Bienvenue sur pianobleu.com le site des amateurs de piano !
Maurice Emmanuel Sonatines Laurent Wagschal PIANO
Maurice
Emmanuel (1862-1938)
Les 6 sonatines
Première Sonatine « bourguignonne »
Deuxième Sonatine « pastorale »
Troisième Sonatine
Quatrième Sonatine « sur des modes hindous »
Cinquième Sonatine « alla francese »
Sixième Sonatine
Laurent Wagschal, piano
et film avec multiples entretiens et extraits musicaux : "La
rumeur du monde"
réalisé par Anne Bramard Blagny et Julia Blagny
Il est surprenant de constater que les éditeurs ont souvent
tendance à considérer les DVD qui accompagnent les disques
comme de simple "Bonus" alors qu'ils sont souvent essentiels
à la compréhension de la musique enregistrée sur
le disque qu'ils accompagnent... En l'occurrence celui de cet album
de la seule musique pour piano publiée par Maurice Emmanuel (car
il déchira nombre de compositions les jugeant pas assez originales
et seules sont restées ces six sonatines) s'avère indispensable
pour mieux comprendre la musique du compositeur Maurice Emmanuel, interprétée
par le pianiste Laurent
Wagschal qui une fois encore nous permet de découvrir l'oeuvre
pour piano d'un compositeur français injustement méconnu.
Un double album qui mériterait toutes les récompenses
pour tout ce qu'il apporte tant par la musique que les propos et images
!
Film indispensable en effet d'autant plus que l'une des causes possibles
à la méconnaissance de l'oeuvre de ce musicien plus que
complet ( musicologue, helléniste , pédagogue, compositeur...)
est probablement son érudition... Le fait qu'il soit, semble-t-il,
difficile à un musicologue d'être reconnu comme créateur,
est peut-être aussi lié à la difficile accessibilité
de ces oeuvres précisément par une complexité et
originalité de ce qu'il propose dans l'application pratique de
leur savoir et qui ne vont pas forcément "de soi" à
toutes les oreilles.
Il est indéniable que Maurice Emmanuel fut hors mode à
son époque dans tous les sens du terme, au féminin ou
masculin ( quoique allez savoir pouruoi le dictionnaire Petit Robert
(édition 1992) indique le terme "mode " musical comme
étant de genre féminin...). Maurice Emmanuel fut en effet
un précurseur dans l'utilisation de modes musicaux spécifiques
qui ne sont pas appris au conservatoire ni utilisés à
son époque mais qu'il a été en fait rechercher
dans l'héritage de l'antiquité grecque ou même de
vieilles musiques populaires, comme le firent certes d'autres compositeurs
plus tard (Bartok...) ou même d'autres avant aussi mais sans entrer
au coeur même de la musique ni en faire les liens entre elles,
Maurice Emmanuel considérant que la danse et le mouvement constituent
la source essentielle de toute musique... S'exprimer en France avec
des modes hérités de l'antiquité grecque était
sans doute très "osé" et lui valu même
d'être exclu de la classe de conservatoire de Leo Delibes !
Sans aucun doute évoquer l'homme et ses sources d'inspiration
pour un premier abord de sa musique pour le piano est indispensable,
ainsi ces différents modes musicaux sortis du "mode ut
tyrannique" , cependant expliquer dans le détail la
structure précise de ces différents modes musicaux pourrait
vite éloigner les auditeurs qui n'ont pas appris le solfège.
Heureusement ce film les présente très adroitement sans
aller trop loin dans des précisions techniques, et en s'attachant
surtout à parler de l'homme qui "est parti à la
recherche des trésors enfouis de la mémoire "
depuis ceux de sa région de Beaune jusque des terres lointaines
et anciennes, de ses multiples sources d'inspiration et le partage qu'il
en fit avec ses élèves... Heureux partage avec ses élèves,
ainsi nous le dévoile nombreux témoignages (ceux de la
petite fille du compositeur (Anne Eichner Emmanuel) , le violoniste
Alexis Gaspérine, un autre pianiste : Laurent Martin, le chef
d'opéra Dominique Rouits que l'on peut voir donner une masterclasse
à l'école normale de Paris, Henry Dutilleux qui fut un
de ses élèves (Messiaen le fut aussi) ...) et en présentant
aussi en parallèle une partie de sa musique puisque l'on peut
aussi voir Laurent Wagschal jouer une partie de ces sonatines, seul
ainsi qu'une "suite sur des airs populaires grecs"
avec le violoniste Alexis Gaspérine.
