Sonate en la majeur op.47 "Kreutzer" (1803)
(transcription pour violoncelle et piano par Carl Czerny)
12 variations en fa majeur op.66(1798)
sur la Flûte enchantée de Mozart
Sonate n°3 en la majeur op.69(1808)
Jérôme Ducros, piano
Jérôme Pernoo, violoncelle
Le pianiste Jérôme Ducros aime avant tout jouer
de la musique de chambre, et plus particulièrement avec
ceux qui partagent cet amour et "ceux avec qui le partage
va de soi, avec qui les répétitions se passent en
musique davantage qu'en mots" . De deux ans son aîné,
Jérôme Pernoo, lauréat du concours Tchaikovsky
à Moscou et du concours Rostropovitch à Paris en
1994 et du Concours de Pretoria en 1996, est pour lui un partenaire
idéal depuis plus d'une quinzaine d'année. Si la
Sonate à Kreutzer a inspiré à l'écrivain
Leon Tolstoï un drame conjugal, c'est ici en parfaite entente
musicale que les deux musiciens interprètent cette sonate
que son dédicataire, le violoniste Rodolphe Kreutzer ,
n'a jamais joué en public, la déclarant "inintelligible"
mais il est vrai qu'il s'agit ici d'une transcription pour violoncelle
réalisée par Carl Czerny et ce n'est nullement le
cas, le discours est ici limpide, fougueux dans les premier et
troisième mouvements , plus poétique dans le deuxième
mouvement qui est en fait un thème suivi de variations.
A la suite de cette sonate viennent Douze Variations sur le fameux
air de Papageno de la Flûte enchantée, où
l'on est loin d'un drame conjugal puisque Papageno rêve
d'une femme qui l'aimerait. Enfin la troisième sonate pour
violoncelle et piano qui s'ouvre sur un mouvement allegro est
d'un lyrisme tendre. Jérôme Ducros a bien voulu nous
en dire plus sur cet enregistrement :
Vous jouez beaucoup musique de chambre
avec Jérome Pernoo, pourquoi avez-vous choisi d'enregistrer
plus précisément ces sonates ?
Beethoven est un des piliers du répertoire pour violoncelle
et piano. Nous jouons les sonates et les variations régulièrement
avec Jérôme, depuis plus de dix ans (dès notre
tout premier concert, d'ailleurs, en 1995 ). Il était
tout à fait naturel que nous les enregistrions. Il est
par ailleurs très agréable d'enregistrer des uvres
que l'on a beaucoup jouées en concert : l'expérience
offre un certain recul, une possibilité de remise à
plat très bénéfiques à cet exercice
singulier et au premier abord anti-naturel que représente
l'enregistrement en studio.
La sonate « Kreutzer »
fut dédiée par Beethoven à «l
habile violoniste » Kreutzer qui se serait toujours
refusé de la jouer la déclarant «inintelligible»
et lon parla de cette sonate comme dun «
terrorisme musical », que pensez-vous de ces qualificatifs
personnellement, vous semblent-ils justes ? Il sagit ici
dune transcription pour violoncelle par Czerny, cette transcription
est-elle très différente de loriginale pour
violon et le fait quelle soit joué par cet instrument
contribue-t-il à la rendre à votre avis plus intelligible
?
C'est un monument de la littérature pour violon et piano,
et nous avons souhaité en enregistrer cette version mal
connue et remarquable, que l'on doit à Czerny, grand élève
et adorateur de Beethoven. Le travail de transcription est très
consciencieux : ne voulant pas se contenter de baisser d'une ou
deux octaves la partie de violon, Czerny a réécrit
une partie de violoncelle réellement adaptée à
cet instrument, n'hésitant pas à opérer des
changements de taille pour y parvenir. La partie de piano est
inchangée.
Cette longue sonate est en fait un corps
à corps des deux instruments et lon mesure que celle-ci
doit être éprouvante à jouer tant pour le
violoncelliste que le pianiste : comment vivez-vous personnellement
son interprétation ?
Si, parmi toutes ses uvres de musique de chambre, je devais
en choisir une pour présenter Beethoven à quelqu'un
qui ne le connaît pas, je pense que je choisirais cette
sonate. Elle semble paraphraser à la perfection la personnalité
de son auteur. Les contrastes y sont plus violents que jamais,
la lutte intérieure entre ce qui est et ce qui devrait
être atteint son paroxysme. L'exécution est en effet
très éprouvante, et exige des changements d'état
constants. Beethoven indique qu'il a écrit cette uvre
" in uno stilo molto concertante, quasi come d'un concerto
". La musique n'est plus du tout " de chambre ".
