Swing,
Sing and Think
film de Bruno Monsaingeon
David Fray
enregistre
Jean-Sébastien Bach
Concertos BWV 1055, BWV 1056 et BWV 1058
Et
disque
Jean-Sébastien Bach
concertos BWV 1052,
BWV 1055, BWV 1056 et BWV 1058
David Fray, piano
Deutsche Kammerphilharmonie Bremen
Depuis qu'il a été lauréat au Concours
international musical de Montréal en 2004 le jeune pianiste
David Fray a parcouru un chemin remarquable et remarqué
notamment par le réalisateur Bruno Monsaingeon qui a choisi
de le filmer sur quatre jours lors des séances d'enregistrement
de son tout nouveau disque paraissant simultanément à
ce film chez Emi classics.
Il n'a pas échappé à l'oreille et l'oeil
avisés du réalisateur l'énergie vitale, la
beauté de son jeu, l'influx rythmique qu'il dégage,
son imagination et son charisme, d'ailleurs sa présence
est telle qu'aucun commentaire off n'a été rajouté.
L'intérêt de ce film, dont il sera possible de voir
une partie sur Arte dimanche 9 novembre 2008 à 19h, et
un court extrait en bas de cette page, est multiple : découvrir
la vision personnelle, du jeune pianiste sur ces oeuvres, présentée
avec enthousiasme, et donc permettre à un large public
de mieux les comprendre et apprécier, suivre son travail
et notamment mesurer les multiples échanges nécessaires
avec l'orchestre pour ajuster l'enregistrement, joindre l'image
au son pour trois des quatre concertos présents sur le
disque puisque ceux-ci sont donnés dans leur intégralité
en bonus, ce qui est un "plus" important pour ceux qui
n'auront pas la chance de pouvoir assister à l'un des concerts
que le pianiste donnera lors de sa tournée en France car
l'image contribue aussi au bon partage de la musique surtout lorsqu'on
est en présence d'un musicien particulièrement expressif
et dont certes la musique est d'ailleurs aussi très expressive.
Le disque quant à lui offre en plus le splendide Concerto
en ré mineur.
Cette nouvelle interprétation d'une grande vitalité,
et d'une belle sonorité naturelle est assurément
à découvrir sous quelque forme que ce soit(disque
ou dvd) ou les deux pour les curieux qui ont envie d'en entendre
plus et en savoir plus.
David Fray a bien voulu répondre à quelques questions
autour de ses disque et DVD :
Quest-ce
qui a déclenché votre envie d'enregistrer les concertos
de Bach ?
L'idée d'enregistrer ces concertos m'est apparue il y
a déja plus de deux ans lorsque j'ai signé un contrat
d'exclusivité avec Virgin classics. Cet enregistrement
était un contrepoids à mon avis nécessaire
après le disque plus conceptuel consacré à
Bach et Boulez.
Quappréciez-vous particulièrement
dans les concertos pour clavier de Bach , et notamment dans les
quatre concertos que vous avez choisis ?
Après le Bach savant et très contrapunctique des
suites francaises et partita je voulais m'"essayer"
au Bach plus immédiat des concertos pour clavier qui de
plus me semblaient permettre un développement plus poussé
encore d'un Bach ouvertement lyrique que j'avais commencé
à mettre en place dans mon précédent enregistrement.
Le choix des ces concertos s'est fait aussi en fonction de cette
préoccupation mais aussi surtout de l'intérêt
que je leur portais.
Lun deux a-t-il votre préférence,
pourquoi ?
Le ré mineur(Bwv1052) est incontournable et me semble
le plus réussi, le plus intense aussi, c'est aussi le premier
que j'ai travaillé mais j'avoue que le la majeur(Bwv1055)
me touche infiniment par sa joie de vivre mais aussi l'émotion
bouleversante de son mouvement lent, c'est d'ailleurs pour cela
que le programme d'Arte se concentre sur celui ci.
Dans le film de Bruno Monsaingeon vous
faites souvent référence au chant et à la
danse dans linterprétation des concertos de Bach,
quest-ce qui vous tient le plus à cur dans
linterprétation de ces uvres hormis ces références
au chant et à la danse ?