Laurent Wagschal qui ne s'exprime qu'en musique tant dans le film
que, bien sûr, dans le disque, a bien voulu répondre à
quelques questions avec une simplicité qui elle aussi vous permettra
d'en savoir plus sur cette musique et plus particulièrement les
oeuvres au piano que le compositeur très perfectionniste a conservé
pour leur originalité. A découvrir donc dans son interprétation
d'une grande clarté et précision, tant par ses doigts
experts que par son imagination rodée à de telles découvertes,
car cette musique laisse, explique-t-il, une grande liberté à
l'interprète par exemple en raison de l'absence d'indication
de nuances ! La petite fille de Maurice Emmanuel indique aussi que le
compositeur a fait éclater les limites de la musique en faisant
supprimer la barre de mesure... ce que l'on peut imaginer être
déroutant.
Une musique difficile à jouer pourrez vous le deviner en écoutant
le troisième mouvement de la quatrième sonatine "sur
des modes hindous" composée en 1920, exemple typique
des compositions de Maurice Emmanuel où comme le dit Alexis Gaspérine
"l'esprit dansemais ne nage pas" ! Vous pourrez
également découvrir plus bas dans cette page une vidéo
du premier mouvement de la première sonatine "bourguignonne"
composée dès 1893 dont le mode complexe est à découvrir
dans le livret , mais qui pour rester simple, s'inspire d'un chant d'enfants
de choeur tiré du carillon de trois notes de Notre-Dame de Beaune
, de la région natale du compositeur. Cela dit il faut aussi
lire le livret... mais après avoir vu le DVD et progressivement
en écoutant le disque avec la plus grande attention pour en apprécier
ce que son auteur, Harry Halbreich, qualifie de "substantifique
moelle" !
Maurice
Emmanuel est né la même année que Debussy, mais
sa musique est moins renommée, il ne semble pas avoir été
beaucoup célébré cette année, qu'en est-il
précisément année ?
Certes, il est bien difficile pour un compositeur de naître
la même année que Debussy ! Mais détrompez-vous,
à l'occasion du 150ème anniversaire de sa naissance, un
certain nombre d'événements ont eu lieu : concerts, conférences
et colloques. Divers ouvrages et enregistrements consacrés à
Maurice Emmanuel sont parus récemment, ainsi les ouvrages de
Christophe Corbier et Sylvie Douche et les enregistrements publiés
par Timpani : des mélodies, de la musique de chambre et des oeuvres
d'orchestre. Il faut aussi souligner le travail remarquable de réhabilitation
de sa musique effectué depuis de nombreuses années par
Anne Eichner, sa petite-fille; ainsi que le travail entrepris par Anne
Bramard-Blagny et Julia Blagny qui ont réalisé le DVD
documentaire en bonus avec le CD des sonatines.
Qu'est-ce qui explique à votre avis personnel
que ce compositeur soit moins apprécié et connu que Debussy,
alors que son oeuvre s'inspire de musiques "populaires" et
qu'en était-il à son époque ?
On peut avancer un certain nombre d'explications. La principale est
sans doute qu'il a pâti d'être reconnu comme un grand théoricien
et historien de la musique. Il s'est notamment passionné pour
la Grèce antique à laquelle il a consacré un certain
nombre d'ouvrages considérés encore aujourd'hui comme
essentiels. Cela a très certainement nui à sa reconnaissance
comme compositeur, sa connaissance très érudite et théorique
de la musique lui ayant paradoxalement causé du tort. De son
temps, il a obtenu pourtant l'estime et l'amitié de ses pairs
mais n'a jamais obtenu de consécration comme compositeur. Il
faut dire qu'il n'avait rien d'un arriviste : il détestait les
mondanités, ne fréquentait pas le salons et refusait de
flatter les gens de pouvoir. Enfin, si comme tant d'autres de ses compatriotes,
Maurice Emmanuel fait malheureusement partie des oubliés de l'histoire,
on est là face à une spécificité bien française
de ne pas reconnaître et célébrer ses propres musiciens.
Car en dehors de Debussy, Ravel et Fauré, connaît-on vraiment
les compositeurs français de cette période si (trop ?)
extraordinairement féconde ?
