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Muse Yaron Herman Trio
Muse
Yaron Herman Trio
Yaron Herman, piano
Matt Brewer, contrebasse
Gerald Cleaver, batterie
invités : Quatuor Ebène
Pierre Colombet,violon
Gabriel le Magadure, violon
Mathieu Herzog, alto
Raphaël Merlin, violoncelle
Yaron Herman explique dans le livret qui accompagne ce second
disque de son trio avec Matt Brewer et Gerald Cleaver que "la
musique de cet album fut en majeure partie composée en
tournée : dans des avions, trains, chambres d'hôtels
et quelques cafés" ...en fait des lieux où
le pianiste passe la majorité de son temps puisque, et
ceci n'est qu'un exemple, en mars 2009 il a pu prendre 26 fois
l'avion pour se rendre à tous les concerts de sa gigantesque
tournée mondiale. Ecouter la musique de Yaron Herman s'est
donc partager avec lui les rêveries occasionnées
par ses voyages que celles-ci soient nostalgiques ou endiablées.
Rêveries aux multiples couleurs auxquelles le quatuor Ebène
qui s'est associé à son trio dans trois des morceaux
de cet album vient apporter une nuance "classique" qui
en fait peut se révéler aussi tout à fait
moderne ainsi dans le morceau "Isobel" de Bjork.
Près de la moitié des oeuvres de ce disque sont
des compositions originales de Yaron Herman, l'autre des standards
de la pop ou du jazz qui l'accompagnent dans ses pensées
mais en fait qu'importe car, quel qu'en soit l'origine, le mélange
de ces musiques ne font qu'un tout : un beau voyage en dehors
du temps, un album à écouter en regardant le bleu
du ciel(ou de la mer) par la fenêtre...Yaron Herman a bien
voulu répondre à quelques questions autour de cet
enregistrement :
Voilà plus de deux ans que vous
jouez avec Matt Brewer et Gérald Cleaver, comment vivez-vous
ce moment de prolongation de votre travail ensemble ?
Pour nous c'est vraiment un plaisir de travailler ensemble.
On a la chance de pouvoir donner beaucoup de concerts, et ce qui
se passe à chaque fois est une aventure. Je déteste
jouer les mêmes morceaux et de la même manière.
Le fait de jouer depuis 2 ans de façon intense, nous a
permis de mieux nous connaître et de vraiment s'approcher
de ce qu'on entend et recherche. Une profondeur et une exigence
de ne jamais baisser notre discours juste pour être populaire
et éviter la facilité tout en restant communicatifs.
Gerald et Matt sont tous les deux des musiciens qui ont une vrai
vision novatrice sur le plan instrumental pur et sur les choix
musicaux qu'ils font en improvisant (discours musical). A chaque
concert on aborde mes compositions ou des reprises qu'on a l'habitude
de jouer d'une manière totalement nouvelle. Gerald en particulier
ne joue jamais de la même manière. Souvent, à
l'opposé de ce qu'il faisait la veille. C'est une grande
leçon que de jouer et pouvoir échanger avec de tels
musiciens et je crois que nous partageons tous ce sentiment de
plaisir à être ensemble et de jouer, que ça
soit au Théâtre des Champs Élysées
ou dans un petit club dans la Creuse!
Vous avez enregistré trois des
morceaux de votre disque avec le quatuor Ebène, comment
sest faite votre rencontre avec les musiciens de ce quatuor
et quappréciez-vous chez ces musiciens et dans votre
partage de la musique avec eux ?
J'ai d'abord rencontré Mathieu Herzog l'altiste du quatuor
au festival des printemps musicales à Saint-Cosme. Je faisais
un duo avec Bertrand Chamayou qui connaissait bien le quatuor.
Après le concert on a discuté et Mathieu m'a fait
part de la passion qu'avait le quatuor pour le jazz et l'improvisation.
C'était totalement inattendu pour moi, qui avait une idée
assez stricte sur les musiciens classiques et surtout en quatuor.
J'ai par la suite écouté ce qu'ils faisaient et
les ai trouvés géniaux. C'est cette ouverture d'esprit
qui m'intéresse. Des personnes qui ne s'enferment pas dans
un style qu'elles croient supérieur et qui considèrent
que toute musique peut se partager et échanger, voire s'inspirer.
Cette rencontre m'a donné l'idée de collaborer avec
eux sur un futur projet, et le hasard fait bien les choses parfois.
Pendant les tournées en trio j'ai commencé déjà
à entendre des mélodies ou harmonies qui avaient
un caractère non pianistique. C'est grâce à
cette rencontre que j'ai pu finalement exprimer ces idées
avec ce superbe son que possède le quatuor avec lequel
j'espère retravailler bientôt, malgré les
plannings chargés des uns comme des autres.
Vous avez aussi récemment joué
avec les pianistes Bertrand Chamayou et David Greilsammer, ces
échanges avec des pianistes du monde de la musique classique
sont-ils importants pour vous et de quelle façon influencent-ils
votre musique ?
Je me sens très proche de la musique classique. J'essaie
de connaître le plus de choses possible en écoutant
des compositeurs et interprètes. Je trouve que la recherche
d'un musicien classique est à l'opposé du musicien
de jazz. Le musicien classique doit interpréter une oeuvre
de telle sorte que l'auditeur retrouve la fraîcheur et la
logique de l'instant de création, comme si l'oeuvre était
en train d'être écrite, composée voir improvisée.
