Beethoven/Liszt
Paloma Kouider
Beethoven(1770-1827)
Sonate n°15 en ré majeur opus 28 "Pastorale"
Sonate n°9 en mi majeur opus 14 n°1
Liszt(1811-1886)
12ème Rhapsodie hongroise en ut# mineur
2ème Rhapsodie hongroise en ut# mineur
Paloma
Kouider, lauréate de la Fondation Natixis-Banque
Populaire depuis 2007 et révélation classique de
l'ADAMI en 2008 avait déjà pu enregistrer des oeuvres
de Liszt sur un "disque de promotion" réalisé
par l'association artistique de cette société, et
grâce à leurs aides conjuguées, elle peut
aujourd'hui présenter un "vrai" disque édité
par le label Lyrinx convaincu également du talent de la
jeune pianiste depuis déjà un certain temps... un
temps notamment occupé par Paloma Kouider, en complément
de son activité de concertiste, à poursuivre des
études littéraires de haut niveau qui lui apportent,
explique-t-elle, à la fois une discipline et une ouverture
qui lui sont essentielles à son évolution artistique.
Elle a choisi de nouveau des oeuvres de Liszt, deux Rhapsodies
hongroises avec lesquelles elle a aussi passé beaucoup
de temps puisqu'elle les a très souvent jouées en
concerts, concours, émissions radiophoniques Liszt
a passé aussi beaucoup de temps à jouer les sonates
de Beethoven et transcrire ses symphonies pour le piano, et Paloma
Kouider qui a décelé une atmosphère dans
la sonate "Pastorale" de Beethoven annonçant
les paysages traversés dans les Rhapsodies de Liszt a choisi
de construire son programme autour de ces deux compositeurs. Elle
consacre d'ailleurs également beaucoup de temps à
Beethoven que ce soit en solo ou en musique de chambre, puisqu'elle
fait partie depuis quelques années du Trio Karénine
qui met souvent Beethoven à son programme.
Liszt, contrairement à Beethoven, a donné lui-même
à nombreuses de ses oeuvres des titres se rapportant à
la littérature ou ses voyages. Le titre "Pastorale"
de la sonate n°15 opus 28 ne fut pas attribué par Beethoven
mais par son éditeur qu'une trentaine d'années plus
tard... c'est probablement l'humeur bucolique du rondo final,
que vous pourrez aussi entendre plus bas dans cette page, qui
fut à l'origine de ce qualificatif indique Jean-Yves Bras
auteur du livret.
La sonate n°9 que Beethoven écrivit trois années
avant la sonate "Pastorale" , est quant à elle
la seule pour laquelle le compositeur s'est laissé convaincre
d'en faire la transcription pour quatuor à cordes car là
encore contrairement à Liszt qui réalisa de nombreuses
transcriptions il n'était pas du tout favorable à
ce "monstrueux acharnement que l'on met à vouloir
transférer même des compositions pour piano sur des
instruments à cordes, instruments qui sont en tout inconciliables"
peut-on lire dans une lettre qu'il écrivit le 13 juillet
1802. Cette sonate en trois mouvements, comme la sonate "Pastorale"
a la particularité d'être d'un caractère dans
l'ensemble d'humeur joyeuse, et elle ne comporte d'ailleurs pas
de mouvement lent ainsi le deuxième mouvement que vous
pourrez entendre est un allegretto au rythme détendu de
sicilienne et la bonne humeur inonde le rondo final...
Les Rhapsodies Hongroises de Liszt sont d'un caractère
nettement plus contrasté..." Les quinze rhapsodies
hongroises sont le plus souvent bâties sur l'opposition
entre une lassan lente et une friska rapide, coupe empruntée
à la danse traditionnelle tzigane , le verbunkos"
explique encore Jean-Yves Bras... des pièces qui exigent
une grande virtuosité tant par l'alternance brusque de
ces rythmes rapides et lents mais aussi les effets sonores que
l'interprète doit restituer. Alfred Brendel a déclaré
à leur sujet :" Il faut les défendre sur
deux fronts, contre les musiciens sérieux qui considèrent
les Rhapsodies comme de la musique de cirque, et contre les maniaques
du piano qui les trahissent en les jouant comme des pièces
de cirque".... L'écoute de l'enregistrement de
Paloma Kouider de la Rhapsodie n°12 vous convaincra qu'elle
n'appartient ni à l'une ni l'autre de ces catégories
et de même que dans les deux sonates de Beethoven la seule
richesse de son langage sonore suffit à nous éblouir
sans que besoin lui soit d'en faire trop !
