Raulin Piano Solo
François
Raulin
Piano solo
Il a fallu nombreuses années, presque une vingtaine,
pour que le pianiste compositeur arrangeur François Raulin
réalise un deuxième disque piano solo... un nouvel
enregistrement qui lui tenait pourtant à coeur, parmi nombreux
autres cd produits dans cet intervalle, mais les circonstances
et ... le hasard ont fait qu'il ne le réalise que maintenant
ainsi l'explique-t-il dans l'entretien ci-dessous.
C'est une véritable parenthèse, pour lui tout seul,
dans son emploi du temps chargé par des projets collectifs,
pendant laquelle non seulement il a pu enfin se consacrer à
d'anciennes compositions mais aussi profiter de cette liberté
pour en créer de nouvelles "porté par l'ambiance
de la grande salle vide et faiblement éclairée".
Ce n'est cependant pas dans un univers sombre et vide, mais souvent
animé que François Raulin fait entrer l'auditeur,
dans ces moments de créativité intense où
la poésie d'un "Little Némo" côtoie
le suspense et l'humour d'un "Meccano de la générale",
impulsé par une polyrythmie extraordinaire à base
d'ostinato qui consiste à répéter... obstinément
une formule rythmique ou mélodique.
Oui peut-être aura-t-il fallu beaucoup d'années pour
que François Raulin sorte ce deuxième piano solo,
mais même si le hasard fait parfois bien les choses, sans
doute lui aura-t-il aussi fallu beaucoup d'obstination pour construire
et enrichir au fil des ans sa musique si personnelle et inventive.
Il est évident que celle-ci n'est, elle, pas le fruit du
hasard mais de sa connaissance du jazz et de la musique contemporaine
fortifiée durant tout ce temps. Et ce disque laisse maintenant
espérer très vite un troisième...aussi espérons,
en cette période de voeux, que le hasard fera encore mieux
les choses à l'avenir.
Ce disque est votre second disque piano
solo, quand aviez-vous réalisé le premier et en
quoi ce nouveau disque piano solo est-il différent du premier
?
Le premier disque "First Flush " paru en 1993, et
édité chez ZZ et distribué pas Harmonia Mundi,
était un CD "carte de visite" avec différentes
directions proposées (c'est un peu la volonté dans
un premier disque de montrer son travail et de faire un "état
des lieux" ...). Il y avait du multipiste, du piano préparé,
du mélodica...
Je jouais encore avec Louis Sclavis, ce qui était une activité
à plein temps ! Quelle chance à l'époque
de pouvoir tourner avec le même groupe pendant plusieurs
années, trouver un son d' orchestre,prendre le temps de
chercher, de découvrir ensemble et sur scène...
J'ai voulu avec mon premier solo, commencer à proposer
un espace plus personnel et plus pianistique,et explorer des compositions
qui n'avaient pas leur place avec Louis.
J'envisageais depuis 2002 un autre CD solo, j'avais même
enregistré une journée à Pernes les Fontaines
en 2004...mais ça s'est passé différemment
: A la fin d'une réunion en Mai 2009 avec Michel Orier
au sujet des projets en cours avec la scène nationale qu'il
dirige à Grenoble, j'ai demandé presque par hasard
si, les vacances approchant, le Steinway récemment acquis
par la MC2 était libre 2 jours. Après avoir eu l'accord
pour pouvoir accéder à la salle et au piano quelques
après-midi , j'ai profité d'un moment calme de ma
vie au mois de juin 2009 où je n'avais pas beaucoup de
concerts. C'était une bonne "fenêtre".
Je dois dire que l'ambiance de la grande salle vide et faiblement
éclairée (une des plus belles de France, l'instrument
lui-même qui est assez exceptionnel à mon goût,
m'ont mis dans un état de calme et de concentration propice
à la création.
A ce moment, j'ai encore par hasard repris le Tai Shi, cette "gymnastique"
chinoise (enchainements de mouvements d'art martiaux au ralenti).
Cela me convient parfaitement comme pratique car je trouve cela
assez proche du travail que nous faisons sur nous même avec
la musique . Ayant traversé des moments difficiles et mouvementés
sur le plan personnel, j'avais envie de quelque chose de posé,
de me faire plaisir avec la musique sincèrement et sans
volonté de briller ou de prouver quoi que ce soit. Pour
certaines pièces, j'ai pensé à ma compagne-orthophoniste,
mais musicienne- à qui je dédie ce disque.
A votre avis est-il plus difficile de réaliser
un second disque piano solo quun premier ?
