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Gabriel Fauré Hervé Billaut
Gabriel
Fauré
Hervé Billaut
Premier nocturne
Ballade
Nocturne n°6
Thème et variations
9 préludes
Nocturne n°13
Dans un généreux programme de plus d'une heure et
quart, le pianiste Hervé Billaut offre dans cet album, paru
chez le label Lyrinx, une très belle vue panoramique sur
l'oeuvre de Gabriel Fauré au travers le prisme de six oeuvres
réparties deux par deux sur les trois cycles distincts habituellement
recensées par les musicologues qui très schématiquement
(pour faire très court) pourrait être pour le premier
qualifié de romantique, le second de poétique et le
troisième de nostalgique.
Mais le mieux est de laisser la "parole" à Hervé
Billaut qui a bien voulu répondre à plusieurs questions
au sujet de ce disque dont vous pourrez également écouter
la Ballade et mesurer si pour vous elle sonne " printanière
et sylvestre" comme le déclara le musicologue Vladimir
Jankélévitch ou sera "comme la voix du souvenir
irréversible qui chuchote à l'oreille de notre âme,
lorsque le soir descend, les choses secrète et indicibles..."
comme Marcel Proust le pensait, mais quoi qu'il en soit il est à
parier que grâce à l'interprétation d'Hervé
Billaut, tout en finesse avec de subtiles lignes mélodiques,
elle parvienne à vous émouvoir délicieusement
tout comme le reste du programme qui défile en fait si vite
qu'on en oublie le temps !...
Les musicologues distinguent usuellement
trois périodes distinctes dans loeuvre Fauré,
que pensez-vous de ce partage ?
Bien sûr, je suis d'accord avec les musicologues qui partagent
l'uvre de Fauré en trois parties, mais je ne suis pas
certain qu'elles soient si distinctes qu'on veut bien le dire. On
trouve dans les pages de jeunesse des uvres déjà
empreintes de maturité, comme le 1er Nocturne, et la dernière
période comporte quelques pièces au langage très
proche de celui qu'il utilisait en 1900, je pense par exemple au
3ème Prélude.
L'inconvénient de ce genre de découpage pour moi
est d'encourager des jugements trop radicaux sur les " styles
" de Fauré : c'est ainsi que la musique de la première
période est souvent associée à une mondanité
un peu superficielle, alors que celle de la fin de sa vie est réputée
pour son langage dépouillé et hermétique. En
somme, seule la période intermédiaire, celle du 6ème
Nocturne, recueillerait tous les suffrages.
Pour ma part, j'aime voyager dans ces différents univers
avec leurs caractéristiques propres, même si je concède
que certaines pièces, notamment au début, sont moins
réussies, et que d'autres, à la toute fin, nous entraînent
vers des sonorités énigmatiques, à moins que
ce ne soient des " horizons chimériques ". La séduction
immédiate de la Ballade m'enchante tout autant que la sensibilité
chaleureuse du 6ème Nocturne ou la construction du discours
dans Thème et Variations. Et que dire de cette polyphonie
inouïe du 9ème Prélude ou de l'élan passionné
du passage central du 13ème Nocturne, bien loin pour moi
d'une musique désincarnée !
Pourquoi Fauré après Albéniz,
que représente ce compositeur dans votre répertoire
?
Cette musique de Gabriel Fauré, je ne l'ai découverte
que progressivement, après avoir joué quelques pièces
vers l'âge de douze ans pendant mes études à
Lyon. Je crois, en toute honnêteté, que j'étais
bien trop jeune pour goûter pleinement au langage fauréen,
et il a fallu attendre mon passage au CNSM de Paris pour accéder
plus largement à la richesse de cette musique, grâce
notamment au talent de mes professeurs de lecture à vue et
d'harmonie, Jacqueline Robin et Jacqueline Rueff.
Ce n'est donc pas une passion récente, elle s'est construite
au fil des jours, des concerts, au gré d'une évolution
intérieure nourrie également par l'enseignement, puisque
j'ai souvent l'occasion de faire découvrir à mon tour
le piano de Fauré à mes élèves. Et c'est
tout naturellement que j'ai eu envie de l'enregistrer après
Albéniz, sans doute aussi pour revenir à une musique
plus intime après les contrastes de lumière et les
excès d'Iberia.
A regarder de plus près cependant, Fauré et Albéniz
ne sont pas complètement opposés. Sur le plan humain,
ils ont été extrêmement proches, bien qu'ils
se soient rencontrés tardivement, à la fin de la vie
d'Albéniz. Ils s'admiraient et se respectaient mutuellement
dans leur art, Albéniz était ainsi l'invité
quasi permanent des jurys de piano au Conservatoire dont Fauré
était le directeur. Musicalement, ils ont tous deux créé
un langage unique, caractéristique, hérité
d'une tradition romantique et, à leur manière, ils
ont ouvert une voie vers la modernité.
Qu'est-ce qui vous tient à cur
dans votre interprétation de Fauré ?
J'ai tenté de mettre en lumière la richesse de ce
langage, sans le dévoyer, de montrer la relation unique entre
mélodie et harmonie au service de cette poésie particulière
à Fauré et reconnaissable entre toutes, à l'image
de celle d'un Schumann. L'enjeu pour moi a été de
trouver le juste équilibre pour que cette musique sonne élégante
sans être précieuse, expressive sans débordement,
empreinte de pudeur mais pleinement engagée. J'ai souvent
eu à l'esprit une phrase du compositeur disant qu'il cherchait
à atteindre " la chair nue de l'émotion ".
Votre programme comporte les plus belles
oeuvres de Fauré, qu'est-ce qui a déterminé
votre choix des oeuvres réunies ici comme semble-t-il un
"best off"?
Il ne s'agit pas d'une compilation des incontournables de Fauré
pour le piano, car il en manquerait tout de même un certain
nombre, les Barcarolles par exemple ! Mais je dois reconnaître
qu'au final, les uvres enregistrées comptent parmi
les plus belles compositions. J'ai avant tout souhaité brosser
un portrait du compositeur à travers justement les trois
périodes de sa vie créatrice, en choisissant des repères
parmi l'un des grands cycles qui ont parcouru toute son existence
(les Nocturnes), entrelacés avec des pièces majeures
(Ballade, Thème et Variations) ou des pages moins jouées
(les Préludes).
Comment résonne pour vous la Ballade
?
Comme une des plus belles pages de la musique française
pour piano de cette époque. Dès les premières
mesures, on découvre ce sens particulier de la mélodie,
soutenue par des harmonies chatoyantes et une fluidité toute
française. On y trouve, comme chez son maître et ami
Saint-Saëns, la clarté du trait, mais on entend également
l'héritage de Chopin et de Liszt, je pense à ses uvres
aux couleurs impressionnistes comme "Au bord d'une source"
ou "Dans les bois". C'est sans doute la première
grande pierre de l'édifice fauréen pour le piano,
et je suis d'autant plus heureux de l'avoir enregistrée qu'elle
n'a pas souvent été gravée, sans doute en raison
de la notoriété de la version avec orchestre, écrite
sur les conseils de Liszt.
Pour écouter la pièce Ballade de Gabriel Fauré
interprétée par Hervé Billaut
avec l'aimable autorisation du label Lyrinx... utilisez ce lecteur,
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