Moderato Cantabile François Couturier Piano Anja Lechner violoncelle

Moderato Cantabile

Anja Lechner, violoncelle
François Couturier, piano

Komitas
Gurdjieff
Mompou
Couturier

Lors d'un précédent entretien, le pianiste François Couturier nous avait annoncé l'enregistrement de ce disque en duo avec Anja Lechner. Un disque sûrement très attendu par les amateurs de piano puisque l'album "Il Pergolese", réalisé avec, outre la violoncelliste, la chanteuse Maria Pia De Vito et Michele Rabbia pour les percussions et l'électronique, fait partie de la sélection par les internautes de pianobleu.com de sept disques pour l'été.
Ce nouveau disque, ou du moins un des morceaux, aurait, peut-être, pu aussi faire partie d'une autre sélection s'il était paru plus tôt : celle de l'inspection académique pour le baccalauréat 2015 option musique, qui cette année a notamment retenu le thème "Jazz et orient" et sélectionné cinq morceaux extraits de disques qui chacun évoque de façon singulière le dialogue des cultures, celles de l'Orient et celles du jazz occidental. Un thème tout à fait dans l'actualité miusicale. D'ailleurs ..."Au départ ce disque devait s'appeler "Orient-Occident" mais ce titre avait déjà été beaucoup utilisé", confie François Couturier dans un nouvel entretien à lire ci-dessous.
Cette fois il n'y a pas de chanteuse mais, ainsi le suggère le titre qui signifie "modérément et mélodieusement", la mélodie est aussi au coeur de ce disque. Un titre qui, certes, a aussi été utilisé auparavant : par la romancière Marguerite Duras dont le livre a donné lieu plus tard à un film de Peter Brooks, lui-même influencé par un des "compositeurs" de pièces de ce disque : Gurdjieff. Donc tout à fait adapté à cet enregistrement.
Les guillemets autour du mot compositeurs se justifient par le fait que ce statut de compositeur est discutable pour Gurjieff, car en fait, semble-t-il, il ne faisait que rapporter des mélodies qu'il avait entendues dans le Caucase et en Asie Orientale , et c'est le pianiste Thomas de Hartman qui les arrangeaient, mais ce dernier disait que cette musique n'était pas de lui mais celle de Gurdjieff, alors... Et il est vrai que l'on pourrait discuter des heures parfois sur les véritables "propriétaires" d'une musique, selon aussi ce qu'en fait les interprètes, arrangeurs etc... ainsi Mompou autre, compositeur au "générique" de ce disque a lui-même dit : « Je crois que la musique appartient à l’interprète authentique, à l’artiste authentique ». Modestement François Couturier considère que la musique de ce disque reste aux compositeurs, mais à l'écoute de ce duo qui a l'habitude de travailler ensemble, on a pourtant d'abord en mémoire ces précédents disques qui nous ont déjà ravis, certes dont déjà un disque "Musica Callada" de Mompou, car c'est un compositeur qu'il aime particulièrement.
Et il convient aussi de préciser, précision très importante en fait, que si son nom n'est pas dans ce qui pourrait sembler la liste des compositeurs sur la pochette, car mis auparavant sans précision des instruments, François Couturier a aussi ajouté trois de ses propres compositions qui se fondent merveilleusement avec les autres, offrant tout au long du disque une splendide univers tel à le secret François Couturier. Ainsi un splendide "Papillons" que d'autres musiciens pourraient avoir un jour envie à leur tour de faire voler de leurs propres ailes...
Nul doute que ce nouveau disque vous plaira tout autant que les précédents, la violoncelliste Anja Echner qui fait chanter son violoncelle admirablement, lui est aussi complémentaire que la musique occidentale à la musique orientale, d'autant plus qu'elle est issue de la musique classique, lui, du jazz, mais comme lui à l'art de l'improvisation. Chacun a apporté des musiques qui lui étaient proches. Certes ce disque aurait aussi pu s'intituler juste "Echner-Couturier" ; ce n'était pas déjà utilisé mais on en espère donc encore d'autres ! Vous pourrez en écouter un extrait dans la vidéo de présentation en fin de page mais pour en savoir plus prenez le temps de lire l'entretien, vous y découvrirez notamment quelques secrets de cette musique et tous les pouvoirs cachés de la musique ! Cela peut aussi être discutable selon les compositeurs, les musiques, et les propres croyances de chacun, mais celle de ce disque semble bien les porter, elle offre en tout cas de très beaux moments de paix, de joie, d'ombre et de lumière, et un mystère jamais totalement dévoilé, cela nul ne devrait le contester ! Oui un disque qui a tout pour plaire à un large public !
