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Busoni Enescu Cédric Pescia Nurit Stark
Ferruccio
Busoni(1866-1924)
Sonate pour piano et violon
n°2 op.36a
George Enescu(1881-1955)
Sonate pour violon et piano
n°3 op.25
"dans le caractère populaire roumain"
Nurit Stark, violon
Cédric Pescia, piano
Après un disque "Folies françaises",
qui a été l'occasion de découvrir il y a
quelques mois le pianiste franco-suisse Cédric Pescia,
ayant auparavant enregistré" les Variations Goldberg"
de Bach et un double album d'oeuvres de Schumann, c'est un nouvel
enregistrement également paru chez le label Claves qui
permet de le retrouver pour la première fois avec la violoniste
israélienne Nurit Stark dans un répertoire original
du compositeur italien Ferruccio Busoni, réputé
comme pianiste virtuose et du compositeur roumain, George Enescu,
réputé quant à lui comme violoniste virtuose.
Le premier nommera son oeuvre "Sonate pour piano et violon"
alors que le second à l'opposé considèrera
sa propre sonate "pour violon et piano" mais en fait
quel qu'en soit le titre chacune de ces oeuvres respecte l'équilibre
des deux instruments et le pianiste Cédric Pescia qui a
bien voulu répondre à quelques questions au sujet
de ce disque confie apprécier tout autant de jouer l'une
ou l'autre.
Il est vrai que ces deux oeuvres très riches et inventives,
voire au caractère improvisé offrent aux deux musiciens
un très beau terrain d'expressions variées qu'ils
font visiter aux auditeurs dans une interprétation magnifiquement
nuancée, et avec deux instruments de grande qualité
: un Petrus Guarnerius de Mantoue datant de 1710 et le piano Steinway
utilisé par Alfred Brendel pour sa tournée d'adieu.
Depuis combien de temps jouez-vous avec
la violoniste Nurit Stark, quel répertoire interprétez-vous
ensemble ?
Nurit Stark et moi jouons ensemble depuis 2001. Nurit Stark
possède une curiosité illimitée, elle a la
capacité de se remettre sans arrêt en question et
elle est prodigieusement inspirée (et inspirante) sur scène.
Nous avons déjà exploré une grande partie
du répertoire violon/piano, n'hésitant pas à
jouer des uvres peu connues ou des pièces contemporaines.
Quand et comment avez-vous découvert
ces deux uvres de Busoni et Enescu ?
La figure de Busoni (et sa musique, particulièrement
son opéra Doktor Faust) me fascinent depuis longtemps.
En 2004, Nurit Stark et moi avons déchiffré la Sonate
opus 36a de Busoni, que nous n'avions encore jamais entendue.
Je me souviens de notre émotion après cette première
«lecture». Au fil des ans, cette uvre est devenue
très importante pour nous et nous avons à cur
de la présenter à un public aussi large que possible.
Nurit Stark, qui a des origines roumaines, joue la 3ème
sonate d´Enescu depuis son adolescence. Lorsque nous avons
commencé à collaborer, Nurit Stark a tenté
de me convaincre d'apprendre cette uvre. J'avais pas mal
de réticences au départ : il me semblait que
je ne possédais pas les clefs me permettant de pénétrer
le sens de cette musique. C'est seulement après m'être
immergé dans la musique folklorique roumaine, après
avoir lu un ouvrage sur Enescu et écouté un enregistrement
où il interprète sa 3ème Sonate en compagnie
de Dinu Lipatti, que je me suis senti prêt à aborder
l'uvre.
Le travail de déchiffrage a été lent et
laborieux (la partition contient une quantité d'annotations
impressionnante). Aujourd'hui, je me sens à l'aise dans
cette musique et l'aime profondément; c'est toujours une
joie de la jouer en public et cela en a été une
de l'enregistrer.
Quest-ce qui vous a donné
envie de les associer ?
Pour notre premier disque en duo, Nurit Stark et moi avons choisi
une uvre « de violoniste » (Enescu) et une uvre
« de pianiste » (Busoni). A leur époque, Busoni
et Enescu étaient surtout connus et appréciés
pour leurs talents d'interprètes. Leur travail de compositeur
était réalisé en marge et ne connaissait
pas un grand rayonnement. Aujourd´hui leur uvre (à
la fois très implantée dans la tradition et profondément
audacieuse et novatrice) nous apparait dans toute sa grandeur.
Il nous a semblé pertinent d'associer ces deux compositeurs.
En tant que pianiste, préférez-vous
jouer la sonate de Busoni écrite par un compositeur également
pianiste ?
Je n'ai pas de préférence pour une des deux sonates.
La Sonate de Busoni est naturellement extrêmement exigeante
pour le pianiste ; mais le violoniste n'est pas en reste : il
doit trouver sa place face à un piano souvent monumental.
