Si vous n'avez pas terminé vos achats de noël, voici
une idée de disque, édité par le label Aeon,
avec lequel vous serez certain de faire plaisir à son destinataire,
voire même de le rendre heureux. Il est peut-être
trop tard pour vous le procurer par internet aussi il reste à
espérer que vous le trouverez dans une boutique proche
de chez vous sinon réservez-le pour l'offrir au nouvel
an. Plus qu'un disque c'est aussi un petit voyage sous le soleil
de la baie de Naples que vous offrirez par ce bel enregistrement
du pianiste Olivier Cavé habitué à s'y promener
depuis son enfance, sa mère en étant originaire.
A l'âge de huit ans, il a un coup de foudre pour la musique
de Domenico Scarlatti, né dans cette "capitale de
la musique" le 26 octobre 1685, qu'il découvre sous
les doigts de Maria Tipo. C'est à son tour de permettre
à ces propres auditeurs d'avoir une passion pour cette
musique qu'il offre dans une interprétation lumineuse,
au toucher léger et délicat qui fait scintiller
la musique de mille étoiles colorées...décidement
une musique bien à propos pour les fêtes de fin d'années !
Olivier Cavé a bien voulu répondre à quelques
questions pour présenter son disque :
Que représente Scarlatti dans votre
répertoire, qu'appréciez-vous particulièrement
dans ses sonates, en jouez vous beaucoup parmi les 555 qu'il a
écrites ?
Domenico Scarlatti est un compositeur à part dans mon
répertoire. J'ai découvert très jeune sa
musique par le disque de Maria Tipo, sorti chez EMI. A 8 ans,
j'écoutais cet enregistrement en boucle. Cette musique
était si belle, si naturelle, je l'ai comprise immédiatement.
Elle est devenu une vraie passion. Ces compositions m'épatent,
m'étonnent et me surprennent après 22 ans de vie
commune ! Comment un compositeur des plus conventionnels,
composant de la musique vocale et de l'opéra sans réel
génie, a composé à partir de 50 ans, une
oeuvre de plus de 555 Sonates qui auront marqué la musique
pour clavier ? Domenico Scarlatti a inventé ses propres
règles. Il est pour moi le premier improvisateur moderne.
Il s'amusait, il inventait ou imitait la vie au clavier avec une
telle inspiration. Cet instrument était sa vraie nature,
son langage. Il le faisait chanter, pleurer, rire, certaines dissonances
inouïes le faisaient crier. Sa musique est empreinte d'une
liberté extraordinaire. On ne trouve quasiment aucune indication
de tempo ou d'interprétations sur la partition. Ses inspirations
étaient populaires. Paradoxalement, sa musique reste très
noble. Domenico Scarlatti est le musicien qui représente
le mieux le grand siècle des Lumières. Mon répertoire
se compose actuellement de 80 Sonates.
Comment
avez vous réalisé la sélection des 17 sonates
de votre disque parmi les 555 composées par Scarlatti,
selon quels critères les avez vous retenues , avez vous
notamment déjà eu l'occasion d'entendre la totalité
de ces 555 sonates et auriez vous éventuellement envie
d'enregistrer d'autres disques de sonates de Scarlatti ?
La sélection c'est faite le plus naturellement du monde.
Je ne peux passer une journée sans ouvrir l'un des volumes
des sonates de Domenico Scarlatti et d'en lire une nouvelle au
piano. C'est comme une histoire d'amour. Parfois je tombe amoureux
d'une sonate, je la travaille et je la mets à mon répertoire.
Avec le temps, l'histoire d'amour se termine, une autre sonate
arrive. Lorsque j'ai décidé d'enregistrer ce disque,
j'avais 20 Sonates que je jouais et je les ai enregistrées.
Ensuite, j'ai choisi les 17 qui sont sur le disque pour en faire
une "composition" harmonieuse. En choisissant le chiffre
17, j'ai voulu casser la "tradition" de jouer les sonates
par paires. Une "tradition" qui n'est pas du tout historique.
