Ballade N°1 en Sol Mineur, Opus 23
Ballade N°2 en Fa Majeur, Opus 38
Ballade N°3 en La Bémol Majeur, Opus 47
Ballade N°4 en Fa Mineur, Opus 52
Andante Spianato et Grande Polonaise En Mi Bémol Majeur,
Opus 22
Nocturne en Ut Mineur, Opus 48/1
Nocturne en Mi Bémol Majeur, Opus 9/2
Jean-Marc Luisada, piano
Le pianiste Jean-Marc Luisada
est très connu comme l'un des meilleurs interprètes
de Chopin de sa génération et, après un enregistrement
des mazurkas de ce compositeur parus l'année dernière,
il comble cette fois encore plus son public avec un disque regroupant
ce que l'on peut désigner sans doute comme les plus belles
oeuvres de Chopin : les Ballades, auxquelles il a ajouté
trois autres oeuvres également très appréciées
: deux célèbres nocturnes et l'andante spianato
et grande polonaise opus 22... Bref un très beau disque
à ne manquer sous aucun prétexte car Jean-Marc Luisada
offre ici des interprétations très mûries
qu'il a souhaité très naturelles et elles vont droit
au coeur !
Si l'on étiquette souvent Jean-Marc Luisada comme pianiste
qui aime Chopin, il est une autre "étiquette"
qu'on pourrait lui ajouter, outre celle d'interprète remarquable
de nombreux autres compositeurs, c'est celle de pianiste qui aime
le Japon... En effet ce disque, comme ses précédents
disques Chopin également parus chez Sony Music, a été
enregistré au Japon, après une tournée, car
c'est un pays où il joue régulièrement depuis
plus de 25 ans. Il considère même le Japon "comme
son deuxième pays", confie-t-il à l'occasion
d'un nouvel entretien à l'occasion de la sortie de ce disque
mais aussi d'une autre actualité : une série de
concerts qui lui tient énormément à coeur
et dont il est l'initiateur : "Tous en scène pour
le Japon" , une journée spéciale de cinq
concerts le 30 avril 2011, salle Gaveau à Paris qui réunira
cent artistes de grande notoriété.
L'auteur du livret, Guido Johannes Joerg, relate que les ballades,
oeuvres de vaste envergure , composées entre 1831 et 1842,
connurent un succès immédiat et se propagèrent
rapidement dans toute l'Europe. Elles font s'enchaîner brusquement
des atmosphères très variées, passant de
la mélancolie à l'extase enivrée, de la danse
rêveuse à la virtuosité extravertie. La ballade
n'existait pas dans la musique instrumentale avant Chopin. Les
ballades de Chopin sont inspirées d'une forme littéraire
de la fin du 18ème siècle et du lied qui en est
issu. Robert Schumann affirma que les Ballades de Chopin emprunteraient
leur titre au domaine de la poésie et seraient même
directement inspirées des "Ballades lituaniennes"
écrites par le poète polonais Adam Mickiewicz, cependant
cette affirmation est controversée, , explique-t-il encore.
Certes cette genèse sur ces uvres est intéressante
mais au delà des mots, la force évocatrice de cette
musique est ce qui prime de loin, celle-ci à la fois lyrique,
épique et dramatique trouble absolument l'auditeur, chacun
y met sans doute ses propres images, n'est-ce pas là d'ailleurs
la source de tout succès... toucher l'âme ? Sans
doute nos âmes sont-elles précisément sensibilisées
aussi par ce qui touche durement les Japonais actuellement, et
ces deux actualités de Jean-Marc Luisada, son disque et
son implication totale pour ces concerts exceptionnels, semblent
en fait indivisibles et il est tout à fait logique de l'interviewer
simultanément sur les deux sujets :
Vos trois derniers disques parus sont
consacrés à des uvres de votre compositeur
de prédilection, Chopin, et vous aviez dailleurs
déjà enregistré la ballade n°3, cette
fois-ci vous présentez une intégrale des ballades
de Chopin, et vous avez déjà enregistré lintégrale
des mazurkas, est-ce le signe que vous souhaitez enregistrer lintégrale
des uvres de Chopin dans les années à venir
?
