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Intégrale des Sonates pour piano de Mozart
Mozart
Sonates pour Piano
Intégrale
François Dumont
Mozart a composé une vingtaine de sonates dont dix-huit
véritablement achevées mais elles sont moins réputées
que les concerti pour piano et le jeune pianiste François
Dumont qui voient dans celles-ci "une sorte de journal
ou de laboratoire expérimental" ainsi l'explique-t-il
dans l'entretien ci-dessous, a choisi de les enregistrer toutes
lors d'un enregistrement qui n'a duré seulement que quelques
jours. Il est vrai que François Dumont, habitué
des concours, ainsi en ce moment même il est au concours
international de piano Hamamatsu au Japon où il est l'un
des six finalistes sélectionnés, n'en est pas à
un challenge près. De là-bas, et malgré le
stress que laisse supposer de telles épreuves de concours,
il a bien voulu prendre le temps de répondre longuement
à quelques questions pour nous présenter cette intégrale
riche en émotions qu'il nous fait découvrir dans
une interprétation pleine de vie et d'une très belle
sonorité ainsi pourrez-vous le mesurer à l'écoute
du dernier mouvement de la splendide sonate K457.
Vous êtes à lorigine
de ce projet dintégrale : quest-ce qui vous
a donné lenvie de la réaliser ?
Tout d'abord, le fait d'aborder l'ensemble des sonates de Mozart
permet d'obtenir une vue globale de l'oeuvre du compositeur et
de l'évolution de son écriture. Chaque sonate peut
être replacée dans son contexte, certaines sonates
se font écho, dialoguent ou s'opposent... On est presque
face à une structure organisée, qui, bien que non
conçue comme telle (Mozart n'a pas pensé ses sonates
comme un tout), présente des rapports étroits et
complexes entre ses différents éléments.
Voici un aspect important: la vue d'ensemble, "panoramique",
permet, je crois, d'interpréter chaque sonate avec plus
de fraîcheur et de manière plus juste et plus spécifique.
Ce projet nécessitant un important investissement de temps,
Mozart devient une partie intégrante de la vie quotidienne,
si j'ose dire. Cela n'a pas, pour l'instant, produit d'effets
nocifs sur la santé !
Plus sérieusement, ce répertoire, mis à part
certaines sonates très populaires, est en réalité
assez peu joué (je pense notamment aux premières
sonates) et très sous-estimé. Cela est peut - être
lié au fait que l'on associe souvent Mozart aux grandes
réussites des opéras. C'est dommage, car beaucoup
de ce qui viendra dans les symphonies et les opéras est
contenu en germe dans les sonates.
Pour moi, ces sonates représentent une sorte de journal
ou de laboratoire expérimental. On y retrouve certains
moments douloureux de la vie de Mozart (le séjour a Paris
avec le décès de sa mère, dont on retrouve
l'écho dans la sonate en la mineur K 310), ainsi que certaines
caractéristiques stylistiques liés à une
certaine époque (l'ampleur symphonique du style de Mannheim,
que l'on retrouve notamment dans la sonate en ré majeur
K 284.
La musique de Mozart me parait toujours moderne, d'actualité.
Peu de compositeurs ont atteint cet équilibre entre la
profondeur, le charme, la sensibilité, l' humour...C'est
la vie même qu'il dépeint, dans toute sa spontanéité,
son élan, son énergie . On parle souvent du "bonheur"
mozartien. Pour moi, sa musique comporte une grande quantité
de contrastes, de surprises. L'inattendu, le clair-obscur, une
personnalité extrêmement sincère et émotive
toujours en mouvement, en évolution, en créativité...
C'est peut -être cela, la "grâce" mozartienne.
Comment avez-vous vécu les séances
denregistrement en février 2008 ?
Nous n'avions que quatre jours et demi à disposition,
l'ingénieur du son, la salle de la Chaux de Fonds et moi-même
n'avions que ces dates en commun à cette période.
L'atmosphère était intense, nous enregistrions en
moyenne quatre sonates par jour, une le matin, deux l'après-midi
et une (courte, de préférence) le soir après
dîner. Frédéric Briant (l'ingénieur
du son), mon épouse et moi-même étions donc
enfermés dans le studio environ 12 heures par jour, je
ne sais pas quel souvenir ils en ont mais pour moi cela restera
un moment privilégié. Il y régnait une sorte
de ferveur concentrée. Malgré le peu de temps je
n'ai pas eu le sentiment d'être nerveux ou pris au piège.
