Baptiste Trotignon, piano
Mark Turner, saxophone
Jeremy Pelt, trompette
Matt Penman, contrebasse
Eric Harland, batterie
pour "Suite..." et Flow
Et sur "I fall in love too easily" :
Thomas Bramerie, contrebasse
Franck Agulhon, batterie
Changement de décor pour le pianiste Baptiste Trotignon
qui après avoir enregistré dans un studio américain
son précédent disque "Share" partage
sa musique sur scène à Londres avec les mêmes
musiciens, hormis le trompettiste, et avec un public relativement
discret ce qui n'est pas un mal pour un enregistrement. Changement
de dimension aussi puisque cette suite à l'enregistrement
en studio est l'occasion de réaliser une oeuvre de plus
grande envergure en plusieurs mouvements logiquement nommée
"Suite... " dans tous les sens du terme donc.
Il faut croire que les scènes londoniennes en l'occurrence
le "Charlie's Wright" n'ont rien à envier aux
réputés studios américains, au contraire
car la qualité sonore est vraiment remarquable, pour ne
pas dire encore meilleure, plus claire, que celle du précédent
disque déjà d'une très belle qualité
: l'on vit véritablement ce concert(du moins en disque...).
Les musiciens ont aussi gagné en spontanéité,
en précision et fluidité de jeu... leur plaisir
de jouer se ressent et ... bref le courant passe ! Et c'est d'ailleurs
une musique très joyeuse et énergique tout en étant
très mélodique comme l'est habituellement la musique
de Baptiste Trotignon que cette suite de près de cinquante
minutes offre sans véritable temps d'arrêt entre
les cinq parties hormis de courts "Interlude" d'un tempo
plus lent et finalement peu de place pour les applaudissements
pourtant grandement mérités. Deux pièces
plus courtes complètent l'album : une reprise de "Flow"
qui a gagné en intensité depuis son enregistrement
pour le disque "Share" et, un standard enregistré
lors d'un autre concert au Sunset à Paris, offrant également
une excellente qualité sonore, et qui conclut avec douceur
l'album : "I fall in love too easily".
Baptiste Trotignon a bien voulu répondre à quelques
questions sur son disque et son actualité :
Dans ce nouvel enregistrement vous retrouvez
les musiciens de votre précédent disque «Share»
hormis le trompettiste Jeremy Pelt qui remplace Tom Harrell, pourquoi
ce changement ?
Tom a pu faire une dizaine de concerts avec nous en 2009 , mais
n'était pas disponible sur cette tournée d'été
. J'ai pensé à Jeremy car il a à la fois
un ancrage profond dans la tradition afro-américaine et
une ouverture vers des couleurs plus contemporaines .
Comment vous est venue l’idée
de faire une œuvre de grande dimension telle "Suite.."
d'une durée de plus de 50 minutes ?
Pour les premiers concerts en quintet après la sortie de
l'album "Share" , j'avais besoin d'apporter du "matériel"
nouveau à jouer sur scène , et quand j'ai commencé
à écrire s'est imposé à moi l'idée
de cette Suite. C'était très excitant d'avoir une
belle quantité de musique à écrire et concevoir
sachant qu'elle allait être jouée et rejouée
avec ces musiciens que j'aime tant . La Suite , 50 minutes sans
interruption du son , c'est une façon de ne pas fragmenter
le concert en une série de "titres" mais d'emmener
l'auditeur dans une histoire dans laquelle il peut prendre le
temps de rentrer. Bien sûr le fait de ne pas donner de noms
aux différents "mouvements" de la Suite (autres
que Part 1, 2 , 3 etc.... ) est aussi un clin d'oeil à
la culture européenne du compositeur , les formes sonates
ou symphoniques . La possibilité de ne faire "que"
de la musique , sans chercher un argument littéraire (
un titre ) qui souvent ferme la perception de l'auditeur . L'art
de la musique est d'exprimer l'inconnu , ce sur quoi on ne peut
mettre de mots , alors si d'office on a un titre qui nous dit
ce qu'on doit y percevoir ...
Cette suite se nourrit de divers styles
musicaux : jazz, classique, pop et chorhino brésilien ,
ce dernier style musical est-il pour vous aussi fondamental dans
votre inspiration que les autres... pour quelle raison ?