Non pas du tout : je ne suis pas favorable aux intégrales,
il y des choses qui sont un peu moins bonnes. D'ailleurs nombreux
pianistes n'ont pas fait d'intégrale de Chopin : ni Horowitz,
ni Rubinstein, ni Michelangeli... Il faut offrir à notre
public des choses que l'on peut donner à cent pour cent.
Je ne suis pas favorable à un enregistrement systématique,
d'ailleurs je m'ennuie parfois en écoutant des intégrales,
surtout de compositeurs méconnus.
Je l'ai vécu normalement : j'ai continué de jouer
du Chopin comme toujours et repris du Schumann que je joue régulièrement
notamment les scènes d'enfants . Mais je pense en fait
que ces anniversaires ne nous concernent pas nous les artistes.
Cela nous concerne si l'on a envie de jouer du Brahms ou du Debussy
et que l'on nous dit "non il faut jouer Chopin, Schumann"
mais comme on en joue tout le temps on n'est pas concerné
en fait par des années comme cela. C'est pareil pour Liszt
cette année, je vais remettre au programme la sonate de
Liszt que j'adore et vais jouer le plus souvent possible. J'avais
programmé les sonates de Schubert que je joue depuis longtemps
mais il y a des personnes qui veulent que je joue du Liszt, de
même j'avais programmé le premier concerto de Brahms
mais on m'a dit de jouer le premier concerto de Liszt alors que
celui de Brahms est bien au-dessus. Je trouve dommage qu'on soit
étiqueté car pour moi Bach, Mozart, Chopin ,Schumann
, Liszt c'est mon pain quotidien. J'ai aussi beaucoup joué
Beethoven et Debussy l'année dernière. C'est vrai
que j'ai joué des récitals entiers de Chopin mais
je trouve cela très difficile finalement et le plus difficile
c'est de réaliser un concert Schumann, je l'avais fait
il y a quelques années mais je ne le referai jamais car
on a l'impression de devenir fou à la fin, il y a une telle
instabilité dans ses oeuvres, des moments d'humeur, c'est
épuisant, on a l'esprit fatigué et un peu le vertige
dans un récital comportant uniquement des oeuvres de Schumann.
Certaines personnes me l'ont demandé l'année dernière
mais je faisais alors un programme Chopin Schumann.
Justement au sujet de ces deux compositeurs
lauteur du livret de votre disque indique que laffirmation
de Robert Schumann, selon qui les Ballades de Chopin non seulement
emprunteraient leur titre au domaine de la poésie mais
seraient directement inspirées de modèles extra-musicaux
est controversée, pensez-vous effectivement que Schumann
sest mépris sur linspiration de Chopin, avez-vous
lu les poèmes mentionnés par Schumann et quen
pensez vous personnellement par rapport à linspiration
de Chopin ou non ?
La troisième ballade est sans doute la plus proche du
poème de Mikiewicz, la légende du chasseur et de
l'ondine et je me souviens que mon maître Marcel Champi
et également Perlemuter, quand j'avais travaillé
cette ballade parlaient de cette Ondine qui se changeait deux
trois fois puis qui étant jalouse décidait de noyer
le pauvre chasseur qui avait succombé aux charmes différents
de la même personne mais apparaissant sous une autre forme.
Cela nous aide mais ce n'est pas vraiment le plus important. Ce
que je pense c'est que Chopin parle à la première
personne dans ses ballades et se raconte lui-même. Par exemple
la deuxième ballade et la quatrième ballade sont
des oeuvres complètement tragiques. Dans la deuxième
ballade il nous fait entrer dans un monde pureté et d'innocence
puis il y a une sorte de traumatisme, que j'imagine comme un viol
en fait, une innocence brisée à jamais et la personne
pure essaie de s'en sortir mais ne s'en sortira jamais. La ballade
se termine en tonalité mineure sur une tonalité
de désespoir, d'impuissance. On dit souvent que ce sont
des petites fleurs qui sont menacées par l'orage mais cela
c'est ridicule !
