Joseph Haydn Domenico Scarlatti Chiaro e scuro Olivier Cavé PIANO
Joseph Haydn (1732-1809)
Domenico Scarlatti (1685- 1757)
Chiaro e scuro
SONATA IN D MAJOR, HOB. XVI:37 (Haydn)
SONATA IN G MAJOR, KK. 425 (Scarlatti)
PARTITA IN G MAJOR, HOB. XVI:6 (Haydn)
SONATA IN E MAJOR, KK. 495 (Scarlatti)
DIVERTIMENTO IN C MAJOR, HOB. XVI (Haydn)
SONATA IN G MAJOR, KK. 432 (Scarlatti)
SONATA IN F MAJOR, HOB. XVI:23 (Haydn)
SONATA IN A MAJOR, KK. 342 (Scarlatti)
SONATA IN D MAJOR, HOB. XVI:24(Haydn)
SONATA IN B-FLAT MINOR, KK. 128(Scarlatti)
Olivier Cavé, PIANO
L'on avait pu découvrir le pianiste suisse Olivier Cavé en décembre 2008, à l'occasion de la parution de son premier disque, sous le label Aeon, consacré à des sonates de Domenico Scarlatti. Il a depuis enregistré deux autres disques : l'un d'oeuvres de Clémenti , et l'autre de Bach, et c'est avec de nouvelles sonates de Scarlatti, que nous le retrouvons aujourd'hui. Il a cette fois choisi d'y associer des oeuvres de Haydn, un compositeur qu'il a découvert grâce à Scarlatti, et si déjà jeune étudiant il sentait une proximité certaine entre les deux compositeurs. , sa récente rencontre avec la musicologue new yorkaise Elaine Sisman, qui partage son point de vue sur la proximité de la sensibilité artistique de ces deux compositeurs, l'a conduit à réaliser ensemble ce projet, confie-t-il à l'occasion d'un nouvel entretien à lire ci-dessous.
Deux compositeurs qui " avec leur pluralité changeante, leur inventivité rythmique, leurs tours de pathos et leur passion pour des textures duelles ébranlées par de soudaine sonorité pleines, nous faisons l'expérience de l'"inventio", la découverte d'idées musicales. Nous ressentons la joie de la création", explique quant à elle la musicologue dans le livret. Pour elle il est fascinant d'imaginer que Haydn ait eu les partitions des sonates de Scarlatti entre les mains. Les liens musico-historiques qui pourraient exister entre eux comprennent des personnages célèbres et moins célèbres, mais ce qui permet sans doute d'y croire volontiers c'est la présence de deux énormes collections de sonates de Scarlatti, datant su 18ème siècle ( aujourd'hui à la Gesellschaft der Musikfreune à Vienne) - acquise par le Baron du Beine , dont l'on retrouve trois d'entre elles dans ce disque du pianiste Olivier Cavé : K128, K432 et K495
Ce disque comprend aussi notamment deux sonates de jeunesse de Haydn composée en 1750, où la musicoloque trouve que Haydn et Scarlatti passent en mode mineur de manière comparable, en changeant la perspective comme un filtre de vue modifie la vue. Des sonates dénommées "Partita" et "Divertimento" , et comme l'indique Olivier Cavé dans une de ses réponses , le final de ce Divertimento, pourrait tout à fait être de Scarlatti !
Il est une autre pianiste d'ailleurs qui faisait la même constatation au sujet des sonates de Haydn : Zhu Xiao Mei , dans le livret de l'un de ses disques consacré uniquement à Haydn déclarait : " A ma connaissance il n'y a pas vraiment
de preuve qu'Haydn connaissait la musique de Scarlatti mais à
tout le moins, j'ai la conviction que l'esprit de Scarlatti a
inspiré celui de Haydn ! ".
Inversement, l'on pourrait ajouter que la sonate Kk 128, écrite par Scarlatti à peu près à la même époque, et qui termine magnifiquement ce disque, pourrait être de Haydn, même si comme toutes ses sonates, elle est plus courte et d'un seul mouvement, le pianiste Olivier Cavé nous permet de mesurer fort bien, ce contraste "chiaro e scuro" - clair obscur, qui donne le titre de ce disque. Et, pourquoi pas, aussi imaginer que Scarlatti ait eu des sonates de Haydn dans les mains. Vous pourrez écouter cette sonate plus bas dans cette page, mais avant lisez l'entretien qui précède pour en savoir plus sur ce disque original qui met en lumière cette proximité entre les deux compositeurs par la simple, et belle, musique, mais pour cela il vous faudra aussi écouter les sonates de Haydn qu'il joue avec tout autant de beaux contrastes qui indéniablement le rend heureux, d'ailleurs il le confirme dans cet entretien !
Vous aviez enregistré un disque de sonates de Scarlatti, un compositeur qui tient une place à part dans votre répertoire expliquez-vous à l’époque (en 2008 ) , qu’en est-il de Haydn : quelle place tient-il dans votre répertoire et qu’est-ce qui vous a donné l’idée de les associer dans un disque ?
Scarlatti tient une place à part dans ma vie de musicien de part mon histoire personnelle. Haydn je l'ai "découvert" à travers Domenico Scarlatti, et c'est ainsi qu'est né ce projet d'enregistrement en collaboration avec la musicologue new yorkaise Elaine Sisman. Déjà jeune étudiant je sentais une proximité certaine entre les deux compositeurs. Hélas mes professeurs refroidissaient mes ardeurs me guidant vers une interprétation académique de la plus grande tradition...
