Schubert Rachmaninov Alain Lefèvre

 ALAIN LEFÈVRE
Neuf Etudes Tableaux opus 39 RACHMANINOV
Trois Klavierstüke D. 946 SCHUBERT

Si le pianiste/compositeur canadien Alain Lefèvre est particulièrement célèbre par sa bataille à faire connaître l'oeuvre du compositeur André Mathieu au monde entier, son répertoire est très vaste et ce nouveau disque, édité par le label Analekta, pour lequel il a choisi un regroupement original de deux recueils poétiques de Schubert et Rachmaninov vient compléter son importante discographie qui comporte déjà une quinzaine de volumes des compositeurs les plus variés allant de Bach à Soler.

Durant le mois de juin 2008 vous pourrez écouter un extrait des Etudes-Tableaux de Rachmaninov : la pièce n°8 en ré mineur pour laquelle le compositeur ne donna aucune explication quant à la source de son inspiration contrairement à la majorité d'entre ces Etudes-Tableaux. Rachmaninov revendiqua le droit à l'imagination, expliquant qu'un compositeur doit posséder deux qualités essentielles : "Premièrement, c'est l'imagination. Je ne veux pas affirmer là que l'interprète n'a pas d'imagination. Mais on peut considérer que le compositeur possède un talent plus important car avant de créer il doit imaginer. Il imagine avec une telle force que dans sa conscience se crée la future composition avant même qu'une seule note ne soit écrite[...] Le deuxième talent ; plus important encore, qui distingue le compositeur de tous les autres compositeurs, c'est le sens aigu de la couleur musicale."

Le pianiste Alain Lefèvre, soucieux du respect de la partition, explique :"Je n'aborde pas l'oeuvre en tant qu'une série d'études. Chaque pièce est un tableau, une histoire". Faisant sienne la palette musicale suggérée par Rachmaninov , il se montre aussi habile peintre, en exploitant dans un jeu fort nuancé et clair toutes les magnifiques couleurs, des teintes contrastées à l'image du fond de la photographie de la pochette de son disque. Le premier Klavierstüke de Schubert s'enchaîne de façon naturelle à la neuvième Etude tableau dans une sonorité et tempo assez similaire de marche fougueuse et de course haletante pour ensuite laisser place à la poésie propre à Schubert mais exigeant aussi une large palette sonore.
Alain Lefèvre a bien voulu répondre à quelques questions concernant ce disque ainsi que plus largement sa propre carrière...

Que représentent Rachmaninov et Schubert dans votre répertoire ? Qu'appréciez-vous plus particulièrement dans leurs œuvres par rapport à celles d'autres compositeurs ?

Schubert m'inspire, Rachmaninov me libère, mais tous les deux tiennent une place de prédilection dans le répertoire que j'ai couvert depuis plusieurs années et qui est vaste, que ce soit du Concerto pour piano de John Corigliano aux pages sublimes de Jean-Philippe Rameau. Il est très difficile pour moi d'avoir des préférences, bien que la musique de Rachmaninov me touche dans la mesure où le virtuose est toujours confronté à cet immense dilemme de constamment favoriser la clarté et la limpidité de jeu, plutôt que de se laisser aller comme la plupart des pianistes, à une musique pleine d'esbroufe, qui jette de la poudre aux yeux au grand public. N'oublions jamais que malgré sa musique extrêmement romantique, Rachmaninov était le plus souvent stoïque en concert.

Pourquoi avez-vous choisi de réunir ces deux compositeurs et plus particulièrement ces œuvres ?

Dans le monde musical, il y a souvent des préjugés qui sont tout à fait ridicules. Certes, il n'était pas évident de mettre sur un même disque Schubert et Rachmaninov. Et pourtant, ces deux musiques peuvent aisément se rejoindre, Schubert étant en fin de vie hanté par la mort et Rachmaninov étant lui-même hanté dans ses Études-Tableaux par le désir de raconter dans chacune d'elle une histoire, avec des images extrêmement fortes et déterminées. Récemment, le critique du Toronto Star accordait une note parfaite au disque, en soulevant la question et considérant que le pari de réunir ces deux compositeurs sur un même disque était réussi.

Concevez-vous vos disques comme un récital ?

J'ai pénétré le marché du disque tardivement et il n'a jamais été question pour moi de faire un disque pour faire un disque. Tous mes enregistrements sont le fruit d'une longue réflexion musicale, d'une pensée qui s'inscrit depuis nombre d'années. Par exemple, les Études-Tableaux vivent en moi depuis presque deux décennies et je les ai maintes fois jouées en récital. Il y a eu l'espèce de course folle de la part des musiciens de faire des disques pour la promotion de leur carrière, mais encore une fois, je ne suis pas un carriériste et mes choix se sont toujours dissociés de ce qui aurait pu " m'aider " dans ma carrière… J'ai toujours fait des disques parce que croyant, peut-être à tort ou à raison, que j'avais quelque chose de particulier ou de différent à raconter.

A quoi attachez-vous le plus d'importance dans votre interprétation, et plus précisément pour ce disque , qu'est-ce qui vous semble le plus
important dans l'interprétation de Rachmaninov et de Schubert ?

Il y a cette tangente dangereuse chez les pianistes à augmenter les tempi de manière ridicule, au point tel que cela dessert non seulement la musique, mais la ligne musicale et le message du compositeur. Chez Rachmaninov surtout, je le dis bien modestement, les enregistrements de ses Études-Tableaux ont fait que souvent l'auditeur ne peut plus entendre la clarté des notes, les détails des passages techniques, et les accords joués. Le plus difficile n'est pas de jouer vite et fort, mais de jouer avec le respect constant de la partition. Quant à Schubert, je partage l'obsession de mon maître Pierre Sancan, qui est de respecter les lignes musicales et d'éviter les faux accents. Pas de péché dans Schubert.

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Pour écouter la pièce n°8 en ré mineur des Etudes-Tableaux...cliquez ici

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