Je ne pense pas que la seconde ballade soit autobiographique par
contre je pense que la quatrième ballade l'est parce que
le thème de l'ouverture est comme une apparition de rêve,
une beauté exceptionnelle inaccessible et soudain il y
a ce thème qui dérange de mélancolie et de
tristesse , ensuite il cherche cet idéal, enfin cette personne
sans la trouver, finalement il a trouvé quelque chose de
plus droit, c'est comme la vie de tout le monde si on tombe amoureux
d'une personne et finalement on va faire sa vie avec quelqu'un
d'autre, le deuxième thème de cette ballade qui
est très beau, très pur, très classique c'est
cela : cela va être sa vie et par moment il a des réminiscences
de cette apparition fugitive du début qui revient et à
un certain moment cette sensation est là et à ce
moment là tout le thème de l'errance revient avec
des variations d'un tel désespoir, il y a des doubles croches
à la main gauche qui font que le coeur bat, il y a un tumulte
de la passion et de la sensualité qui revient, mais il
sait qu'il a fait un choix dans la vie... Je pense que c'est assez
proche de Chopin. C'est le choix de tout le monde, c'est pour
cela que je pense que c'est une oeuvre universelle. il ne faut
pas voir du tout dans le descriptif mais vraiment dans le plus
profond de l'être humain.
Plus généralement que pensez-vous
des Ballades par rapport à lensemble de luvre
de Chopin ? Quaimez-vous particulièrement dans
ces uvres et quavez-vous particulièrement eu
à cur dans votre interprétation de celles-ci ?
Je considère les ballades comme un sommet de la musique
du 19ème siècle si on pense aux compositeurs tels
que Schubert, Schumann, Brahms.. et non seulement à la
musique de Chopin. Je me dis que si je ne fais plus de disque
parce que tout ne va pas très bien maintenant dans l'industrie
du disque , au moins j'aurai fait celui-là, j'en suis très
satisfait effectivement par le répertoire. Je pense que
mon interprétation est plus mûre, plus naturelle
.
Vous avez complété ce programme
de ballades avec landante spianato ( composé en 1834)
prémice à la grande polonaise(composé en
1830), landante spianato de cet opus 22 écrit donc
juste avant la première ballade partage le caractère
rhapsodique avec les ballades , celui-ci qui est donc le prémice
à la polonaise nest-il pas en fait plus un prémice
aux ballades que Chopin composa lannée suivante plus
quune cinquième ballade ainsi le suggère l'auteur
de votre livret ?
Je ne suis pas d'accord avec l'auteur de mon livret, pour moi
la cinquième ballade s'il y en avait une serait plutôt
la Barcarolle ou la Fantaisie en fa mineur . La polonaise est
une oeuvre sublime de beauté et chevaleresque que j'avais
envie d'entregistrer depuis longtemps mais elle n'a rien à
voir avec les ballades.
Offrez-vous souvent en bis les deux nocturnes
que vous avez choisi denregistrer pour clore le disque ?
J'ai conçu ce disque comme un récital et pour
moi le nocturne opus 48 n°1 est le chef d'oeuvre de tous les
nocturnes et du niveau des ballades, d'une beauté sulfureuse,
tragique, c'est certainement l'une des plus belles pièces
pour piano. Pour le bonheur des auditeurs j'ai voulu mettre le
deuxième nocturne de Chopin que j'avais déjà
enregistré auparavant, il devait figurer sur mon avant
dernier disque Chopin, mais je le trouvais fort mauvais et j'avais
donc interdit qu'on le publie car je trouvais qu'il y avait énormément
de rubatos et je l'ai ré-enregistré, cette fois
je suis content : il est limpide, plus simple et naturel.
Vous aviez aussi déjà enregistré
la troisième ballade, celle-ci est publiée dans
un de vos disques, est-ce la ballade que vous préférez
?
Non, je préfère la quatrième ballade. Effectivement
j'avais déjà enregistré la troisième
ballade mais là aussi je n'étais pas satisfait,
l'enregistrement avait été réalisé
dans de mauvaises conditions , sur un piano très mauvais
et l'on était obligé d'appeler le technicien toutes
les dix minutes, il y avait des accords qui n'arrivaient pas à
s'enfoncer sans que la pédale saute, c'était un
véritable cauchemar, malgré cela j'avais fait je
pense un beau disque mais par ces circonstances toutes ces oeuvres
ont été un petit peu jouées énervé
et l'interprétation était moins naturelle, là
elle a gagné en forme et il y a une projection sonore qui
me plaît.
Votre
disque a été réalisé au Japon, plus
précisément au Salamanca Hall de Gifu en juillet
2010 et vous êtes l'initiateur d'un important concert de
soutien au japonais victimes du Tsunami, vous jouez régulièrement
au Japon depuis nombreuses années et avez dailleurs
fait une autre tournée au Japon en décembre 2010
, avez-vous nombreux amis japonais qui ont été touchés
par le tsunami, et avez-vous pu avoir des nouvelles de tous ?
