Beethoven Concertos 1 et 2 Shani Diluka Piano

Ludwig van Beethoven (1770-1827)

Concertos pour piano n°1 et 2

Shani Diluka, piano
Orchestra National Bordeaux Aquitaine
Kwamé Ryan, direction

Voici près de deux ans que Shani Diluka, qui a déjà eu l'occasion d'enregistrer en 2006 le concerto de Grieg avec l'Orchestre National de Bordeaux dirigé par le chef d'Orchestre Norvégien Eivind Gullberg Jensen, a commencé une nouvelle collaboration avec cet orchestre, désormais sous la direction de Kwamé Ryan, afin de réaliser l'enregistrement de l'intégrale des concertos de Beethoven, ce premier disque qui regroupe les concertos n°1 et 2 inaugure donc cette intégrale.

Deux ans cela peut sembler long mais l'on a déjà pu mesurer par ses précédents disques combien la pianiste est passionnée dans tout ce qu'elle réalise allant toujours au delà du simple engagement musical et c'est pour elle cette fois-ci une "quête personnelle" confie-t-elle dans l'introduction du disque qu'elle a rédigée.

Deux ans cela peut aussi sembler court pour des oeuvres aussi riches, ainsi après la publication de ses deux concertos Beethoven écrivit au sujet de ceux-ci «"Je veux mettre dans l’embarras tous les pianistes", indique Jorge Chaminé qui a également écrit une partie du livret... Bien sûr Shani Diluka joue ces concertos depuis bien plus nombreuses années et c'est donc ici aussi pour la pianiste l'occasion de revenir sur son parcours avec de grands maîtres du piano ainsi confie-t-elle également "Beethoven appartient à l’Intemporel et à l’Universel. Il parvient à tisser en sa musique le nœud de l’existence de chacun... Le mien, part des maîtres « allemands » que j’ai pu connaître depuis de nombreuses années au long de mon chemin : Leon Fleisher élève de Schnabel, Marie Françoise Bucquet élève de Kempff, Murray Perahia et Schencker, Valentin Erben du quatuor Berg.. tous encrés dans la grande tradition et le respect de cette noble culture « Goethienne ». Jusqu’à mon choix du piano : Bechstein, hommage au son profond et lumineux des enregistrements mythiques de Fischer, ou Kempff dont je joue les cadences si peu entendues ; le tout, révélant ainsi l’étau des tonalités animé par le feu de Prométhée, des cieux étoilés et de cette vision de l’Homme fragile et optimiste, tout particulièrement dans ces deux premiers concertos (que nous avons choisi de mettre ici dans l’ordre chronologique de composition. il y règne un souflle d'espoir, d'idéal encore tangible)."
Ecouter bien l'extrait plus bas dans cette page, un mouvement plein d'entrain et de vie, très moderne en fait et pourtant ces oeuvres ont été composées à la fin du 18ème siècle. Vous entendrez ce splendide son du piano si lumineux qui a tout pour émerveiller par la beauté des notes qui en jaillissent. Nul doute que Shani Diluka, admirable "passeuse de lumière, qui a choisi de participer ces jours-ci à la folle journée de Tokyo contribuera par cette courageuse présence à y apporter de l'espoir. Shani Diluka a bien voulu répondre à quelques questions sur ce disque et son actualité :

Que représente Beethoven dans votre répertoire et plus particulièrement ses concertos ?

