums en trio - "Changing Places", "The
Ground", "Being There" - qui se sont avérés
compter parmi les réalisations les plus populaires du label
au cours des dix dernières années, vous proposez
aujourd'hui avec "Restored, Returned" un projet radicalement
différent à la tête d'un nouvel orchestre
totalement reconfiguré. Il est toujours délicat
bien sûr de rajouter un quatrième volet à
une trilogie (!), mais au-delà de ça avez-vous eu
le sentiment d'être arrivé au bout d'une histoire
avec le trio ?
Jouer en trio demeure une vraie passion pour moi, quelque chose
de fondamental. Et je continue de privilégier la capacité
de faire évoluer de façon organique mon univers
à partir de ce qui est là plutôt que d'entrer
dans un processus de renouvellement fondé sur le changement
incessant d'approche et de personnel. Mais j'étais arrivé
à un moment idéal pour donner forme à quelques-uns
de mes projets parallèles - pour cristalliser des relations
musicales tissées au fil des années en marge de
mon travail en trio dans l'espace d'un nouvel album.
En plus de ça, j'ai le sentiment que ce nouvel orchestre
est sur bien des plans beaucoup plus une prolongation naturelle
de ce que nous avons expérimenté avec le trio que
le support d'une musique radicalement " différente
". Cette quête d'intimité musicale - cette façon
de mettre principalement l'accent sur la respiration et le développement
de petits détails et d'effets de nuances très fins
- demeure plus que jamais central dans ma musique. L'intérêt
porté à la dimension mélodique ainsi que
le goût pour un type de beauté fondé sur le
dénuement sont également toujours présents.
Enfin, plusieurs des nouvelles compositions proposées ici
sont basées sur des sortes d'interludes musicaux qu'ils
nous arrivaient d'improviser en trio au cours de nos concerts
: ce sont des sortes de petites berceuses abstraites associant
à des mélodies presque simplistes un traitement
harmonique mettant particulièrement en valeur l'ambiguïté
tonale. Alors si effectivement la musique sonne de façon
différente avec l'apport de nouvelles couleurs orchestrales,
je pense que la continuité entre le trio et ce nouveau
groupe est très forte.
Une partie du nouveau répertoire
a été composée en réponse à
une commande du festival Vossajazz. Lors du concert inaugural
de la formation en plus de Kristin Asbjørnsen au chant,
vous aviez intégré au groupe une artiste de spoken
word, Cecile Jørstad. Comment en êtes-vous finalement
arrivé au groupe présent sur cet album ?
Les mots de Cecile Jørstad étaient écrits
et dits en Norvégien, et par conséquent inaccessibles
à une grande majorité du public international. En
plus de ça, autant je voulais réaliser un album
unifié avec un sujet global que les auditeurs puissent
entendre et appréhender comme un tout, autant je voulais
également que chaque morceau puisse être perçu
comme une entité autonome qui puisse fonctionner comme
un petit " mantra ". je voulais que l'album soit à
la fois un recueil de jolies mélodies et une uvre
puissamment structurée. Dans cet esprit j'ai considéré
que la version concert du projet avec ces séquences de
spoken word et ces transitions musicales ayant pour but d'unifier
toutes les parties, était sans doute parfaite pour la scène
mais peut-être pas idéale sur disque.
Vous avez souvent affirmé que les
chanteurs comptent parmi vos principales influences en tant qu'instrumentiste,
notamment en ce qui concerne la définition de la ligne
mélodique. Dans "Restored, Returned" le chant
tient une place centrale. En plus de la contribution de Kristin
Asbjørnsen, la façon qu'a l'excellent saxophoniste
Tore Brunborg de faire chanter son instrument dans le registre
médium dans un style très influencé par Garbarek,
entre pour une part importante dans la couleur spécifique
de l'album. En quoi la connivence instinctive entre ces musiciens
a-t-elle fait évoluer votre rôle dans le groupe et
comment définiriez vous le choix entre responsabilité
collective et expression individuelle laissé à chacun
des improvisateurs présents sur ce disque ?
