Samazeuilh Intégrale des oeuvres pour piano Olivier Chauzu

Gustave Samazeuilh(1877-1967)

Complete piano works
Intégrale des oeuvres pour piano

NOCTURNE (1938) * ( premier enregistrement mondial )
PIANO SUITE IN G (1902, rev. 1911)
CHANSON À MA POUPÉE (ca. 1904) NAÏADES AU SOIR (1910)
3 PETITES INVENTIONS (ca. 1904)
ESQUISSES (1944)
EVOCATION (1947)
LE CHANT DE LA MER (1918-19)

OLIVIER CHAUZU, piano

Ce disque en est un peu le prolongement de deux disques déjà enregistrés par le pianiste Olivier Chauzu, l'un en 2007, la suite "Iberia" du compositeur Albeniz, et un autre paru en 2008, l'intégrale des oeuvres pour piano de Paul Dukas, compositeur dont est célébré cette année le 150ème anniversaire, puisque Gustave Samazeuilh, compositeur français, d'origine bordelaise, encore moins connu de nos jours que son maître, fut l'un des élèves de Dukas, qui lui-même fut élève d'Albeniz. Olivier Chauzu explique d'ailleurs, à l'occasion d'un nouvel entretien à lire ci-dessous : "La parenté est évidente. Le style d'écriture est ressemblant : la même densité harmonique s'y retrouve, très germanique (les deux compositeurs admiraient Beethoven, mais aussi le wagnérisme et le mahlerisme), ainsi que le goût français : le debussysme et ravélisme."
Egalement pianiste et critique musical , Gustave Samazeuilh, méconnu aujourd'hui , fut pourtant une des figures centrales de la vie musicale parisienne pendant plusieurs décennies, au début du 20ème siècle. Dès ses premières compositions, il fut conseillé et encouragé par Chausson, il avait aussi connu d’Indy dès l’enfance et en fut également l'élève. Il avait très tôt connu Ravel étudiant. Camarades de jeunesse, ils restèrent toujours très liés. Debussy lui confia la transcription pour piano des Interludes de Pelléas. Il est, avec son maître Dukas, l’une des plumes les plus compétentes d’alors, par ses critiques intelligentes et nuancées et son esprit d’indépendance. En fait, excellent pianiste, Samazeuilh reste plus connu pour la centaine de transcriptions, essentiellement pour piano ou deux pianos, que lui demandèrent des compositeurs et éditeurs. Ce qui explique aussi, en partie, que ses propres compositions pour piano ne tiennent que sur un CD de 1h15 .
Un disque qui ne suit pas l'ordre chronologique des oeuvres mais débute par un très beau "Nocturne" , adaptation pianistique réalisée en 1938 de son propre poème pour orchestre Nuit (1924). En tête de la partition figure un poème d’Henri de Régnier évoquant la nuit « lumineuse et secrète » et l’arrêt du temps libérant l’effusion de la passion... une source d'inspiration ne pouvant certes que conduire à une oeuvre splendide, ainsi lorsque la musique graduellement s’anime et s’enflamme pour devenir très expressive et passionnée, mais aussi par ses aspects mystérieux. Il est surprenant que celle-ci n'ait pas été enregistrée antérieurement dans cette version pour piano. Et ce disque révèle nombreux trésors : dans la suite en sol de six pièces le "Prélude" , aux magnifiques arpèges, se distingue, ainsi que "Musette" et "Forlane" bouquet musical final éblouissant qui rappelle les oeuvres précédentes.
Les belles "Naïades" , en fait une seule pièce au rythme souple d'une barcarolle, inspirèrent à Ravel le thème principal de son "Daphnis", ainsi ce dernier en témoigne-t-il dans une dédicace sur sa partition ayant appartenu à Gustave Samazeuilh.
Les trois inventions, qui prennent leur inspiration de Bach à Debussy et sont respectivement à deux, trois et quatre vies, rivalisent de beauté et d'ingéniosité.
Les quatre esquisses, plongent l'auditeur dans un univers différent, d'une grande richesse harmonique , et certaines nous ramènent à d'autres compositeurs, tout en s'en distinguant "Dédicace (pour un album)" pourrait être portée sur un album de Debussy, mais ses harmonies sont très particulières, alors que la ravissante petite "Luciole" prend son envol aussi rapidement que le bourdon de Rachmaninov mais connaît une fin tragique semble-t-il, et la "Sérénade" a bien sûr des accents hispaniques, mais se distingue de ceux entendus dans Iberia. De même que dans la suite pour piano écrite 42 ans auparavant, la dernière pièce " Souvenir" s'inspirent de celles qui la précèdent, un beau bouquet final offert de la seule main droite, alors que la sérénade était jouée avec la main gauche uniquement .
"Evocation" est à l'origine une pièce isolée pour violon et piano qu'il avait dédiée à Enesco, qui offre un très bel atmosphère, où l'on oublie par contre totalement le violon auquel il s'adressait aussi.
Et que dire du splendide triptyque "Chant de la mer" qui termine ce disque, que nombre de pianistes qui aiment l'oeuvre de Ravel, mais aussi ceux de Beethoven et Liszt, devraient penser à jouer ! Celui-ci obéit à une construction temporelle et symbolique : questionnement de la mer , vaste et immobile puis clair de lune sur la mer et enfin tempête et lever du jour. ! Ce dernier mouvement absolument sublime est beaucoup plus long que la plupart des pièces de ce disque, et termine magnifiquement ce disque. On comprend que l'ordre chronologique n'ait pas été respecté ! Une oeuvre à mettre au programme de concert ! Certes sans doute pas facile à jouer, le pianiste Olivier Chauzu, qui a déjà fait, multiples fois, ses preuves pour affronter de telles tempêtes musicales s'avère un marin sur qui l'on peut se fier pour en affronter toutes les vagues, formées de trémolos et ostinatos , de descentes ou montées chromatiques en accord brisés , et ses alternances de glissandos sur les touches noires et sur les touches blanches, d'une virtuosité absolument transcendante !