En ce qui concerne la Sonate d'Enescu, il faut savoir que ce
dernier était non seulement un des plus importants violonistes
de son temps, mais également un remarquable pianiste (il
existe quelques enregistrements d´Enescu au piano). La partie
de piano est extraordinairement travaillée (par exemple,
les indications de pédale sont d´une rare subtilité).
Elle a par endroits une texture et une couleur qui évoquent
la musique française; à d'autres endroits, elle
reproduit les sonorités de divers instruments du folklore
roumain, le cymbalum, des instruments à percussion, la
contrebasse.
On lit dans le livret de votre disque
que cette sonate est placée sous le signe des trois grands
B : Bach, Beethoven et Brahms, mais ne faut-il pas ajouter un
quatrième B : Busoni lui-même, quest-ce qui
est propre à son style dans cette sonate ?
L'influence de Bach est manifeste, comme dans de nombreuses
autres uvres de Busoni. Le thème du mouvement final
(à partir duquel Busoni construit 6 variations) est tirée
d´un choral de Bach. La fugue qui constitue la 5ème
variation est également inspirée par Bach.
La référence à Beethoven concerne la structure
de l´uvre : la forme de la Sonate opus 36a de Busoni
est inspirée de celle la Sonate pour piano opus 109 de
Beethoven : même tonalité (mi majeur), similitude
évidente des 2èmes mouvements (Presto à 6/8
en mi mineur chez Busoni, Prestissimo à 6/8 chez Beethoven),
les mouvements conclusif sont tous deux de forme « thème
et variations » et constituent le centre expressif de l´uvre.
Les thèmes de ces mouvements conclusifs sont également
apparentés: tous deux modérés, en mi majeur,
la basse du thème de Beethoven se retrouve même dans
la « mélodie » du thème de la Sonate
de Busoni.
De nombreuses tournures mélodiques et harmoniques évoquent
irrésistiblement Brahms.
On pourrait ajouter un nom à la liste des compositeurs
qui ont inspiré Busoni dans cette sonate : certaines formules
pianistiques sont dérivées de Liszt. Et pour finir
: des éléments italiens sont également présents
dans l´uvre (on sait que Busoni était à
cheval entre les cultures italiennes et allemandes) : certains
thèmes évoquent le bel canto et le 2ème mouvement
est une tarentelle à l'italianité marquée.
Le génie propre de Busoni lui a permis de créer
une synthèse entre ces éléments, de composer
une uvre qui constitue un vibrant hommage à tous
ses devanciers et est en même temps profondément
originale.
La sonate dEnescu bien que «dans
le caractère populaire roumain» est dune grande
originalité au niveau des rythmes, des timbres et des thèmes.
Trouvez-vous ce compositeur plus créatif que Busoni ?
Tout comme la Sonate opus 36a dérive des musiciens et
musiques que Busoni aimait, la 3ème Sonate d´Enescu
constitue un vibrant hommage à la musique de son pays natal,
la Roumanie (même s'il n'y a dans l'uvre aucune citation
directe de mélodies populaires roumaines : il s'agit d'un
folklore imaginaire).
Le travail rythmique est très élaboré ;
la grande complexité de l'écriture a pour but de
reproduire l'extraordinaire liberté propre à la
musique populaire roumaine.
Le travail sur le timbre est d'une grande richesse : la partie
pianistique forme le plus souvent un tapis sonore sur lequel le
violoniste peut développer ses mélodies, qui évoquent
tout à tour la voix humaine, la flûte, les bruits
de la nature, et le violoniste de rue
Avez-vous dans votre répertoire
des uvres pour piano seul de lun ou lautre de
ces compositeurs ?
Non
Quels sont vos prochains concerts qui vous
tiennent particulièrement à cur ?
Dans le cadre de mon festival à Lausanne (Ensemble en
Scène avec Cédric Pescia), je donnerai un concert
à deux pianos avec Michel Dalberto ; à cette occasion,
nous interprèterons en première mondiale la transcription
par Michel Dalberto de la Nuit Transfigurée de Schoenberg
(18 juin 2009).
Toujours dans le cadre de mon festival, j'ai invité la
compositrice Sofia Gubaidulina. Elle sera présente sur
scène en tant qu'improvisatrice. Plusieurs pièces
de Gubaidulina seront également interprétées
par différents artistes proche de la compositrice. Et finalement,
Nurit Stark (à l'alto), Alexander Suslin (contrebasse)
et moi-même interpréterons une nouvelle pièce
de Gubaidulina, en création mondiale (20 juin 2009)
Pour écouter un extrait de
Ferruccio Busoni
Sonate pour piano et violon n°2 op.36a
andante(variazione 4)
interprété par Nurit Stark et Cédric Pescia
avec l'aimable autorisation du label Claves
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