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Gabriel Dupont et Brahms avec Emile Naoumoff
Emile Naoumoff Gabriel Dupont
Oeuvres complètes pour piano seul
(Les Heures dolentes et La maison dans les dunes)
Patrice Fontanarosa, violon et Emile Naoumoff, piano Johannes
Brahms
Trois sonates pour violon et piano
L'actualité du pianiste Emile Naoumoff est
très chargée ces mois-ci puisqu'il vient de sortir
le 26 mars 2009, chez le label Saphir Productions, un disque avec
le violoniste Patrice Fontanarosa des trois sonates pour violon
et piano de Brahms et, interrogé à ce sujet, il
annonçait aussi la sortie, toujours chez le label Saphir
Productions, ce 26 avril 2009 d'un autre album, double CD d'oeuvres
pour piano seul d'un compositeur peu connu mais qui lui tient
beaucoup à coeur, ce qui se comprend à l'écoute
de sa musique chargée d'émotion : Gabriel Dupont.
Compositeur originaire du Calvados qui remporta le second prix
de Rome devant Maurice Ravel en 1901 et mort prématurément
à l'âge de 36 ans en 1914 des suites d'une pneumonie
contractée dès 1901 qui le conduisit à s'isoler
souvent à la montagne et au bord de la mer, celui-ci composa
une musique originale où pèse souvent l'angoisse
de la mort mais teintée aussi de souvenirs plus optimistes,
ainsi pour le piano ces deux cycles "Les heures dolentes",
qui évoquent son long repos obligé et dont il choisit
de mettre en épigraphe du recueil les vers de Régnier
: " ..la voix mélancolique et basse de quelqu'un
qui n'est plus là-bas mais se souvient du pays monstrueux
et morne dont il vient "et "La maison dans les
dunes" un peu plus optimiste et lumineux, plus impressionniste,
écrit à Arcachon. Voici donc le double interview
du pianiste Emile Naoumoff au sujet de ces disques dont vous pourrez
découvrir deux extraits :
Première interview
Que représente Brahms
dans votre répertoire ?
La générosité l'émotion l'hémiole
la plénitude la chaleur humaine ...
Pourquoi avez-vous eu envie denregistrer
ces trois sonates pour piano et violon, quappréciez
vous dans chacune delle dont les atmosphères sont
différentes ?
J'ai répondu à l'appel de Patrice. Dans la première
, Regenlied, le chant de la pluie, a un très beau final
inspiré d'un de ses propres lied. Cette sonate fut entendue
lors de l'enterrement de Clara par Brahms au piano un an avant
sa propre mort et Joachim au violon. La seconde est aimable et
idéaliste, la troisième tragique et sombre .
Vous composez vous-même des mélodies
sur le thème de poèmes symbolistes, avez-vous lu
les textes des lieds qui ont inspiré à Brahms les
deux premières sonates et la ballade écrite par
le poète Joseph Viktor Widman à linverse inspiré
par la seconde sonate pour piano et violon et dans laffirmatif
quen pensez-vous par rapport à ces uvres de
Brahms ? Plus généralement que pensez-vous du rapport
entre le texte et la musique, est-ce important pour votre interprétation
?
Si Schumann ou Brahms étaient de culture littéraire
française ils n'auraient pas inclus dans leur language
musical leur idiome personnel pulsatif harmoniquement décalé
en attente, tel en la syntaxe allemande où le verbe se
fait désirer vers la fin de construction phrasiale gardant
le tout en suspension , ils écriraient peut-être
plutôt une musique aux codes cartesiens avec des subtilités
ambigues et harmoniquement non résolues comme chez Fauré.
Les intellects reflètent en leurs musiques leurs cultures
et leurs lectures .
Deux des sonates de Brahms ont été
écrites près du Lac de Thun, qui inspira dit-on
le compositeur, avez-vous eu l'occasion de vous rendre sur ce
lieu , dans laffirmatif quen pensez-vous par rapport
à ces sonates ?
Je n'y fus qu'imaginairement comme Jules Vernes
Plus généralement en tant
que compositeur vous-même des lieux vous ont-ils inspiré
et en tant quinterprète avez-vous eu souvent envie
de vous rendre sur des lieux ayant inspiré des compositeurs,
et si oui en ressentez-vous linfluence dans leur musique,
est-il important pour vous de vous « imprégner »
de ces lieux ?
Quand on le peut cela rend l'imaginaire de la musique presque
intime, d'avoir été dans la maison de Ravel à
Monfort , d'avoir touché le piano d'Albeniz à Barcelone
ou celui de Beethoven à Vienne, mais enfin au delà
de leur condition humaine propre à nous tous ils se sont
élevés par leur oeuvre l'espace d un moment ou leur
travail les a transcendés bien au-delà d'eux-mêmes
pour que l'universalité de leur message fut ainsi limité
par notre désir de les cadrer dans leur lieu d'inspiration
uniquement.
