Tarentelle (Liszt)
Rhapsodie Espagnole (Liszt)
Nuages Gris (Liszt)
Tombeau de Nuages (Bonardi)
Sonnet 104 (Liszt)
Creusé vers l'étoile (Bonardi)
Vallée d'Obermann (Liszt)
Toute forme change (Bonardi)
Cinq Chants Populaires (Liszt)
Abschied (Liszt)
Der Wanderer (Schubert/Liszt)
Emmanuelle Swiercz, piano
Peut-être vous souvenez-vous du projet de la pianiste
Emmanuelle
Swiercz et du compositeur Alain Bonardi de réaliser
un disque en forme d'hommage à Liszt à l'occasion
du bicentenaire de ce compositeur. Au-delà de la commémoration,
leur volonté était de s'inspirer des pratiques
de réécriture de Liszt en extrapolant à partir
de certaines de ses oeuvres des prolongements électroniques
où s'entremêlent les sonorités originelles
et des variations contemporaines. Les internautes étaient
appelés à souscrire à ce projet par le site
kisskissbankbank. Plus d'une cinquantaine y a souscrit permettant
au projet de réussir et ce disque qui vient tout juste
de sortir chez le label Intrada après un enregistrement
réalisé à l'IRCAM en décembre 2010
est l'heureux aboutissement de ce projet qui a évolué
depuis son origine.
Aboutissement... Pas tout à fait car une suite est prévue
: le projet présenté sur kisskissbankbank , titré
"Liszt@bonardi.swiercz", comme vous pourrez le (re)voir
dans la vidéo ci-dessous annonce un volet de musique électronique,
le compositeur Alain Bonardi travaille en effet aussi bien sur
des formes musicales faisant appel aux nouvelles technologies
qu'à des oeuvres de musique de chambre. Leur collaboration
sur le CD portait sur 2 points : la composition de pièces
pour piano, et celle de pièces pour électronique
et piano ou électronique seule. Ce sont des raisons pratiques
qui les ont obligé à reporter le second volet. Le
disque avec seulement les pièces pour piano atteignait
déjà 78 minutes, le maximum étant 80 pour
ce support. Cela ne leur laissait pas vraiment le temps de développer
l'électronique. Ils travaillent maintenant au développement
de l'électronique avec le piano pour un futur programme
de concert intitulé "Electro-Liszt" : piano,
électronique temps réel et images projetées...
Patience donc mais ce disque est une étape importante de
ce projet !
Le nouveau titre "Liszt voyageur" correspond
donc mieux au programme de ce disque puisque Alain Bonardi explique
de plus dans le livret que l'ensemble des oeuvres de
Liszt et de ces pièces s'inscrit dans le thème
du voyage : voyage dans l'espace géographique à
travers toute l'Europe ; voyage dans le temps, des formes
anciennes réactualisées par Liszt aux inspirations
contemporaines suscitées par sa musique ; voyage dans l'acoustique
du piano et conception de la composition comme déplacement
dans l'espace du clavier. Dans l'interview du livret (reproduit
plus bas) Emmanuelle Swiercz explique quant à elle la sélection
des oeuvres de Liszt par leur inspiration folklorique, ainsi que
leur dépouillement envoûtant et leur atonalité
prophétique.
Les trois créations pour piano qu'Alain Bonardi a conçu
spécialement pour ce disque d'Emmanuelle Swiercz,
ont été réalisées, dans une perspective
de " lecture active" où ses trois pièces
s'inscrivent en "commentaire" d'oeuvres
de Liszt. Ces trois pièces ont été regroupées
par le compositeur dans un recueil baptisé "Après
une lecture de Liszt", paraphrasant le titre de la fameuse
pièce" Après une lecture du Dante"
indique Alain Bonardi dans une brève présentation
de chacune de ses créations, celle-ci est illustrée
d'extraits de ses partitions et de celles de Liszt.
Il en résulte un disque passionnant dont la sélection
comporte plusieurs pièces longues de référence
: " Tarentelle" qui appartient au recueil "
Venezia e Napoli " ( supplément aux "Années
de pèlerinage : Italie" ) allie virtuosité
et finesse, la "Rhapsodie espagnole", est un
impressionnant morceau où Liszt exploite toutes les sonorités
du piano, et la "Vallée d'Obermann" qui
appartient au premier recueil des Années de pèlerinage
: Suisse, dont elle est la pièce la plus longue mais aussi
la plus élaborée. Elle comporte déjà
des harmonies dissonantes comme plusieurs oeuvres de plus petite
envergure certes mais qui démontre combien Liszt fut un
précurseur ainsila célèbre pièce
"Nuages gris", et les moins connus "Cinq
chants populaires" dont le dépouillement contraste
avec les premières oeuvres virtuoses de Liszt .
