Shani Diluka, piano
Orchestra National Bordeaux Aquitaine
Kwamé Ryan, direction
Voici près de deux ans que Shani
Diluka, qui a déjà eu l'occasion d'enregistrer
en 2006 le concerto de Grieg avec l'Orchestre National de Bordeaux
dirigé par le chef d'Orchestre Norvégien Eivind
Gullberg Jensen, a commencé une nouvelle collaboration
avec cet orchestre, désormais sous la direction de Kwamé
Ryan, afin de réaliser l'enregistrement de l'intégrale
des concertos de Beethoven, ce premier disque qui regroupe les
concertos n°1 et 2 inaugure donc cette intégrale.
Deux ans cela peut sembler long mais l'on a déjà
pu mesurer par ses précédents disques combien la
pianiste est passionnée dans tout ce qu'elle réalise
allant toujours au delà du simple engagement musical et
c'est pour elle cette fois-ci une "quête personnelle"
confie-t-elle dans l'introduction du disque qu'elle a rédigée.
Deux ans cela peut aussi sembler court pour des oeuvres aussi
riches, ainsi après la publication de ses deux concertos
Beethoven écrivit au sujet de ceux-ci «"Je
veux mettre dans lembarras tous les pianistes",
indique Jorge Chaminé qui a également écrit
une partie du livret... Bien sûr Shani Diluka joue ces concertos
depuis bien plus nombreuses années et c'est donc ici aussi
pour la pianiste l'occasion de revenir sur son parcours avec de
grands maîtres du piano ainsi confie-t-elle également
"Beethoven appartient à lIntemporel et à
lUniversel. Il parvient à tisser en sa musique le
nud de lexistence de chacun... Le mien, part des maîtres
« allemands » que jai pu connaître depuis
de nombreuses années au long de mon chemin : Leon Fleisher
élève de Schnabel, Marie Françoise Bucquet
élève de Kempff, Murray Perahia et Schencker, Valentin
Erben du quatuor Berg.. tous encrés dans la grande tradition
et le respect de cette noble culture « Goethienne ».
Jusquà mon choix du piano : Bechstein, hommage au
son profond et lumineux des enregistrements mythiques de Fischer,
ou Kempff dont je joue les cadences si peu entendues ; le tout,
révélant ainsi létau des tonalités
animé par le feu de Prométhée, des cieux
étoilés et de cette vision de lHomme fragile
et optimiste, tout particulièrement dans ces deux premiers
concertos (que nous avons choisi de mettre ici dans lordre
chronologique de composition. il y règne un souflle d'espoir,
d'idéal encore tangible)."
Ecouter bien l'extrait plus bas dans cette page, un mouvement
plein d'entrain et de vie, très moderne en fait et pourtant
ces oeuvres ont été composées à la
fin du 18ème siècle. Vous entendrez ce splendide
son du piano si lumineux qui a tout pour émerveiller par
la beauté des notes qui en jaillissent. Nul doute que Shani
Diluka, admirable "passeuse de lumière, qui a choisi
de participer ces jours-ci à la folle journée de
Tokyo contribuera par cette courageuse présence à
y apporter de l'espoir. Shani Diluka a bien voulu répondre
à quelques questions sur ce disque et son actualité
:
Que représente Beethoven
dans votre répertoire et plus particulièrement ses
concertos ?
Les concertos de Beethoven représentent pour tout pianiste
un des piliers de notre répertoire tout comme les préludes
et fugues de Bach ou les sonates de Beethoven. Jai joué
les concertos de Beethoven dès lâge de 16 ans,
dabord les 3e et 4e concertos et ensuite les autres. Je
les ai évidemment tous joués en concerts plusieurs
fois. Ils ont donc fait parti de ma construction musicale, philosophique
et pianistique. De plus, mon premier contact avec Leon Fleisher
fut le 4e concerto de Beethoven.
Quelles sont parmi ses autres uvres
celle que vous aimez particulièrement ?
