Schubert
Moments musicaux D.780
Allegretto en ut mineur D.915
Impromptus D.899
David Fray a été le premier jeune talent interviewé
pour ce site internet, dès 2004, alors remarqué
au hasard de l'écoute des épreuves du concours de
Montréal, et de sa remarquable interpétation de
la sonate de Liszt, une interprétation hors du commun,
émouvante, prenante, exigeant une écoute des plus
attentives de ce candidat toute affaire cessante. David Fray confiait
lors de cette première interview qu'il vouait aussi "une
passion infinie aux lieder de Schubert" , une passion
très proche de son choix d'enregistrer ces oeuvres de Schubert
à caractère lyrique également.
Que son disque soit "disque du moment" en cette période
de Toussaint est aussi pur hasard qui s'accorde précisément
bien avec cette période de l'année puisque en préambule
du livret de son disque le jeune pianiste a choisi deux vers du
poète allemand Eichendorff : "Comme nous sommes
las de marcher, est-ce peut-être ceci la mort".
Il offre une interprétation d'un tempo plus lent que celui
habituellement utilisé par les interprètes, et dans
une sonorité d'une résonance particulière
qui donne souvent place alternativement à une pensée
intérieure, et un écho qui semble venu de très
loin, des profondeurs de la terre ou de paradis rêvés.
Le recueillement, et le silence, sont encore impératifs...
David Fray prend son temps pour exprimer intensément le
flux d'émotions que Schubert transmet dans ses compositions,
et il est évident dans ce cas précis, de la sensibilité
qu'il y met, et à condition d'être soi-même
armé de patience, que l'on ne peut faire que l'éloge
de sa lenteur dans cette musique prégnante dont il permet
de mesurer la force tant dans les notes que les silences.
David Fray a bien voulu répondre à de nouvelles
questions pour présenter son disque :
Dans le petit film de présentation
de votre disque vous dites que la musique de Schubert a changé
votre vie, vous l'avez découverte enfant pouvez-vous
dire en quoi elle l'a changée à
l'époque et de quelle manière aujourd'hui encore
elle la change, différemment ou pas ?
Schubert est capable de provoquer à la fois une étrange
familiarité et aussi une dimension plus mysterieuse que
forcément j'ai découvert plus tard en murissant.
Il est bien évident que ce qui m'attirait étant
enfant est différent de ce qui m'attire aujourd hui mais
j'ai l impression que ces deux mémoires, l'une de l enfance
et l'autre plus récente, se rejoignent, ce qui me semble
finalement assez schubertien comme sentiment. Pour répondre
plus précisément je crois que la musique de Schubert
porte en elle un secret lié à l'humain et peut de
ce fait nous en apprendre plus sur nous-mêmes, même
si, en un sens, ce secret ne sera jamais totalement dévoilé.
Dans le préambule à votre
disque vous avez mis un vers du poète Eichendorff : «
Comme nous sommes là de marcher ! Est-ce peut-être
ceci la mort »...est-ce un poète que vous
appréciez particulièrement et en quoi la musique
de Schubert vous semble-telle en parfaite correspondance à
ce vers ?
Paradoxalement Schubert n'a pas à ma connaissance mis
en musique de texte d'Eichendorff cependant dans ces deux vers,
outre le thème du Wanderer et de la mort, se trouve cette
incrédulité face à ce moment attendu et craint
, cette idée trés forte que le passage de la vie
à la mort puisse se faire sans même que l'on s'en
apercoive, quasiment, mais aussi cette fatigue, ce poids de la
vie et cette interrogation finale, sans réponse...
Vous avez cette fois choisi des pièces
de Schubert de différentes formes : Impromptus et Moments
musicaux, pouvez-vous expliquer ce qui distingue ces deux formes
et ce qui les rapproche, et pourquoi il vous semblait personnellement
plus approprié de les regrouper ensemble dans un cd plutôt
que de regrouper tous les Impromptus ?
Il me semble que les moments musicaux ont une texture plus fine
plus délicate et plus fragile en somme. L'idée pour
ces deux formes est de garder une certaine liberté, de
laisser s'épanouir un certain lyrisme sans réelle
contrainte formelle. C'est aussi en cela que ces pièces
sont peut-être celles qui se rapprochent le plus des lieder.
