Jean
Sébastien Bach(1685-1750)
Num Komm'Der Heiden Heiland
Préludes, fugues et chorals
Edna Stern
Après un disque consacré à Schumann, la
pianiste Edna Stern revient à Bach dans un nouveau programme,
où cette fois elle veut, et réussit pleinement,
à rendre compte de la vocalité instrumentale dans
l'oeuvre pour clavier de ce compositeur. Un programme au travers
duquel elle raconte une histoire telle celles des cantates avec
différents palliers d'élévations : luttes,
douleurs puis sérénité.
Adepte de l'utilisation de la pédale pour l'interprétation
des oeuvres de Bach, ce qui n'est pas le cas de tous les pianistes,
Edna Stern fait vibrer avec une précision savamment dosée
les cordes de son piano telles les cordes vocales d'une chanteuse
ou d'un ensemble orchestral et parvient ainsi à émouvoir
les auditeurs dans ce beau programme constitué certes d'une
sélection de chorals, mais aussi de préludes
et fugues du Clavier bien tempéré qui n'ont
plus rien de"simples" exercices pour les doigts mais
dont elle exalte les différentes voix dans des nuances
clairement contrastées ainsi pouvez vous le découvrir
dans le magnifique prélude n°10 du premier recueil
du clavier tempéré diffusé dans cette
page d'où sort une mélodie extrèmement touchante.
Celui-ci est suivi de sa fugue où l'on peut aisément
distinguer deux voix. Edna Stern a bien voulu répondre
à quelques questions autour de ce disque :
Vous avez précédemment enregistré
un disque autour de la Chaconne de Bach, et après un disque
Schumann vous revenez à Bach, quelle place tient précisément
ce compositeur dans votre répertoire, le jouez-vous très
régulièrement ?
Je joue Bach régulièrement depuis mon enfance.
A lépoque, jouer Bach était un jeu pour moi.
Je mamusais à travailler chaque voix séparément
en les marquant dun fluo jaune, rose ou bleu et en essayant
toutes les combinaisons des voix 1+2, 1+3 etc ... Cest seulement
plus tard que jouer Bach na plus été un puzzle
ou un jeu, mais surtout lexpression dune construction
énorme et profonde où plusieurs voix toutes belles
et indépendantes cohabitent dans une seule pièce.
Je prendrai la belle phrase de Simone Weil à ce sujet:
« les uvres darts vraiment belles offrent
lexemple densembles où des facteurs indépendants
concourent, dune manière impossible à comprendre,
pour constituer une beauté unique. »
Vous avez structuré votre disque
en intégrant au début de quatre séries de
trois préludes et fugues du clavier bien tempéré
de Bach, la transcription dun uvre chorale et un choral
qui nest pas de Bach mais de Brahms, nest-il pas paradoxal
de mettre une uvre en « prélude » avant
un prélude ?
Jai dabord choisi lordre des préludes
et des fugues en fonction de leurs tonalités. Je trouve
que les tonalités peuvent être comparées aux
couleurs dun tableau. Ce qui était clair pour moi
dès le départ cétait que dans le parcours
des 12 préludes et fugues, je commencerai par do mineur
et finirai par mi bémol (mib) majeur sa relative pour refermer
le cercle. Je voulais parachever le disque sur les tonalités
claires comme sib majeur, lab majeur et mib majeur, pour finir
par une sorte de rayonnement. A part cela, lordre est plus
lié à mon intuition. Jai essayé diverses
combinaisons pour finalement choisir celles qui me plaisaient
le plus et qui allaient de paire avec la progression tonale, sonore
et spirituelle du disque. Pour ce qui est des chorals, cest
comme si jaffirmais la couleur générale du
groupe de préludes et fugues qui suit. Cest dans
cet esprit que mes choix ont été faits et cest
pourquoi le Choral de Brahms a été clairement destiné
à tenir sa place avant le prélude et fugue en mi
majeur.
La partition du Clavier tempéré
parue avec la mention « Pour la pratique et le profit des
jeunes musiciens désireux de s'instruire et pour le plaisir
de ceux qui sont déjà rompus à cet art. »,
quel plaisir vous-même trouvez-vous dans linterprétation
de ces pièces, est-il similaire à celui de linterprétation
des uvres chorales ?
Les Chorals sont des uvres écrites pour orchestres
que Bach a retranscrit pour lorgue et que Busoni a à
son tour transcrit pour le piano romantique en prenant en compte
toutes les possibilités sonores et la tessiture de linstrument.
Le plaisir de jouer ces thèmes sublimes au piano est un
plaisir très physique. Les préludes et fugues sont
des uvres à la fois plus intellectuelles et spirituelles.
Il faut se plonger dedans pour les comprendre et pour les traduire
sur piano, comme par exemple décider de quelle manière
utiliser des possibilités purement pianistiques telles
les pédales. Le plaisir est dautant plus grand une
fois que lon a réussi à vaincre les difficultés
qui sont plutôt de lordre conceptuel et imaginaire.
Ce qui mintéresse et me satisfait le plus dans mon
travail cest de réussir à produire ce que
je cherche, en marchant au long de cette frontière, entre
la liberté et la rigueur, si caractéristique dans
la musique de Bach.
En dehors des uvres pour clavier,
écoutez-vous souvent dautres uvres de Bach
?
Jaime écouter les uvres orchestrales comme
les cantates, les passions. Jai aussi fait la découverte
de Johann Christoph Bach, cousin plus âgé de J.S
Bach et dont les uvres ont été données
à la cité de la musique la saison dernière
par Gardiner. Il est certain que Johann Christoph a été
une influence importante et jai beaucoup appris sur J.S.
Bach en lécoutant.
Ce programme correspond-il à un
programme de concert que vous avez donné ou allez bientôt
donner et quels sont vos prochains concerts ?
Jai plus lhabitude de jouer des parties de ce programme
que jai vraiment construit pour le CD. Le plus souvent je
commence mes concerts par Bach et puis je fais le lien entre la
polyphonie baroque et celle romantique de Mendelssohn et de Schumann.
Cest le thème du programme que je jouerai à
Nantes le 6 Mars au Temple protestant et en Allemagne à
Ludiwigsburg le 12 Mars. Sinon actuellement je me consacre beaucoup
à Mozart en vue de préparer lenregistrement
quon fera au mois dAvril avec Arie Van Beek et lorchestre
dAuvergne. Je jouerai des sonates de Mozart le 14 Mars à
Marseille, le 27 Mars le concerto « Jeunehomme » no.
9 à Cébazat, et le 18 Avril les concertos no. 12
et 14 à Yseure.
Pour écouter
Bach, Prélude n°10 en mi mineur BWV 855
interprété par Edna Stern
avec l'aimable autorisation du label Zig Zag Territoires
cliquez sur le triangle du lecteur ci-dessous
Pour écouter Bach, Fugue n°10 en mi mineur BWV
855
interprétée par Edna Stern
avec l'aimable autorisation du label Zig Zag Territoires
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