Les concertos de Beethoven représentent pour tout pianiste un des piliers de notre répertoire tout comme les préludes et fugues de Bach ou les sonates de Beethoven. J’ai joué les concertos de Beethoven dès l’âge de 16 ans, d’abord les 3e et 4e concertos et ensuite les autres. Je les ai évidemment tous joués en concerts plusieurs fois. Ils ont donc fait parti de ma construction musicale, philosophique et pianistique. De plus, mon premier contact avec Leon Fleisher fut le 4e concerto de Beethoven.
Quelles sont parmi ses autres œuvres celle que vous aimez particulièrement ?
Il est difficile de choisir mais celles qui me marquent particulièrement sont le quintette à vent et piano op.16, ou encore la 6e et la 7e Symphonie, et les derniers quatuors à cordes qui nous élèvent infiniment…
Vous dites dans votre livret avoir engagé l’enregistrement des concertos de Beethoven comme une quête personnelle et vous avez des mots très forts sur ce compositeur : « Beethoven appartient à l’Intemporel et l’universel. Il parvient à tisser en sa musique le nœud de l’existence de chacun »et « Ouvert à la beauté, au rythme du monde, au langage de l’être , réconciliant ainsi l’Homme et la nature dans cette dimension indipensable et philosophique, indispensable pour réveiller le désir d’exister, l’apollinien Beethoven est l’Homme bon, L’homme vivant par excellence » pourquoi était-ce important pour vous de réaliser cette quête et quelle importance accordez-vous personnellement à la philosophie de Beethoven ?
Beethoven au delà de son personnage et de sa modernité, approche des valeurs cruciales de l’humanité. Elles sont écrites dans chaque note, mais aussi dans ses écrits où il défend entre autres la vérité et la liberté : « Les mots sont enchaînés ; mais les sons par bonheur sont encore libres ». Cette quête est essentielle pour chaque homme, et si l’on peut faire cela à travers la musique, c’est un présent suprême. De plus ses liens avec la Nature, la littérature, la quête d’universalité en font un être humain profond et complexe... Très humblement, ce cheminement fait parti depuis toujours de mes questionnements, par la musique, la diversité de mes origines, mon parcours.

Vous avez choisi d’enregistrer les concertos dans leur ordre de création et non de leur numéro, pourquoi avez-vous fait ce choix ?

C’est un choix que j’ai proposé à Kwame Ryan et décidé ensemble par l’évolution de l’écriture Beethovénienne. En effet, Beethoven a écrit le concerto n°2 avant le n°1, mais pour des raisons de corrections et d’édition il fut nommé n°2 op.19. A son écoute, on entend très nettement l’influence Mozartienne même si le grand Beethoven est déjà là.. On se rend compte alors de l’évolution d’une structure plus élaborée à l’écoute du concerto n°1.
Cet ordre apporte donc une écoute différente, plus évolutive et correcte musicologiquement et chronologiquement.
Après la publication de ses deux concertos Beethoven écrivit au sujet de ceux-ci "Je veux mettre dans l’embarras tous les pianistes"…que pensez-vous du fait qu’il ait eu cet curieuse envie et vous-même avez vous parfois ressenti de l’embarras en préparant ces concertos ?
Beethoven était un grand pianiste et connaissait les difficultés qu’ils proposaient. Cependant, je pense que cette citation représente sa détermination à remettre tout en cause, le style et l’écriture mais aussi l’approche pianistique de ses œuvres. Il n’y a à mon avis aucun mépris dans cela. Le mot embarras n’est pas le mot qui qualifierait un sentiment que j’ai pu avoir, par contre le mot « doute » me semble plus approprié. Mais le doute est nécessaire, enrichissant et me fait avancer tous les jours. Dans la musique de Beethoven , le doute fait parti à mon humble avis, du cheminement Beethovenien.

Pourquoi avez vous choisi les cadences de Kempf ?

Comme je le disais plus haut, j’ai eu la chance de rencontrer de grands maîtres venant principalement de la lignée Allemande : Fleisher étant l’élève de Schnabel, est le légataire d'une lignée de musiciens exceptionnels : Leschetizky, Czerny et Beethoven. Perahia avec Schenker, ou Valentin Erben violoncelliste du quatuor Berg qui sont étroitement liés avec l’œuvre de Beethoven. De même Marie Françoise Bucquet d fut pendant longtemps élève de Kempff.
Dans les versions des concertos que j’adule, il y a celle de Kempff avec le Philharmonique de Berlin et Van Kempen en 1953. Ce pianiste fut un merveilleux improvisateur et ses cadences ont toujours une magie et une fantaisie particulière. C’est pourquoi j’ai voulu lui rendre hommage et pour que la jeune génération ne l’oublie pas et se précipite pour écouter ses versions.