Ralph Kirkpatrick les a mises par paires dans son catalogue de
référence de l'oeuvre pour clavier de Domenico Scarlatti.
Cataloguer les Sonates est une chose, les jouer et les faire vivre
en est une autre. Pour moi, chaque sonate est une pièce
unique. 17 est indivisible...
Vu la place que tient Domenico Scarlatti dans ma vie de musicien,
je continuerai à enregistrer ses sonates. Le public m'en
redemande déjà ! J'ai lu et jouer les 555 Sonates
mais pour moi une intégrale n'a pas de sens. Nous n'avons
qu'une partie de l'oeuvre pour clavier de Scarlatti, de nombreuses
sonates ne nous sont pas parvenues. Cela a plus de sens à
mes yeux d'enregistrer celles qui me parlent le plus.
A quoi attachez-vous le plus d'importance
dans votre interprétation de Scarlatti , comment les travaillez-vous,
quelles sont les principales difficultés dans leur interprétation
? Et à l'inverse en quoi le fait de les jouer vous rend-il
heureux selon la " consigne " de Domenico Scarlatti
?
J'attache le plus d'importance à la spontanéité
et la fraîcheur de mes interprétations. Ce qui fait
toute la difficulté de cette musique. La plupart de ces
pièces demandent un grand travail technique. Une fois ces
difficultés surmontées, il faut retrouver la sensation
naturelle, colorée et improvisée de ces sonates.
Chaque trait technique difficile n'est jamais gratuit chez Monsieur
Scarlatti, mais il sert un effet, une atmosphère. La partition
ne contient aucune indication de tempo, nous sommes libres de
réinventer chaque sonate. La plus brillante de ses oeuvres
peut devenir une danse d'une tristesse absolue. Comme Pulcinella,
le personnage le plus célèbre de la comédie
napolitaine: sous son masque qui pleure, il a toujours le sourire.
C'est ce que j'admire le plus dans le génie scarlattien.
On ne peut faire plus "baroque". Cette liberté
qu'il nous offre ne peut que me rendre heureux !
Quels conseils avez-vous reçu d'Aldo
Ciccolini que vous remerciez de vous avoir aidé à
préparer ce disque , en quoi ont-ils été
importants pour vous et comment s'est réalisé votre
travail avec lui ?
Aldo Ciccolini est un grand ami et une personne très
importante dans ma vie de pianiste. Son immense expérience
de musicien m'a beaucoup enrichi. Aldo a écouté
plusieurs fois mes sonates. Il n'a jamais voulu toucher à
quoi que ce soit dans mes interprétations. Il tenait à
ce que cette musique reste mienne, personnelle et spontanée.
Lors de la préparation et de l'enregistrement, il m'a beaucoup
soutenu et encouragé.
En quoi notamment le fait d'aller très
souvent à Naples depuis votre enfance vous est-il utile
pour l'interprétation de ces pièces, qu'est-ce que
cette ville vous apporte plus particulièrement qu'une autre
?
Domenico Scarlatti est né à Naples en 1685, y
a grandi et a été formé par l'école
de musique baroque napolitaine. La seule lettre que nous possédons
de sa main, écrite à la fin de sa vie, est en langue
napolitaine. Il avait quitté Naples 30 ans auparavant !
Il est donc resté profondément napolitain. Le fait
d'avoir aussi vécu et grandit à Naples m'a aidé
à comprendre sa personnalité et sa musique.
Le peuple napolitain est un peuple unique au monde dont la liberté
et la vie sont une priorité dans son existence. Avoir vécu
dans ces rues bruyantes et vivantes, avoir appris à regarder
la vie avec les yeux d'un napolitain me l'a fait comprendre. Naples
n'a jamais été libre, mais toujours sous une domination.
Le napolitain a donc un besoin d'affirmer son identité
très fortement. On pourra tout lui prendre, mais jamais
son identité et ses racines: il est napolitain, libre d'être
lui-même. Domenico Scarlatti composait avec cette philosophie
de la vie ! Une liberté de créer ces propres
règles, son propre langage au clavecin. Les inspirations
hispaniques, italiennes, parfois française, ne sont qu'un
moyen pour improviser la vie au clavier avec joie et folie.