Non, je n'ai pas eu cette sensation. Tout c'est déroulé
assez naturellement. Tout d'abord parce que le label "label
forge" est un label associatif que nous dirigeons collégialement
et nous nous faisons confiance musicalement. Ceci m'a vraiment
permis d'être entièrement libre sur le contenu, ce
qui est rare. Et puis parce que j'ai maintenant à mon actif
pas mal de concerts solos.
Ce n'était pas le cas en 1992, j'avais bien plus de pression,
il fallait vraiment (me) prouver que j'étais capable de
tenir ce pari, de sortir du rôle de sideman, la pression
était assez forte.
Comment avez-vous travaillé pour
la réalisation d « Ostinato » ?
J'ai progressivement découvert de nouvelles choses en
jouant sur ce magnifique piano, un bon numéro, bien choisi
par Alain Planés... Et pourtant, Il est encore vert ! Je
me suis fait un "SongBook" de mes propres compositions
(il y en a beaucoup, depuis le temps !), j'en ai abandonnées
beaucoup parce que j'étais plus excité par les nouvelles
que je trouvais au fur et à mesure. De petites idées
de jeux que je ré-écrivais en rentrant chez moi
et que je reconfrontais au piano le lendemain. Plus le moment
de l'enregistrement se rapprochait , et plus j'avais de pistes
de compositions, dont certaines assez abouties et d'autres en
chantier.
Un problème : écrivant jusqu'à la veille
de la séance, je ne savais pas jouer les nouvelles pièces
, il a donc fallu que je les apprenne en jouant ! (notamment "le
Meccano de la générale")...
Vous êtes allé plusieurs
années en en Afrique pour y étudier les rythmes
et le balafon, cette musique imprègne-t-elle toujours vos
compositions ? On trouve notamment le titre « Les zèbres
» dans votre disque
est-ce aussi toujours votre référence
à lAfrique qui vous a inspiré pour celui-ci
?
J'ai depuis le début voulu adapter quelques principes
du balafon au piano, cela m'a permis de trouver ma propre manière
de travailler l'indépendance à base d'ostinato .
Au balafon, c'est souvent la main gauche qui fait le chant et
la droite qui tient un ostinato, au piano c'est très souvent
l'inverse. J'expérimente les deux. Il y a beaucoup d'exemple
dans ce CD ("Hélas Bérénice"=
impro main gauche/ ostinato Main droite,"Mahalia","images
de Décembre" =le contraire ). Mais je ne suis
pas le seul à creuser ce coté polyrythmique du piano,
il y avait déjà le boogie woogie, le stride, Dollar
Brand dans "African piano", Randy Weston, Keith
Jarrett...
Il y a dans la musique africaine, cachée sous l'image simple
de la danse , une grande complexité rythmique qui a été
analysée par de grands musicologues. Sous un angle plus
technique ,le chiffre 12 (les 12 pulsations du 12/8 africain)
est divisible par 2,3 et 4 ,on peut donc le battre de 3 manières
différentes et même simultanément,ce qui est
potentiellement très puissant pour la polyrythmie,mais
on peut aussi le battre en 7+5. J'utilise ce principe-un peu élargi-
dans "Mahalia",ou la main gauche joue 7+7+5+5,alors
que la droite improvise en 12/8 .(Cela parlera aux matheux !)
Pour "les Zébres", ce n'est qu'une image que
me donnait ce morceaux court et rapide. Ce n'était pas
lié à l'Afrique musicalement.
Toutes les compositions sont originales
sauf lune delle : Lotus blossom de Billy Strayhorn,
pourquoi avez vous choisi ce morceau ?
Trois jours avant d'enregistrer, je suis tombé sur "Lotus
Blossom" joué par Duke en solo. Il disait que c'était
sa pièce préférée en solo. J'ai toujours
aimé cette petite mélodie. Je me suis dit que ce
serait ma seule pièce "standard" (bien que ça
n'en soit pas vraiment un, peu de musiciens la connaissent) .Elle
fait le lien avec le jazz et le cortège de tous ces artistes
qui m'accompagnent mentalement depuis que je joue du piano. J'ai
tenu à la mettre au milieu du disque comme une clé
de voûte qui charpente l'écoute de la musique...
Vous avez eu loccasion de collaborer
avec le pianiste Stephan Oliva, notamment pour un disque en quintet,
et vous préparez pour 2010 une nouvelle création
avec lui , Little Némo pouvez vous en dire
plus sur ce projet et votre travail avec ce musicien ?