Elle n'aura jamais aussi peu adouci les murs.
Il
est indiqué sur le livret, au sujet de la sonate n°3,
et généralement considéré que cest
la première fois dans lhistoire quun compositeur
utilise le violoncelle dégal à égale
avec le piano mais nétait-ce pas déjà
le cas pour la sonate Kreutzer écrite il est vrai pour
le violon à lorigine ? Pouvez vous expliquer brièvement
le rôle particulier du piano dans celle-ci ?
La
troisième sonate est certainement la plus équilibrée
des cinq, la plus jouée probablement, pour cette raison.
Les deux premières ont encore un pied dans le XVIIIe siècle,
le violoncelle y accompagne souvent une partie de piano assez
concertante. Les deux dernières, d'un opus tardif, représentent
plutôt le style du dernier Beethoven, plus aride, plus rêche.
Quoique d'une facture magnifique, elles ne se soucient pas de
mettre en valeur les instruments ou les instrumentistes, leur
abord est plus difficile.
Beethoven a composé deux séries
de variations à partir de la Flûte enchantée
de Mozart, dont celle qui figure sur votre disque que pensez-vous
de cette démarche ?
Les variations sur laFlûte Enchantée
sont un passage de relais formidable : quand Beethoven arrive
à Vienne en 1792, où les initiés portent
encore le deuil de Mozart (" recevez des mains de Haydn
l'esprit de Mozart " lui prescrit l'inconsolable Waldstein,
dans une lumineuse prophétie), cet opéra est encore
à l'affiche, et le jeune compositeur, comme c'était
courant encore à cette époque, compose deux séries
de variations sur des airs qu'il affectionne. Quand on sait l'importance
que revêtira par la suite la forme variations chez
Beethoven, on n'en est que plus attentif à ses premières
expériences. ?
À quoi attachez-vous le plus d'importance
dans votre interprétation des uvres de Beethoven
et quel travail particulier vous demande ce compositeur ?
La difficulté principale à laquelle est confronté
l'interprète de Beethoven réside dans l'équilibre
à trouver entre objectivité et subjectivité.
Le normal côtoyant souvent l'anormal chez lui, il convient
de les dissocier. Ne pas chercher à montrer Beethoven
à chaque note, et ne pas chercher à le cacher
quand il surgit. Une vision rétrospective de son uvre
peut parfois nous pousser à chercher où se cache
la Hammerklavier dans les premières sonates, à
deviner les prémisses de La grande fugue dans les
premiers quatuors : intellectuellement tentant, mais dans la réalisation,
dangereux et parfois malhonnête. C'est ce que Raymond Aron
appelle " l'illusion rétrospective de la fatalité
".
Les écrits de Czerny sur l'interprétation de Beethoven
(certes, ça n'est pas la parole de Beethoven lui-même,
mais l'inestimable témoignage, quoique tardif, d'un de
ses plus grand élèves) sont parfois assez déroutants
: on y lit que les forte ne doivent pas être toujours subito,
mais précédés d'un crescendo, que
les seconds thèmes doivent se jouer dans un tempo plus
lent que les premiers Une saine remise en question de nos
habitudes !
Quels sont vos prochains concerts ?
· 24 octobre 2009 , salle Gaveau : Carte Blanche à
Philippe Jaroussky
· 26 octobre 2009 , Palencia, Espagne : Mozart, Bruch,
Hummel, avec Gérard Caussé
· 6, 7 et 8 novembre 2009 : La Baule, moments musicaux
(Schumann, Chopin, Mendelssohn)
· 30 novembre 2009 : Münich, avec Renaud Capuçon
Pour écouter avec
l'aimable autorisation du label Ligia Digital 1er mvt Adagio
sostenuto -Presto de la Sonate op.47 "Kreutzer" de Beethoven par Jérôme Ducros et Jérôme
Pernoo
cliquez sur le triangle du lecteur ci-dessous
Pour en savoir plus sur le pianiste Jérôme
Ducros ...cliquez ici (autre
interview sur son parcours )
Pour en savoir plus sur le violoncelliste
Jérôme Pernoo et plus particulièrement cet
enregistrement visitez son site internet, un labyrinthe certes
mais où c'est un réel plaisir de se perdre... je
vous conseille de visiter les splendides "jardins",
notamment dans "l'atelier" un "jardin" est
consacré à Beethoven...cliquez
ici
Pour visiter la page archive des
"Disques du moment"...cliquez
ici