C'est devenu une récurrence dans ce que j'aime jouer
: cela fait quelques années maintenant que les musiques
sud-américaines sont une réelle source d'inspiration
. Dès l'album "Solo II" (2005) j'utilise beaucoup
de d'accompagnements typiques du "comping" brésilien
guitaristique , que ce soit dans "Ostea" ou "Music
for a while" . C'est autour des années 2002-2003 que
j'ai découvert ou re-découvert en bloc beaucoup
de grands maîtres de ce pays de musique : Hermeto Pascoal
, Joao Gilberto , Egberto Gismonti , Elis Regina , Jobim bien
entendu que j'écoutais déjà depuis plus longtemps
. C'est une des rares musiques où la joie et la richesse
de la mélodie est totalement imbriquée dans celle
du rythme et du groove . J'ai souvenir d'un groupe de "batucada"
entendu sur la plage de Copacabana à Rio : c'était
juste un orchestre amateur , mais évidemment c'est impensable
d'entendre une telle ferveur en Europe !
La part d’improvisation prend-elle
une place plus importante que celle de la composition dans une
oeuvre d'une telle envergure ?
Non : la façon dont l'improvisation s'imbrique dans les
structures thématiques est celle que l'on pratique dans
le langage du jazz .
Votre disque a cette fois été
enregistré lors de trois concerts à Londres et Paris,
comment avez-vous vécu ces concerts du fait de ces enregistrements
en comparaison à des séances en studio ?
J'ai déjà fait plusieurs enregistrements LIVE
qui sont édités, dont le "Fool Time" en
co-leading avec David El-Malek et le concert piano solo à
la Salle Pleyel. Dans le cas de "Suite..." l'idée
était de donner un pendant à la version studio de
la démarche "franco-américaine" . "Share"
( l'album studio donc ) est un album assez sophistiqué
, belle prise de son , titres assez courts etc... La musique de
"Suite..." est certes dans la même veine
mélodique, totalement , mais c'est aussi de par la façon
dont c'est enregistré (avec des moyens techniques limités
, dans un club , avec un public serré , très "hot"
et qui boit de la bière ! ) que la musique devient plus
"matière BRUTE" , très énergétique
. C'est plus "sale" !
En fait nous avons enregistré une série d'une douzaine
de concerts en juillet 2009 et j'ai gardé celui-ci , enregistré
dans un club londonien . D'autres soirées étaient
plus "propres" techniquement mais moins denses à
mon avis .
Le morceau "Flow" que
vous estimiez parfaitement convenir au jeu de Mark Turner ( dans
votre précédente interview pour pianobleu.com) a
pris encore plus de consistance et effectivement celui-ci semble
se l’être parfaitement approprié notamment en
le débutant par un solo a capella… finalement c’est
peut-être ce morceau là qui vous plaisait le plus
sur votre précédent disque et que vous n’aviez
lors ce cette même interview pas voulu désigné…
?
Non il n'y a pas de "morceau que j'aime le plus" .
Il se trouve juste que FLOW complétait le set concert ,
aussi parce que l'essentiel de la Suite se joue dans des métriques
paires ( à part le thème de fin , une ballade qui
commence en 5/4 ) , et que FLOW , avec sa rythmique impaire en
11/4 permettait de s'amuser sur ces rythmes dans lesquels Eric
Harland notamment ( le batteur ) est un maître .
Enfin vous avez ajouté une composition
qui n’est pas de vous : «I fall in love too easily»
pourquoi le choix de ce standard ?
C'est une façon de finir l'histoire de l'album avec une
touche de légèreté ( suite à la "densité
" de la Suite ) . C'est une belle chanson parmi des centaines
de belles chansons du répertoire Broadway, j'aime la jouer
régulièrement ( peut-être après avoir
souvent écouté Chet Baker la chanter ) . Il se trouve
qu'un soir on l'a jouée, à l'improviste , on l'a
gardée !!
Quels sont vos projets et prochains concerts
qui vous tiennent le plus à cœur ?
A part faire vivre ma musique sur scène suite à
la sortie de l'album , je consacre en ce moment une bonne partie
de mon temps à écrire une version orchestrale de
la "Suite...." qui sera créée au Festival
Jazz in Marciac en août prochain . Le Quintet jazz sera
sur scène avec un orchestre d'une trentaine de musiciens
( cordes et vents ) , ce qui me permet de réaliser pleinement
des couleurs qu'en tant que compositeur j'entendais mais ne pouvais
obtenir avec le Quintet seul . J'ai hâte de vous le faire
écouter !!
Et il ne le dit pas mais Baptiste Trotignon sera en concert
:
Mercredi 28 avril et jeudi 29 avril 2010 à 21h00
et le vendredi 1er mai 2010 à 20h00
- au Sunset à Paris
Baptiste TROTIGNON Quintet
Stéphane Belmondo – trompette ; David El Malek –
saxophones ; Franck Agulhon –batterie ; Thomas Bramerie –
c.basse ; Baptiste Trotignon – piano
Précisément pour la sortie de l’album “Suite...”
chez Naive
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