Gustav Samazeuilh est un compositeur français mort relativement récemment (1967) et à écouter le splendide "Nocturne" qui débute votre disque on peut être étonné qu’il s’agisse là son premier enregistrement. Vous même quand et comment avez-vous découvert les œuvres de ce compositeur originaire de Bordeaux ?
Ma découverte de Samazeuilh a été le fruit de plusieurs hasards qui ont jalonné mon parcours . Comme pianiste franco-espagnol, j'ai été amené à jouer et à enregistrer Albéniz, qui était le maître de Dukas, lequel Dukas chérissait Samazeuilh. La parenté est évidente. Le style d'écriture est ressemblant : la même densité harmonique s'y retrouve, très germanique (les deux compositeurs admiraient Beethoven, mais aussi le wagnérisme et le mahlerisme), ainsi que le goût français : le debussysme et ravélisme. Puis j'ai été amené à travailler avec le quatuor Joachim, qui a enregistré le quatuor de Samazeuilh, œuvre de jeunesse déjà très prometteuse, j'ai lu sa magnifique sonate pour violon et piano que je compte bien jouer un jour en concert, et ainsi de suite. Le fait qu'il soit de l'Aquitaine est aussi une coïncidence.
Le nocturne est une admirable pièce très orchestrale qui rappelle étonnamment Mahler, avec ses climax, la solitude qui en émane.
Il est vrai que l’ensemble de son œuvre ne semble pas très importante en volume ainsi votre disque regroupe l’intégrale de ces compositions pour piano , alors qu’il était lui-même pianiste,
savez-vous s’il ne composait que sur commande ou bien de façon « spontanée » ?
Il n'a en fait qu'assez peu écrit. Sa production pour piano est peu volumineuse, celle pour orchestre ne l'est pas plus, ni celle pour musique de chambre. Il est d'ailleurs assez étonnant de constater que cet homme, après avoir composé ces magnifiques œuvres que sont son quatuor, le chant de la mer, le poème symphonique « Nuit » (qui est le nocturne pour piano), la suite en sol qui est un hommage au baroque français, une sonate pour violon et piano, Naïades au soir, le sommeil de Canope pour orchestre, diminua sensiblement sa production pour ne plus rien produire après la deuxième guerre mondiale. Ses esquisses, magnifiques, datent de la fin de la guerre, sa très courte évocation pour piano date de 1947. Puis plus rien.
Dans une conférence sur la musique française , en 1916, Koechlin classait Samazeuilh parmi les scholistes « teintés d’une vague nuance debussyste »qu’en pensez-vous personnellement ?
Son "chant de la mer " a été l’œuvre de référence de Samazeuilh pour tous les pianistes du début du siècle, le pendant du triptyque Gaspard de la nuit de Ravel en terme de technique pianistique. Et d'ailleurs, la troisième pièce, « Tempête et lever du jour sur les flots », reprend une grande partie des ingrédients de Scarbo (outre les réminiscences claires au prélude de Debussy « Ce qu'a vu le vent d'ouest) : accords alternés, rythmes saccadés, jets de lumière fantastiques.
Mais nul ne peut dire que c'est une copie de Debussy ou de Ravel, car le monde sonore est très particulier. On assiste à une véritable scène cinématographique, pourrait-on dire, d'une tempête se calmant et laissant place à la lumière de l'aube, et aboutissant à une lueur triomphale.
La deuxième pièce, « Clair de lune au large », fait penser un peu à Ondine de Ravel, avec ce thème confié à la main gauche, pendant que la main droite se livre à un accompagnement très gracieux et très sensuel. Et le prélude qui précède instaure une atmosphère mystique, quasi religieuse, et en cela peut renouer avec les scholistes, comme le mentionnait Koechlin au cours d'une conférence.
Comment s'explique le fait qu'il soit méconnu ? Est-ce lié au fait que pendant plus d’une vingtaine d’année il n’a plus composé pour le piano, en connait-on la raison ? Et a-t-il par contre composé d’autres œuvres pour d’autres instruments pendant cette périiode ?
On peut dire que pendant la deuxième guerre mondiale, il n'a hélas pas été du bon côté et aurait eu des fréquentations douteuses. Il a fréquenté le festival de Bayreuth dans les années 30 et était très lié avec les filles de Wagner, dont l'une avait épousé Houston Stewart Chamberlain. Quoi qu'il en soit, cela semble s'être arrêté là. Est-ce la raison de son éclipse ? J'ai cherché, mais n'ai pas trouvé. Il n'a pour ainsi dire pas d'héritiers, ses possessions se trouvent aux petites sœurs des pauvres à Versailles.
J'ai ressenti cette éclipse comme une grande injustice, car les pianistes qui ont vécu les années 20 et 30 connaissaient et jouaient ses œuvres, qui furent dédiées, entre autres, à Marguerite Long, Marcel Ciampi, Alfred Cortot, Francis Planté, Jeanne-Marie Darré. La deuxième guerre mondiale a supposé une énorme coupure dans cette trajectoire. Et, chose curieuse, il est très difficile aujourd'hui d'en savoir davantage. Il y a comme un mystère qui entoure la trajectoire de cet homme, qui a exercé, presque centenaire, comme critique musical et a connu les premiers pas de la radio.