Jouer
avec des voix dégageant une grande force lyrique a toujours
été une source d'inspiration pour moi. En invitant
Kristin et Tore dans l'orchestre, je savais que ma place allait
s'en trouver un peu modifiée, obligatoirement. Concrètement
il y a légèrement moins de piano dans l'exposition
des thèmes, et moins de " solos " de piano dans
le sens traditionnel du terme. En même temps Tore et Kristin
ont en commun une dualité fondamentale dans leur pensée
musicale et leur façon de jouer : ce sont de très
fortes individualités avec des caractéristiques
en matière de sonorité et de phrasé parfaitement
singulières et immédiatement identifiables, mais
dans le même temps ce sont des musiciens qui s'intègrent
parfaitement au discours collectif. Tous les deux ont cette capacité
de passer sans heurt et de façon très naturelle
d'un rôle de soutien dans l'orchestre à celui de
soliste, transformant le groupe en une sorte d'espace idéal
pour moi où toutes les interactions créatives deviennent
possibles. Donc l'évolution de mon rôle dans l'orchestre
n'est pas si violente que ça : elle consiste principalement
à intégrer deux voix de plus dans cette grande conversation
globale qu'est la musique de l'orchestre.
Quoi qu'il s'agisse indéniablement
d'une musique orchestrale, le discours souvent se développe
à partir de séquences fondées sur des interactions
entre deux ou trois musiciens : cette spécificité
d'écriture était-elle prévue à l'origine
? Et plus globalement l'approche des compositions a-t-elle évoluée
au fur et à mesure de l'enregistrement ?
L'album a toujours eu pour ambition d'explorer la potentialité
créative du quintet à travers les différentes
combinatoires orchestrales qu'il autorise (duos, trios et quartets)
plutôt que d'utiliser systématiquement la force de
frappe des cinq voix ensemble. Ce n'était pas à
proprement planifié comme tel, mais ça s'est développé
dans le travail très naturellement comme ça. Le
fait que je joue depuis des années en duo (notamment avec
Kristin et Tore) explique peut-être en partie cette façon
d'envisager le discours orchestral. Il y avait déjà
très souvent des séquences en duo piano-batterie
avec Jarle lors des concerts du trio. La transparence et la flexibilité
musicale propre à la formule du duo m'attirent particulièrement.
Et dans les berceuses abstraites qui composent cet album, notamment
le thème qui ouvre le disque avec Tore mais aussi celui
qui le clôture avec Kristin cette fois, on atteint dans
ces duos une qualité de son qui associe la fragilité
à un sentiment de réconfort et qui donne aux compositions
la lumière que je recherche. Notre approche des thèmes
s'est très légèrement modifiée au
cours de la séance, mais plus en ce qui concerne l'ordre
des morceaux que leur agencement interne. C'est dans ce type de
moment que le rôle de Manfred Eicher est si important :
il apporte sa qualité d'écoute et suggère
des ajustements ou des regroupements de morceaux toujours pertinents.
Qu'est-ce qui vous a attiré dans
les vers de W.H. Auden chantés ici par Kristin Asbjørnsen
?
Je ne connaissais d'Auden que quelques poèmes parmi ses
plus célèbres dans des traductions norvégiennes
jusqu'à ce que, lors d'une tournée en Angleterre,
je profite d'un jour de relâche à Oxford pour aller
flâner dans une librairie dans la section poésie
en quête d'inspiration. J'y ai déniché "
Another Time " et ce mélange de clarté
et de mystère m'a instantanément parlé. Le
plaisir que je recherche dans la poésie est toujours lié
à la musique : les phrases et les métaphores doivent
pour moi avoir un charme sensuel à la fois au niveau de
la sonorité pure et des associations de sens qui en émanent.
Mais les poèmes doivent également tenir leur promesse
d'une signification profonde si l'on se lance dans une relecture
attentive et réflexive. Les poèmes que nous avons
mis en musique possèdent selon moi ces qualités
: chacun peut se les approprier juste en piochant ici et là
un vers et en ne comprenant à première écoute
qu'une partie des mots et de leur signification ; mais vous pouvez
également vous asseoir et passer des heures à explorer
les diverses strates de sens qu'ils recèlent.