Vous avez choisi de lier ces deux recueils
par l'allegretto en ut mineur, pouvez-vous également
expliquer ce choix ?
L'allegretto fait partie de ces pièces orphelines
un peu comme l'adagio en si mineur de Mozart, des oeuvres
de fin de vie, condensées, trouées de silences,
tragiques. Sa concision et sa texture le rapprochent des "Moments
musicaux" mais sa tonalite dramatique de do mineur "appelle"
le 1er impromptu lui aussi en do mineur. Je l'appelle le diamant
noir du disque , son coeur aussi peut être .
Bach est également un de vos compositeurs
de prédilection que pensez-vous plus particulièrement
du quatrième « Moment musical » et de
la façon dont Schubert y revoit la musique de Bach ?
Il n'est effectivement pas absurde d'y voir une invention à
deux voix dans le style de ... mais j'y vois plutôt la faculté
incroyable de Schubert de trouver sa propre voix malgré
l'hommage. Il suffit de voir le début de la sonate en do
mineur, tellement proche des trente-deux variations de Beethoven
, pour se rendre compte que sans effort , sans volontarisme, son
style et son univers finissent pas contaminer la pièce.
Vous dites «Il faut avoir confiance
pour jouer (et écouter) Schubert , accepter de suivre obstinément
ce point fixe, ne jamais s'en détourner, fût-il
l'horizon de sa propre mort... » , pour le jeune
interprète que vous êtes est-ce difficile à
imaginer, ou bien la mort est-elle une importante préoccupation
pour vous , et à quoi attachez vous le plus d'importance
dans votre interprétation au moment même où
vous le jouer ?
C'est une question très intime et j'imagine que la réponse
se trouve dans le disque, peut-être... ce que je peux dire
est que ce voyage dans l'univers de Schubert n'a pas toujours
été facile que , durant l'enregistrement, le fait
de se retrouver seul face à cette musique et face à
soi-même a été parfois éprouvant. La
réputation de Schubert de compositeur charmant et mélodieux
me semble de plus en plus éloignée de la réalité
et je crois en effet que tout le monde n'est pas prêt à
cette confrontation ce qui ne voulait pas dire de l'éviter
et de rendre la rencontre plus "facile".
Lorsque vous vous promenez dans la nature
pensez-vous à la musique de Schubert ?
Pas plus qu'ailleurs, comme je l'ai dit la nature chez Schubert
est souvent un reflet de ce que l'on vit intérieurement.
de plus j'ai toujours de la musique en tête quoi que je
fasse , ou que je sois.
Cette musique qui touche plus à
l'intimité que celle de Bach mais où dites-vous
il faut « laisser faire le hasard » vous semble-t-elle
personnellement plus difficile à interpréter , ou
bien le hasard vous aide-t-il en fait ?
Les difficultes ne sont pas les mêmes. Je dirais que chez
Schubert tout ne s'apprend pas , tout ne se "travaille pas".
Là intervient le vécu mais aussi le sentiment quelque
part que l'on a rien à prouver. J'ai aussi noté
assez mystérieusement que les oeuvres de Schubert au concert
souffrent beaucoup plus de la qualité parfois moyenne de
l instrument. Le piano à disposition doit être extrêmement
subtil et sensible , sinon aussi grands nos efforts peuvent-ils
être, le résultat sera décevant. C'est d'ailleurs
parfois un sujet d'énervement et de frustration que de
voir que seulement 20 pour cent des intentions sont possibles
à retranscrire ...
Quels sont vos concerts à venir
les trois prochains mois ?
3 novembre Concerto 25 de Mozart Genève
7 novembre concert caritatif dans ma ville natale de Tarbes
21 novembre récital Autriche Tyrol
fin novembre 25 eme Concerto 25 de Mozart à Bordeaux
3, 4 , 5, 8 Décembre Ravel Concerto en sol avec le New
York Philarmonic
14 Décembre récital Wigmore Hall
21 Janvier Concerto 20 de mozart avec le philarmonia de londres
24 janvier Récital Munich
A voir : vidéo de présentation de l'enregistrement
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Et pour vous faire une
idée de l'ensemble des pièces...
écouter ces extraits mp3