Lorsque vous aviez enregistré le concerto de Grieg, également avec l’orchestre de Bordeaux vous aviez choisi un piano Steinway, cette fois-ci vous avez choisi d’enregistrer sur un piano Bechstein à l’image de grands pianistes allemands,et le chef d’orchestre a également changé depuis, qu’est-ce qui vous a demandé le plus d’adaptation : le changement de piano ou celui de chef d’orchestre ?

Le choix du chef était une évidence, et ce projet est né sur notre décision commune de faire ce disque. Kwame Ryan a reçu cette éducation et exigeance allemande tout en ayant un parcours atypique comme le mien. C’est aussi le chef attitré de l’ONBA. Mon travail avec Eivind Gullberg- Jensen était aussi passionnant dans un tout autre style, lui aussi très germanique mais avec la qualité d’être le chef Norvégien déjà internationalement reconnu, et qui fut un plus indégnable pour enregistrer Grieg bien sur !
Pour le choix du piano Bechstein, ce fut une de mes demandes car ces pianos ont une qualité extraordinaire : le son est profond et riche, tout en ayant un jeu perlé et lumineux. Idéal donc pour Beethoven et retrouvant ainsi la qualité des enregistrements des années 50/60 où tous les Beethoveniens comme Kempff ou Fischer jouaient sur des pianos Bechstein.

Vous avez choisi de participer à la Folle Journée de Tokyo malgré les récents terribles événements, et les risques encourus pourquoi avez-vous fait ce choix ?
Depuis le début des évènements tragiques au Japon, ma première pensée a été de les aider du mieux que je le pouvais. Nous avons d’ailleurs fait une concert le 11 avril dernier à Nantes pour les soutenir. Je vais au Japon depuis presque 7 ans, et mes amis les plus chers sont aussi là bas. C’est un peuple qui apprécie particulièrement la musique classque et qui m’on toujours ouvert leurs bras. Le courage, la dignité et la force des japonais ont incité Kajimoto et René Martin à maintenir la Folle Journée et je voulais humblement leur donner un peu de soutien car je suis convaincue que la musique peut reconstruire la désolation et le vide.
Comment avez-vous vécu cet enregistrement ?

Cet enregistrement est peut être un des moments les plus forts de ma carrière, car il y a eu une communion entre tous les musiciens de l’Orchestre, le chef et moi même. De plus, Nous l’avons débuté juste après l’éruption du volcan islandais et avions déjà eu un jour en moins que prévu. Cependant, tout fut fluide et intense, et la musique de Beethoven apporte des moments de grâce indescriptibles avec l’Orchestre. Cela reste donc un souvenir précieux, d’ailleurs le retour fut empli de nostalgie.

Quels sont vos prochains concerts qui vous tiennent le plus à cœur ?

Chaque concert est important pour moi, mais je dirai que ceux du Japon seront particulièrement forts. J’y jouerai d’ailleurs le premier concerto de Beethoven.
Il y a l’intégrale à la Grange de Meslay le 19 Juin prochain aux cotés des illustres pianistes Ciccolini, El Bacha et Angelich avec le Royal Swedish Orchestra et Andrew Menze. ou encore mon festival « les musicales du Trophée » au dessus de Monaco , où le partage et la musique de chambre sont mes maitres mots, aux cotés de mes amis et merveilleux musiciens : Quatuor Ebene, Frank Braley, Sayaka Shoji

Pour écouter
Beethoven
Rondo(moto allegro)
Concerto n°2
Shani Diluka, piano
Orchestra National Bordeaux Aquitaine
Kwamé Ryan, direction

avec l'aimable autorisation du label Mirare
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