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Hélène de Montgeroult Nicolas Stavy
Hélène
de Montgeroult(1764-1836)
A la source du piano romantique
Etudes et Sonate
Nicolas Stavy
L'oeuvre de la compositrice méconnue Hélène
de Montgeroult s'étale sur une période d'une vingtaine
d'année entre 1788 et 1812, se terminant donc deux ans
avant la naissance de Chopin et pourtant le musicologue Jérome
Dorival qui a consacré plus de dix ans de sa vie à
faire des recherches sur cette compositrice explique dans le livret
qui accompagne ce disque que l'aspect le plus surprenant de la
musique d'Hélène de Montgeroult, qui ne peut guère
s'expliquer que par son génie personnnel, c'est sa modernité
dans un répertoire qui annonce le romantisme. Modernité
qui n'a pas échappé non plus au pianiste Nicolas
Stavy qui précisément après un disque consacré
à Chopin a choisi d'enregistrer des oeuvres de cette compositrice
pour le label Hortus et nous fait découvrir avec talent
la force expressive de ces pièces au caractère poétique
et passionné effectivement digne des plus grands compositeurs
romantiques. Celui-ci a bien voulu répondre à quelques
questions afin de nous faire partager son intérêt
pour l'oeuvre de cette compositrice qui a écrit, essentiellement
pour le piano, plus de 600 pages de musique.
Comment avez-vous découvert Hélène
de Montgeroult ?
Je dois dire que c'est un hasard ! Il y a quelques années,
elle fut à l'honneur au festival des Pianissimes et, à
cette occasion, le musicologue Jérôme Dorival m'avait
demandé de consacrer une partie de mon récital à
cette compositrice. Je me suis alors plongé dans son uvre
et j'ai été impressionné d'abord par la quantité
de pièces, ainsi que par la diversité de ses approches.
Qu'est-ce qui vous a donné envie
d'enregistrer une partie de ses uvres ?
J'ai trouvé cette musique originale et très avant-gardiste.
C'est la transition entre la forme, parfaitement classique, et
le langage qui tend vers le romantisme, qui m'a plu. On passe
d'un univers proche de Haydn ou Mozart, à une densité
Beethovénienne, à une couleur Schubertienne, à
un climat proche d'un nocturne de Chopin
La majorité de mon répertoire tourne autour d'uvres
bien connues, mais il me semble du devoir de tout interprète
de faire connaître également des uvres moins
jouées voire oubliées. Le point indispensable est
que la musique soit de grande qualité. La simple curiosité
musicologique serait évidemment d'un intérêt
très limité. C'est la qualité musicale qui
m'a plu ici.
Votre disque comprend dix études,
selon quels critères les avez-vous sélectionnées
parmi les 114 études du " Cours complet " écrit
par cette compositrice ?
J'ai tenté de réaliser un programme à la
fois varié, représentatif de plusieurs modes d'écritures
différents, tout en respectant une construction musicale
d'ensemble. Je ne voulais pas faire un programme " musicologique
" où l'on passe d'un mode à l'autre sans cohésion
d'esprit, enchainements de tonalité
J'ai donc fait une première sélection sur la qualité
des uvres, et ensuite tenté de trouver celles qui
constitueraient un ensemble cohérent, chacune des pièces
restant bien différente des autres.
D'une
manière générale les études d'Hélène
de Montgeroult présentent-elles des difficultés
d'interprétation d'un niveau identique à celles
de Chopin ou de Liszt , ou sont-elles plus accessibles ? En quoi
leur intérêt va-t-il à votre avis au delà
du simple exercice technique ?
La première grande différence de ce cours avec
ceux de Czerny, ou Cramer par exemple (ce dernier ayant été
élève de Mme de Montgeroult), est qu'il s'agit d'un
cours autant porté sur les notions de style, d'expression,
que de technique. C'est déjà en soit une chose étonnante
à cette époque. Quand on pense que ce n'est ni plus
ni moins que le premier cours complet pour le piano forte en France
!
La richesse et la complexité instrumentale n'est bien sûr
pas du niveau de Chopin ou Liszt. Nous sommes plusieurs décennies
avant ! Elle utilise encore un piano-forte, instrument sur lequel
les études d'exécution transcendante seraient impraticables
! Mais il est étonnant de constater l'évolution
tout au long de ce Cours complet. Les premières études
sont assez simples et courtes. Plus on avance, plus elles sont
longues (jusqu'à 15 minutes en 3 mouvements !), virtuoses
et chargées de sens musical. Pour donner quelques exemples
(chacune comporte un titre): une est consacrée " aux
points d'orgues " ; une autre à " la chaleur
de l'exécution " ; une autre " pour chanter dans
un style large ".
Vous avez également choisi d'enregistrer
la huitième sonate , à votre avis en quoi est-elle
" à la source du romantisme " et novatrice pour
l'époque, et pourquoi vous semble-t-elle intéressante
à faire découvrir aujourd'hui ?
Cette sonate est à mon sens la plus construite et la
plus inspirée. Elle est d'un caractère très
affirmé. La structure est parfaitement classique. C'est
dans le final surtout qu'elle tend vers le romantisme. On y trouve
beaucoup d'audaces harmoniques. Ce mouvement est plein d'élan
et d'énergie. Le deuxième thème au moment
de la réexposition annonce d'une façon hallucinante
ce que Schubert développera plus tard : les successions
Majeur-mineur
Pensez-vous qu'il est possible que Schumann,
Schubert, Mendelssohn ou Chopin aient eu l'occasion d'écouter
ou lire les partitions des uvres d'Hélène
de Montgeroult et que celle-ci ait été imitée
par eux ou bien que la ressemblance n'est que pur hasard peut-être
du à l'évolution contextuelle de la musique à
laquelle cette femme aurait été sensible plus vite
?
On peut bien sûr tout imaginer mais il est presque impossible
d'en être sûr. Voyez vous, lorsqu'on creuse un répertoire
" nouveau ", c'est un peu comme quand on visite une
grotte ornée préhistorique, on a envie de trouver
quelque chose que les autres n'ont pas vu
Ici ou là, une courbe ressemble à une phrase de
l'album à la jeunesse de Schumann ; qui pourrait pour autant
prétendre que Schumann a copié Montgeroult ? Ce
serait ridicule. Ce qui est sûr, c'est qu'à cette
époque elle était très reconnue, et il est
donc probable que Mendelssohn, Schumann, Chopin etc aient au moins
entendu parler d'elle. On peut imaginer qu'ils aient eu la curiosité
d'en connaitre davantage
Allez-vous jouer dans les semaines et
mois à venir les uvres d'Hélène de
Montgeroult ?
Oui bien sûr ! d'autant plus qu'il est très intéressant
de mettre cette musique aux côtés d'autres répertoires
antérieurs ou postérieurs !
Il va toutefois y avoir bien d'autres programmes en route car
je viens d'enregistrer un tout programme consacré à
Brahms dont je suis en ce moment en train de réaliser le
montage. Il sortira à l'automne prochain !
Pour écouter
Hélène de Montgeroult
Etude n°99, allegro
interprété par Nicolas Stavy
avec l'aimable autorisation du label Hortus
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