Dans l'album vous avez une façon
très ostentatoire d'offrir un accompagnement musical résolument
bluesy aux poèmes d'Auden tirés de son recueil "
Another Time " paru en 1940. Il se trouve que ces poèmes
figurent parmi les premiers qu'Auden a publié après
s'être installé aux USA. Est-ce ce que ce détail
biographique a influé sur vos choix musicaux concernant
l'adaptation de ce vénérable poète britannique
?
Voilà une question intéressante, mais comme ce
détail biographique m'était totalement inconnu,
tout lien entre la nature de la musique et cette relation d'Auden
avec la culture américaine ne peut être qu'inconscient.
Mais j'ai essayé de retrouver ce caractère bluesy
et cette touche de gospel qui figurent dans la plupart de mes
uvres. De façon abstraite, transformée, ça
demeure une dimension fondamentale de mon travail.
Intéressons nous maintenant un
par un aux titres qui se trouvent sur l'album. Qu'avez-vous à
nous dire du titre qui ouvre le disque, " The Child Within
" ?
C'est une berceuse composée tout spécialement
à l'occasion du premier concert que nous avons fait en
duo avec Tore Brunborg en 2007. Je l'ai écrite avec le
son de Tore en tête. Elle introduit l'album à ce
genre de beauté très fragile que nous avons essayé
de développer dans la suite, mais elle possède sa
propre cohérence interne.
" Way In "
C'est une pièce improvisée, un duo entre le piano
et la batterie, avec beaucoup d'espace au début et quelques
petits motifs qui mènent à une sorte de climax qui
déjà ouvre la musique à des jeux de dynamiques
et de contrastes qui tranchent avec ce qui est habituellement
associé à notre univers. Et puis la basse entre
dans le jeu avec le son plein et chaleureux de Mats Eilertsen,
le morceau évoluant vers un solo entrant en résonance
avec l'improvisation en cours.
" Lay Your Sleeping Head, My Love
"
C'est une sorte de Gospel profane, avec beaucoup d'espace et un
groove très lent. La voix de Kristin entre en scène
avec une profondeur émotionnelle et une chaleur qui me
prend aux tripes à chaque fois que je l'écoute.
" Spiral Song "
Encore un thème en forme de berceuse pulsée d'un
groove mettant particulièrement en valeur le touché
incroyable de Jarle Vespestad. C'est aussi la première
fois que l'on entend dans le disque la sonorité chaleureuse
de Tore Brunborg an saxophone ténor qui fait surgir ici
tout le potentiel de la mélodie avant d'en commenter les
qualités et de les développer dans un solo aussi
bref que délicat.
" Restored, Returned "
C'est un morceau en deux parties, avec une ouverture rubato qui
mène à une sorte de chur à la manière
d'un cantique. J'aime jouer ce genre de morceau. Il célèbre
le fait de trouver une façon de rentrer à la maison
à travers la chaleur de la communion et le " feu de
la prière " (une phrase tirée du poème),
mais transformé et enrichi par tous ces territoires inconnus
que l'on a dû traverser. La vie n'a rien d'une ligne droite
- c'est un mouvement en spirale qui nous fait passer par une suite
de cercles herméneutiques. En revenant à la forme
du gospel c'est ce trajet que j'effectue moi-même, tant
d'un point de vue musical que spirituel. C'est toujours une source
de chaleur et d'énergie pour moi quel que soit l'angle
nouveau que j'emprunte pour l'aborder.
" Left Over Lullaby No. 2 "
Encore une berceuse avec une mélodie très chantante
plongée dans un environnement tonal ambigu. Tout le monde
joue sur ce morceau, chacun prenant part au développement
de la mélodie avec ses couleurs spécifiques.
" The Swirl " / " Wrapped
In A Yielding Air "
Dans sa forme ce morceau évoque le "slått"
norvégien - un type de danses propre à notre folklore.
Le jeu de basse de Mats est subtilement funky, dans un registre
véritablement tonique. La section médiane du morceau
incorpore un autre poème d'Auden récité par
Kristin avec force sans recours à une mélodie fixe.