Un programme Lisztien fort bien conçu aussi dans sa trame
dramatique très prenante, l'ordre des oeuvres n'est pas
anodin , et auquel les trois compositions d'Alain Bonardi par
son "commentaire", offrent un "mouvement
d'aller-retour entre Liszt et l'époque contemporaine
qui n'appréhende pas le présent comme simple
conséquence du passé mais explore des ramifications,
tend des miroirs, éclaire les oeuvres les unes à
la lumière des autres. "... Un "commentaire"
qui dans l'esprit d'une citation d'un autre compositeur, Luciano
Berio, écrit une autre oeuvre à partir des autres,
unies logiquement par un pont virtuel et naturel à la fois
qui tient de l'arc en ciel et rend visible dans notre monde actuel
le spectre continu de la musique du compositeur disparu mais dont
le fantôme semble roder dans une musique libérée
de la pesanteur et à la résonance infinie. Il sera
aussi passionnant de découvrir les créations électromagnétiques
!
Les deux extraits que vous pourrez écouter plus bas "Nuages
gris" suivi du début de "Tombeau de Nuages"vous
permettront d'apprécier partiellement une partie de la
logique de ce projet et la qualité de l'interprétation
de Emmanuelle Swiercz à qui Alain Bonardi a dédié
bien sûr ces pièces , pianiste dont les "interprétations
lisztiennes refusent tout effet tapageur et sont de magnifiques
équilibres entre intériorité et extériorité".
Une pianiste dont la sensibilité est effectivement en parfaite
adéquation avec ce programme. Celle-ci confie dans une
question complémentaire à l'entretien du livret
que la présence continue tout au long de l'enregistrement
d'Alain Bonardi lui a apporté un grand soutien moral et
professionnel, la réciproque est certainement vraie aussi
car Emmanuelle Swiercz mène ce programme dans une tension
qui ne retombe jamais, offrant non pas une série de pièces
mais bien une oeuvre unique vivante et actuelle ayant pour centre
de gravité la composition "Creusé vers l'étoile"
dans une trajectoire qui transporte l'auditeur vers un univers
inconnu sans perdre de vu le monde connu.
Entretien publié avec l'aimable autorisation du label
Intrada :
Que
représente Liszt pour vous ?
A mon sens, Liszt est avant tout un pionnier. Le nombre de portes
qu'il a ouvertes est incalculable. Je croyais le connaître,
et c'est à l'occasion du Bicentenaire de sa naissance que
je me suis replongée dans sa biographie
découvrant à quel point il a incarné la mobilité
à tous égards.
Mobilité des doigts, bien sûr !
Mobilité intellectuelle et artistique Mobilité affective
Mobilité dans son écriture : créativité
et style. Et enfin Mobilité du voyageur !
Comment a germé l'idée de
votre projet « Liszt voyageur » ?
Ce CD est placé sous le signe du voyage, de l'errance,
du romantisme, du couple musique et littérature. Ce thème
est particulièrement bien illustré par Der Wanderer,
un des nombreux lieder de Schubert que Liszt a transcrits ; Schubert,
que Liszt considère comme le plus poète de tous
les
compositeurs. Nous souhaitions avec Alain lui rendre hommage en
essayant de sortir des stéréotypes du phénomène
scénique ou du séducteur méphistophélique.
Rarement artiste aura autant sillonné les routes européennes
du XIXe siècle ; il préfigure par sa popularité
cosmopolite
le citoyen d'Europe. Il s'est attaché à en découvrir
toutes les cultures en allant de St-Pétersbourg à
Lisbonne, de Londres et Dublin à Rome et Istanbul : toutes
les capitales européennes y sont passées, et bien
d'autres métropoles. Européen avant l'heure, il
est « artiste transnational ».
Pourquoi cette association singulière
entre Liszt et la musique contemporaine ?
Liszt est aussi un grand voyageur vers le futur. Non seulement,
il inspirera Debussy, Rachmaninov, Ligeti au XXème siècle
mais ses incursions dans la musique atonale font de lui un vrai
précurseur de la deuxième école viennoise
incarnée par Berg, Schoenberg et Webern. Notre disque vise
à jeter un pont entre l'audace de ses oeuvres et la musique
d'aujourd'hui, une passerelle entre le XIXe et le XXIe siècles.
Pour construire cette trajectoire musicale, Alain Bonardi a choisi
quelques pièces de Liszt qu'il a extrapolées en
composant ce qu'il appelle des «commentaires ».
Comment
est construit votre disque ?