Il est vrai que pour cet enregistrement le lyrisme ainsi que
le rebond rythmique (d'où le titre du film) étaient
la base de tout. Il est parfois difficile de concilier les deux
et il est important que l'attention portée à l'un
ne diminue pas l'impact de l'autre. L'esprit de la danse est toujours
présent me semble-t-il chez Bach même si, comme dans
les suites ou partitas, celles-ci ne sont pas clairement annoncés.
Ce qui m'importait le plus était que l'enregistrement soit
rempli de cette vitalité extraordinaire que, parfois, le
disque stérilise quelque peu, et qu'ensuite il y ait un
style qui n'appartienne pas à une époque particulière
(2008 en l'occurence), que l'interprétation rende justice
à ce côté intemporel que possède la
musique de Bach. Il s'agit sans doute du plus difficile car il
est nécessaire d'avoir un certain recul dans le temps pour
savoir si cela a fonctionné ou pas. il y a un "noyau"
intemporel et immuable dans la musique de Bach que toute interprétation
quelque soit son parti pris ou son époque doit approcher,
même partiellement .
En quoi la musique de Bach offre-t-elle
des libertés à ses interprètes plus que celle
dautres compositeurs ?
Elle offre des libertés certes, en particulier dans l'ornementation
mais néanmoins seuls le goût , la culture et l'intuition
peuvent réellement rendre cette liberté légitime
.
Le fait quil y ait cette plus grande
liberté ne rend-il pas le travail avec orchestre plus difficile
?
Non, ces concertos, de par l'imbrication organique des parties
solistes et orchestrales, impliquent que l'on ait une idée
sur l'ensemble qu'elles forment, il me paraitrait incongru d'avoir
une idée d'interprétation pour la partie clavier
sans en avoir aucune pour ce qui est de l'Orchestre.
Et quelles libertés nouvelles avez-vous
donc prises par rapport à celles de vos prédécesseurs
au piano ?
Je serais bien incapable d'y répondre car j'essaie toujours
lorsque je me trouve face à une oeuvre de partir du texte
et de la musique sans considérer comme acquis ce que d'autres
(aussi géniaux soient-ils) ont pu en faire .
Dans le film vous exprimez par moment
votre « vision italienne » des concertos de Bach ,
avez-vous songé à jouer avec un orchestre de chambre
italien plutôt quun orchestre de chambre allemand,
pour cet enregistrement , pour quelles raisons avez vous choisi
cet orchestre ?
Je faisais en effet cette distinction car, en particulier pour
certains finals, Bach se réfère ouvertement au style
des concertos italiens, alertes, virtuoses , volubiles qui requièrent
une certaine légèrete. Les premiers mouvements,
plus allemands, par comparaison demandent un jeu plus plein et
charnu à mon sens et une pulsation un peu moins flexible.
Il va de soi que ces distinctions ne nécessitent pas forcément
un orchestre d'une nationalite particulière , lorsque celui-ci
est bon il sait differencier les styles et s'adapter.
Le
fait dêtre filmé au moment des répétitions
a-t-il été un handicap pour votre travail avec lorchestre,
cela notamment a-t-il ralenti celui-ci ou au contraire cela a-t-il
été un moteur supplémentaire ?
Non ni l'un ni l'autre, cela m'a par contre obligé à
m'exprimer avec clarté et à expliciter certaines
choses que d'habitudes je ne développe pas. Je ne perdais
jamais de vue le fait que le film se devait d'être également
accessible à un public qui n'était pas musicien
professionnel.
Quel travail avez vous fait en amont de
cet enregistrement tant seul quavec lorchestre ?
Un long et patient travail pour déterminer quels en seraient
le style et la couleur. J'ai essayé plusieurs options et
ai pris le temps d'observer laquelle, avec le temps, se détachait
avec le plus de conviction. Je suis arrivé à l'enregistrement
avec une ligne directrice très claire ce qui a rendu possible
de faire les répétitions et l'enregistrement en
assez peu de temps.
