BRUNO MANTOVANI
Claire Désert, piano
Trio Wanderer, trio avec piano
Huit moments musicaux pour violon, violoncelle et piano
Cinq pièces pour Paul Klee pour violoncelle et piano
Suonare pour piano
D'une seule voix pour violon et violoncelle
All' ungarese pour violon et piano
A découvrir : ce disque d'oeuvres de Bruno Mantovani, compositeur français né en 1974 et qui est depuis 2010 Directeur du Conservatoire National Supérieur de Musique et Danse de Paris. Il est aussi Chef d'orchestre et dirige régulièrement des ensembles de musique contemporaine ainsi que les orchestres de Lille, Lyon, Paris, et du Capitol de Toulouse auquel il est associé en tant que chef et compositeur ! Bref beaucoup d'activités ... Ces cinq oeuvres de commandes, dont quatre pour piano seul, duo avec piano et trio avec piano ont été écrites entre 2006 et 2009, donc avant sa prise de fonction de direction au CNSMDP.
Ce disque produit par le label Mirare ne comporte pas cette fois de DVD de présentation de ces oeuvres contemporaines par un ou plusieurs des interprètes ni le compositeur lui-même et l'on se contentera donc du livret rédigé par Bruno Mantovani lui-même qui explique brièvement mais clairement chacune de ses oeuvres.
Mieux vaut lire le livret avant de commencer à écouter car que l'on soit ou non multi-tâches la tension créée par "Huit moments musicaux" qui débute l'enregistrement ne permet absolument pas de se concentrer, non vraiment rien à voir avec la musique de Schubert et pourtant elle s'en inspire, musique souvent jouée par le Trio Wanderer qui joue cette oeuvre et tient son nom d'ailleurs de la musique de Schubert. Il est vrai que Bruno Mantovani précise que contrairement à une autre oeuvre qu'il a écrite : "Mit Ausdruch pour clarinette basse et orchestre "', qui s'inspirait d'un lieder de Schubert celle-ci est "plutôt une stylisation d'une certaine conduite du discours schubertien que j'ai essayée de créer ici. Les formes courtes juxtaposées évoquent les cycles pour piano ou pour voix. Par ailleurs, le sentiment d'attente dans certaines parties, reposant sur des bourdons aux cordes au caractère quasi-oriental, renvoie aussi à Schubert "... Huit moments très contrastés qui n'ont certes pas la fluidité lyrique d'un lied ou d'un trio de son "illustre collègue" et on ne pourra pas reprocher à Bruno Mantovani de le plagier, oui c'est bien une musique de notre temps avec ses tensions, sursauts sonores, rythmes discontinus ! Reflet de la vie actuelle aussi. Une musique que l'on pourrait qualifier de "Mantovanienne" car les autres oeuvres du disque ont souvent ces mêmes qualités.
Effectivement des caractéristiques que l'on retrouve d'ailleurs dans l'oeuvre qui suit "Cinq pièces pour Paul Klee" mais dont le violon est absent quoique cette fois comme l'explique Bruno Mantovani :"ces cinq moments enchaînés sont autant d'études sur la notion de ligne, particulièrement importante pour Klee" et à côté de ligne brisée ou discontinue , les lignes circulaires et sinoséidales sont aussi suggérées.
Quant à l'oeuvre pour piano seul c'est précisément à partir d'une réflexion autour du langage pour exprimer le fait de " jouer" que Bruno Mantovani l'a imaginée :"Le monde anglo-saxon, dont nous faisons partie dans ce cas précis, semble retenir l'aspect ludique, puisque par exemple, en France, en Allemagne, ou en Angleterre, on "joue" d'un instrument. L'espagnol, lui, appréhende plutôt le côté tactile de la chose, en "touchant" la flûte ou le violon. Quant à l'italien, il met l'accent sur le résultat obtenu : c'est ce qui "sonne" qui est important. Trois attitudes intellectuelles différentes, trois façons de considérer un même geste (mais est-ce vraiment le même ?). J'ai décidé, dans cette oeuvre pour piano, de me concentrer plutôt sur la dernière formulation, dans une "sonate" qui se cache derrière une exploration souvent contemplative du piano, et notamment de ses résonances". En l'occurrence c'est Claire Désert qui joue fort bien à faire sonner le piano par un toucher nuancé tout au long de cette oeuvre dont le compositeur dit également que "aussi virtuose soit-elle,[Elle] tend plutôt vers un sentiment de lenteur, au long de ses 17 minutes "...
Oui mais une lenteur efficace et probablement pas de tout repos pour la pianiste que l'on retrouve non pas dans la quatrième oeuvre qui elle,
comme son titre l'indique, ne fait sonner que la voix des cordes mais dans la dernière oeuvre "All' Ungarese" inspirée par la seconde sonate de Belà Bartok , on devine donc le sens du titre non traduit. Là encore, il n'est pas question de plagiat, d'ailleurs le simple fait de s'inspirer de la musique d'un compositeur ne justifierait nullement quelle en soit qualifiée si elle en diffère par des apports personnels...Et pour ce qui concerne cette oeuvre Bruno Mantovani explique que celle-ci est en fait axée sur plusieurs notions : "la rhapsodie (la structure de cette pièce est particulièrement libre et échappe à tout schéma "logique"), l'alternance entre lyrisme et rythmicité, et une forme de fusion timbrique des instruments. Des gestes verticaux, violents, viennent se heurter à des moments de raréfaction extrême, rendant le discours insaisissable. Partition la plus discontinue de mon catalogue" ... Une oeuvre qui met les nerfs à vif avec ces moments d'attente et de violences alternés provenant tant du piano, au langage tantôt doux tantôt râleur, que du violoncelle parfois lyrique parfois grinçant. Une partition discontinue certes mais une partition très expressive, discussion d'un quart d'heure sans véritable relâche entre les deux instruments et dont on se demande tout du long de celle-ci quand et comment elle terminera vraiment. Quoi qu'il en soit les deux musiciens : Jean Marc Philips-Varjabedian et Claire Désert partage ici avec complicité un jeu interactif passionnant à condition précisément de se laisser précisément prendre à ce jeu, ce qui certes n'est pas encore forcément spontané car pas dans nos habitudes mais il est à espérer qu'une plus large diffusion de telles musiques y contribuera peut-être ! ...