Dans
quelles circonstances ce disque a-t-il pu être réalisé
?
Marie-Paule Dallier avait parlé de moi à René
et Suzanne Gambini après mon premier récital parisien,
salle Cortot. J'étais encore un peu jeune. C'est grâce
au concert Adami de Prades que nous avons pu nous retrouver. René
était enthousiasmé par mon interprétation
de la 12e Rhapsodie hongroise de Liszt et tenait à l'enregistrer.
Mais j'étais encore en khâgne à ce moment-là
! Une nouvelle fois la fée Adami a pris les choses en main
: une interview sur France musique dans l'émission d'Emmanuel
Davidenkoff " Les enfants de la musique " m'a permis
de reprendre contact avec les Gambini qui m'ont appelée
à la suite de l'émission. L'aide généreuse
de la fondation Groupe Banque Populaire a permis de réaliser
ce beau projet. Un véritable conte de fées
Vous aviez pu précédemment
enregistrer un disque Liszt grâce à l'Adami, vous
avez choisi de nouveau des uvres de ce compositeur pour
ce disque, associées à des sonates de Beethoven.
Pourquoi avez-vous fait ce choix ?
Enregistrer Liszt m'apparaissait évident, une évidence
confortée par l'enthousiasme de René Gambini à
l'issue d'un concert donné à Prades par les révélations
classiques de l'Adami 2008 dont je fais partie. Non que Liszt
figure parmi mes compositeurs préférés, mais
ces deux Rhapsodies, toutes deux en do dièse mineur, complémentaires,
sont au nombre des uvres avec lesquelles j'ai le plus "
vécu " : concerts, concours, émissions radiophoniques
Les contrastes qui caractérisent le genre même de
la rhapsodie permettent d'explorer à l'infini les ressources
de l'instrument. Liszt le rappelle dans ses écrits : "
le délire d'une extrême joie et la langueur d'une
apathie se suivent rapidement ". Ces changements incessants
de caractère requièrent une adaptation permanente,
une agilité de l'esprit qu'il s'agit de porter toujours
plus haut. Ce n'est pas le Liszt-virtuose qui interpelle dans
ces uvres à mon sens, mais cette mise en scène
permanente de ce qu'il a retenu de son voyage en Hongrie. Faire
apparaître la science d'un compositeur qui parvient à
faire de mélodies et de rythmes entendus ici et là,
hétérogènes, un tout organique, telle était
la ligne conductrice de mon travail. Contrairement aux deux sonates
de Beethoven, dont le choix s'est là encore imposé
tout naturellement et dont le style crée un grand contraste
aux côtés de Liszt.
La Sonate " Pastorale " me semblait annoncer mieux qu'aucune
autre sonate les paysages bucoliques, parfois enneigés,
parfois adoucis d'une lumière vive et enivrante, que l'on
traverse dans ces deux Rhapsodies. Quand on sait avec quel soin
Liszt a transcrit les symphonies de Beethoven, le lien semble
encore plus évident. Par ailleurs, je trouvais intéressant
de coupler cette sonate, très connue, avec la 9e Sonate,
qui l'est moins mais dont la fraîcheur est tout aussi frappante.
Comme je l'ai dit plus haut, Beethoven occupe une place de plus
en plus importante dans ma vie de musicienne : ses sonates pour
violon et piano tout autant que ses trios pour piano, violon et
violoncelle font partie d'un répertoire qui m'est particulièrement
cher.
Avez-vous eu l'occasion d'écouter
la transcription de la sonate op14 n°1 en quatuor et qu'en
pensez-vous par rapport à la sonate originale ?
J'avais, lorsque j'avais commencé à travailler
cette sonate, j'ai cherché à obtenir la partition
pour quatuor, mais elle est hors de prix et les médiathèques
ne l'avaient pas en rayon. Je n'ai jamais pu en trouver un enregistrement
non plus. Il faudrait que je demande une faveur au quatuor Ysaÿe
!!!
C'est l'éditeur Cranz qui une trentaine
d'années plus tard attribua à la sonate n°15
op.28 le qualificatif " Pastorale ". Ce qualificatif
vous semble-t-il bien trouvé ou en imagineriez-vous d'autres
?