Il est difficile de choisir mais celles qui me marquent particulièrement
sont le quintette à vent et piano op.16, ou encore la 6e
et la 7e Symphonie, et les derniers quatuors à cordes qui
nous élèvent infiniment
Vous dites dans votre livret avoir engagé
lenregistrement des concertos de Beethoven comme une quête
personnelle et vous avez des mots très forts sur ce compositeur
: « Beethoven appartient à lIntemporel et
luniversel. Il parvient à tisser en sa musique le
nud de lexistence de chacun »et « Ouvert
à la beauté, au rythme du monde, au langage de lêtre
, réconciliant ainsi lHomme et la nature dans cette
dimension indipensable et philosophique, indispensable pour réveiller
le désir dexister, lapollinien Beethoven est
lHomme bon, Lhomme vivant par excellence »
pourquoi était-ce important pour vous de réaliser
cette quête et quelle importance accordez-vous personnellement
à la philosophie de Beethoven ?
Beethoven au delà de son personnage et de sa modernité,
approche des valeurs cruciales de lhumanité. Elles
sont écrites dans chaque note, mais aussi dans ses écrits
où il défend entre autres la vérité
et la liberté : « Les mots sont enchaînés
; mais les sons par bonheur sont encore libres ». Cette
quête est essentielle pour chaque homme, et si lon
peut faire cela à travers la musique, cest un présent
suprême. De plus ses liens avec la Nature, la littérature,
la quête duniversalité en font un être
humain profond et complexe... Très humblement, ce cheminement
fait parti depuis toujours de mes questionnements, par la musique,
la diversité de mes origines, mon parcours.
Vous avez choisi denregistrer les
concertos dans leur ordre de création et non de leur numéro,
pourquoi avez-vous fait ce choix ?
Cest un choix que jai proposé à Kwame
Ryan et décidé ensemble par lévolution
de lécriture Beethovénienne. En effet, Beethoven
a écrit le concerto n°2 avant le n°1, mais pour
des raisons de corrections et dédition il fut nommé
n°2 op.19. A son écoute, on entend très nettement
linfluence Mozartienne même si le grand Beethoven
est déjà là.. On se rend compte alors de
lévolution dune structure plus élaborée
à lécoute du concerto n°1.
Cet ordre apporte donc une écoute différente, plus
évolutive et correcte musicologiquement et chronologiquement.
Après la publication de ses deux
concertos Beethoven écrivit au sujet de ceux-ci "Je
veux mettre dans lembarras tous les pianistes" que
pensez-vous du fait quil ait eu cet curieuse envie et vous-même
avez vous parfois ressenti de lembarras en préparant
ces concertos ?
Beethoven était un grand pianiste et connaissait les
difficultés quils proposaient. Cependant, je pense
que cette citation représente sa détermination à
remettre tout en cause, le style et lécriture mais
aussi lapproche pianistique de ses uvres. Il ny
a à mon avis aucun mépris dans cela. Le mot embarras
nest pas le mot qui qualifierait un sentiment que jai
pu avoir, par contre le mot « doute » me semble plus
approprié. Mais le doute est nécessaire, enrichissant
et me fait avancer tous les jours. Dans la musique de Beethoven
, le doute fait parti à mon humble avis, du cheminement
Beethovenien.
Pourquoi avez vous choisi les cadences
de Kempf ?
Comme je le disais plus haut, jai eu la chance de rencontrer
de grands maîtres venant principalement de la lignée
Allemande : Fleisher étant lélève de
Schnabel, est le légataire d'une lignée de musiciens
exceptionnels : Leschetizky, Czerny et Beethoven. Perahia avec
Schenker, ou Valentin Erben violoncelliste du quatuor Berg qui
sont étroitement liés avec luvre de
Beethoven. De même Marie Françoise Bucquet d fut
pendant longtemps élève de Kempff.
Dans les versions des concertos que jadule, il y a celle
de Kempff avec le Philharmonique de Berlin et Van Kempen en 1953.