Dans quelle circonstance avez-vous obtenu
le soutien du groupe Banque populaire pour ce projet ?
Je suis lauréat de la Fondation d'entreprise du groupe
Banque Populaire. Cet enregistrement rentrait tout à fait
dans le cadre des projets que j'avais présentés
à la Fondation, dont le soutien est extrêmement précieux.
Lon distingue trois groupes chronologiques
de sonates, ces groupes chronologiques sont-ils à votre
avis totalement assimilables à des groupes stylistiques
différents ?
On peut en effet distinguer trois groupes chronologiques de
sonates, néanmoins, pour moi, cela ne correspond pas à
des caractéristiques stylistiques foncièrement différentes
(que l'on peut trouver chez Beethoven par exemple).
Le premier groupe contient 6 sonates. Les cinq premières
présentent quelques qualités communes (concision
de la forme, ornementation très développée
, finale très enlevé d'esprit presque "haydnien"...).
Pourtant, ici aussi, Mozart nous réserve des surprises
: la troisième sonate commence par un Adagio, en forme
de longue cantilène !!! Ces sonates sont d'ailleurs très
cohérentes sur le plan tonal, elles pourraient presque
s'enchaîner. Il y a la grande sonate "Durnitz"
(en ré majeur, K 284), où l'on sent bien l'influence
de Manheim avec son ampleur presque symphonique. Le final est
une magnifique série de variations.
Le deuxième groupe contient les grandes sonates dites de
'maturité', avec notamment la série des sonates
K 330 à K 333. Ces cinq sonates sont pour moi toutes des
chefs-d'oeuvres : la très populaire sonate K 330 étonne
par sa limpidité, sa spontanéité ainsi que
la grande poésie de son mouvement lent. Le premier mouvement
de la sonate K 331 est une série de variations sur un chant
populaire d'Allemagne du sud, der richtige Lebensart (le véritable
art de vivre). Le final est la fameux Rondo "alla Turca",
dans lequel Mozart imite les percussions turques. Le mouvement
lent de la sonate K 332 est peut-être l'un des plus beaux
jamais écrits par Mozart, et le thème du premier
mouvement de la sonate K 333 est reconnaissable entre tous par
son émouvante simplicité, son expressivité
naturelle. Dans le deuxième mouvement de cette sonate Mozart
s'aventure dans des modulations harmoniques très hardies,
qui confèrent à ce mouvement une grande beauté.
Le troisième groupe est beaucoup plus hétéroclite
au niveau stylistique. On détecte cependant une plus grande
influence contrapuntique (certainement liée a Jean-Chretien
Bach), notamment dans la sonate K 533 - qui peut paraître
plus complexe à la première écoute, mais
qui est une sonate extraordinaire , avec le chromatisme hardi
du deuxième mouvement. La sonate K457 en ut mineur est
un sommet du genre, avec son esprit "Sturm und Drang".
L'expression extrêmement passionnée et tourmentée
de cette sonate a certainement plu à Beethoven.
On trouve également dans ce groupe la sonate dite 'facile'.
Ce qui me frappe dans cette sonate est l'économie de moyens
et la grande pureté de l'expression. Elle est beaucoup
plus dépouillée sur le plan pianistique que les
premières sonates (auxquelles elle pourrait être
comparée en raison de sa courte durée), mais c'est
précisément cette simplicité qui est presque
désarmante...
Lon reproche parfois à Mozart
de ne pas avoir été un grand innovateur dans ses
sonates. Quen pensez-vous ?
Il ne faut pas confondre le genre et la forme "sonate".
Le genre "sonate" (la sonate pour piano, les 32 sonates
Beethoven), qui vient du verbe italien "suonare" (jouer)
et qui désigne une pièce instrumentale, généralement
en plusieurs mouvements (a l'exception des sonates de Scarlatti)
La forme sonate fait référence à une forme
d'architecture musicale, généralement utilisée
dans les premiers mouvements des sonates ci-dessus mentionnées.
La mouvement est organisé de manière tripartite
(exposition, développement, réexposition) au cours
duquel un premier thème est présenté, suivi
généralement d'un deuxième dans une autre
tonalité (celle de la dominante, ou cinquième degré).
