LATINALMA Jean Pierre MAS PIANO
LATINALMA
Jean-Pierre Mas, piano
Sheyla Costa, voix
Elvita Delgado, voix
Juan José Mosalini, bandonéon
Pierre Barouh, récitant
Si l'actualité musicale de ses derniers mois montre que la
musique d'Amérique latine semble connaître actuellement
un regain d'intérêt, que ce soit dans le domaine de la
variété du classique ou du jazz, le pianiste catalan Jean-Pierre
Mas a toujours eu l'âme latine, pas seulement "juste avant",
pendant ou "juste après" son disque "(H)ombre"
paru il y a quelques années, mais depuis son enfance, et il avait
déjà choisi ce titre "pour affirmer cette latinité"
déclare-t-il dans l'entretien à lire ci-dessous, une latinité
proche de celle du musicien Claude Nougaro passionné de sonorités
brésiliennes qui déclarait à son sujet "Dans
le clavier miroitant de Jean-Pierre Mas, je reconnais mes reflets".
Le pianiste y partageait un très beau duo nostalgique : "Solamente
dos veces" avec le bandéoniste argentin Juan José
Mosalini dont la participation à ce nouveau disque "Latinalma
" ... "lui a paru évidente"
. Cette fois il partage notamment deux nouveaux duos avec ce musicien
qui n'ont rien à envier au précédent : "
Si te vas" et "A la sombra de la luna", dédié
à Youn Sun Nah. Une chanteuse qui n'est pas présente sur
cette enregistrement, par contre deux chanteuses d'Amérique latine
y participent dans des chansons distinctes : pour les chants en espagnol
Elvita Delgado, chanteuse vénézuélienne ayant fait
ses classes dans des revues musicales et , pour les chants en portugais,
Sheyla Costa brésilienne revendiquant comme influences Caetono
Veloso( l'un des plus populaires musiciens brésiliens) et....Janis
Joplin . Chacune a écrit les textes qu'elles interprètent
sur une musique originale de Jean-Pierre Mas, Elvita Delgado interprète
également la triste et célèbre chanson "Alfonsina
y el mar" composée par Ariel Ramirez (paroles de Felix
Luna).
Sheyla Costa a été forgée dès son enfance
à une rude école puisque l'on peut lire dans sa biographie
qu'elle est "née à Olinda au Brésil, elle
a débuté sa carrière de chanteuse à l'âge
de 9 ans dans une émission pour enfant présentée
par Paulo Marques à Recife. Sa voisine, Analice Krokowsky, époustouflée
par l'aisance étonnante de la gamine, convainc ses parents de
l'inscrire au concours de voix juniors à la chaîne SBT
locale. Repérée à cette occasion, Sheyla Costa
est alors invitée à chanter tous les week-end pendant
un an aux happy hours de 'Champagne', la boîte de nuit de l'hôtel
Boa Viagem à Recife, lieu renommé dans les années
80. Elle y développe l'expérience de la scène et
se confronte avec succès à un public adolescent irrévérencieux
et exigeant qui finit par en faire sa mascotte." ...
Quant à Elvita Delgado, qui ouvre le disque dans l'émouvante
chanson " Partir o seguir" (partir ou continuer) que
vous pouvez écouter plus bas dans cette page, c'est aussi très
jeune qu'elle a chanté sur scène : " née
dans l'état Lara, au nord-ouest du Vénézuéla.
Elle grandit dans un climat artistique grâce à un père
guitariste et à une mère professeur d'art Plastique. Elle
montre, dès son plus jeune âge, un intérêt
particulier pour la musique et le chant. Ses débuts dans la musique
ont été orientés sur le folklore vénézuélien,
et la musique ethnique de son pays (elle n'oubliera jamais ses propres
racines, tout le long de sa carrière). À l'âge de
7 ans, elle fait sa première apparition en publique en chantant
avec son quatro (une petite guitare de quatre cordes) au "Festival
folklorique de Lara", Venezuela devant un amphithéâtre
de 3000 personnes. Après, elle participe dans de nombreux festivals
nationaux et internationaux, obtenant de nombreux prix. Pendant son
adolescence, elle alterne ses études normales avec des classes
de chant avec le professeur Carlos Almenar Otero et des, classes de
danse par le Professeur Taormina Guevara. Elle reçoit la licence
d'éducatrice musicale et travaille pour l'éducation nationale,
enseignant aux enfants et aux jeunes des zones défavorisées
de sa ville natale."...