Bruno Mantovani
Parcours
Bruno Mantovani est né le 8 octobre 1974. Après avoir remporté cinq premiers prix au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris (analyse, esthétique, orchestration, composition, histoire de la musique) et participé au cursus d'informatique musicale de l'Ircam, il débute une carrière internationale, et ses oeuvres sont jouées au Concertgebouw d'Amsterdam, à la Philharmonie de Cologne, au KKL de Lucerne, à la Scala de Milan, au Carnegie Hall et au Lincoln Center à New York, à la Cité de la musique et à la salle Pleyel à Paris, au Musikverein de Vienne. Fidèle à ses interprètes de prédilection, il collabore avec de prestigieux solistes (Jean-Efflam Bavouzet, Alain Billard, Jean-Guihen Queyras, Antoine Tamestit, Tabea Zimmermann), chefs d'orchestres (Pierre Boulez, Riccardo Chailly, Sir Andrew Davis, Peter Eötvös, Laurence Equilbey, Gunter Herbig, Emmanuel Krivine, Susanna Mälkki, Jonathan Nott, Pascal Rophé François-Xavier Roth, Ilan Volkov), ensembles (Accentus, intercontemporain, TM+) et orchestres (Symphonique de Bamberg, BBC de Cardiff, Symphonique de Chicago, WDR de Cologne, La Chambre Philharmonique, Radio de Francfort, Gewandhaus de Leipzig, Philharmonique de Liège, BBC de Londres, Académie de Lucerne, Orchestre de Paris, Orchestre de l'Opéra de Paris, Philharmonique de Radio France, Radio de Sarrebruck, Philharmonie Tchèque, NHK de Tokyo, RAI de Turin, Sinfonia Varsovia, RSO de Vienne). Distinctions
Il reçoit plusieurs distinctions dans des concours internationaux (Stuttgart en 1999, Tribune des compositeurs de l'Unesco en 2001), les prix Hervé Dugardin, Georges Enesco et le Grand Prix de la Sacem en 2000, 2005 et 2009, le prix André Caplet de l'Institut en 2005, le prix du nouveau talent de la SACD en 2007, le prix Belmont de la fondation Forberg-Schneider la même année, la Victoire de la Musique du « compositeur de l'année » en 2009, le prix Claudio Abbado de la Philharmonie de Berlin et le prix de la presse musicale internationale en 2010, et de nombreuses récompenses pour ses enregistrements discographiques (dont plusieurs coups de coeur de l'académie Charles Cros, un « Choc de l'année » du Monde de la musique, et une sélection dans les dix meilleurs disques de l'année 2008 dans le New York Times). Il est fait Chevalier des Arts et Lettres en janvier 2010. Il est en résidence à la Herrenhaus d'Edenkoben en 1999, au festival Octobre en Normandie pour son édition 2001, à Bologne dans le cadre du programme « Villa Médicis hors les murs » de l'AFAA en 2002, à l'Académie de France à Rome (Villa Médicis) en 2004-2005, au festival de Besançon des éditions 2006 à 2008, auprès de l'Orchestre National de Lille de 2008 à 2011, puis de l'Orchestre National du Capitole de Toulouse à partir de 2010. Le festival Musica, dont il est un invité privilégié depuis 2001, lui a consacré un portrait en 2006. Collaborations
Il débute à partir de 2010 une collaboration régulière avec l'Opéra National de Paris (création du ballet Siddharta pour la première saison, d'un opéra sur la vie de la poétesse russe Anna Akhmatova en mars 2011, et d'un concerto pour violon à l'attention de Renaud Capuçon et Philippe Jordan en mars 2012). Passionné par les relations entre la musique et les autres formes d'expression artistique, il collabore avec les romanciers Hubert Nyssen et Eric Reinhardt, les librettistes Christophe Ghristi et François Regnault, les cuisiniers Ferran Adrià et Mathieu Pacaud, les chorégraphes Jean-Christophe Maillot et Angelin Preljocaj, le cinéaste Pierre Coulibeuf. Son travail questionne régulièrement lx histoire de la musique occidentale (Bach, Gesualdo, Rameau, Schubert, Schumann) ou les répertoires populaires (jazz, musiques orientales). Bruno Mantovani est aussi chef d'orchestre, et dirige régulièrement des ensembles de musique contemporaine (Accentus, Alternance, Intercontemporain, Sospeso, TM+) ainsi que les orchestres de Lille et du Capitole de Toulouse. Il va faire ses débuts avec l'Orchestre National de Lyon et l'Orchestre de Paris lors de la saison 2011-12. Projets
Parmi ses projets à venir, il y a un cycle de cantates pour l'Orchestre National de France et l'Orchestre de la SWR, un quintette à deux altos pour le quatuor Ebène et Antoine Tamestit, ainsi que plusieurs ouvrages orchestraux (notamment des concertos). Bruno Mantovani est directeur du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris depuis septembre 2010. Ses oeuvres sont éditées aux Editions Henry Lemoine
Pour écouter
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Bruno Mantovani
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