Contes Russes Pierre Arditi Musique Olivier Calmel

" Contes Russes "
conté par Pierre Arditi

Le déserteur et le diable
Nikita le marchand
Sac à malices
Cosma le riche
L'oiseau de feu

Musique par Olivier Calmel
Adaptation et réalisation
par Olivier Cohen

Vincent Peirani, accordéon
Olivier Calmel, piano
Johan Renard, violon
Clément Petit, violoncelle
Frédéric Soule, percussion

Hasard, enfin peut-être pas complètement puisque les "disques du moment" sont sélectionnés parmi nombreux autres ! .... voici à découvrir un disque que l'on peut rapprocher encore des deux précédents disques du moment, car il réunit cette fois texte et musique, et s'adresse tant aux enfants de six à dix ans qu'aux "moins jeunes auditeurs" selon l'éditeur ( Frémeaux et associés) et selon le compositeur, orchestrateur et pianiste Olivier Calmel qui signe la musique "on peut presque dire que c'est une musique de film" puisqu'il a travaillé comme cela se fait souvent en musique pour l'image, ainsi l'explique-t-il à l'occasion d'un nouvel entretien, à lire ci-dessous, où l'on découvrira aussi ses nombreux projets !
"Mais qu'est-ce qu'un conte sans conteur ? L'expression de charmes sans enchanteur. Le conte recèle des énoncés performatifs qui ne peuvent être efficacees que proférés à hautes voix. " souligne l'auteur du livret, Christophe Lointier, et la voix du conteur : celle du comédien Pierre Arditi, profonde, enrobante et envoutante, et dont le rythme maintient l'attention de l'auditeur et le suspense s'avère particulièrement bien choisie. La musique aussi compte, et conte beaucoup dans cette transmission orale bien sûr !
Des contes qui " sont singulièrement captivants pour la diversité du merveilleux, la richesse des intrigues et des péripéties, l'invention des personnages hauts en couleurs, ainsi que pour leur style riche de formules épiques" explique encore l'auteur du livret. points de fées ni baguette magiques mais des êtres pourvus de pouvoirs magiques dont le diable. Le livret ne contient pas le texte écrit. Il est vrai que lorsqu'on lit rapidement le charme de la surprise disparaît aussi parfois et ici le conteur a une voix et un rythme lent qui ouvre l'espace à l'imagination tout comme la musique qui s'insère judicieusement dans le texte !
Deux de ces contes ont d'ailleurs déjà été mis en musique, mais dans un esprit très différent , ainsi 'L'oiseau de feu" , est aussi un ballet dont la musique est d'Igor Stravinsky et dont la première représentation qui eut lieu en 1910 à l'opéra de Paris connu un grand succès. Plusieurs adaptations en ont été faites. Et Igor Stravinsky a également mis en musique "Le déserteur et le soldat" ( "Histoire du soldat" ) :"un spectacle pour quelques personnages et ensemble instrumental réduit," ainsi que le présente Charles-Ferdinad Ramuz dans une lettre à Werner Reinhart, le donateur qui rendra possible l’entreprise, précisant: « Il s’agit d’une pièce, au sens très large du mot, à laquelle mes amis, M. Igor Stravinsky, Mr René Auberjonois et moi sommes en train de travailler, et qui, d’un genre très nouveau et n’usant que de moyens très simples, m’a semblé destinée, si je m’en réfère aux résultats déjà acquis, à provoquer la plus vive curiosité. Cette pièce, si le nom convient, consiste en une suite et parfois une fusion de lecture de scènes parlées mimées et dansées avec des parties de musique : quelque chose comme une « lanterne magique animée », un petit orchestre, quelques acteurs. » . La musique d'Olivier Calmel, a un esprit jazz plus actuel. Stravinsky considérait que "Si la musique paraît exprimer quelque chose, ce n’est qu’une illusion et non pas la réalité. C’est simplement un élément additionnel que, par une convention tacite et invétérée, nous lui avons prêté, imposé comme une étiquette, un protocole, bref, une tenue et que, par accoutumance ou inconscience, nous sommes arrivés à confondre avec son essence. " ... Le pianiste Olivier Calmel ici accompagné d'autres instrumentistes que ceux choisis par Stravinsky ( notamment sans instruments à vent mais donc juste un accordéon, des cordes, un piano et des percussions) donnent à ces textes une couleur différente, ici point de fanfare donc, et cette musique qui parfois prolonge, et parfois souligne les propos du conteur semble parfaitement en phase avec notre propre inconscient. Des contes d'ailleurs toujours appréciés aujourd'hui parce qu'ils mettent en lumière tout simplement " le propre de l'homme" selon l'auteur du livret.