Deux chanteuses d'Amérique latine qui ont acquis très
jeunes une sensibilité et cette âme latine chère
au pianiste Jean-Pierre Mas, qui lui-même jouait déjà
dès l'âge de dix ans des tangos, boléros, tcha-tcha,
paso-dobles dans les bals populaires..." ce fut là mon
conservatoire personnel , j'ai appris la musique et la vie jusqu'à
l'âge de vingt ans... " confie-t-il . Musique qui va
du côté de l'ombre pour y chercher la beauté, et
cependant il n'est pas obligatoire d'être né en Amérique
latine, pour avoir cette âme ainsi le récitant Pierre Barough
convié également à ce disque , qui se revendique
comme "le français le plus brésilien"
et (connu notamment pour sa participation à la bande originale
du film "Un homme et une femme" ) la porte aussi en
lui. Il faut dire qu'il doit savoir, outre sa connaissance des musiques
brésiliennes qu'il a aimé dès sa jeunesse, ce qu'est
l'ombre( et le "soleil qui ouvre ses mains derrière le
rideau" lui qui dans son enfance a échappé au
pire pendant la seconde guerre mondiale caché dans le terroir,
dès l'adolescence a découvert et développer son
don pour l'écriture, et quelques années plus tard
a créé les éditions Saravah non pas grâce
au succès de "Un homme et une femme" mais juste
avant de... " son insuccès supposé".
Faute de moyens, le tournage fut interrompu et Pierre Barouh sollicita
des éditeurs dans l'espoir d'obtenir une avance permettant de
prolonger le tournage... Refus. C'est dans un réflexe ludique
que naquit l'aventure. À la vision des rushs, un distributeur
canadien finança le tournage. Six mois plus tard, Palme
d'or à Cannes, Oscar à Hollywood. Pierre Barouh ayant
toujours été disponible à la reconnaissance du
"talent des autres", alors que l'expression "World music
n'était pas encore apparue."...
Certes comme l'écrit Alain Gerber dans les notes de présentation
du disque ; ici ce n'est pas de la World music ..."mais ...."tout
le contraire ! Musique de la solitude de l'homme entre tous depuis beaucoup
plus de cent ans. Seul et toujours riche, toujours résonant de
la solitude des autres. Parce que la mélodie, de manière
encore plus énigmatique que le rythme et le tempo , contraint
à partager l'incommunicable" .. Mélodies langoureuses
et tristes, ici la danse n'a pas de rythmes endiablés, chansons
qui vont droit au coeur des âmes sensibles, même si l'on
ne comprend pas forcément les paroles puique seuls les textes
lus ont été traduits car "L'esprit de la langue
brésilienne ou espagnole sonne mieux dans la langue originelle,
ça sonne juste ... ", explique Jean-Pierre Mas, musiques
portant en elles un grand pouvoir d'émotion , chants douloureux
exprimés par des voix qui effectivement sonnent juste et sincères,
de même la musique au bandonéon, les textes lus ou encore
ces silences qui en disent long et auquels Jean Pierre Mas a toujours
prêté une attention particulière estimant qu'il
est "aussi important de jouer les notes ... et ce qui existe
entre les notes"...
Un disque à l'écoute duquel on ne doute pas un instant
que cette âme dite "latine" reste toujours en
vie même si le latin, née à Rome, est aujourd'hui
une langue morte, ses dérivées que l'ont peut écouter
ici dans cette musique autant jazz que latine, née de peuples
qui ont choisi de partir sur un continent de l'autre côté
de l'océan, traduisent une nostalgie à la fois unique
et universelle, et pourtant "les mélodies aujourd'hui
disparaissent de la musique de film et de la musique française"
constate amèrement Jean-Pierre Mas qui avec ce disque a choisi
lui de "partir en résistance" (voir la vidéo
de présentation en fin de page). Une résistance à
laquelle nombreuses personnes adhèrent déjà (nombreux
multiples clips de recommandations de ce disque paraissent sur youtube)
et "résistance" à laquelle piano bleu vous convie
aussi de vous joindre bien sûr !
En
espagnol ( et est-ce le cas aussi en catalan ?) votre nom " Mas
" signifie " plus " , pouvez-vous en dire un peu plus
sur vous notamment sur votre parcours et notamment les musiciens qui
ont compter pour vous apporter ou appris / cet instrument notamment
Claude Nougaro ) et la musique latine ? Combien de disques avez-vous
enregistré (comme leader ou accompagnateur) ?
