Chopin Mazurkas Cédric Tiberghien

Chopin(1810-1849)
Mazurkas
Polonaise-Fantaisie opus 61
Scherzo opus 20
Nocturne opus 48 n°1
Cédric Tiberghien, piano

Le pianiste Cédric Tiberghien, qui a notamment déjà enregistré les quatre ballades de Chopin, a été nombreuses fois invité à jouer des oeuvres de ce compositeur en cette année 2010, année, faut-il le rappeler, du bicentenaire de sa naissance... ainsi peut-on voir Cédric Tiberghien dans le second concerto de Chopin lors du festival de Prague dans deux vidéos plus bas dans cette page.
Ces concerts, en l'occurrence plus particulièrement les récitals, ont été pour lui l'occasion de faire aboutir ce programme auquel il pensait depuis un certain temps, confie-t-il dans ces réponses à l'occasion de la sortie de ce disque. Il a ainsi choisi de relier trois pièces qu'il trouve particulièrement représentatives chacune d'une période de la vie de Chopin, par un "fil rouge" chronologique constitué d'une sélection de treize mazurkas qui elles ont été composées entre 1825 et 1849, soit depuis la jeunesse jusqu'à la mort du compositeur.

L'auteur du livret du disque de Cédric Tiberghien, Nicolas Dufetel, rapporte que, en 1866, on pouvait lire dans les colonnes du Contemporary review que "[Chopin]était grand dans les petites choses, mais petit dans les grandes. Ses deux concertos avec accompagnement d'orchestre sont plus ambitieux que réussis. Les autres instruments, tout comme le public traditionnel , semblent l'étouffer et l'embarrasser , et il vaut mieux l'avoir tout seul à son piano" ...une critique certes surprenante mais qui parait-il était commune à l'époque où l'on admirait le génie de Chopin dans les Préludes, Valses et Mazurkas...des "oeuvres finement ciselées où sa pensée est condensée dans un espace restreint". Si ces pièces sont effectivement d'une beauté remarquable les avis ont donc changé depuis pour ce qui concerne les plus grandes pièces qui le sont tant par la durée que ce qu'elles renferment... ainsi le démontre d'ailleurs Cédric Tiberghien qui a inséré dans son programme trois oeuvres de plus grande dimension, qui n'altèrent en rien la poésie des mazurkas, souvent mélancoliques, qu'il a choisis.
Ainsi le Scherzo opus 20, longue pièce, comparativement aux mazurkas, mais dont la durée ne se ressent nullement en raison du contraste de sa délicate partie centrale, basée sur un chant de noël, avec la violence des parties qui l'entourent.
De même Chopin fait preuve de génie dans la Polonaise-Fantaisie, encore plus longue, et exprimant tour à tour mélancolie, héroïsme et lyrisme.
Plus court que les pièces précédentes, le nocturne opus 48 n°1 est néanmoins un des plus longs nocturnes composés par Chopin et c'est aussi le plus dramatique et le plus émouvant... comme quoi le génie de Chopin ne semble vraiment en rien inversement proportionnel à la dimension de ses pièces.
Cédric Tiberghien quant à lui est assurément un grand pianiste certes par sa taille impressionnante sur scène mais avant tout par son immense talent à exprimer avec spontanéité et intelligibilité toutes les belles nuances de cette musique géniale si expressive !
Avant ce disque autour des mazurkas vous aviez enregistré en 2006 un disque avec des œuvres de Chopin : les ballades , œuvres plus grandes que les mazurkas aussi que pensez vous de la critique du Contempory news rapportée dans le livret de votre disque : « Chopin était grand dans les petites choses mais petit dans les grandes » ?
Je pense que cet avis est un peu hâtif... Chopin a certes écrit principalement des oeuvres de courte durée, et il est certain qu'il excelle dans l'art de raconter toute une histoire en quelques minutes. Mais on ne peut oublier sa façon unique d'explorer une forme aussi ouvert et libre que la Polonaise-Fantaisie dans laquelle il est tout sauf "petit" ! Chopin est un narrateur, quelle que soit son oeuvre. Je joue régulièrement ces oeuvres (ballades, préludes, scherzos, sonates et concertos), et j'ai sans cesse le sentiment de découvrir de nouvelles histoires à raconter.
Vous avez d’ailleurs inséré deux "grandes "pièces dans la durée : la polonaise-fantaisie et le scherzo, ne les trouvez-vous pas également plus grandes dans ce qu’elles peuvent transmettre ?