Nous avons réuni des pièces d'inspiration folklorique,
comme la Rhapsodie Espagnole, la Tarentelle (canzonetta napolitaine),
et les Cinq chants populaires hongrois ; la Vallée d'Obermann
nous rappelle la Suisse, et les Nuages gris nous emmènent
jusqu'en Russie, thème d'Abschied ! Cette géographie
se conjugue avec l'espace-temps musical : les Cinq chants populaires
(composés en 1873) annoncent Bartok, les Nuages gris et
Abschied (écrits respectivement en 1881 et 1885) sont quasi-
testamentaires dans leur dépouillement envoûtant
et leur atonalité prophétique.
En quoi la musique de Liszt a-t-elle été
influencée par ses nombreux voyages ?
Bien qu'il ait connu plus de villes européennes que la
majorité d'entre nous aujourd'hui, il ne se déplaçait
pas en avion supersonique mais dans une diligence aménagée
! Cela lui permettait de voir comme nul autre des paysages, des
cités, des chemins, et d'avoir certainement beaucoup de
temps pour la méditation et l'inspiration.
J'aime bien ce qu'il a écrit à ce sujet : "Ayant
parcouru ces derniers temps bien des pays nouveaux, bien des sites
divers, bien des lieux consacrés par l'histoire et la poésie
; ayant senti que les aspects variés de la nature et les
scènes qui s'y rattachent ne paraissent pas devant mes
yeux comme de vaines images, mais qu'elles remuaient entre elles
et moi une relation vague mais immédiate, un rapport indéfini
mais réel, une communication inexplicable mais certaine,
j'ai essayé de rendre en musique quelques-unes de mes sensations
les plus fortes, de mes plus vives perceptions..."
Phrase typiquement romantique : la vision du monde passe par un
prisme très personnel, affiché sans complexe. Comme
d'autres rédigeraient leur journal, Liszt véhicule
via sa musique le compte rendu de ses périples visuels
et sensoriels.
Comment avez-vous vécu cet enregistrement
et sa préparation ?
Même si le menu est gastronomique, aller au restaurant
avec un ami, c'est bien autre chose que d'y aller seul ! Surtout
lorsque le dialogue est enrichissant !
Sur le plan humain, Alain est une personnalité très
attachante, toujours à l'écoute, constructif, valorisant.
Sur le plan intellectuel, il a ce talent rare d'allier une grande
sensibilité artistique, une belle créativité
musicale et un fond de rigueur rappelant ses bases scientifiques.
De surcroît, Alain est très généreux
et disponible. Sa présence continue tout au long de l'enregistrement
à apporter un grand soutien moral et professionnel. "
Alain
Bonardi, compositeur
Compositeur et chercheur, Alain Bonardi travaille aussi bien sur
des formes musicales faisant appel aux nouvelles technologies
qu'à des oeuvres de musique de chambre. Il a étudié
la composition musicale avec Michel Philippot, Emmanuel Nunes
et Hacène Larbi et est lauréat du Concours d'Oslo
1996.
Particulièrement attiré par la voix et son potentiel
(au sens de la puissance et de la plasticité) dramaturgique,
il écrit un opéra en forme ouverte assistée
par ordinateur (Alma Sola) dont le Faust, féminin, veut
épuiser l'expérience humaine en se projetant dans
des univers virtuels correspondant aux thématiques du personnage
: amour, pouvoir, plaisir, etc. Une partie de sa production est
consacrée à la musique de chambre avec des pièces
pour flûte, ensemble de clarinettes, duo de violons, quatuor
de violoncelles, trio pour hautbois, violoncelle et piano...
Depuis 2009, il collabore avec les concerts Cantabile, en proposant
des compositions sous la forme de commentaires d'oeuvres du répertoire.
Dans cette perspective, il prépare avec la pianiste Emmanuelle
Swiercz des compositions en commentaire d'oeuvres de Liszt, l'ensemble
donnant lieu au présent CD.
Alain Bonardi est Maître de Conférences à
l'Université Paris 8, en délégation à
l'IRCAM. Il développe une intense activité pédagogique
sous la forme de résidences de compositeur : Stage Musical
d'Eté de Saint-Jean de Luz en 2007 et 2008, Master class
à Vilnius en 2008, et résidence au Conservatoire
de Bayonne en juin 2009. Ses oeuvres sont éditées
aux Editions Armiane.ssss
Pour écouter
Nuages gris (Franz Liszt)
extrait de "Liszt voyageur"
Emmanuelle Swiercz, piano
avec l'aimable autorisation
du label Intrada
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Pour écouter
le début de
Tombeau de nuages (Alain Bonardi)
Emmanuelle Swiercz , piano
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