François Couturier piano
Anja Lechner violoncelle
Jean-Marc Larché soprano saxophone
Jean-Louis Matinier accordéon
A celui qui a vu l'ange
Tiapa
San Galgano
Maroussia
Mychkine
Mouchette
La passion selon Andreï
L'Apocalypse
Doktor Faustus
Sardor
La main et l'oiseau
De l'autre côté du miroir
"Tarkovsky Quartet" est le dernier volet de
la trilogie réalisée en hommage au cinéaste
Andreï Tarkovsky (ou Tarkovski) par François
Couturier accompagné de trois musiciens identiques
pour le premier volume "Nostalghia
- Song for Tarkovsky" et ce dernier disque , et par contre
seul pour le second volume "un
jour si blanc".
Si les musiciens sont identiques, François Couturier a
souhaité cette fois réaliser un projet plus orchestral
que le premier disque qui était plutôt une succession
de duos et trios explique-t-il dans un nouvel entretien, voir
plus bas.
L'auteur du livret Charles H. de Brandes quant à lui décrit
cette musique comme "Douze ballades poétiques où
le piano, le violoncelle, l'accordéon se lèvent,
se répondent, s'embrasent, s'effacent, reviennent... Où
le battement comme d'un coeur et les sons les plus imperceptibles
tracent un monde où plane l'âme, son appel, son rêve.
De grandes ailes s'ouvrent, se déploient, se replient.
L'image de danseurs nous vient à l'esprit." Il
est vrai que tous les instruments sont beaucoup plus présents
dans cet enregistrement, offrant une sonorité plus riche,
et la dynamique qui résulte porterait en fait plus à
considérer celui-ci comme douze scènes d'une oeuvre
unique, tel un film imaginaire, ou effectivement ballet imaginaire,
que douze pièces isolées.
Certes les douze pièces ne sont cependant pas uniformes
ainsi toutes ne sont pas mélodiques et sans doute il ne
serait probablement pas facile pour des danseurs d'évoluer
sur "San Galgano", "Mouchette",
"Apocalypse" mais comme la musique a le droit,
et même souvent le quasi devoir, d'offrir des silences,
la danse contemporaine peut aussi tout à fait fonctionner
avec des temps d'arrêt, justement propices à des
arrêts sur images... Et la musique du Tarkovsky quartet
qu'elle soit ou non mélodique offre à l'esprit nombreuses
images éclairées en clair/obscur à contempler
ainsi dans le très beau "Tiapa" (surnom
affectueux que Tarkovsky donnait à son plus jeune fils
à qui les autorités soviétiques interdisaient
d'aller voir son plus jeune fils), ou " la main et l'oiseau"(brève
scène du film Miroir que Tarkovsky désigna ensuite
comme son autoportrait) mais aussi images à méditer
ainsi celles générées par la musique plus
perturbante et très troublante de " L'apocalypse
" (ultime livre de la Bible qui imprègne les trois
derniers films de Tarkovski) ... il reste à chacun d'imaginer
ce qu'il veut dans la musique du morceau final au caractère
plus mystérieux "De l'autre côté du
miroir"... pour sortir ou non de la grande nostalgie
une nouvelle fois apportée par ce disque.
Dans
le précédent interview sur le volume piano solo
de votre trilogie vous aviez annoncé que ce disque était
provisoirement titré " Nostalghia 2 " en réponse
au premier volume de votre trilogie Tarkovsky, finalement il a
pour titre Tarkovsky quartet , pourquoi ce choix, j'imagine que
par ce titre vous aviez peut-être envie de valoriser aussi
les musiciens qui vous accompagnent, pourriez-vous nous les présenter
?
Le " Tarkovsky Quartet" est la conclusion de
la trilogie que j'ai consacré au cinéaste faisant
suite à "Nostalghia Song for Tarkovsky"
(2005) et à l'album de piano solo "Un jour si blanc"
(2009) . J'ai eu envie de terminer avec un projet plus orchestral.
Le premier Cd en quartet étant plutôt une succession
de duos et trios Depuis, nous avons donné une trentaine
de concerts dans toute l'Europe et un véritable groupe
s'est formé
J'en reste, bien sur, le leader (c'est clair sur la pochette du
Cd) mais en donnant le nom "Tarkovsky Quartet"
à ce projet, je réalise une sorte d'aboutissement
: Le plaisir de jouer en groupe (que j'ai si longtemps privilégié)
et le fait d'en être le "Spiritus rector ".