Votre disque comporte plusieurs improvisations de pièces de Gurdjieff, un compositeur qui en fait n’est parfois pas considéré comme tel puisque, explique Steve Lake, l’auteur du livret de votre disque, sa méthode de composition était particulière : « Gurdjieff chantonnait ou sifflait ou jouait avec un doigt sur le clavier des fragments de mélodies, échos de ses pérégrinations dans le Caucase et Asie centrale, - la tâche revenant à Hartman de les développer et de les harmoniser à la volée. » ainsi l’esprit et le savoir faire d’un occidental ont filtré et donné forme à ces bribes de mélodies venues d’Orient" . Quel est votre avis personnel sur Gurdjieff , le considérez-vous ou non comme un compositeur au même titre par exemple que des compositeurs classiques qui ont piochés dans le répertoire folklorique , bien qu’il n’ y ait peut-être pas apporté sa propre matière et ne serait-il pas plus juste de parler d’arrangement
de musique folklorique orientale ?
Je pense que  Gurdjieff était très musicien. Grâce à une mémoire prodigieuse, il était capable de reconstituer des thèmes entendus dix ou vingt ans auparavant. Mais pas vraiment un compositeur. Lorsque nous avons décidé, Anja et moi, de jouer en duo (après plus de 10 ans de travail en commun au sein du Tarkovsky Quartet et une collaboration en cours dans le projet "Il Pergolese" ), nous avons amené chacun des musiques qui nous étaient proches
Anja avait déjà fait deux enregistrements autour de l'œuvre musicale de Gurdjieff ( Avec le pianiste Vassilis Tsabropoulos ) .J'avais lu, comme beaucoup, "Rencontre avec des hommes remarquables" mais ne connaissait pas sa musique.
Et que pensez-vous de l'oeuvre de Komitas ?
Komitas, par contre, a écrit des pièces pianistiques magnifiques et parfois complexes.
Nous n'avons d'ailleurs utilisé de son œuvre qu'une petite comptine "Chinar Es"
propice, par sa simplicité même, à être arrangée pour le duo. C'est une très jolie chanson enfantine. J'ai changé le tempo et les harmonies et ai intégré des cellules répétitives sur lesquelles nous improvisons. Mais, lui, était un vrai compositeur et a écrit de magnifiques pièces pour piano que je n'aurais jamais osé réarranger .
Mompou, dont vous avez aussi choisi des pièces, a dit : « Je crois que la musique appartient à l’interprète authentique, à l’artiste authentique » ..ne pourrait-on pas aussi dire que les pièces de Gurjieff sont de Thomas de Hartmann, et non de Gurdjieff , et désormais les vôtres (Anja et vous) ?
Mompou était aussi un vrai compositeur. Il pensait, effectivement que l'interprète pouvait se ré approprier son œuvre et refléter sa vision artistique. Ce qui est vrai pour toutes les musiques écrites.
Mais nous sommes allés plus loin en réorchestrant pour le duo des pièces écrites seulement pour piano et en improvisant. Cela  reste, néanmoins, la musique des compositeurs. Par contre, nous n'avons pas utilisé de pièces déjà écrites pour piano et violoncelle.
Keith Jarrett a lui-même interprété les arrangements pour piano seul de ces mélodies de Gurdjieff par Hartmann dans son disque " Sacred Hymn", et vous et Anja Lechner, en faites d’autres arrangements pour piano et violoncelle , Anja Lechner ayant d’ailleurs déjà
réalisé un disque d'autres pièces de ce « compositeur » avec le pianiste Vassilis Tsabropoulos, en re situant la musique dans sa perspective dans un contexte régional et historique plus précis. Comment les avez-vous choisies et qu’apportez-vous de particulier l’un comme l’autre dans ce nouvel enregistrement ?
Contrairement à nous, l'immense improvisateur Keith Jarret joue le texte exact
des pièces de  Gurdjieff-Hartmann.
Nous avons déchiffré ensemble plusieurs pièces et en avons choisi quelques unes que nous avons réorchestrées pour piano et violoncelle. Nous avons ensuite travaillé des structures d'improvisation. Nous jouons, ici, les mélodies très librement. Parfois textuellement (Hymn 7), parfois d'une manière totalement libre et presque atonale (Hymn n° 11 ) et nous improvisons toujours après l'exposés des thèmes ( en solo ou en duo ).
