Brahms Sonate et Variations pour deux pianos JUDE HEISSER
BRAHMS
Sonate pour deux pianos en fa mineur, op.34b
Variations sur un thème de Haydn op.56b
Marie-Josèphe Jude, piano
Jean-François Heisser, piano
Marie-Josèphe Jude et Jean-François Heisser jouent ensemble
depuis longtemps, et ont déjà enregistré des oeuvres
pour quatre mains de Brahms, un des compositeurs de prédilection
de Marie-Josèphe Jude dont le répertoire s'est essentiellement
porté sur la musique romantique allemande et qui poursuit ainsi
son intégrale Brahms, puisque 5 volumes sont déjà
parus ainsi que les Sonates pour piano et alto, (associées aux
Marchenbilder op. 113 de Schumann) avec la complicité de Youri
Gandelsmann. C'est également un compositeur dont le pianiste
Jean-François Heisser a aussi eu l'occasion de jouer nombreuses
oeuvres. Les deux pianistes ont de nouveau réuni leurs talents,
cette fois en face à face sur deux pianos pour offrir ce nouveau
disque, paru chez le label Lyrinx, qui réunit deux chefs duvre
de Brahms : la Sonate pour 2 pianos, qui est en fait la transcription
du Quintette pour deux violons, alto et violoncelle, et les Variations
sur un thème de Haydn qui a l'inverse fut composée avant
une version orchestrale... "L'intérêt de réunir
ces deux uvres est de montrer le travail d'un compositeur qui
transcrit lui-même sa musique dans tous les sens : du piano vers
l'orchestre (ou formation de cordes) et vice-versa." explique
Jean-François Heisser qui a bien voulu se joindre à Marie-Josèphe
Jude pour répondre à quelques questions au sujet de ce
disque.
À propos du Quintette, Brahms disait : «nous devons
aussi conserver luvre comme sonate pour deux pianos. Sous
cette forme, elle me plaît et elle a plu ainsi à
tous ceux qui l'ont jouée ou entendue. Elle constitue une proposition
très intéressante et très valable pour deux pianos»...
le scherzo que vous pourrez écouter plus bas dans cette page
en est particulièrement exemplaire et la réactivité
des deux pianistes laisse deviner leur plaisir partagé à
jouer cette oeuvre, il eut été regrettable que cette partition
pour deux pianos ne soit pas aussi publiée tant pour eux que
pour le plaisir des auditeurs dans l'écoute d'une telle fougue
impressionnante !
La connivence des deux pianistes est telle que leur sonorité
et jeu se confondent ainsi Marie-Josèphe Jude confie que :"
Lorsque nous avons fait le montage, nous ne savions plus qui jouait
quoi parfois en écoutant les prises." . Par contre pour
ce qui est des Variations sur un thème de Haydn , thème
qui semble-t-il n'est pas de Haydn, et que certains appellent aussi
Variations sur la Chorale Saint-Antoine, la pianiste joue les voix aiguës
qui sont attribuées à l'un des pianos. "A l'évidence
ce qui intéressait Brahms était la potentialité
du thème à développer une série de huit
variations en suivies d'un finale en forme de passacaille"
indique Jean-Yves Bras auteur du livret , cette passacaille, qui en
elle même est une variation et bien que dans un tempo "andante"
est tout aussi impressionnante que le scherzo de l'oeuvre précédente
dans la bonne coordination qu'il exige entre les deux pianistes et ne
fait encore une fois nullement défaut à Marie-Josèphe
Jude et François Heisser !
Ce
disque est le second disque en duo que vous consacrez à des oeuvres
de Brahms, que représente ce compositeur pour chacun de vous
?
Marie-Josèphe Jude : Brahms est le compositeur qui m'accompagne
depuis mes débuts, j'ai toujours un bonheur immense à
le retrouver ; il nous donne à faire sonner le piano comme un
orchestre, la recherche de sonorités et de timbres est infinie
, et a fortiori dans le répertoire à deux pianos.
Jean-François Heisser : Brahms est le seul compositeur romantique
ayant beaucoup écrit pour 4 mains mais aussi pour 2 pianos. Depuis
la sonate en ré majeur de Mozart il n'y avait pas eu d'oeuvre
d'importance pour deux instruments à l'exception de l'Andante
et variations de Schumann. Il y a donc beaucoup d'occasions pour deux
pianistes jouant régulièrement ensemble, sans pour autant
former un duo constitué, de retrouver ces deux uvres que
le public aime entendre. Après un disque consacré aux
Danses hongroises et aux Valses opus 39 il était donc logique
de compléter le panorama.