Savez-vous s'il en a souffert ou cela lui était-il
complètement indifférent et n'a aucunement changé
son point de vue créatif ?
Dès ses années d'études au Conservatoire de Paris,
Emmanuel s'est engagé dans un langage radical, prônant
la modalité et remettant en cause le système tonal (la
fameuse "dictature d'ut majeur"). Il s'est intéressé
aux modes anciens ainsi qu'aux musiques populaires, notamment ceux de
sa terre natale, la Bourgogne, qui toute sa vie seront pour lui source
intarissable d'inspiration. Il s'attire ainsi les foudres de son professeur
Léo Delibes, qui lui interdit de se présenter au concours
de Rome lui expliquant que "tant qu'il composerait de cette
manière, il ferait mieux de rester chez lui" ! Il ne
s'est donc pas présenté au concours de Rome, mais fidèle
à ses convictions, il a poursuivi sa voie propre sans subir aucune
influence et sans chercher l'approbation de quiconque : sa musique est
ainsi profondément originale et ne ressemble finalement à
rien d'autre qu'à elle-même. Il a été certainement
amer de ne pas avoir de reconnaissance, mais, conscient de sa valeur,
il espérait l'obtenir dans le futur, après sa mort.
Vous avez récemment également
enregistré un disque d'un autre compositeur qui leur est contemporain
: Gabriel Pierné, né en 1863, peut-on faire un rapprochement
entre ces deux compositeurs ?
Hormis qu'ils sont français et ont vécu à la
même époque, rien ne rapproche vraiment Pierné d'Emmanuel,
ils sont même radicalement opposés. S'il s'aventure également
dans la modalité, le langage de Pierné est beaucoup plus
tonal, dans une lignée post-romantique, tandis que celui d'Emmanuel
est plus moderne, novateur et s'inscrit d'avantage dans le 20ème
siècle que dans le 19ème. On peut noter par contre que,
pour tous deux, c'est finalement parce qu'ils ont excellé dans
un autre domaine (la musicologie donc pour Emmanuel et la direction
d'orchestre pour Pierné), que leur reconnaissance en tant que
compositeur a été compliquée.
Vous avez également enregistré
précédemment d'autres oeuvres de Maurice Emmanuel. Dans
quelles circonstances avez-vous découvert ce compositeur et qu'en
pensez-vous personnellement ?
C'est grâce à Stéphane Topakian, directeur du
label Timpani et infatigable défenseur des raretés de
la musique française que j'ai découvert la musique de
Maurice Emmanuel. Après avoir gravé l'intégrale
des mélodies et la musique symphonique, il m'a proposé
en 2010 de participer à l'enregistrement de sa musique de chambre
comprenant la sonate pour violoncelle et piano ; la sonate pour flûte,
clarinette et piano; la suite sur des airs populaires grecs pour violon
et piano (qu'on peut également entendre sur le DVD); la sonate
pour bugle et piano et le quatuor à cordes. Tout naturellement
il m'a proposé ensuite de "m'attaquer" aux six sonatines.
C'est une musique passionnante mais complexe. Du fait de sa profonde
singularité, ne ressemblant vraiment à rien d'autre, elle
est assez déroutante à la première écoute.
Comme d'autres musiques difficiles du 20ème siècle, c'est
une musique qui réclame du temps pour l'apprivoiser, s'imprégner
de son langage et en apprécier toute la quintessence.
On vous voit jouer chez la petite-fille du compositeur
; quel travail particulier de recherches avez-vous pu mener grâce
à elle et quels conseils ou documents particuliers vous a-t-elle
apporté ?
Non, Anne Eichner ne m'a pas révélé de secrets
bien gardés pour l'interprétation des sonatines ! Par
contre, sa rencontre, ainsi que celle avec Christophe Corbier, spécialiste
de Maurice Emmanuel, m'a permis de mieux connaître sa vie et comprendre
certains des aspects de sa musique.
L'auteur du livret indique que les sonatines
sont exigeantes pour l'interprète et requièrent une réelle
virtuosité. Qu'en pensez-vous personnellement ? Quel travail
technique particulier vous ont-elles demandé et qu'est-ce qui
vous a tenu le plus à coeur dans votre interprétation
?