Dans quelles circonstances avez-vous réalisé cette musique et aviez-vous entière liberté de création ou quelques contraintes ?
Ce projet m’a été proposé par Olivier Cohen ainsi que l’éditeur musical Frémeaux & Associés. Les contraintes étaient bien évidemment multiples : budgétaires, de durée de la musique par rapport au texte et d’interaction avec les sujets traités. Pour ce magnifique projet j'ai immédiatement choisi de prendre le contrepied des magnifiques musiques intemporelles de Stravinsky qui avait mis en musique "l'Oiseau de Feu" ainsi que "l'Histoire du Soldat". Il était inconcevable de faire autrement, tant ces musiques sont immenses pour le compositeur que je suis.
Il fallait proposer autre chose. J'ai donc choisi dès le début d'orienter l'écriture et la nomenclature vers une musique d’inspiration populaire et savante puisant de nombreuses ressources dans le jazz contemporain. Je me suis naturellement entouré de musiciens que je connaissais très bien et qui ont cette double culture : Vincent Peirani accordéon, Johan Renard violon, Clément Petit violoncelle et Frédérique Soule Percussion. Ce sont tous de formidables musiciens aguerris à tous les aspects des musiques écrites et des musiques improvisées.
De quoi vous êtes-vous inspiré en priorité : le texte , l’âme slave en général, ou en fait d'autres éléments… ?
Je me suis particulièrement attaché à dégager mes impressions personnelles sur chaque texte, exactement comme je le fais sur une image ou il n’y pas eu de musique temporaire (musique pré-synchronisée pour préparer le travail du compositeur). Pour ce qui est des inspirations ‘slaves’ je n’ai pas fait de recherches particulières, même si je connais bien le travail de Stravinsky ou de Bartok, entre autre,  sur l’intégration des mélodies populaires dans leurs œuvres. La priorité a donc très clairement été donnée à l’inspiration évoquée par le texte, les histoires et  l’imaginaire poétique qui s’en dégageait.
Comment s’est passé l’enregistrement ? Avez-vous travaillé en totale indépendance ou avez-vous rencontré Pierre Arditi pour convenir avec lui pour convenir comment la musique s’insère ?
J'ai tout d'abord travaillé en totale indépendance pour l'écriture, puis j'ai fait valider les thématiques par le réalisateur Olivier Cohen. Une fois les thématiques dégagées j'ai orchestré de façon à tirer le meilleur parti de la nomenclature choisie (piano, accordéon, violon, violoncelle et percussions). J'ai proposé au réalisateur un placement précis pour chaque musique par rapport au texte de "Sac à Malice", et "Vaska et Jourka" (qui n'est finalement pas présent dans le disque), "Nikita le marchand", "Cosma le riche", "L'Oiseau de feu" et l"Le Déserteur et le Diable".
L'enregistrement a eu lieu au studio Sequenza par Thomas Vingtrinier, studio dans lequel j'ai réalisé de nombreux enregistrements et pour lequel j'ai une affection particulière due au Fazioli incroyable qu'il recèle ! A ce stade l'enregistrement de la voix avec Pierre Arditi a été évidemment un grand moment ! A la suite de quoi, après le mixage musique, nous avons rétabli avec le réalisateur des placements musique différents de ceux prévus initialement, mais toujours bien évidemment dans un souci de clarté, de relation musique/texte fort et d'interaction avec les inflexions de la voix de Pierre. De ce point de vue nous avons finalement travaillé comme cela se fait souvent en musique à l'image, on peut presque dire que c'est une musique de film.
Il me semble que l’on retrouve parfois la même musique ainsi dans Le déserteur et le diable et Cosma le riche , qu’en est-il exactement en fait quelle part totale la musique  représente-t-elle et pouvez-vous la présenter en détail ?