Ce pianiste fut un merveilleux improvisateur et ses cadences ont
toujours une magie et une fantaisie particulière. Cest
pourquoi jai voulu lui rendre hommage et pour que la jeune
génération ne loublie pas et se précipite
pour écouter ses versions.
Lorsque vous aviez enregistré le
concerto de Grieg, également avec lorchestre de Bordeaux
vous aviez choisi un piano Steinway, cette fois-ci vous avez choisi
denregistrer sur un piano Bechstein à limage
de grands pianistes allemands,et le chef dorchestre a également
changé depuis, quest-ce qui vous a demandé
le plus dadaptation : le changement de piano ou celui de
chef dorchestre ?
Le choix du chef était une évidence, et ce projet
est né sur notre décision commune de faire ce disque.
Kwame Ryan a reçu cette éducation et exigeance allemande
tout en ayant un parcours atypique comme le mien. Cest aussi
le chef attitré de lONBA. Mon travail avec Eivind
Gullberg- Jensen était aussi passionnant dans un tout autre
style, lui aussi très germanique mais avec la qualité
dêtre le chef Norvégien déjà
internationalement reconnu, et qui fut un plus indégnable
pour enregistrer Grieg bien sur !
Pour le choix du piano Bechstein, ce fut une de mes demandes car
ces pianos ont une qualité extraordinaire : le son est
profond et riche, tout en ayant un jeu perlé et lumineux.
Idéal donc pour Beethoven et retrouvant ainsi la qualité
des enregistrements des années 50/60 où tous les
Beethoveniens comme Kempff ou Fischer jouaient sur des pianos
Bechstein.
Vous avez choisi de participer à
la Folle Journée de Tokyo malgré les récents
terribles événements, et les risques encourus pourquoi
avez-vous fait ce choix ?
Depuis le début des évènements tragiques
au Japon, ma première pensée a été
de les aider du mieux que je le pouvais. Nous avons dailleurs
fait une concert le 11 avril dernier à Nantes pour les
soutenir. Je vais au Japon depuis presque 7 ans, et mes amis les
plus chers sont aussi là bas. Cest un peuple qui
apprécie particulièrement la musique classque et
qui mon toujours ouvert leurs bras. Le courage, la dignité
et la force des japonais ont incité Kajimoto et René
Martin à maintenir la Folle Journée et je voulais
humblement leur donner un peu de soutien car je suis convaincue
que la musique peut reconstruire la désolation et le vide.
Comment avez-vous vécu cet enregistrement
?
Cet enregistrement est peut être un des moments les plus
forts de ma carrière, car il y a eu une communion entre
tous les musiciens de lOrchestre, le chef et moi même.
De plus, Nous lavons débuté juste après
léruption du volcan islandais et avions déjà
eu un jour en moins que prévu. Cependant, tout fut fluide
et intense, et la musique de Beethoven apporte des moments de
grâce indescriptibles avec lOrchestre. Cela reste
donc un souvenir précieux, dailleurs le retour fut
empli de nostalgie.
Quels sont vos prochains concerts qui
vous tiennent le plus à cur ?
Chaque concert est important pour moi, mais je dirai que ceux
du Japon seront particulièrement forts. Jy jouerai
dailleurs le premier concerto de Beethoven.
Il y a lintégrale à la Grange de Meslay le
19 Juin prochain aux cotés des illustres pianistes Ciccolini,
El Bacha et Angelich avec le Royal Swedish Orchestra et Andrew
Menze. ou encore mon festival « les musicales du Trophée
» au dessus de Monaco , où le partage et la musique
de chambre sont mes maitres mots, aux cotés de mes amis
et merveilleux musiciens : Quatuor Ebene, Frank Braley, Sayaka
Shoji
Pour écouter
Beethoven
Rondo(moto allegro)
Concerto n°2 Shani Diluka, piano
Orchestra National Bordeaux Aquitaine
Kwamé Ryan, direction avec l'aimable autorisation du
label Mirare
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