Clara Schumann confia au sujet de la seconde
sonate « aucune uvre de Johannes ne ma ravie
aussi complètement » quen pensez-vous ,
est-ce aussi luvre de Johannes Brahms que vous préférez
?
Elle avait aussi demandé d'être escortée
vers l'au-delà delà avec le final de la Regenlied
sonate donc, la première . Désigner une oeuvre préférée
serait laisser tomber les autres alors qu'elles nourrissent toutes
mon amour pour sa musique . Cela dit la coda du final de la première
sonate qui est déchirante de séparation me fait
pleurer à chaque fois, même lors de l'enregistrement...
Jouerez-vous bientôt ces sonates
en concerts et quels sont vos autres projets en cours ?
Ensemble avec Patrice nous les avons jouées à
Gaveau fin Novembre dernier. Côté solo le label Saphir
va faire sortir ce printemps mon intégrale de la musique
pour piano de Gabriel Dupont et à l'automne, celle des
sonates de Jean-Chrétien Bach le dernier fils Bach .
Deuxième interview :
Quand et comment avez vous découvert
luvre de Gabriel Dupont ?
Notre Prix Nobel de génétique Monod avait écrit
un livre intitulé "Hasard et nécessité"
, ma rencontre avec l'univers musical de Dupont l'est aussi. Naturellement,
j'ai cultivé auprès de l'univers musical de Mademoiselle
Boulanger surtout après sa mort d'ailleurs une nostalgie
pour une époque que je n'ai pas vécu de musiques
entre Sedan et Verdun ou plus largement ce tour du vingtième
siècle qui traînait son dix neuvième siècle
en collision avec les plaques tectoniques du suivant ... qui en
verra l'éclatement atomisé ... Je fus sensibilisé
à l'univers musical de Lili Boulanger, dans la descendance
du père Fauré , alors que celle de Dupont est plutôt
de lécole Franckiste via Widor et Vierne .
Retrouver sa musique fut en partie pour moi un travail émerveillé
d'archéologie musicale , des partitions elles-mêmes
à l'esprit qui en animait l'auteur à mes yeux du
moins.
Quest-ce qui vous a donné envie
denregistrer ses oeuvres pour piano ?
La beauté narrative de sa musique tout simplement. Il
est donné aux créateurs de transcender leur, ( et
notre ), condition humaine et de produire des uvres élévatrices
pour l'esprit qui nous font voyager, transporter dans leurs mondes
imaginaires à la croisée des nôtres , dans
notre soif d'absolus quils savent si bien nourrir en nous-mêmes
. Les créateurs sont à l'écoute de leur profond
jaillissement intérieur et nous laissent leurs uvres
comme des orphelins adoptés par nous, auditeurs avertis
amateurs ou interprètes passeurs, les regards émerveillés
ainsi posés sur leurs uvres qui au-delà de
leurs créateurs deviennent des compagnons universels de
nos propres vies.
Jaimerais avoir pu peut-être en camarade d'outre-tombe
de Dupont contribuer à ce que l'on puisse un jour dire
: "Je joue du Dupont" au même titre que
du Debussy, dont le nom propre suffit à situer l'univers
musical qu'il incarne. Il ne faut ni justifier de jouer Dupont
parce que l'histoire autiste à la sortie de la grande guerre
l'a mis aux oubliettes dans un trou noir injuste au regard de
sa musique elle-même , ni en l'inféodant aux compositeurs
connus de son époque pour le situer en second couteau.
Qui sommes nous pour être si vaniteux et décerner
post mortem des distinctions d'immortalité aux autres ?
Il est de notre devoir il me semble par conviction et non par
conjoncture de servir les musiciens auxquels on croit. Qu'ils
fussent injustement connus ou injustement oubliés n'est
pas de notre ressort. Ainsi éveiller la conscience de nos
contemporains aux beautés mêmes oubliées ou
pas .
Quel rapprochement faites-vous entre la
musique de Gabriel Dupont et celle de Claude Debussy, Gabriel
Fauré et Ravel ses contemporains français ou déventuels
autres compositeurs ? Et quelle distinction : que trouvez-vous
doriginal dans sa musique ?
Il est de bon ton de classifier les compositeurs en grands et
petits Maitres , en innovateurs ou en suiveurs dans les sillages
. Heureusement que la chronologie de leurs vies se moque de nos
besoins de classements par casiers musicologiques rassurants pour
nos connaissances. La sincérité du contenu est gage
d'éternité . Une oeuvre a une valeur émotive
et cérébrale hors de son contexte d'époque
dont elle en est le fruit tout de même et dont elle fait
partie même si décalée (Poulenc , Rachmaninoff
etc ). Vous ne me poseriez pas la question de l originalité
chez Ravel ou Debussy pour les situer car ils sont reconnus. Hors
génération spontanée toute uvre se
situe entre son avant et son après même si cela prend
la forme d'une coupure parfois .