J'ai eu la chance de travailler avec la plus grande ambassadrice
de Domenico Scarlatti, Maria Tipo. La seule leçon scarlattienne
reçue de cette grande pianiste a été: "Tu
es napolitain, écoute ce que tu as en toi... et joue!"
Quels sont les " trésors "
que vous mentionnez avoir trouvés dans la bibliothèque
du conservatoire ?
Les 400 000 autographes manuscrits de la bibliothèque
du conservatoire de San Pietro a Majella, la plus grande collection
d'autographes au monde. Elle est un témoin de l'importance
et de la beauté de la musique baroque napolitaine. Avoir
pu me nourrir de toute cette musique a été un enrichissement
incroyable. Lire, toucher les manuscrits avec lesquels Domenico
Scarlatti a appris la musique, est une émotion indescriptible.
Il n'y pas plus enrichissant que de découvrir la musique
sur laquelle celle de Domenico a grandi.
Quelle est votre sonate préférée
?
La Sonate Kk 547, la sonate la plus "napolitaine"
de Domenico Scarlatti. Je l'imagine à Madrid, nostalgique,
composant cette sonate sur deux thèmes de la musique populaire
napolitaine... Dans le deuxième thème, on aperçoit
au loin le bel canto....
Olivier
Cavé, piano
Olivier Cavé est né en Suisse. Il a fait ses études
de piano au Conservatoire de Sion, puis au Conservatoire de Lausanne,
où il a obtenu son diplôme de piano avec un prix
spécial et les félicitations du jury. Il a également
suivi des master classes avec Maria Lilia Bertola à Milan
et Nelson Goerner à Genève. En 1995, il a rencontré
Maria Tipo et est entré dans sa classe à l'Ecole
de Musique de Fiesole.
Olivier Cavé a donné son premier concert en septembre
1991 accompagné de la Camerata Lysy sous la baguette de
Yehudi Menuhin. Il a collaboré avec des artistes comme
Alexis Weissenberg, Menahem Pressler, Arie Vardi, Aldo Ciccolini,
Howard Griffiths, Tibor Varga, Barbara Hendricks et Isabelle Huppert.
Il s'est produit en soliste avec l'Orchestre Symphonique de Düsseldorf,
le London Soloists Chamber Orchestra, l'Orchestra Galileo Galilei
de Fiesole, le Zürcher Kammer Orchester et l'Orchestre de
Chambre de Lausanne.
En juin 2000, Olivier Cavé a été finaliste
du concours Clara Schumann à Düsseldorf. Son interprétation
du 1er concerto de Chopin a été vivement appréciée
par Martha Argerich.
En 2002, il a interprété le 1er concerto de Beethoven,
retransmis par la RAI (télévision italienne) à
l'occasion de l'intégrale des concertos pour piano et orchestre
du compositeur, donnée en l'honneur des 70 ans de Maria
Tipo.
En 2003, il a été invité par la Scala de
Milan à l'occasion de la réouverture du Musée
et de la Bibliothèque du théâtre. Il y a interprété
des transcriptions d'opéras de Liszt sur le piano du compositeur.
Le 17 mai 2004, Olivier Cavé a sorti son premier disque,
intitulé " Réflexions ", sous le label
Deutsche Grammophon : un récital de musiques de Beethoven,
Schubert, Scarlatti et Schumann.
Son deuxième album, "Naples 1685-Domenico Scarlatti",
un récital de 17 Sonates du compositeur napolitain, est
sorti le 4 décembre 2008, sous le label Aeon. Une belle
collaboration se profile avec le nouveau label d'Olivier Cavé,
Aeon. Le prochain disque sera dédié aux Sonates
en mineur de Clementi.
Olivier Cavé se produit régulièrement en
Suisse, France, Italie, Allemagne et Etats-Unis.
Pour écouter la sonate en
sol majeur Kk547 de Scarlatti
interprétée par Olivier Cavé
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