Ses œuvres dites « tardives » par l’auteur du livret, montrent-elles à votre avis une évolution de son style ?
Les dernières oeuvres du compositeur ne révèlent pas une véritable évolution de son style, si ce n'est une tendance à composer des pièces de plus en plus courtes (les quatre esquisses, ainsi que "Evocation"), étape antérieure à une disparition complète de la composition, puisqu'il n'écrira plus rien par la suite jusqu'à sa mort.
Comment avez-vous préparé cet enregistrement ? Quel travail particulier demande sa musique , Qu’est-ce qui vous a tenu le plus à cœur dans votre interprétation ? Et conseilleriez-vous des sources d’informations particulières au sujet de ce compositeur outre bien sûr ses partitions. ?
Sur ce compositeur, nous ne savons pas grand-chose et comme il n'a pour ainsi dire pas d'héritiers, ni de témoins vivants, tout regard sur sa musique et sur son interprétation sera neuf. C'est pour cela que je l'ai travaillé sans idée préconçue, sans tenir compte d'une tradition qui visiblement n'existe pas, ou plus, vu que les seuls témoignages sonores sont tous très récents. J'ai suivi mon propre ressenti pour forger mon interprétation, et je me suis rendu compte qu'il n'était pas si éloigné, non plus, des compositeurs allemands. Je disais aussi que son écriture ressemble beaucoup à celle de Dukas., donc l'imprégnation en est longue.
Avez-vous souvent eu l’occasion de jouer une ou plusieurs de ses œuvres en concert et quels sont vos prochains concerts , jouerez vous aussi une partie de ces oeuvres ?
J'ai eu l'occasion de jouer à plusieurs reprises cette musique, en particulier le chant de la mer, dans des festivals en France, mais aussi à l'étranger : au Vietnam, l'accueil a été très enthousiaste.
J'ai joué sa suite en sol, entre autres, au festival Albert Roussel dont Damien Top est directeur. Malheureusement, comme c'est un compositeur peu connu, nous devons souvent faire le forcing auprès des programmateurs pour qu'ils veuillent bien le faire figurer. Je ne dirais pas que c'est aussi difficile de le programmer que la musique de notre temps, mais bien souvent les programmateurs craignent que cela rebute du monde et que le nombre d'entrées s'en ressentent, et c'est bien dommage, car à chaque fois que je l'ai joué, le public semble avoir particulièrement apprécié.


Pour écouter les courts extraits
Gustave Salmazeuilh - Intégrale oeuvres pour piano
Olivier Chauzu, piano
avec l'aimable autorisation du label
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Suite pour piano en sol - Prélude

Naïades au soir

3 petites inventions- N°2 à trois parties

Le chant de la mer - n°3 Tempête et lever du jour

 

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