Effectivement, malgré leur titre faussement évocateur
d'oeuvres faciles, il s'agit de pièces absolument redoutables.
Elles ne sont pourtant pas spécialement impressionnantes à
l'écoute; elles n'ont pas du tout la virtuosité tapageuse
de pièces écrites sur trois portées. Mais elles
ne "tombent" jamais vraiment sous les doigts et on a beaucoup
de mal à trouver de bons doigtés. A cet égard,
c'est une musique assez ingrate. Enfin, il est intéressant de
noter qu'il y a extrêmement peu d'indications sur la partition;
des pages entières n'ont par exemple aucune indication de nuances
! On peut considérer que le compositeur souhaite laisser ainsi
au pianiste beaucoup de liberté. C'est une musique qui exige
de l'interprète de l'imagination et un certain engagement. En
somme un vrai travail "d'interprétation". De ce fait,
d'une version à l'autre, on peut avoir des visions complètement
différentes.
Que pensez-vous de l'évolution du mode
créatif de ces sonatines ainsi que de leur source d'inspiration
?
Les deux premières sonatines composées en 1893 et 1897
sont déjà très originales pour leur époque,
comparées par exemple à ce que Ravel ou Debussy écrivent
au même moment (la Suite Bergamasque et la Pavane pour une Infante
défunte). La première intitulée "bourguignonne"
puise son inspiration dans les carillons d'églises et danses
populaires du Pays de Beaune. La seconde dite pastorale, très
poétique et d'écriture ondoyante, est composée
de trois parties inspirées par des chants d'oiseaux : la caille,
le rossignol et le coucou. Mais c'est à partir de la 3ème
sonatine écrite près d'un quart de siècle plus
tard, que le langage d'Emmanuel s'affirme, devient plus complexe et
plus audacieux. L'expression se fait aussi plus profonde et plus abstraite.
La quatrième utilise des modes hindous, tandis que la 5ème,
suivant l'exemple de Debussy et de Ravel, est un hommage à la
musique française du 18ème siècle. Elle est construite
comme une suite de danses (Courante, Sarabande, Gavotte, Pavane, Gaillarde
et Gigue) précédées d'une Ouverture avec son traditionnel
rythme pointé. Le cycle s'achève avec la 6ème sonatine,
qui résume bien les caractéristiques du style d'Emmanuel
: extraordinaire inventivité, vitalité et extrême
concentration du discours : tout est dit en quelques mesures. En trois
mouvements elle ne dure que 7 minutes ! Elle est dédiée
à Yvonne Lefébure qui a beaucoup défendu toute
sa vie la musique d'Emmanuel et a d'ailleurs enregistré trois
sonatines.
Quels sont vos prochains concerts et autres
projets ?
Toujours pour le label Timpani je viens de participer à l'enregistrement
des oeuvres pour vents d'André Caplet avec l'ensemble Initium.
Je suis également très heureux de la parution prochaine
pour le label Indésens d'un enregistrement des sonates de Franck,
Saint-Saëns et Pierné avec la violoniste Solenne Païdassi
qui a remporté le grand Prix du Concours Long-Thibaud en 2010.
Nous jouerons ensemble à Radio France le 17 décembre à
19h, puis au théâtre du Vésinet le 15 janvier. Je
jouerai également le 18 décembre avec le trio Saxiana
à la Grande Scène du Chesnay, puis le 21 décembre
au théâtre de Morlaix pour un concert de musique de chambre
autour de Mozart. Enfin, je suis très heureux de participer fin
janvier à la prochaine Folle Journée de Nantes consacrée
à la musique française.
Pour écouter
Maurice Emmanuel (1862-1938)
Quatrième sonatine "sur des modes hindous"
3ème mouvement - Allegro deciso
Laurent Wagschal, piano
avec l'aimable autorisation
du label Timpani
cliquez sur le triangle du lecteur
ci-dessous
Nouveau : Découvrez la carte de voeux 2013 avec
un morceau entier de ce disque !
Pensez à l'envoyer à tous vos proches en janvier
2013 ! Cliquez sur l'image
A voir Enregistrement pour le label Timpani le 28 avril
2012 à l'auditorium de Vincennes. Maurice Emmanuel Sonatine
bourguignonne 1er mvt - Laurent Wagschal
Pour visiter la page archive des
"Disques du moment"...cliquez
ici