Oui en catalan aussi MAS a la même signification PLUS , et même
si j'ai saupoudré certaines de mes musiques de fines épices
, je ne me suis jamais décarcassé , comme dirait Anne
Ducros , pour être le monsieur plus de la musique latine . J'ai
du enregistrer une quarantaine de disques , jazz et musiques de films
confondus, sous mon nom . En tant qu'accompagnateur ou arrangeur je
ne me souviens pas , aucun je pense , mais ... un oubli peut être
. J'ai appris le piano à cinq ans . Pablo Casals m'a pris sous
son aile , j'avais 9 ans . J'ai réalisé tard qu'il m'avait
conseillé de composer ...
A dix ans mon professeur de musique a demandé à mes parents
de m'envoyer au conservatoire de Perpignan , c'était à
cinquante kilomètres , bien trop loin pour un petit bonhomme
comme moi . J'ai commencé alors à jouer tous les week
end dans différents orchestres de bal , ce fut là mon
conservatoire personnel , j'ai appris la musique et la vie jusqu'à
l'âge de vingt ans...
Et c'est à ce moment là que j'ai découvert en les
jouant les standards de la musique latine .
A mon arrivée à Paris j'ai accompagné Michel Fugain
et son Big Bazar puis Nicolle Croisille , cela a duré un an ,
très vite j'ai pu vivre de ma propre musique , concerts , musique
de films , musiques pour la pub ... etc , et donc ne pas accompagner
des chanteurs pour gagner ma croûte .
Claude Nougaro était fan de mon premier disque , le mythique
" rue de lourmel " avec Cesarius Alvim , nous sommes
devenus amis à ce moment là ... et il a écrit
un très beau texte qui figure au verso de mon disque (H)ombre
: "Parmi les cas-talent que j'ai eu le bonheur de rencontrer,
le Catalan Jean-Pierre Mas se pose un peu là. Vêtu d'une
gaieté quasiment enfantine, sans doute parce que l'enfance dans
une profonde et belle région l'a imprégné de rayonnements
et de chaleur humaine. Comme un enfant il aime les jeux, une des choses
les plus sérieuses du monde, des jeux de verbe, de sons et même
de mets savamment composés. Au centre de cette ronde écolière,
règne le cercle d'un grand silence. Une statue oblongue le gouverne.
C'est un grand piano noir et blanc, ce bloc de silence qu'on ne touche
qu'avec la musique. Il attend les doigts de Mas pour chanter, pour jouer
le grand jeu des notes entre elles. Parfois la musique ne s'adresse
qu'à elle-même. Parfois, un chant s'élève
à la hauteur de votre bouche, prend l'esprit, occupe l'âme.
Il n'y a plus qu'à traduire les sons en sens-sons. Simple. Dans
le clavier miroitant de Jean-Pierre Mas, je reconnais mes reflets."
Il semble y avoir ses derniers temps une recrudescence
de musique latine pensez-vous que l'état actuel de
notre monde porte plus à la nostalgie qu'à la fête
? Et en ce qui vous concerne c'est autour de l'aspect nostalgique et
sombre de cette âme latine plus que celui festif lié au
soleil que vous avez choisi de composer et en ayant choisi une formation
réduite intimiste d'une formation de jazz , pour vous la beauté
musicale ne peut-elle être que dans la tristesse ou et est-ce
pas tout simplement votre véritable âme ?
La recrudescence vient du fait que le monde n'est pas gai non ? Cette
musique apporte l'envie de faire la fête , mais l'âme latine
est double , il y a parallèlement du rythme et de la nostalgie
. On peut danser en riant ou en pleurant... l'illusion du carnaval
comme disait Vinicius dans Felicidade une chanson du film " orfeo
negro " : la tristesse n'a pas de fin , le bonheur oui... Nougaro
écrit dans une de ses dernières chansons dont j'ai composé
la musique : " bonheur , tu nous fais souffrir c'est con tradictoire
... " Les gens de ma génération sont certainement
plus nostalgiques car ils ont connu des moments très doux à
tous points de vue , la parenthèse enchantée par exemple
... et là effectivement ... Un ciel tout bleu est pour
moi ennuyeux à regarder , je le préfère avec des
nuages ... du vent ... de la pluie ... des orages ... une
éclaircie ... un rayon de soleil ... C'est vrai la musique
gaie m'ennuie profondément surtout dans le classique , je préfère
les oeuvres dramatiques . Je ne dirai pas " le coté
sombre " mais plutôt le coté ombre ... j'ai d'ailleurs
intitulé (H)OMBRE un de mes précédents CD pour
déjà affirmer ma latinité .