C'est drôle, j'ai pensé à Stephan pour certains
morceaux de ce CD : "Little Némo s'éveille"
est un clin d'oeil à ce nouveau projet que nous avons ;
ça fait 13 ans que je travaille avec Stephan. Tout d'abord,
c'est un ami, et une personne très agréable, avec
un humour que j'apprécie énormément. Et même
si le fait d'avoir 2 pianos est un peu une hérésie
sonore et coûteuse ! (les organisateurs ne se privent pas
de nous le rappeler) c'est l'artiste/pianiste Oliva qui m'intéresse.
Je crois que nous sommes très complémentaires. Je
suis assez axé sur l'énergie, le rythme, la musique
du 20eme, il est un peu plus sur le jazz, la mélodie, la
douceur. Quand nous travaillons ensemble, les idées se
bousculent, ça n'arrête pas, c'est assez joyeux et
débridé, et nous partageons vraiment le processus
créatif à égalité. Nous avons trouvé
des sujets qui nous enthousiasment -Lennie Tristano,le piano Stride-
et qui nous donnent envie de jouer et d'écrire. Le prochain
est vraiment un challenge car il y a un côté visuel
ce qui est nouveau pour nous (nous projetons les images de la
merveilleuse BD de Windsor Mc Kay "Little Nemo" 1906/1913).
Nous sommes fidèles à nos musiciens, car ce sont
de grands artistes, dont nous apprécions la fantaisie (qualité
rare) la poésie et la polyvalence.
Votre disque piano solo est édité
par le label Laforge, créé par un collectif de musiciens,
dans lequel vous tenez le rôle de directeur artistique ,
pouvez-vous en dire plus sur ce collectif et votre rôle
au sein de celui-ci ?
La Forge est une association basée sur Rhône Alpes
depuis 10 ans. Nous la dirigeons artistiquement avec Pascal Berne
et Michel Mandel. Là aussi, il y a complémentarité
et gestion collégiale. Nous montons quantité de
projets et de collaborations avec la ville de Grenoble, le Département
de l'Isére, la Région Rhône Alpes, la Drac,
les équipements culturels, écoles de musiques, Conservatoires,
harmonies, profs de musiques, danse, théâtres, résidences...
et il y a beaucoup de projets lourds qui demandent un très
gros travail de préparation,de conceptualisation, de montage
de dossier, de composition, répétitions etc...Nous
avons un administrateur, une secrétaire, et tout récemment,
une chargée de diffusion..
Quelques projets emblématiques :
"sous le ciel" :le travail que nous menons avec les
musiciens traditionnels chinois de Shanghai depuis 2002 ("sous
le ciel" CD sur le label),
"Cartoune" ciné concert à base de films
d'animations de toutes sortes créé en 2000,et qui
a beaucoup tourné déjà...
"Portrait de femme" création pour harmonie et
solistes improvisateurs créé salle Gaveau en 2006,
"jardins extraordinaires",mise en espace et musique
de lieux du patrimoine,avec un acteur qui guide le public vers
les différents tableaux sonores...
le "Label forge" qui compte à ce jour 6 références
(prochaine sortie "la grande forge" 8 musiciens pour
mars 2010),
L'orchestre "école" Micromegas que je dirige
depuis 13 ans et qui mélange pros amateurs et invités
"prestigieux",
Un prochain projet sur Erik Satie avec acteur (Gilles Arbona)
et orchestre (Mandel, Monniot, Chevallier, Thuillier, Raulin,
Berne, Spirli) Un projet Européen en cours pour 2012
En ce qui me concerne, le trio TNT "trio non tempéré"
avec Jean Jacques Avenel et le griot Adama Dramé (cd sur
le label forge) qui joue entre impro,jazz et tradition mandingue...
Le duo "Mou Ak" avec la danseuse coréenne Hee
Jin Kim...
et ce nouveau solo "Ostinato"
Pour écouter des extraits et/ou vous procurer ce disque.....cliquez
ici
(amazon) ou cliquez
ici(fnac)
Pour en savoir plus sur François
Raulin...cliquez
ici
Pour visiter la page archive des
"Disques du moment"...cliquez
ici
© pianobleu.com - ISSN 2264-2056 ----
contact :
- Agnès Jourdain
|
Retrouvez une information sur
le site Piano bleu
Ne partez pas sans avoir lu
l'actualité du piano !
Suivez pianobleu.com
le site des amateurs
de piano
sur
et
partager cette page !
|