Comment avez-vous vécu personnellement
ces jours denregistrements, notamment cela a-t-il été
fatiguant, ces jours vous ont-ils paru trop courts ou au contraire
trop longs (combien dheures par jour travaillez vous ?)
?
Je dois dire que ma préparation m'a permis de surmonter
ces quatre jours très éprouvants pendant lesquels
je devais surtout me concentrer sur la cohésion avec l'orchestre.
Les journées duraient environ huit heures et je les terminais
avec un sentiment d'exaltation mais aussi une grande fatigue.
Comment ressentez-vous le fait dêtre
à 27 ans seulement ainsi suivi par la caméra de
Bruno Monsaingeon et que pensez-vous de votre chemin parcouru
depuis le Concours de Montréal ?
J'ai été très honoré que Bruno Monsaingeon
ait eu envie de filmer ce travail mais j'avoue qu'aujourd'hui
encore j'ai du mal à imaginer que quelqu'un puisse trouver
un quelconque intérêt à me voir travailler
, et ce même si je vois que Bruno Monsaingeon a su capter
ma personnalité et ma vision des oeuvres avec beaucoup
de justesse.
Sur le livret de votre disque il est indiqué
au sujet de Florain Donderer « leading concert master »
cela signifie-t-il que celui-ci a gardé un rôle quelconque
de direction que lon ne mesure pas bien dans le film de
Bruno Monsaingeon ?
Cela signifie que Florian Donderer est le leader de l orchestre,
n'étant moi même pas chef il faisait le lien entre
moi et le reste des musiciens et les a préparées
en amont. J'ai fait avec eux un travail de musique de chambre
quasiment, que Florian communiquait comme il a l'habitude de le
faire , les connaisant mieux que moi et ajustant les coups d'archet
et ce genre de choses en fonction de mes indications.
Votre visage que lon peut voir particulièrement
expressif dans le film de Bruno Monsaingeon montre combien lorsque
vous jouez vous êtes totalement pris par la musique, par
son écoute, par votre propre interprétation et celle
de lorchestre, nest-ce pas difficile de faire passer
des messages à lorchestre sans pouvoir faire de geste
puisque vos mains sont occupées à jouer ou votre
visage suffit-il en lui-même à lorchestre comme
repère ?
On m'a suffisamment reproché ce genre de "grimaces"-pour
certains- et je les vois moi-même sans plaisir. J'ignore
d'ailleurs en les regardant comment certains ont pu penser qu'elles
étaient destinées à me mettre en valeur alors
que celles-ci reflètent de manière imparfaite l'effort
et le travail en train de s'accomplir... J'ignore en revanche
si cela aide l'orchestre à comprendre mes intentions, si
tel est le cas alors elles ne sont pas totalement inutiles...
Votre disque sort au même moment
que celui dHélène Grimaud qui comporte aussi
le concerto en ré mineur, considérez-vous vos disques
en concurrence ou ne sont-ils pas au final complémentaires
même sil y a intersection ?
Je trouve très stimulant que plusieurs artistes donnent
leur vision d'une oeuvre qui est tellement riche qu'elle peut
en offrir une infinité. Le spectateur selon son goût
et sa sensibilité fait son choix, c'est déjà
le cas lorqu'il se rend dans un magasin et qu'il se retrouve face
à plusieurs versions. De plus les programmes diffèrent
puisque Hélène Grimaud offre un éventail
de ce que Bach a également inspiré à d'autres
grands compositeurs, ce qui est très intéressant
mais différent du projet que je propose.
Pour quelle raison ce concerto en ré
mineur est-il absent du DVD ?
Nous avons choisi pour le dvd les trois concertos les plus courts
ce qui permettait de faire un veritable documentaire sur le travail
effectué.
A voir un extrait du DVD , cliquez sur le triangle
Pour écouter des extraits et/ou vous procurer le disque... Cliquez
ici(amazon) ou cliquez
ici(fnac)
Pour vous procurer le DVD....cliquez
ici
(amazon) ou cliquez
ici(fnac)(attention contrairement à ce qu'il est indiqué
le concerto BWV1052 ne figure pas sur le dvd)