Le terme de " Pastorale " se justifie assez
aisément ; j'apprécie tout particulièrement
que cette sonate constitue comme un binôme avec la 6e symphonie
dans laquelle on retrouve des caractéristiques de l'op.
28 et dont on sait que Beethoven la composait en ayant des images
précises de la forêt qu'il notait en marge de la
partition : " scène au bord du ruisseau ", "
joyeuse réunion de paysans ", " chant des bergers
"... On y retrouve la même atmosphère bucolique
teintée d'humeurs plus sombres, franchement noires à
certains moments. Difficile d'imaginer un titre plus approprié
quand on a connaissance de ces faits !
Votre travail des sonates de Beethoven
a-t-il été différent de celui des Rhapsodies
de Liszt ? Quelles difficultés particulières ont
eu pour vous les unes et les autres ? A quoi avez-vous le plus
attaché d'importance dans votre interprétation ?
Beethoven et Liszt requiert des approches différentes,
une technique différente, mais je ne peux pas dire que
mon travail ait été fondamentalement différent
: il s'agit toujours de conduire les phrases jusqu'à leur
terme, de maintenir en vie chaque détail, de souligner
certains aspects de l'uvre... L'interprétation de
ces uvres nécessite une grande stabilité rythmique
en dépit du caractère en apparence plus libre des
Rhapsodies. Seulement, le tempo ne varie pas au sein d'un même
mouvement chez Beethoven, excepté quelques ritenuto ou
ralentendo, alors qu'il faut élaborer une hiérarchie
très précise de tempo chez Liszt - ses rhapsodies
étant une succession d'états d'âme contrastés
- en tenant compte du caractère assez acrobatique de certains
passages.
Avez-vous des pianistes de référence
quant aux interprétations de Beethoven et Liszt ?
Wilhelm Kempff pour sa rigueur et le son orchestral qu'il parvient
à tirer du piano. C'est un véritable chef d'orchestre
et non plus un simple pianiste qui essaie tant bien que mal de
se rapprocher des timbres orchestraux. C'est flagrant dans Beethoven,
un compositeur auquel il apporte une clarté inouïe.
Le piano s'en trouve métamorphosé.
Yvonne Lefébure, également, est selon moi une grande
beethovénienne : ses interprétations des dernières
sonates sont remarquables d'intelligence ; sa manière de
mener la fugue de l'op. 106 par exemple, est exemplaire et constitue
une belle leçon. Son rapport à Beethoven était
très fort et son interprétation s'en ressentait.
Mais là encore, et c'est sans doute une des raisons pour
laquelle je suis très attachée à ses interprétations,
elle s'efforçait de dépasser l'interprétation
strictement pianistique : " je n'aime pas tellement le
piano ; j'aime faire autre chose dans le piano ! "
dit-elle à la fin de sa vie. Une boutade peut-être,
mais significative.
Comment avez-vous vécu l'enregistrement
?
Sans vouloir donner dans l'emphase, enregistrer pour Lyrinx
fut pour moi un des plus beaux moments de ma vie. René
Gambini sut immédiatement me mettre à l'aise et
les prises ont été très rapidement "
dans la boîte ". Son enthousiasme m'a sans doute facilité
la tâche : j'étais portée par une atmosphère
très professionnelle et en même temps très
conviviale et généreuse. J'avais une entière
confiance en Corine Sistel qui s'occupait du réglage du
piano. Les conditions étaient tellement idéales
qu'en trois jours nous avions terminé ! Le lendemain, Suzanne
et René Gambini invitèrent quelques personnes afin
de réaliser des prises dans les conditions du " live
". Une bonne idée puisque plusieurs prises que nous
avons choisies proviennent de ce concert !
Quels sont vos prochains concerts et autres
projets ?
Cette année promet d'être particulièrement
dense, et en piano et en musique de chambre : concerts, concours,
émissions radiophoniques, académies d'été
Une intensité pour le moins séduisante
Pour écouter
des extraits du disque
de Paloma Kouider
Avec l'aimable autorisation du label Lyrinx cliquez sur le
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Beethoven - Sonate n°15 "Pastorale"- rondo
Beethoven - Sonate n°9- allegretto
Liszt - 12ème Rhapsodie hongroise