Les derniers concerts que nous avons donnés avec ce nouveau
programme (Barcelone, Bale, Zurich) ont révélé
une réelle cohésion et une très grande force
Une sorte de " bulle musicale " ou chacun à sa
place, sans souci d'ego ou de démonstration. En ce sens,
c'est un vrai quartet. Et j'en suis fier Avant le premier enregistrement
je formais depuis plusieurs années un trio avec Jean-Marc
Larché (saxophone) et Jean-Louis Matinier (accordéon)
. Je joue aussi avec Matinier dans le trio d'Anouar Brahem. Nous
avons tous les trois des relations amicales et musicales très
fortes... Mais j'avais eu envie de rajouter un instrument qui
jouerait dans les graves, clarinette basse ou violoncelle. Et
c'est alors que j'ai pensé à la violoncelliste Anja
Lechner.
C'est une musicienne extraordinaire qui s'adapte avec une grande
intelligence et une grande musicalité, aux différents
contextes dans lesquels elle évolue
L'auteur de votre livret Charles H. de
Brantes décrit votre musique comme douze ballades poétiques
où plane l'âme, son appel, son rêve et
effectivement l'on y ressent une quête spirituelle, celle-ci
exige-t-elle des conditions particulières pour l'enregistrement
notamment pour favoriser l'interaction spirituelle avec les trois
autres musiciens qui d'ailleurs sont co-auteurs avec vous de trois
des douze compositions ? Comment avec vous vécu cet enregistrement
?
Les 3 pièces que nous avons "cosignées "
sont des improvisations. Il ne faut pas oublier la part très
importante de l'improvisation dans cette musique. J'ai composé
les 9 autres. Certaines mélodies sont très simples
et propices à des improvisations modales (Tiapa, par exemple)
D'autres sont beaucoup plus structurées et complexes (Apocalypse
)
Cette juxtaposition, en clair-obscur, est une particularité
de la musique du "Tarkovsky Quartet "
Les 3 Cds ont été enregistrés à Lugano,
dans le magnifique auditorium de la Radio Suisse Italienne.
Nous enregistrons dans les conditions d'un concert, dans une ambiance
et une acoustique exceptionnelles. Travailler ainsi, sans casque,
avec la réverbération naturelle de la pièce
et la proximité des autres musiciens nous permet vraiment
de créer un univers musical original.
Nous n'avions jamais joué ce nouveau programme sur scène.
Simplement quelques répétitions
Manfred Eicher est un grand producteur. Il nous a beaucoup aidé
durant tout l'enregistrement. Je lui fais une confiance absolue.
Bien sûr tout enregistrement est difficile il y de
la tension. J'ai le trac et je le revendique !!!
Ecouter une prise dans la cabine, si l'on ne s'est pas senti très
bien durant l'enregistrement peut être pénible. Mais,
contrairement à ce que certains pourraient penser, sa présence
est rassurante car il entre complètement dans la musique.
Il n'y a aucune pression, simplement un souci de faire que la
musique vive sa plus belle vie
Manfred Eicher est dans la cabine au dessus de l'auditorium mais
il peut descendre sur scène pour nous guider, nous proposer
une autre voie si nous nous égarons.
Il n'y a pratiquement aucun montage, simplement un choix entre
plusieurs prises.
Ce disque clôture donc un long travail
autour de l'uvre de Tarkovski, avez-vous eu l'occasion de
revoir des films de ce cinéaste depuis votre enregistrement
de ce disque qui a eu lieu en décembre 2009 et les ressentez-vous
alors différemment ?
Je suis devenu un spécialiste de Tarkovsky !!
J'ai une relation privilégié avec son fils (avec
qui nous avons conçu un spectacle audiovisuel ) et l' Institut
Tarkovsky dont le président Charles de Brantes a fait le
texte du livret. Je vois et revois ses films avec un plaisir toujours
renouvelé. Celui que je préfère actuellement
est "Le Miroir "
Le titre de mon Cd solo " Un jour si blanc " est celui
d'un poème du père du cinéaste qui était
le premier titre de ce film
Depuis quelques temps, notamment depuis
le tsunami au Japon et les irruptions volcaniques, des personnes
évoquent une éventuelle apocalypse à venir,
se basant sur le dernier livre de la Bible, qui est aussi une
référence qui revient fréquemment dans les
trois derniers films du cinéaste et le titre d'une de vos
compositions, quelle est la vision qu'en a Tarkovsky dans ces
films et comment la ressentez-vous ?
Voilà la vision du cinéaste ( sa dernière
interview ) que je partage totalement. "Une guerre nucléaire
maintenant ? Cela ne sera même pas une victoire du diable.
Cela sera comme... comme un enfant qui joue avec des allumettes
et qui met le feu à la maison. On ne pourra même
pas l'accuser de pyromanie. Spirituellement, l'homme n'est pas
prêt à vivre ses bombes. Il n'est pas encore mûr.
L'homme doit encore apprendre de l'histoire. Et s'il y a bien
une chose qu'on a appris d'elle, c'est qu'elle ne nous a jamais
rien appris. C'est une conclusion extrêmement pessimiste.
L'homme répète sans cesse ses erreurs. C'est horrible.