Brahms a été un compositeur important dans le parcours
de chacun ; Marie-Josèphe a pratiquement enregistré toute
l'oeuvre pour piano, et j'ai personnellement joué Brahms sous
toutes ses formes : toute la musique de chambre, les concertos, les
mélodies et nombre de pièces pour piano.
Quel piano / la
partition chacun de vous joue-t-il dans les uvres de ce disque
?
Marie-Josèphe Jude : Dans la Sonate à deux pianos, je
joue la partie de second piano, dans les variations celle du premier
piano ; à vrai dire, il y peu de différences entre les
deux parties et le choix s'opère souvent au hasard... on essaie
surtout d'équilibrer les parties lorsque l'on se produit en concert
de manière à changer de place. Lorsque nous avons fait
le montage, nous ne savions plus qui jouait quoi parfois en écoutant
les prises.
Clara Schuman et le violoniste Joachim incitèrent
Brahms à écrire le quintette pour deux violons, alto et
deux violoncelles qu'il avait entrepris en un uvre pour deux pianos
et par la suite elle deviendra un quintette avec piano et cordes , vous-même
avez-vous aussi souvent l'occasion de jouer cette uvre en quintette
et qu'en pensez -vous / sonate à deux pianos ?
Marie-Josèphe Jude : Nous avons tous deux joué très
souvent le quintette avec cordes ; il est impossible de dire quelle
version nous préférons.. les deux apportent une lecture
totalement différente, mais l'uvre reste magnifique
peut-être peut on remarquer une lisibilité plus claire
parfois dans la version pour deux pianos, due aux caractéristiques
plus " percussives " du piano.
Jean-François Heisser : La sonate et les variations sont deux
pièces complémentaires, aux antipodes l'une de l'autre.
Ce qui frappe dans la sonate c'est le côté monumental ;
elle rejoint les quatuors avec piano opus 25 et 26 dans les proportions
: plus de 45' de musique. En fait une véritable symphonie non
orchestrée, ce qui peut expliquer les trois versions successives.
Nous aimons tous les deux jouer la version quintette, bien sûr,
et il serait bien difficile de donner une préférence...
Brahms a écrit nombreuses variations
pour piano seul, que pensez-vous de son choix de réaliser des
variations sur ce thème faussement attribué à Haydn,
sur deux pianos ?
Jean-François Heisser : Brahms a été , après
Beethoven, le grand maître de la variation : tout comme lui il
a souvent choisi des thèmes d'inspiration populaire, simples
à la fois rythmiquement et harmoniquement. L'écriture
est ici complètement différente de celle de la sonate,
moins " compacte ", plus ciselée et transparente, plus
franchement écrite pour le piano. Pour moi cette version est
plus satisfaisante que l'orchestration, parfois un peu lourde.
Quelles difficultés technique particulières
comportent ces deux uvres et les avez-vous jouer souvent ensemble
avant cet enregistrement ?
Marie-Josèphe Jude: Les difficultés techniques résident
surtout dans la recherche de l'homonégéité du son,
la précision d'attaque, la respiration commune... La version
à deux pianos est sur ce point plus compliquée que celle
avec cordes, le mélange des deux pianos doit être parfaitement
fondu, et les attaques ne peuvent souffrir la moindre imprécision..
Nous avons eu l'occasion de jouer ces deux uvres en concert de
très nombreuses fois depuis une quinzaine d'années, et
l'expérience nous a apporté une forme de naturel qui nous
permet aujourd'hui de jouer sans s'interroger sur ces soucis d'ensemble
ou de son.
Jean-François Heisser : Les difficultés de réalisation
sont très différentes pour chacune des pièces.
La sonate réclame une grande homogénéité
de son, une "connivence sonore". Les deux pianos sont très
imbriqués, pas de registre préférentiel pour l'un
ou l'autre. Je joue ici le premier piano, mais il n'y a pas à
proprement parler de premier et deuxième piano.
Au contraire les variations sont beaucoup plus spatialisées dans
les registres : le premier plus aigu (MJ), le second plus tourné
vers les basses. Chaque partie est plus à découvert, avec
une virtuosité qui correspond bien au principe de la variation.
On pense bien sur au recueil des Variations sur un thème de Haendel
pour piano seul.
L'intérêt de réunir ces deux uvres est de
montrer le travail d'un compositeur qui transcrit lui-même sa
musique dans tous les sens : du piano vers l'orchestre (ou formation
de cordes) et vice-versa. Ce procédé sera résolument
amplifié quelques décennies plus tard avec Ravel et Stravinski
entre autres.