L’avant-dernier morceau de votre disque conjugue une œuvre de Gurdjieff et une œuvre de Mompou, qu’est ce qui vous a donné envie de les conjuguer ainsi ?
C'est cette "réappropriation" dont nous avons parlé. Créer un univers musical personnel en réunissant en une pièce unique deux pièces de compositeurs différents reliées par une improvisation qui unifie le tout. En ce sens, le but est que la musique sonne comme celle du duo tout en empruntant les thèmes des deux compositeurs. J'espère que nous avons réussi !
Gurdjieff s’efforçait d’élever la condition spirituelle du monde à "L’Institut pour le développement de l’être humain harmonieux "qu’il avait créé près de Fontainebleau et sa musique faisait partie… de sa boîte à outils pour éveiller les endormis et révéler à l’humanité paresseuse d’autres niveaux de conscience, indique encore l'auteur du livret… Partagez-vous ce but ? Croyez-vous que la musique puisse aider à atteindre d’autres niveaux de conscience ?
La musique a l'extraordinaire capacité  d'atteindre l’essence de l’homme, son esprit, son âme… elle exprime l’inexprimable. Je ne peux que méditer et faire méditer sur ces phrases
"L'art affirme ce que l'homme a de meilleur : L'Espérance, la Foi, l'Amour, la Beauté, la Prière… Ce dont il rêve, ce en quoi il espère… L'humanité n'a jamais rien créé de désintéressé, si ce n'est l'image artistique. Et peut-être que toute  l'activité humaine trouve son sens dans la création d'œuvres d'art, dans l'acte créateur absurde et gratuit. Peut-être même est-ce en cela que nous avons été créés à l'image et à la ressemblance de Dieu, c'est-à-dire capables de créer ?" Andreï Tarkovski - "Le temps scellé"
L’on retrouve une de vos compositions « Soleil rouge » , qu’en est-il des deux autres ?
Mes compositions ( avec celles de Mompou ) sont le versant Occidental du programme et il est vrai que fidèle à son désir profond de marier l'Orient et l'Occident, Gurdjieff choisit le piano pour interpréter les mélodies orientales. Ce Cd devait d'ailleurs initialement s’appeler "Orient - Occident". Mais ce titre avait déjà été beaucoup utilisé.
Mes compostions fonctionnent comme des éléments contrastés mais complémentaires.
"Voyage" est une pièce répétitive. Une cellule constituée d'accords très simples répétés, sur laquelle nous improvisons à tour de rôle.
"Papillons" est en trois parties ; Elle est un reflet exact de la musique que j'ai envie de faire aujourd'hui. Des improvisations contemporaines (harmoniques du violoncelle,
improvisations libres) juxtaposées à un thème final plutôt classique (un mélange de Gurdjieff et Couperin avec des modulations  plus modernes)
Pour finir... une « question qui peut fâcher » : Votre disque réunit la musique occidentale et orientale, des sonorités de l'Est, en termes de relations entre folklore et musique religieuse, et en termes philosophiques. considérez-vous que votre disque est avant tout un disque de jazz oriental ou plutôt de musique contemporaine voire de musique spirituelle  ? Ou bien tout cela à la fois… de manière égale. Et ne pensez-vous pas perdre une partie de l’auditoire possible si les
disquaires ne le proposent qu’au rayon jazz ?
Cette question est tout à fait judicieuse. D'autant que Manfred Eicher  l'a sorti chez ECM New Series. Je pense, en toute humilité, que la réussite de ce duo est que nous utilisons des musiques très variées,  sans entacher la cohérence générale. Cet univers très personnel est inclassable. Entre musique classique, contemporaine, improvisations modales et libres
Car nous improvisons !
Nous avons travaillé ( comme d'habitude ) pour que l'exposé des thèmes et les parties improvisées soient cohérentes. Et ce geste de l'improvisateur est proche de celui du musicien de Jazz . Même si les puristes…
Je pense, enfin, que cette musique peut être écoutée par un public très vaste.
Son aspect très mélodique est, je pense, très commercial. Ce n'était, en aucune façon, un but !
Mais le résultat d'un choix esthétique que, actuellement, Anja et moi partageons.


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