A l'opposé, la recherche de l'improvisateur est de pouvoir
jouer des mélodies et créer des harmonies en temps
réel qui suivent une logique mathématique, comme
si c'était une oeuvre composée à l'avance
(penser comme un compositeur). Donc je trouve que l'on a beaucoup
de choses à apprendre l'un à l'autre. Ce qui est
fascinant et porteur d'immenses possibilités.
Je n'ai pas encore joué avec David, mais nous avons le
projet d'un dialogue improvisé autour de Mozart. Avec Bertrand
on a vraiment essayé de créer un fil conducteur
(improvisation à 2 ou 1 piano en alternance) en commençant
et finissant par Bach. Entre les deux Bach, il y avait du Ligeti,
piano préparé de John Cage, des standards, un morceau
traditionnel juif, du Berio et de l'improvisation libre à
intervenir à tout moment...
Dans votre livret citant le philosophe
autrichien Ludwig Wittgenstein : « Si on considère
léternité non pas comme du temps infini mais
comme labsence de temps, alors celui qui vit dans le présent
vit dans léternité » vous constatez
que lartiste doit trouver les graines déternité
qui se cachent dans ces instants éphémères
de limprovisation, est-ce une chose qui vous semble difficile
à trouver ? Etes-vous toujours en accord avec Matt Brewer
et Gérald Cleaver sur ce qui vous semble le plus «
magique » et perpétuel dans ces instants ?
Cela peut-il être autrement que "impossible"?...
C'est "impossible" de trouver l'éternel dans
l'éphémère comme c'est impossible d'être
inspiré en permanence, ce sont des moments aussi sublimes
que rares. Le travail de l'artiste c'est tout faire pour toucher
ne serait-ce que pour un moment à cette chose "irrattrapable".
Chercher quelque chose en sachant que c'est impossible voilà
ma tâche, et pour ça il faut se préparer.
Etre à l'écoute, Eliminer son ego et Etre Présent.
C'est difficile d'en parler sans devenir philosophique car ce
n'est pas du domaine musical, la réponse et la question
forcément sont ailleurs. Quand ces moments arrivent on
ne peut qu'être d'accord....car on ressent tous la même
chose comme si c'était un phénomène physique
ou mathématique.
Votre musique sinspire tant de la
musique classique que de la musique pop, quels sont vos disques
de chevet actuels ?
En ce moment j'écoute beaucoup de Bartok, Bach par Richter
et beaucoup moins de pop , mais ça change très vite...
Pensez-vous que ces musiques sont tout
autant éternelles les unes que les autres et en quoi à
votre avis se rejoignentelles dans cette « éternité
» ?
L'emploi du terme "éternité" est un
piège linguistique, car dans un sens tout est éternel,
les vibrations ne disparaissent jamais, comme l'air qu'on respire.
Quand je parle de l'éternel c'est dans le contexte du Processus
créatif. C'est pas dans le résultat. Quoique toute
grande oeuvre doit subir le test du temps. De grandes oeuvres,
qu'elles soient dans la musique classique ou dans le jazz ou la
pop sont porteuses de quelque chose en commun. Il doit y avoir
quelque chose d'objectif qui nous touche, qui nous rappelle des
choses qu'on a vécues ou pas et qui touchent d'abord le
coeur, le corps et le cerveau, ça doit être forcément
une expérience complète des sens.
Vous indiquez dans votre livret que votre
musique est intimement liée au voyage car votre état
desprit change alors : « On saffranchit de
lemprise du temps sur notre quotidien, on se libère
dun certain poids et on se projette autrement que ce que
nous vivons » mais outre cette relation au temps à
laquelle vous semblez effectivement très sensible nest-ce
pas aussi le changement despace et les rencontres qui favorisent
votre inspiration ?
Oui, cela fait partie de l'expérience de voyager.
Y-a-t-il des pays où vous préférez
vous rendre et qui vous inspirent plus ?
Non, pas vraiment. des fois l'inspiration vient dans des endroits
totalement inattendus, j'aurais aimé vous dire que la Chine
ou un autre endroit exotique m'a particulièrment inspiré
mais l'inspiration est nulle en géographie !
Comment vivez-vous vos voyages, habituellement
plus source de stress pour les musiciens votre musique reflète
certes des moments de pur jubilation mais aussi une certaine nostalgie
ainsi dans le morceau éponyme Muse , Twins, Rina ballé ?
Rina ballé dans l'album Muse est vraiment
un exemple précis de la nostalgie que je peux ressentir
des fois en regardant de la fenêtre d'un avion ou d'un train...
quelque chose de lent et de planant. Muse aussi, mais après
il y a des moments plus rythmiques et imprévisibles comme
dans Vertigo ou Tains qui reflètent peut-être
la vitesse dans laquelle tout change autour de nous. C'est comme
voyager avec "air-man"...;-))
vous avez
gagné la Victoire du Jazz, Révélation instrumentale
de l'année en septembre dernier , cela a-t-il eu une incidence
sur votre carrière ?
je ne saurais pas le dire vraiment, peut-être que mon
manager le pourra. Moi, je me lève toujours le matin en
me disant que il faut que je bosse mon piano...
Un documentaire de 52 minutes sur vous
est en cours de réalisation, pouvez-vous nous en parler ?
C'est un peu tôt encore mais nous allons travailler sur
ce projet avec Acte,avec la réalisatrice Chloé Perlemuter
(la petite fille de Vlado Perlemuter) et Marie Baloutchi (Ex Nihilo)
qui a produit de très beaux documentaires sur Brad Melhdau
et sur Martial Solal aussi. Je suis très heureux et très
honoré de ce projet qui prendra forme en 2010.
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