Vous avez choisi une chanteuse Brésilienne
de langue portugaise et une chanteuse vénézuélienne
de langue espagnole, et un récitant de langue française
mais aucune voix italienne, les italiens sont également nombreux
en Amérique latine, pourquoi ses trois voix ?
Etant du signe de la balance j'oscille entre deux mondes, mon graphite
écrit en brésilien sur la page de gauche et lit en espagnol
sur la droite , puis j'inverse , mon coeur ballote entre ces deux
langues tellement musicales et expressives . Elles sont différentes
et pourtant complémentaires . L'espagnol : le drame ( yo te quiero
tanto que perdido la razon ... ) , le brésilen : la nostalgie
( eu quero mais de voce ... ) .
Je suis catalan , au mitan de ces deux expressions , le lyrisme mélodique
m'est vital , le placement rythmique nécessaire , le silence
indispensable ... J'ai provoqué la rencontre entre Sheyla
et Elvita .... Elvita , la voix grave d'une contre alto et le voile
d'une languide fumeuse de cigarillo . Sheyla , le médium chaud
et la subtilité rythmique d'une féline sauvage ...
Le summum de la complémentarité . Ce que je cherchais
depuis toujours en une femme je l'avais enfin devant moi en deux ...
Quant à Pierre Barouh il me tardait de le faire participer à
un de mes projets en tant que récitant , sa voix est le liant
de cette histoire .. Quoi de mieux que sa belle voix d'homme pour mettre
du lien entre deux femmes ... " un homme et deux femmes shabadabada
badabada"...
Dans la vidéo de Outnote records vous
dites qu'aujourd'hui il n'y a plus de mélodies dans les chansons
françaises... Le récitant Pierre Barouh lit des textes
traduits, par contre les chansons dont les textes ont été
pour ce qui concerne vos compositions écrits par les deux chanteuses
dans leur langue originale, pourquoi n'avez-vous pas eu envie de les
faire en langue française ( elles savent probablement aussi chanter
cette langue) afin qu'ils soient compris par un plus large publique
et pour palier à ce que vous constater dans la musique française
actuelle : un manque de mélodie ... ne serait-ce pas ainsi
redonner l'envie de réaliser des chansons françaises à
l'âme latine mélodique et dansante ?
L'esprit de la langue brésilienne ou espagnole sonne mieux
dans la langue originelle, ça sonne juste ...
Vous avez dédié " A la
sombra de la luna" à la chanteuse Youn Sun Nah, pourquoi
n'a-t-elle pas participé à ce disque et dans quelle(s)
circonstance(s) l'a-t-elle déjà chanté ?
Effectivement j'adore cette chanteuse ...
Outre la mélodie, l'harmonie est aussi
importante dans vos compositions expliquez-vous dans la vidéo,
pouvez -vous en dire plus à ce sujet notamment comment vous avez
travaillé pour enrichir les harmonies et en fait l'harmonie n'est-elle
pas pour vous encore plus importante que la danse ou plutôt le
rythme car les danses sont langoureuses dans votre disque ?
Comme je l'explique la mélodie c'est l'histoire , l'harmonie
c'est la manière de raconter l'histoire , les deux sont indissociables
. Les deux mamelles importantes de la musique sont le chant et la danse
(il y a bien sur différentes manières de chanter et de
danser) , s'il n'y a pas ces deux tétons je meurs de soif ...
il y a une troisième mamelle , inaudible pour certains , l'harmonie
... et c'est celle là qui différencie un minimaliste
anorexique d'un minimaliste nourrit au sein .
Aux côtés
de vos compositions personnelles vous avez choisi de mettre dans votre
disque "Alfonsina y el mar" , titre qu'on entend beaucoup
ces dernières années, et deux autres titres Corcovado
de Antonio Carlos Jobim également très connu et "
Les roses ne disent rien " ( un titre lu en français
qui est en fait une traduction de la chanson As Rosas Não Falam
de Cartola))... pourquoi ces trois chansons ?
C'est tout simplement que je les aime , qu'elles font partie de ma
vie ...
Êtes-vous
souvent allé en Amérique latine autrement qu'en musique
?
Je ne peux jamais dissocier la musique de ma vie .
Vous avez choisi d'ajouter un bandonéon,
que pensez-vous de cet instrument par rapport à l'accordéon
parfois aussi utilisé dans les musiques latines, quelle est sa
particularité sonore qui vous plait particulièrement ?
j'ai choisi l'homme , le musicien , avant de choisir l'instrument
et il se trouve qu'il joue le bandonéon , instrument qui me touche
particulièrement par ce qu'il raconte ...
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- Agnès Jourdain
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