Le scherzo est d'une puissance titanesque, presque océanique ! L'auditeur est saisi dès le premier accord qui annonce que les prochaines 10 minutes seront violentes ! Il y a là une rage, un combat intérieur absolument terrifiant ! Il semble que Chopin jouait chacune des reprises du scherzo de plus en plus vite, répondant probablement à une urgence intime.
La Polonaise-Fantaisie pour moi est le chef-d'oeuvre absolu de Chopin. On y trouve tout. C'est une forme vivante, complexe, ouverte, un mélange d'improvisation et construction, de poésie et de force, d'intimité et d'offrande de lui-même. C'est un oeuvre fascinante, qui demande de nombreuses années de réflexion. Et quelles harmonies!!!!!
Par sa durée le nocturne que vous avez aussi choisi est à mi-chemin entre la grande et la petite pièce, pourquoi avez-vous choisi précisément ce nocturne parmi tous ceux composés par Chopin?
Simplement parce que c'est mon préféré ! Il est d'une beauté mystérieuse, d'un sens du dramatique hors du commun... Ce contraste entre la simplicité de la ligne de chant au début (qui nous rappelle combien Chopin était amoureux de la voix) et l'explosion qui en résulte est vraiment impressionnante...
Le programme des mazurkas que vous avez sélectionnées pour votre disque suit un ordre chronologique, trouvez-vous une évolution dans celles-ci au fil du temps et comment les avez-vous sélectionnées ?
La sélection des mazurkas a été la plus difficile à faire. Toutes sont merveilleuses... J'ai choisies celles qui me parlaient plus, et qui montraient certains aspects de cette danse à 3 temps, en particulier ce sentiment de confession intime. Chopin se livre sans fard, sans volonté de briller ou de se mettre en valeur. Il nous confie sa réflexion personnelle, qui peut aller de la joie simple d'une danse presque paysanne, à l'expression du plus profond désespoir (je pense à la toute dernière). L'idée était aussi de montrer qu'au fil de l'évolution du langage de Chopin, on retrouve toujours cette mélancolie, parfois sous-jacente, qui vient toujours colorer le discours. Peut-être invente-t-on cette mélancolie parfois, mais elle est une des caractéristiques, il me semble, des mazurkas...
A quoi avez-vous attaché le plus d’importance dans votre interprétation des mazurkas ? quelles difficultés particulières présentent –elles ?
J'ai essayé de retranscrire ce sentiment d'improvisation, de découverte au fur et à mesure de l'interprétation. Tâche peu aisée dans un studio d'enregistrement... Chercher à exprimer le sentiment qu'on explore sans avoir d'idée préconçue. Il faut essayer beaucoup de choses. Et avoir confiance quand on commence. Lors des récitals où je joue ces pièces, je suis parfois surpris moi-même des chemins empruntés !!!
L’année Chopin arrive à son terme, comment l’avez-vous vécu personnellement ? [ nota on peut voir plus bas deux vidéos de Cédric Tiberghien interprétant des extraits du second concerto de Chopin avec le Czech philharmonic sous la direction de Ludovic Morlot au festival Dvorak de Prague 2010]
J'ai joué beaucoup de Chopin, évidemment, et avec un vrai plaisir. Cette année a été l'occasion pour moi de faire aboutir ce programme de mazurkas qui est en gestation depuis plusieurs années. Et de constater, si besoin est, que le Monde est amoureux de Frédéric Chopin. Il y a peu de compositeurs rencontrant une telle unanimité, auprès de tous, tous âges confondus, tous milieux, toutes cultures... c'est assez fascinant!!
Quels sont vos prochains concerts , et autres projets ?
Je donne un récital au Théâtre des Champs-Elysées le 17 novembre 2010 , suivra un enregistrement en musique de chambre à Londres et un tournée au Japon.
Début 2011, il y aura un Clavier Bien Tempéré de Bach en Suisse, Des tournées avec l'Orchestre des Pays de Savoie (1er concerto de Beethoven) et l'Orchestre de Picardie (concerto en sol de Ravel) et en mars une importante série de concert aux Etats-Unis avec entre autres un passage à Carnegie Hall (Weill Recital Hall) et La Turangalila Symphonie de Messiaen avec Christoph Eschenbach à Washington !

Pour écouter
Frédéric Chopin
Extrait de la Mazurka opus 59 n°2
Cédric Tiberghien, piano
avec l'aimable autorisation
du label
Harmonia Mundi
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