Il a pu arriver effectivement que Olivier Cohen suggère un placement musique légèrement différent de ce que j'avais prévu et, de ce fait, qu’il y ait parfois reprise de certaines pièces. La musique au total fait environ 37 minutes au total sur le disque. Ces contes sont d'Alexandre Afanassiev, tirés de légendes populaires, de chants épiques, et ses propres œuvres. Sur chacun des contes la musique a sa logique et son cheminement.
Un des contes a-t-il votre préférence ?
J’ai une affection particulière pour "Le Déserteur et le Diable",  de son autre nom : "l’histoire du soldat", et je trouve dans cette histoire une profondeur particulièrement touchante. Il explore les failles de l’âme humaine, la tentation, la rédemption. Ce qui m’a particulièrement intéressé dans ce travail c’est le dialogue avec le réalisateur. Par exemple sur "Sac à Malice" : un thème unique, présent dans la course du lièvre, le combat de l'ours, l'envol du bâton. On peut imaginer une variation, mais aussi une prise plus staccato, une plus violente, pourquoi pas avoir de légères impros. Ou sur "Cosma Le Riche" quelque chose de désinvolte, de satisfait, sinon même d'amusé. Binaire, carré. Ou encore sur le "Déserteur et le Diable" , L'air du soldat : le violon devant, libre, légère envolée... utilisé plusieurs fois mais à chaque fois différemment, donc intégrer également changement de rythme. Ne pas oublier une prise ratée à imaginer : le diable qui n'arrive pas à jouer .
Vous avez déjà réalisé des musiques spécifiquement  destinées aux enfants, le fait que cela soit destiné à un jeune public a-t-il une quelconque incidence sur votre façon de composer ?
Ce n’est en effet pas la première que j’écris pour des projets destinés aux enfants ou tout public. Parmi les projets les plus significatifs dont j’ai composé la musique je peux citer :  CARAVANE GAZELLE , spectacle musical de Florence Prieur mis en scène par Illich L'Hénoret, interprété par Julie Martigny e- le Quintette à vent Arte Combo, et qui sera notamment interprété à la Philharmonie de Paris en 2016 .
Egalement ZEPHYR , conte créé au Théâtre du Châtelet par Manon Combes et le duo Links.
Le fait que ces contes s'adressent en priorité à un jeune public ne change pas ma façon d'aborder l'écriture musicale véritablement. C'est plutôt le format du conte qui, selon moi, impose une certaine structuration thématique, des durées, des développements particuliers. J'aime particulièrement l'idée du motif, si chère à nos maîtres ! L'idée que lorsqu'on retrouve un personnage, une situation, un paysage particulier soit modelé par le retour d'un motif, éventuellement exploité différemment, me semble élégant et pour tout dire très important !
Quels sont vos projets en cours ?
 Mes autres projets sont des travaux d'écriture pour des créations : une Cantate pour  chœur mixte, soliste et orchestre, commande du chœur d’Ile de France, un concerto pour saxhorn, la résidence avec le Paris Brass Band, une suite pour orchestre à corde pour les Archets de France, et d’autres projets de création dont je ne peux pas encore parler.
En tant que leader et pianiste je présente plusieurs projets, dont deux me tiennent particulièrement à cœur :
- DOUBLE CELLI, un magnifique projet de  jazz de chambre où chacun sait préserver sa voix tout en la mettant au service de l’ensemble, avec lequel plusieurs concerts sont prévus et qui enregistrera son premier disque dans quelques mois.
- CINEMATICS , un spectacle musical écrit sur une musique originale d' Olivier Calmel et de Tam de Villiers et interprété par Alex Fondja et les Cinematics« Sans qu'il comprenne pourquoi, un homme s'éveille blessé par le moindre bruit, le vacarme des voisins, l'agitation de ses collègues, même le pépiement de la douce Alice ... » Comment figurer les passions humaines, l'imaginaire, la violence, les beautés de la vie ?Le dialogue, la fusion entre voix et musique ouvre, par sa simplicité, sa densité, les portes de nos imaginaires.
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