Ma rencontre avec Elaine Sisman à New York, musicologue, auteur de plusieurs ouvrages dédiés à Haydn, a été un tournant. Pour nous deux, il est évident que Haydn a connu la musique de clavier de Scarlatti et a probablement travaillé ses Sonates. Elaine a écrit le passionnant article sur le sujet dans le livret du CD.
Les deux compositeurs ont le même langage : le clavier ! Le clavier est l'alphabet de leur langage propre. Ils composent avec humour, un amusement sans limites, une virtuosité à toute épreuve au service de l'humour et un sens achevé de la description. Paradoxalement ils se rejoignent le plus à travers leurs mouvements lents, d'une simplicité sans pareil et d'un naturel époustouflant qui rendent à cette musique une très grande profondeur.
Etes-vous parti des sonates de Scarlatti pour choisir toutes celles de Haydn ou bien est-ce l’inverse ?
J'ai à mon répertoire plus de 100 Sonates de Scarlatti. J'ai construit ce programme de façon totalement intuitive, afin de lier chaque Sonate de Haydn à une de Scarlatti. Dans chaque œuvre ces deux compositeurs racontent une histoire, créant des atmosphères si contrastantes. Les atmosphères m'ont guidé.
Les deux sonates « de jeunesse « de Haydn Hob XVI/6 et /10) sont dénommées « Partita » et « Divertimento », qu’est-ce qui justifie ces dénominations particulières et que pensez-vous de ces oeuvres par rapport à ses oeuvres plus tardives ?
Ce sont les titres donnés par Haydn au moment de leurs compositions. Ce sont des œuvres pour clavecin, des œuvres de jeunesse composées pour les élèves du compositeur. Œuvres post-baroques, et non de style galant comme on pourrait le croire, elles sont abouties. Elles méritent d'être jouées tout autant que les œuvres plus tardives ! L'humour est déjà contagieux ! La virtuosité au service de celui-ci est déjà très développée. Le mouvement lent de Partita est un chef-d'oeuvre de profondeur et de simplicité. Le final du Divertimento pourrait être une sonate de Scarlatti.
Les deux sonates de Haydn ( 23 et 24) ont été composées à une époque où certains considèrent que la musique de Carl Philipp Emmanuel Bach l’a influencé, qu’en pensez-vous ?
Il est évident que CPE Bach a fortement influencé Haydn à cette époque, sur le style, la forme. C'est un tout autre genre d'influence que celle qu'a eue Scarlatti sur sa manière d'aborder le clavier et de langage musical. Ces deux Sonates sont l'apogée des compositions de jeunesse de Haydn, si l'on peut encore parler de jeunesse. Elles sont totalement abouties. Haydn joue avec le clavier, les effets de contrastes sont géniaux, la virtuosité surprenante et jamais superficielle. Dans le dernier mouvement de la Sonate Hob XVI:24 il utilise son art subtil de la variation au service de cet éternel et infini humour. Quel panache !
Vous avez choisi de débuter votre disque par la sonate hobXVI/37 , qu’il a composé encore plus tard, que retrouvez-vous de "Scarlattien" en elle ?
Cette sonate je la lis comme un hommage de Haydn à Scarlatti. Elle comporte tout ce qui fait la musique de Scarlatti. Un humour ravageur, une virtuosité qui amuse l'interprète ! Puis ce contraste d'atmosphères avec un premier et dernier mouvements brillants et virtuoses entrecoupés d'un mouvement lent de trois lignes d'une profondeur lyrique époustouflante, d'une simplicité émouvante. L'une des plus belles pages du compositeur. Chiaro e scuro...
Certaines sonates de Haydn ont été écrites plus spécifiquement pour le clavecin, qu’en est-il des cinq Sonates que vous avez choisies et ressentez-vous ce fait dans les partitions ?
La Partita et le Divertimento ont été composés pour le clavecin. On le ressent dans l'écriture mais cela est totalement secondaire à mes yeux. À l'époque, il était rare de trouver un pianoforte. Même les sonates plus tardives composées pour pianoforte étaient jouées la plupart du temps sur clavecin.
Etes-vous aussi heureux quand vous jouez les sonates de Haydn que celles de Scarlatti qui invitait à l’être ?
Totalement ! Les trois jours d'enregistrement ont été un vrai bonheur! Se faire autant plaisir sur scène et partager ce bonheur avec le public est un privilège !
Quels sont vos prochains concerts et/ou autres projets, notamment avez-vous envie de vous consacrer à de la musique d’autres siècles ou au contraire vous sentez-vous particulièrement dans ce répertoire ?
Une tournée promotion aux Etats-Unis avec Elaine Sisman pour la promotion de ce disque dès septembre. Mon prochain enregistrement sortira en 2016, un enregistrement de trois concertos pour piano et orchestre de Mozart avec Rinaldo Alessandrini et son orchestre Divertissement, un orchestre sur instruments modernes que nous avons créé avec Rinaldo pour cette belle aventure. Ce répertoire est infini et j'ai encore beaucoup d'envies de découvertes... Mais la musique contemporaine m'intéresse beaucoup également.
Pour écouter
Domenico Scarlatti, sonate Kk 128
en si bémol mineur
Olivier Cavé, piano
avec l'aimable autorisation
du label Aeon
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