Dans quelles circonstances ce nouveau disque
a -t-il pu être réalisé et comment s'est passé
son enregistrement ?
Nous avons enregistré ce disque à la Chapelle du Méjan
à Arles, un lieu magnifique, très inspirant, avec une
accoustique naturelle excellente, ce qui a permis à René
Gambini, des disques Lyrinx, de prendre le son de la salle dans des
conditions d'écoute proche de celle d'un concert. Nous avons
d'ailleurs terminé l'enregistrement par un concert pour des amis,
et la quasi totalité de ce disque provient de ce concert final.
Pour en savoir plus sur Marie-Josèphe Jude...cliquez
ici
Biographie de Jean-François Heisser : Né à Saint-Etienne,
titulaire de six premiers prix au Conservatoire de Paris, il est le
disciple et l'héritier de Vlado Perlemuter et Henriette Puig-Roger
avant de se perfectionner auprès de Maria Curcio, récemment
disparue. Il enseigne à son tour depuis 1991 au Conservatoire
National Supérieur de Musique de Paris. Parmi ses disciples on
peut citer Bertrand Chamayou et Jean-Frédéric Neuburger
avec lesquels il entretient une relation de grande complicité
musicale.
Le début de son parcours est partagé entre la musique
de chambre, une activité soliste et la musique contemporaine
: il joue entre autres la Turangalilâ-Symphonie et Des Canyons
aux Étoiles d'Olivier Messiaen avec les plus grands orchestres
sous la direction de Mehta, Janowski ou Segerstam. Ses premiers enregistrements
marquants sont "l'oeuvre pour piano" de Paul Dukas, le coffret
"Espagne" (six CD chez Erato). Le fil conducteur de sa carrière
reste toutefois Beethoven, compositeur dont il enregistre les dernières
Sonates, Bagatelles et Variations Diabelli (2 CD chez Naïve, 2000).
Depuis 2001, sa carrière a évolué vers une activité
conjuguée de soliste et de chef d'orchestre. Développant
le projet de l'Orchestre Poitou Charentes, "orchestre Mozart",
il l'a hissé au plus haut niveau des formations françaises,
ainsi qu'en atteste l'enregistrement De Falla (L'Amour Sorcier, Les
Tréteaux de Maître Pierre, Mirare, 2007), salué
par une presse unanime.
Aucune terra incognita ne décourage l'insatiable défricheur
au jugement avisé qu'est Jean-François Heisser. C'est
ainsi que le pianiste a récemment créé le Concerto
de Gilbert Amy (Orchestre philharmonique de Radio France), La Ville
de Philippe Manoury (commande de Piano aux Jacobins enregistrée
chez Praga), tandis que le pianiste et chef révélait,
avec l'OPC, Terra Ignota de ce compositeur (Bouffes du Nord, 2008).
Son exigence d'interprète le pousse à jouer régulièrement
sur pianos historiques (Weber, les quatre Sonates chez Praga, Konzertstück
chez Mirare, sur piano Erard). Avec le chef François-Xavier Roth
et son orchestre "Les Siècles", il alterne claviers
modernes (les trois Concertos de Bartók) et instruments d'époque
(Saint-Saëns).
En 2009, il joue Beethoven au Concertgebouw d'Amsterdam avec Jean-Claude
Casadesus, Prokofiev à l'Opéra de Berlin, Saint-Saëns
à l'Opéra Comique de Paris et enfin les cinq concertos
de Beethoven qu'il dirigera du piano avec l'OPC le 18 octobre. En parallèle,
il a dirigé depuis 2008 les orchestres de Bordeaux, Île
de France, Auvergne, Pays de Savoie, Colonne, Grenade, etc.
Ses prochaines parutions discographiques proposeront une nouvelle version
d'Iberia d'Albéniz (présentée au Théâtre
de la Ville le 3 octobre 2009) un hommage au pianiste Ricardo Viñes
; Debussy (avec Hervé Niquet, Marie-Josèphe Jude et le
choeur de la Radio Flamande) et le 4e Concerto de Saint-Saëns (enregistré
en live à l'Opéra Comique avec François-Xavier
Roth et "Les Siècles").
Il préside également l'Académie Maurice Ravel de
Saint-Jean-de-Luz et assure la programmation des Soirées musicales
d'Arles.
Pour écouter BRAHMS
Sonate pour 2 pianos en fa mineur, op.34b
Scherzo
Marie-Josèphe Jude, piano
Jean-François Heisser, piano avec l'aimable autorisation
du label Lyrinx
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