Vous dire que le cycle "les heures dolentes" est
écrit pendant que Debussy écrivait ses préludes
n'est pas justificatif de quelques similitudes qui peuvent aller
dans les deux sens d'ailleurs , juste qu'ils vivaient dans une
époque à l'esthétique des symbolistes. Vous
dire que Dupont a été deuxième Grand Prix
de Rome de composition premier nommé devant Ravel l'année
ou Caplet fut gagnant va vous faire sourire. Les classements n'ont
pas plus de sens de leur vivant, qui plus est après leur
mort. Laissons le public d'aujourd 'hui et de demain s'émouvoir
et s'inspirer par la musique de Dupont pour ce qu'elle véhicule
tout simplement.
Le fait que Gabriel Dupont ait en fait
peu composé (notamment pour ce qui concerne le piano seulement
ces deux suites et quelques pièces de jeunesse) justifie-t-il
à votre avis que son uvre soit restée méconnue
ou quelle(s) autre(s) raison(s) voyez-vous à cette méconnaissance ?
Certains compositeurs sont écoutés avant d'être
joués par les pianistes, symphonies, opéras, messes
, avant d'en extraire au piano une uvre qui en découle,
pour les compositeurs peu connus ou partiellement oubliés
l'histoire ne retient qu'un aspect au mieux , voire ironiquement
un dessin d'accompagnement seul comme c'est le cas pour Alberti
qui devait rêver à meilleure gloire... Dans le cas
de Dupont faut-il connaître son univers lyrique très
vériste par ailleurs pour le traduire au plus juste dans
ses évocations dramatiques au piano . Son opéra
La Cabrera peut inspirer cela .Je pense que son uvre
pour piano se joue et s'écoute sans l'excuse ou le justificatif
de la jeunesse du compositeur, qui n'a pu hélas point vieillir
par ailleurs ... Ses cycles pour piano s'écoutent comme
un poème rhapsodique, héorique à épisodes
.
Préférez-vous le Gabriel
Dupont plus pessimiste dans le recueil « Heures dolentes
» ou le Gabriel Dupont un peu plus optimiste dans «
La maison dans la dune » ?
Je trouve qu'un de ses titres porte bien plus sur la dualité
que sur le contraste : La mélancolie du bonheur .
Sa musique présente-t-elle des
difficultés pianistiques particulières ?
Elle est écrite en opéra , en organiste , en paysagiste
du clavier . Il évoque des atmosphères qui touchent
l'imaginaire de nos sens réunis.
A quoi avez-vous du attacher le plus
dimportance dans votre travail dinterprétation
de ces uvres ?
Je me suis replongé imaginairement dans l'atmosphère
de la création des "heures dolentes" en
1906, car il n'y a pas d'écho sonore de cet instant-là,
par son fidèle condisciple pianiste du conservatoire Maurice
Dumesnil, qui finit professeur à l'université d'Ann
Arbor dans le Michigan après avoir publié aux amériques
un ouvrage sur la fin de vie de Debussy ( "Maitre des
rêves " ) pendant l'entre deux guerres. Il écrivit
lui-même un article paru dans la revue americaine "Musical
Quarterly" de 1944, (trente ans après la mort prématurée
de Dupont) que sans aucun doute le jour viendra et son oeuvre
prendra sa vraie place dans le pantheon de la musique que seule
une succession de circonstances malheureuses ont empêché
la reconnaissance, et de le placer parmi les plus doués
de sa génération. Il conclut avec une sérénite
certaine que cent ans ne se passeront pas avant que cela n'arrive...
Avez-vous des projets de concerts à
venir ou vous jouerez des pièces de Gabriel Dupont ?
J'en joue partout où je suis invité et en enseigne
de même.
Pour écouter
Johannes Brahms
Sonate por violon et piano n°1 op78 3ème mvt
interprété par Patrice Fontanarosa et Emile Naoumoff
avec l'aimable autorisation du label Saphir Productions
cliquez sur le triangle du lecteur ci-dessous
Pour écouter
Gabriel Dupont
Le soir dans les pins
interprété par Emile Naoumoff
avec l'aimable autorisation du label Saphir Productions
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d'Emile Naoumoff Gabriel Dupont Oeuvres complètes pour
piano seul.....cliquez
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de Patrice Fontanarosa et Emile Naoumoff Johannes Brahms Trois
sonates pour violon et piano.....cliquez
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