Le rapport tonal existant entre la première et la deuxième
tonalité crée une tension, une sorte de conflit
qui est exploité dans le développement (au cours
duquel le compositeur visite généralement d'autres
tonalités et fait subir au thème toutes sortes de
développement). La réexposition est comparable à
l'exposition, le conflit tonal étant cependant apaisé
(le deuxième thème est présenté dans
la tonalité du début ).
Cette forme, utilisé dans tout le répertoire classique
et romantique, comporte de nombreuses variations et modifications
possibles. Elle est assimilable a une grande forme de pensée
occidentale: thèse - antithèse - synthèse
Mozart est parfaitement à l'aise dans cette forme, il constitue
d'ailleurs un des modèles de "la forme sonate classique".
Il cherche donc rarement à innover au niveau de la structure
même de la pièce (ce que fera Beethoven), l'innovation
se situe plutôt dans le contenu musical lui-même,
les harmonies, les modulations etc...
Néanmoins, il est vrai que Mozart a développé
une forme d'expression propre dans ces sonates. On a le sentiment
(notamment dans les mouvement lents) qu'il chante, pour lui tout-seul,
mais le piano devient lui-même ce chant. Ce n'est pas simplement
un air d'opéra adapté pour piano.
Certaines personnes pensent que ces sonates
sont plus adaptées(voire conçues) pour le clavecin
que le piano, quen pensez-vous personnellement, et quel
travail particulier vous a demandé linterprétation
de ces sonates : à quoi avez vous attachez le plus dimportance
dans votre interprétation et
que pensez-vous du piano sur lequel vous avez enregistré
?
Les premiers sonates peuvent certainement être joué
de manière très convaincante au clavecin, et l'ensemble
des sonates sonne très bien sur pianoforte (j'ai à
ce sujet beaucoup appris de Paul Badura-Skoda, qui possède
un magnifique pianoforte viennois).
La piano moderne est lui aussi, à mon sens, tout a fait
adapté, tout dépend de la manière dont on
l'utilise ! Il faut essayer de recréer un monde sonore
propre au langage de Mozart, en s'intéressant de près
aux écrits et aux traditions en vigueur à l'époque
en matière d'articulation, de phrase, d'accentuation, d'ornementation....
Se familiariser avec la clavecin, le clavicorde ou le pianoforte
peut être extrêmement enrichissant en matière
de toucher et de texture sonore.
Le piano moderne offre néanmoins une qualité supplémentaire
de cantabile, de longueur de son qui est particulièrement
appréciable dans les mouvements lents. Par ailleurs, la
grande amplitude dynamique du piano offre de grandes possibilités
de contrastes, de couleurs, d'effets orchestraux...
Le piano sur lequel j'ai enregistré appartient à
la salle de la Chaux de Fonds, c'est un Steinway magnifique sur
lequel ont enregistré notamment Claudio Arrau ou Menhaem
Pressler. Il possède un timbre extrêmement beau,
qui permet de chanter. Par ailleurs il offre des grandes possibilités
de couleurs dans les pianissimi.
Vous disiez dans une précédente
interview « Limprovisation, la littérature,
la poésie, le théâtre, la danse, la peinture,
la sculpture ou le cinéma sont notamment des centres dintérêts
qui peuvent nourrir linterprétation » ,
quest-ce qui a été pour vous la plus grande
source dinspiration pour ces sonates dans ces domaines,
et avez-vous vu le film Amadeus, quen pensez-vous ?
Les opéras de Mozart sont bien évidemment une
source inépuisable d'inspiration pour tout pianiste qui
est confronté aux sonates. Le théâtre, la
"Commedia dell'arte", cette vivacité d'esprit
sont des parts essentielles de cette musique. Mais la quintessence
est dans la musique même, . Tout ces outils donnent un éclairage,
une compréhension nouvelle. Mais la vérité
est, je crois, dans dans le texte écrit par Mozart. Tout
dépend de la manière dont on le lit, il y a quantité
d'interprétations possibles !
J'ai vu le film Amadeus et l'ai beaucoup aimé !! Je ne
suis pas un expert en matière de cinéma mais je
crois qu'il ne faut surtout pas confondre la fiction et la réalité
historique : j'ai passé un très bon moment en le
regardant mais cela reste un film !
Pour écouter avec
l'aimable autorisation du label ANIMA Records
Allegro assai - sonate K457-Ut mineur - Mozart
François Dumont, piano
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