Effectivement j'ai préféré que mes derniers
disques soient réalisés là-bas, très
souvent à la fin d'une de mes tournées, ce qui était
le cas pour ce disque, Sony nous offre des salles fantastiques,
une équipe très compétente avec des pianos
merveilleux. Cette salle est à une heure et demi de Tokyo.
Je considère le Japon comme mon deuxième pays :
j'ai beaucoup d'amis là-bas, je m'y rends deux fois par
an, j'ai été absolument meurtri et triste par les
images tellement choquantes qu'on a pu voir depuis le 11 mars.
Mes étudiantes de l'école normale sont presque toutes
originaires de Sendaî, comme je donne les cours à
mon domicile, elles ont consulté internet depuis chez moi,
elles gardaient le calme alors que c'était bouleversant
, certaines ont perdu des amis, certaines ont leurs parents bloqués.
Je crois que maintenant cela s'est un peu arrangé mais
malheureusement à Tokyo cela ne s'est pas arrangé
du tout, mon ami Yuzuko Horigome m'a dit que lorsqu'on arrive
là-bas c'est comme en temps de guerre, des voitures annoncent
les coupures d'électricité, et toute le ville est
noire. Ils vivent dans l'angoisse. aussi j'ai décidé
du jour au lendemain de réunir tout mon carnet d'adresse
pour organiser ces concerts exceptionnels et grâce à
un ami on a pu avoir nombreuses personnes, une centaine qui ont
tous dit oui à part deux exceptions. Alain Duault a écrit
un très beau texte pour le programme
Que jouerez-vous le 30 avril 2011 ?
Je jouerai au concert de 11h, je suis très content de
jouer avec le violoniste Nicolas Dautricourt avec qui j'ai joué
récemment dans un joli festival à l'île de
Ré, avec un merveilleux violoncelliste que l'on ne connaît
pas assez Christophe Morin et Florent Brémond qui est un
altiste très réservé et qui joue mieux que
beaucoup d'autres altistes plus connus , nous jouerons le premier
mouvement du Quatuor avec piano op.25 . On a tous entre quatre
et six minutes . Le soir au concert de 21h je jouerai la Mazurka
op.17 n°4 de Chopin. Mais j'aimerais citer tous les grands
artistes qui viennent , c'est très éclectique, tout
le monde est à égalité ! [comme c'est impossible
voir le programme en
cliquant ici ou sur l'image plus haut (fichier pdf)]
Quels sont vos prochains concerts en France
après celui du 30 avril ?
Je vais jouer au mois de juin en Champagne, à Aix en
Provence en août, je fais l'inauguration d'un joli festival
à Calvi en Corse. Je suis dans une académie magnifique
en Italie à Calgiari.
Avez-vous des concerts de programmer au
Japon et sont-ils maintenus ?
En principe je retournerai au Japon en octobre, j'espère
que la situation sera calmée car les tremblements de terre
font peur, certes d'un autre côté les japonais ont
besoin de nous mais comme ils sont obligés de couper le
courant je ne sais pas non plus comment cela peut s'organiser...
J'admire les musiciens qui y vont actuellement, certains ont annulé
et je les comprends aussi, j'ai l'intention d'aller en octobre
mais je ne sais pas comment sera la situation.
Pour écouter
la quatrième ballade de Chopin
Jean-Marc Luisada, piano
cliquez sur le triangle du lecteur
ci-dessous
samedi 30 avril 2011 auront lieu cinq les concerts exceptionnels
évoqués dans cet article à 11h00
, 14h,
16h30,
18h30
et 21h
réunissant en tout 100 artistes les bénéfices
seront versés à la croix rouge Japonaisepour les victimes du tsunami Cliquez sur l'heure
des concerts pour découvrir le programme de chacun
d'eux et réserver votre place le tarif unique est
de 25 euros pour chaque concert, cependant il parait que
le site internet de la salle Gaveau ne fonctionne pas
toujours bien vous pouvez aussi téléphoner
au
01 49 53 05 07 ce vendredi 29 avril
de 10h à 18h
Pour visiter la page archive des
"Disques du moment"...cliquez
ici