" Left Over Lullaby No. 1 "
/ " O Stand, Stand At The Window "
C'est une sorte de petite suite qui comprend une berceuse aux
formes plus dynamiques que les précédentes et une
chanson composée à partir d'un autre poème
d'Auden et interprétée en duo, la chanteuse accompagnée
seulement par le piano. Cette berceuse est à l'origine
du projet et est la toute première pièce composée
pour répondre à la commande du festival Vossajazz
à s'être retrouvée dans le répertoire
de cet album. Le thème est fondé sur un large unisson
évolutif, chaque musicien jouant la mélodie à
plusieurs reprises dans des tempi et des octaves différents.
J'adore la façon dont Kristin entre dans le jeu dans un
registre très élevé à la limite de
la rupture mais d'une façon pourtant tellement tendre et
si magnifiquement maîtrisée.
" Your Crooked Heart "
C'est une version instrumentale très libre de la chanson
du morceau précédent - et la seule pièce
de l'album interprétée dans le format classique
piano-basse-batterie Une pulsation régulière
se transforme progressivement en une sorte de rubato très
libre métriquement tandis que je me lance dans une improvisation
bien plus développée que dans les pièces
précédentes. J'aime faire ça quand le morceau
s'y prête - de la même manière que je trouve
ça insupportable quand à l'inverse le morceau n'est
pas fait pour. Suivre fidèlement la mélodie et servir
la musique comme une forme globale à développer,
voilà ce qui reste pour moi la priorité.
" The Gaze "
Pour moi c'est une pièce fondamentale de l'album : sur
une base rythmique discrètement funky une mélodie
en forme de berceuse se développe en une improvisation
expressive sans jamais s'éloigner de l'atmosphère
et des sentiments au fondement du morceau. Suivent de nombreuses
phases d'improvisation collective où les instruments se
répondent en de subtiles interactions à l'opposé
de toute démonstration de virtuosité soliste. La
tonalité est très libre jusqu'à la conclusion
aux accents souvent rustiques. J'adore quand Jarl et Mats jouent
des rythmes funky - la façon dont ils combinent une interaction
très créative à des grooves très réguliers
sans donner l'impression de forcer. Et j'aime également
beaucoup la façon organique et désintéressée
qu'a Tore de mettre sa virtuosité au service de la musique.
" Left Over Lullaby No. 3 "
C'est un interlude au départ qui est devenu un adorable
petit morceau quand on a tous ressenti que le très court
thème et la progression d'accord condensée possédaient
intrinsèquement suffisamment de qualité pour être
développé. J'ai d'abord joué la pièce
seul au piano en concert lors d'un rappel, mais ici on la joue
en duo avec Kristin comme une chanson sans parole agrémentée
d'une magnifique improvisation miniature. Elle vient boucler le
cercle de l'album avec des sonorités rugueuses et cependant
apaisantes - comme une berceuse que chacun, nous l'espérons,
pourra emporter avec lui.
Le groupe a beaucoup de concerts prévus
dans les mois à venir, parmi lesquels une grande tournée
au Royaume-Uni, des festivals en Allemagne, et une série
de dates en Norvège. C'est en quartet que le groupe se
présentera en Grande-Bretagne (avec Tore Brunborg, Mat
Eilertsen et Jarle Vespestad) seuls les concerts en Norvège
présentant le quintet avec Kristin. Dans quelle configuration
aura-t-on la chance de vous voir jouer en 2010 ?
Le groupe a cette chance de pouvoir se produire dans des configurations
très diverses allant du duo au quintet en passant par le
trio et le quartet. C'est une de ses principales caractéristiques
cette flexibilité - ce qui ne l'empêche pas de constituer
un groupe régulier de musiciens possédant tous le
répertoire pour avoir l'habitude de jouer ensemble depuis
des années. Parmi les projets à venir il y a une
grande tournée en Allemagne en avril 2010 que nous effectuerons
en quartet ainsi qu'une tournée au Portugal en février
dans la même configuration exclusivement instrumentale.
Nous jouerons en quintet lors de la tournée américaine
du mois de mars et en sextet en Norvège lors de la tournée
qui courra sur les mois de février et mars, avec cette
fois de nouveau Cecilie Jørstad aux spoken words.
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