Encore une énigme ! Je crois qu'il nous faut fournir un
travail spirituel très important pour que l'histoire passe
enfin à un niveau élevé... Le plus important
est la liberté de l'information que l'homme doit recevoir
sans contrôle. C'est le seul outil très positif.
La vérité non contrôlée est le début
de la liberté."
Mais, pour moi, la musique du "Tarkovsky Quartet" en
parfaite osmose avec l'univers du cinéaste peut exister
en elle même (Même si Andrej Tarkovsky en est l'inspirateur)
Dans
ce disque l'on retrouve des improvisations/ compositions réalisées
à partir d'uvres de Bach , Pergolèse et Chostakovitch
qui ont servi au cinéaste lui-même pour ses films,
d'autres musiques vous ont-elles indirectement influencées
dans ce volume ?
L'influence de ces 3 monuments de la musique est déjà
lourde à assumer, j'utilise leur musique avec humilité.
Bach, en particulier, était le musicien préféré
de Tarkovsky et le mien aussi Il utilise souvent sa musique. Dans
" Le miroir ", par exemple : "Herr, unser Herrscher"
de "La Passion selon St Jean" de Bach
J'ai repris les parties chantées au début de cette
pièce en les étirant rythmiquement. Elles sont jouées
par le saxophone et le violoncelle. Au dessous se déroule
une longue séquence répétitive jouée
à l'unisson par le piano et l'accordéon. Puis nous
improvisons collectivement en essayant de rester dans cette atmosphère.
Je pense que ce climat très particulier est proche de l'univers
du cinéaste et ne trahit pas l'uvre originale
L'auteur de votre livret indique également
: l'image de danseur nous vient à l'esprit ces images
vous sont-elles effectivement venues à l'esprit aussi en
jouant et cela sur toutes ou une partie des pièces ? Et
apprécieriez-vous que des danseurs vous demandent de faire
un spectacle avec cette musique ?
Lorsque Charles de Brantes écrit "L'image de
danseurs nous vient à l'esprit " il ne s'agit
pas de danse rythmique. J'aime beaucoup la danse moderne (sans
être spécialiste).
Le film Pina de Wim Wenders , en hommage à la chorégraphe
Pina Bausch, est magnifique
C'est vrai que nous pourrions envisager une collaboration. Une
certaine fluidité et poésie de la musique s'allieraient
bien avec une chorégraphie contemporaine. Et cela pourrait,
je pense, convenir à toutes les pièces.
Vos morceaux sont de natures différentes,
avez-vous travaillé de la même façon pour
les réaliser tous ?
Pour composer un nouveau programme, je me mets au piano, je
m'enregistre. Je ne travaille pas à la table comme un vrai
compositeur. De ces improvisations je ne retiens parfois qu'une
phrase ou au contraire un passage entier que je retranscris complètement.
Que la musique soit mélodique, modale, ou atonale. Cela
ne change rien. La difficulté est la même.
En ce qui concerne les improvisations. Elles doivent être,
quel que soit leur style, en rapport direct avec les thèmes,
émaner d'eux et amener la suite. Nous nous connaissons,
je vous l'ai dit, maintenant très bien et c'est pourquoi
j'en suis arrivé à proposer une musique plus orchestrale
avec des improvisations collectives. Le faire en solo ou duo me
paraît plus simple.
A quatre l'écoute est primordiale, ainsi que le fait de
ne pas imposer son ego en participant vraiment à un travail
collectif sans surenchère.
La richesse des timbres des 4 instruments, le jeu sur les nuances,
les dynamiques, (le silence !!) permettent une multitude de possibilités
dans une musique atonale.
A quatre, une improvisation modale ou mélodique me paraît
plus difficile. Pour moi "la main est l'oiseau"
improvisation sur le mode de la (éolien ) me semble (en
toute modestie) une réussite
Je vous ai parlé précédemment de la tension
qu'il peut y avoir lors des enregistrements
Heureusement il y a aussi parfois de petits miracles !
Quels sont vos prochains concerts et autres
projets ?
J'ai, bien sur, des projets en tête Des envies,
des concerts, de l'écriture ( la musique du magnifique
film d'un jeune cinéaste Italien Andrea Segre ) A
vrai dire, j'aimerais vraiment jouer le plus possible en solo
et avec le Tarkovsky Quartet
Prochains concerts
le 01/07/11 à Montréal Anouar Brahem Trio "Le
voyage de Sahar" Festival de Jazz et le 15/07/11 à
Montpellier "Musica Callada " Amphithéâtre
du Domaine d'O
et pour ce qui concerne le projet Tarkovsky
09/11/11 à Nevers Solo " Un jour si blanc" Maison
de la Culture
11/11/11 à Lisbonne Tarkovsky Quartet Centro Cultural de
Belém
12/11/11 à Landsberg am Lech Tarkovsky Quartet Stadttheater
Pour écouter
des extraits
de Tarkovsky quartet
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